L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
17 janvier : il y a 80 ans Raoul Wallenberg disparaissait au Goulag
Cette Journée Raoul Wallenberg a été instituée par le gouvernement du Canada pour rendre hommage, chaque 17 janvier, au diplomate suédois qui a sauvé la vie de dizaines de milliers de Juifs hongrois. De son côté, le Conseil de l’Europe a créé un prix décerné autour du 17 janvier pour perpétuer sa mémoire.
Une Journée Raoul Wallenberg a été instituée par le gouvernement du Canada pour rendre hommage, chaque 17 janvier, au diplomate suédois qui a sauvé la vie de dizaines de milliers de Juifs hongrois. De son côté, le Conseil de l’Europe a créé un prix décerné autour du 17 janvier pour perpétuer sa mémoire.
Avant son arrivée à la légation suédoise de Budapest à la mi-juillet 1944, quelque 430 000 Hongrois juifs avaient été déjà déportés vers Auschwitz. Sans aucune aide de la communauté internationale, Raoul Wallenberg parviendra à en sauver environ 100 000 juifs en six mois par des astuces et des coups de bluff, profitant de son statut de diplomate d’un pays neutre. Il a fourni des « passeports de protection » (Schutzpasses) à plus de 4 000 personnes juives. Il a aménagé des hôpitaux et des garderies, il mettra en place des soupes populaires et plus de 30 maisons protégées par l’ambassade suédoise où les juifs hongrois pouvaient se cacher. Quand des milliers de personnes juives seront contraintes à entreprendre la marche de la mort en novembre 1944, R. Wallenberg interviendra personnellement et à plusieurs occasions afin de sauver autant de personnes qu’il le pourra. Alors que les nazis avançaient vers Budapest et menaçaient de faire exploser le ghetto de la ville et de liquider les Juifs restants, il avertit les généraux nazis qu'ils seraient tenus responsables et traduits en justice, voire exécutés, pour leurs crimes de guerre et leurs crimes contre l'humanité.
Quand les Soviétiques ont libéré Budapest, Raoul Wallemberg a été arrêté et envoyé au Goulag, on ignore la date de son décès. Mais on connaît la date de son arrestation par les Russes : le 17 janvier 1945, qui est aussi celle de la disparition du diplomate suédois. Ni l’URSS ni plus tard la Russie n’ont accepté de donner la moindre information sur le sort de ce héros de la Seconde Guerre mondiale.
En 1985, Raoul Wallenberg s'est vu accorder le titre de citoyen d'honneur du Canada. En 2000, une loi a été votée prévoyant que dans l'ensemble du Canada, le 17 janvier de chaque année est désigné comme la « Journée Raoul Wallenberg ». Chaque 17 janvier les autorités canadiennes invitent toute la population à réfléchir sur la bravoure, la bienveillance et la compassion dont a fait preuve Raoul Wallenberg ainsi qu’à réitérer l’engagement des Canadiens à bâtir un pays encore plus fort et plus inclusif.
À l'initiative du Gouvernement suédois et du Parlement hongrois, le Conseil de l'Europe a créé le Prix Raoul Wallenberg, afin de perpétuer la mémoire des accomplissements hors du commun de ce diplomate suédois. Il est décerné depuis 2014, autour du 17 janvier, et récompense tous les deux ans les accomplissements humanitaires exceptionnels d'une personne, d'un groupe de personnes ou d'une organisation. En 2024, il a été décerné à Neva Tölle, une militante croate œuvrant pour la protection des femmes contre la violence domestique. Antérieurement, le prix Raoul Wallenberg avait récompensé les réalisations d’Elmas Arus (2014), une jeune réalisatrice rom de Turquie ; l’association grecque Agalià (2016), œuvrant sur l’île de Lesbos ; le Centre européen pour les droits des Roms basé à Budapest (2018) ; une pédiatre syrienne, Amani Ballour (2020) ; et Vincent Raj Arokiasamy (2022), un défenseur de la population défavorisée des « intouchables » en Inde.
Raoul Wallenberg a aussi été fait citoyen honoraire des États-Unis (qui lui dédie une journée, le 5 octobre), de l’Australie, de la Hongrie et bien sûr d’Israël. En revanche, la Suède qui n’a jamais été très à l’aise avec la Shoah, a longtemps été très discrète sur le sort subi par son diplomate. Elle a attendu 2001 pour reconnaître ses manquements, le gouvernement suédois avait alors présenté des excuses publiques à la famille de Wallenberg. En 2012, l’année où il aurait dû célébrer son 100e anniversaire, la Suède a organisé une année de commémoration en sa mémoire. Désormais, elle se souvient de son héros chaque 27 août, journée nationale de l'égalité des droits et du courage civique.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 16 janvier 2025
timbre poste canadien de 1,85 dollar émis en janvier 2013
16 décembre : le Kazakhstan affirme son indépendance
Le 16 décembre 1991, le Kazakhstan fut la toute dernière des républiques soviétiques à proclamer son indépendance à l’égard d’une URSS qui n’avait plus que dix jours à vivre. Aujourd’hui, le Kazakstan revisite sa longue période d’occupation russe puis soviétique et prend nettement ses distances avec Moscou.
Le 16 décembre 1991, le Kazakhstan fut la toute dernière des républiques soviétiques à proclamer son indépendance à l’égard d’une URSS qui n’avait plus que dix jours à vivre avant sa dissolution. Comme la plupart des républiques soviétiques, elle avait déclaré sa souveraineté dès le 25 octobre 1990, un jour dont l’anniversaire sert de fête nationale. Le 16 décembre n’en est pas moins une date importante car le Jour de l’indépendance (Тәуелсіздік күні) est tout de même gratifié de deux jours fériés, les festivités se prolongeant le 17 décembre.
Le Kazakhstan est resté longtemps proche de Moscou, au point l’appeler à l’aide lors des émeutes de janvier 2022. Les Russes avait aidé à rétablir l’ordre et Noursoultan Nazarbaïev, le président qui était arrivé à la tête du pays avant l’indépendance et qui s’était incrusté au pouvoir pendant près de trois décennies, avait été mis à l’écart. L’agression de l’Ukraine par la Russie va refroidir le Kazakhstan qui, depuis, prend ses distances, préférant décliner l’invitation de Moscou à intégrer les Brics.
Le 16 décembre est chaque année l’occasion pour les nationalistes, qui ont le vent en poupe, de dénoncer le colonialisme russe de jadis, la terrible famine de 1932 et la répression politique à l’époque soviétique, notamment celle l’insurrection de décembre 1986 dont le souvenir est réactivé par la coïncidence des dates d’anniversaire. Le 16 décembre 1986, le secrétaire général du PC kazakh, Guennadj Kolbin, prenait ses fonctions. Ce Russe parachuté par Moscou remplaçait Kunaev, un Kazakh, corrompu mais populaire. Cette nomination a provoqué les émeutes dites de Jeloqsan (décembre en langue kazakhe), violemment réprimées, mais perçue a posteriori comme le début de la renaissance kazakhe, d’où l’importance donnée aujourd’hui à ce double anniversaire du 16 décembre.
La météo annonçait des tempêtes et des chutes de neige pour ces deux jours fériés, la saison n’est jamais propice aux festivités en plein air. Dans les villages, on construit des yourtes y faire la fête. À Astana, la capitale, une grande réception est organisée au Palais présidentiel lors de laquelle le président Kassym-Jomart Tokaïev distribue médailles et décorations aux citoyens méritants. Pour l’occasion, beaucoup d’invités ont revêtu des costumes traditionnels.
À Almaty, ce 16 décembre, une cérémonie de dépôt de couronnes a lieu au monument de l'Indépendance sur la place de la République (ancienne place Brejnev). L'événement réunit des représentants du conseil des anciens combattants, de l'administration municipale, des organismes publics, des associations ethnoculturelles et des participants de l'événement de décembre 1986.
Le 17 décembre, des couronnes de fleurs seront déposées devant le monument « L'aube de l'indépendance », célébrant le 38e anniversaire de l'événement de décembre 1986. L’assistance marquera une minute de silence en souvenir des morts de la répression et les représentants religieux réciteront des versets du Coran.
Toute la semaine dernière, des concerts et des conférences ont été donnés. Dans un des principaux lycées de la ville, une réunion intitulée "Mes grands-pères aspiraient à l'indépendance », s’adressait aux lycéens. Tout un passé de lutte nationale et anticoloniale est en train de se construire.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 16 décembre 2024
25 octobre : la fête nationale kazakhe
Le Jour de la République commémore l'adoption de la Déclaration de souveraineté de la République socialiste soviétique kazakhe le 25 octobre 1990. 34 ans plus tard, le Kazakhstan est en train de prendre réellement et franchement ses distances avec la Russie.
Le Jour de la République (Республика күні) commémore l'adoption de la Déclaration de souveraineté de l'État de la République socialiste soviétique kazakhe, le 25 octobre 1990. Cette déclaration sera un premier pas vers l’indépendance du Kazakhstan, proclamée le 16 décembre 1991, soit dix jours avant la disparition de l’URSS. En effet, le Kazakhstan a été la toute dernière république soviétique à le faire.
Le Jour de la République a été officiellement déclaré fête nationale du Kazakhstan en 1995, puis rétrogradé en simple jour férié, au profit du 30 août (Jour de la Constitution), puis du 16 décembre (Jour de l’indépendance), et même supprimé, en 2009, de la liste des jours fériés par le président Nazarbaïev, puis, finalement, réinstauré en 2022 par le président Tokaïev, comme fête nationale (қазақстанның ұлттық күні).
Le Kazakhstan qui a déclaré son indépendance vis-à-vis de l’URSS, après la Russie elle-même, est resté longtemps très proche de Moscou. En décembre 2021, c’est encore l’armée russe, appelé par le nouveau président Tokaïev qui est intervenue pour le conforter au pouvoir face aux partisans de l’ancien président qui œuvraient en coulisse. Il faudra attendre l’invasion de l’Ukraine par Poutine pour que le Kazakhstan prenne ses distances, refusant d’envoyer la moindre troupe pour s’associer à cette folie.
Récemment, Astana déclinait la proposition de Moscou d’intégrer les BRICS, réunis non loin de là à Kazan, ce mois d’octobre 2024. En rétorsion, la Russie a aussitôt restreint ses importations de produits agricoles en provenance du Kazakhstan, notamment les légumes et les fleurs coupées. Le résultat, c’est que la Chine est devenue le premier partenaire commercial du Kazakhstan supplantant la Russie pour la première fois depuis que l'Empire russe a colonisé la région. Cette déclaration de souveraineté, commémorée chaque 25 octobre, est en train, 34 ans plus tard, de se concrétiser dans des faits.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 25 octobre 2024
24 août : l’Ukraine célèbre le 33e anniversaire de son indépendance
L'indépendance complète de l'Ukraine a été proclamée le 24 août 1991, suite de l’a déclaration de l’indépendance de la Russie elle-même, deux jours plus tôt, provoquant le démantèlement complet de l’URSS.
L'indépendance complète de l'Ukraine a été proclamée le 24 août 1991, suite de l’a déclaration de l’indépendance de la Russie elle-même, deux jours plus tôt, le 22 août, provoquant le démantèlement complet de l’URSS. Cependant, comme l’avaient fait la plupart des républiques soviétiques, le parlement de la RSS d'Ukraine avait déjà adopté une Déclaration de souveraineté de l'État de l'Ukraine le 16 juillet 1990, mais sans avoir jusque à ce 24 août 1991, sauté le pas de la séparation totale. Laquelle était justifiée par le fait que la Russie en faisait autant. L’URSS devait disparaître moins de quatre mois plus tard.
Est-ce une résurgence d’un État ukrainien ? Entre 1917 et 1920, plusieurs États ukrainiens distincts avaient vu le jour, mais chacun de manière éphémère. En 1921, la majeure partie de l'Ukraine a été intégrée à l'Union soviétique sous le nom de République socialiste soviétique d'Ukraine. Pendant les soixante-dix années suivantes, l'Ukraine a fait partie de l'URSS.
Le Jour de l'indépendance de l'Ukraine (День Незалежності України) est célébré chaque 24 août depuis 1992. Cette année, les célébrations publiques dans la capitale sont annulées en raison des risques de bombardement russe. En 2014, début de l’occupation russe du territoire ukrainien, Moscou avait choisi le 24 août pour lancer une offensive sur la ville de Ilovaisk. Et, il y a 6 mois jour pour jour, le dictateur Poutine lançait la destruction de l’Ukraine.
Le 24 août 2023, a été marqué par un fait d’armes symbolique, néanmoins très important. Des soldats d’élite ukrainiens sont parvenus à mettre pied sur le sol de la Crimée, détruisant quelques cibles bien choisies, et surtout plantant le drapeau ukrainien, le premier depuis 2014 sur ce territoire occupé par la Russie. En 2024, l’Ukraine occupe depuis plusieurs semaines, une portion du territoire russe…
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 23 août 2024
25 juin : la Journée de l’unité slave, pur produit de la propagande russe
Depuis l’éclatement de l’URSS et la disparition de la Yougoslavie, les Russes célèbrent chaque 25 juin une Journée de l'amitié et de l'unité des Slaves. Une célébration d’origine soviétique visant à imposer la prééminence de Moscou sur l’ensemble du monde slave.
Depuis l’éclatement de l’URSS et la disparition de la Yougoslavie, les Russes célèbrent chaque 25 juin une Journée de l'amitié et de l'unité des Slaves (День дружбы и единства славян) « visant à rappeler aux peuples slaves leurs racines historiques et culturelles communes et à encourager la préservation de leurs liens séculaires les uns avec les autres ». Cette fête qui fait partie intégrante de la propagande russe, n’est guère marquée qu’en Russie, pays qui martyrise depuis dix ans les Ukrainiens, le peuple slave qui lui est le plus proche, et qui effraie ses cousins occidentaux en premier lieu les Polonais pour qui l’amitié slave rappelle les mauvais souvenirs de l’emprise russe sur leur pays à l’époque tsariste comme à l’époque soviétique.
L’origine de cette journée instituée dans les années 1990 est à chercher dans le Festival mondial de la jeunesse slave créé en 1957 en Union soviétique. Chaque année, il avait lieu à la frontière de la Russie, de l'Ukraine et de la Biélorussie, qui étaient à l'époque des républiques de l'Union soviétique. Un Monument de l’amitié y avait été édifié pour bien marquer les esprits et des représentants des pays « frères », les États slaves sous domination soviétique (Polonais Tchécoslovaques, Bulgares), étaient également invités à ce grand rassemblement destiné à monter que les peuples slaves ne faisaient qu’un et que sa tête était à Moscou. Aujourd’hui, cette célébration n’a guère d’écho auprès des 300 millions de Slaves vivant dans le monde. Quant à l’influence culturelle de la Russie, elle est en chute libre, y compris dans le monde slave.
Cette manifestation dans laquelle l’Église orthodoxe russe est aujourd’hui largement impliquée laisse peu de place au néopaganisme slave qui a tenté, un temps, de lancer un mouvement qui n’a pas entrainé grand monde.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 25 juin 2024
Image de la propagante russe
Le Monument de l'Amitié, érigé à la frontière entre la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie, en 1975 - en l'honneur du 30e anniversaire de la Victoire dans la Grande Guerre patriotique - est communément surnommé les « Trois Sœurs ». Ce sont trois stèles blanches reliées par un grand anneau. Les bas-reliefs de l'anneau représentent des étapes marquantes de l'histoire commune des trois peuples « frères ». C'est là que se tenait chaque année le 25 juin le fameux festival international «Unité slave» et qu'un camp d'amitié pour les jeunes était organisé. Il n’est plus aujourd’hui qu’un vestige dérisoire d’une époque à jamais révolue.
4 mai : la Lettonie fête le rétablissement de son indépendance
Ce samedi 4 mai, on célèbre le 34e anniversaire de l’annonce du rétablissement de l'indépendance de la république de Lettonie. C’est l’une des deux journées patriotiques importantes du pays, avec le 18 novembre. Deux dates en rupture avec son histoire soviétique. C’est aussi un week-end de trois jours, bienvenu avec l’arrivée du printemps.
Ce samedi 4 mai, on célèbre le 34e anniversaire du rétablissement de l'indépendance de la république de Lettonie. Les Lettons tiennent tout particulièrement à ce que la proclamation d’indépendance prononcée par le Soviet suprême de Lettonie le 4 mai 1990 soit considéré comme une restauration. Car ils insistent sur le caractère illégal de l’occupation militaire soviétique du 17 juin 1940, suivie un mois plus tard par de fausses élections entérinant la disparition de la république de Lettonie fondée le 18 novembre 1918. L'indépendance totale ne sera, en fait, rétablie que le 21 août 1991, après la fin d’une période de transition. Mais le 4-Mai, célébré sous le nom de Jour de la Restauration de l'Indépendance (Neatkarības atjaunošanas diena), est un jour férié majeur pour les Lettons.
Les festivités de ce 34e anniversaire commencent à 10h30 par une cérémonie solennelle de dépôt de fleurs au Monument de la Liberté, à Riga . De 12h à 13h30, un défilé de fanfares scolaires dédié au Jour de l'Indépendance se déroule sur la place Brīvības .
Puis, de 13h00 à 20h00, un rassemblement de personnes portant le costume national a lieu à Rātslaukum, dans le vieux Riga, accompagné d’un concert festif. À partir de 13h20, une procession festive suit l'itinéraire Kalķu iela - Brīvības laukums, pour, à nouveau, déposer des fleurs au Monument de la Liberté. Pour l’occasion, tout le monde est invité à porter le costume national en l'honneur de la Lettonie.
Ce même jour se déroule la Journée des forces armées nationales (Nacionālo bruņoto spēku diena) qui cette année a lieu à Rezekne. Traditionnellement, le 4 mai, les Forces armées nationales organisent un défilé militaire dans l'un des lieux historiques de Lettonie. L'année dernière, l'événement avait eu lieu à Alūksne, en Vidzeme, mais cette année, l'honneur d'accueillir l'événement revient à Rezekne, en Latgale.
L'événement débute à 9h00 avec un service dans la cathédrale catholique romaine du Très Sacré-Cœur de Jésus, à Rezekne, suivi, à 11h. d’un défilé militaire des forces armées lettones et étrangères, des gardes-frontières de l'État, du service national d'incendie et de secours, de la police… Une cérémonie est prévue au d'État et de la Jeune Garde au Monument de la Libération de Latgale « Unis pour Lettonie ".
Comme cette année, le 4 mai tombe un samedi, lundi sera férié et chômé, ce qui offre aux Lettons un week-end de trois jours alors que le printemps pointe son nez. Ce samedi est presque estival, mais ce sera moins le cas lundi.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 3 mai 2024
Le le 4 mai 2002, (de gauche à droite) : Indulis Bērziņš (alors ministre des Affaires étrangères), Jānis Straume (alors président de la Saeima), Vaira Vīķe-Freiberga (alors président de la République) et Andris Bērziņš (alors Premier ministre) déposent des fleurs au Monument de la Liberté, à Riga, lors des célébrations du 4 mai.
20 janvier : Les Ukrainiens n’oublient pas la Crimée
Alors que l’URSS était moribonde. Les Criméens organisaient un référendum visant à proclamer la souveraineté retrouvée d’une République socialiste soviétique autonome de Crimée. 94% ont voté oui, c’était le 20 janvier 1991. C’est cet anniversaire qui est célébré aujourd’hui afin de contester l’occupation et l’annexion de la péninsule par la Russie depuis presque 10 ans.
Cette Journée de la République autonome de Crimée (День Автономної Республіки Крим) a été célébrée pour la première fois le 20 janvier 2015. Quelques mois auparavant, la Russie envahissait et annexait la péninsule de Crimée.
Une République socialiste soviétique autonome de Crimée avait été créée en 1921 au sein de la République socialiste fédérative soviétique de Russie, sur ce qui était jadis le Khanat de Crimée. Mais Staline avait aboli cette république autonome pour rétrograder ce territoire au rang de simple oblast (région). Après la mort de Staline en 1953, le nouveau dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev a transféré cet oblast de Crimée à la République socialiste soviétique d'Ukraine. Le transfert fut officialisé en février 1954.
Alors que l’URSS était moribonde. Les Criméens organisaient un référendum visant à proclamer la souveraineté retrouvée d’une République socialiste soviétique autonome de Crimée. 94% ont voté oui, c’était le 20 janvier 1991. C’est cet anniversaire qui est célébré aujourd’hui.
Le statut autonome de la Crimée a été officiellement rétabli le 12 février 1991. Le 24 août, l'Ukraine a déclaré son indépendance de l'Union soviétique, laquelle disparaissait en décembre 1991. En février 1992, la RSSA de Crimée était rebaptisée simplement République de Crimée. En juin, elle obtenait le statut de république autonome au sein de l'Ukraine. Tou ce processus institutionnel et démocratique n’apporte aucun argument à Moscou pour réclamer de rattacher la Crimée à la Russie, c’est pourtant ce qui a été fait pas la force en mars 2014.
Selon les traités internationaux en vigueur, la Crimée fait toujours partie intégrante de l'Ukraine. Cela a également été reconnu par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution de 2014. Et aujourd’hui, la Crimée continue d’être soutenu de toutes les manières au niveau international, comme le prouve le forum de la Plateforme de Crimée. En 2023, des délégations gouvernementales de 45 pays ont participé à la conférence : les États-Unis, tous les membres de l'UE, la Géorgie, la Moldavie, la Turquie, la Macédoine du Nord, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, le Canada et l'Islande. Parmi eux figurent neuf présidents, quatre premiers ministres, 14 chefs des affaires étrangères, ainsi que d'autres hommes politiques et ambassadeurs. C’est-à-dire tous les pays de l’UE et de l’OTAN, les pays du G7 au complet et les pays du format Normandie, à l’exception de la Fédération de Russie.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 18 janvier 2024
6 octobre : jour de deuil au Turkménistan
Le Turkménistan se souvient du séisme qui a couté la vie à 176 000 habitants, soit plus de 10 % de la population du pays à l’époque. Le 6 octobre 1948, à 20 h 12, un séisme d'une magnitude 9 sur l’échelle de Richter détruit totalement la ville et la région d'Achgabat.
Aujourd’hui, le Turkménistan se souvient du séisme qui a coûté la vie à 176 000 habitants, soit plus de 10 % de la population du pays à l’époque.
Le 6 octobre 1948, à 20 h12, un séisme d'une magnitude 9 sur l’échelle de Richter frappe la ville et la région d'Achgabat durant 7 secondes. la ville entière est détruite et se retrouve coupée du monde. C’est l’une des 10 grandes catastrophes naturelles du XXe siècle. Elle est peu connue car l’URSS avait refusé toute aide extérieure et a attendu 40 ans pour admettre l’ampleur des destructions et la mort de la grande majorité des habitants de cette ville située très loin de Moscou.
Au Turkménistan, le 6 octobre est férié depuis 1995, c’est un Jour de deuil (Hatyra Guni). Un musée-mémorial a été construit au centre d'Ashgabat. Des milliers de personnes viennent chaque année le 6 octobre s’y recueillir.
La ville, située à la frontière avec l’Iran, a été reconstruite, dans le style soviétique, mais tout en marbre blanc, grâce aux revenus du pétrole.
Cette journée du souvenir sert aussi de Jour de mémoire pour les victimes des guerres, en remplacement de la date du 12 janvier qui lui était consacrée jusqu’en 2014.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
5 mars : Staline, mort il y a 70 ans, se porte de mieux en mieux
Staline est mort le 5 mars 1953. Des milliers de personnes viennent lui rendre hommage, partout en Russie. La nostalgie de l’URSS est largement entretenue par le régime du dictateur Poutine. Lequel a encore, récemment, inauguré une nouvelle statue de son homologue soviétique.
Chaque année, pour l’anniversaire de la mort de Staline (годовщина смерти сталина), Vladimir Poutine évoque le grand homme, la Grande Guerre patriotique et la Grande Russie, dénommée URSS, sur laquelle il régnait. L’hymne soviétique, dans une version rénovée, est à nouveau utilisé. Une nouvelle statue de Staline a encore été inaugurée par Poutine en janvier 2023. L’image du dictateur soviétique a été complètement remise au goût du jour par le dictateur russe.
Chaque 5 mars, la foule des admirateurs du « Petit père des peuples » se presse dans un coin de la place Rouge pour lui rendre hommage. Staline est responsable de la mort et de la déportation de plusieurs de dizaines de millions de personnes. Et pourtant, il continue d’être admiré en Russie par une partie croissante de la population.
Les mauvais souvenirs sont désormais bannis des manuels scolaires. Il n’est plus question des purges (700 000 personnes exécutées rien qu’en 1937-1938) ni des déportations, du Goulag, des famines, de la censure et de la propagande. En décembre 2021, l’association Mémorial a été dissoute. C’est elle qui depuis les années 1980 avait courageusement raconté l’histoire des millions de victimes du dictateur soviétique. Que va faire Poutine de l’extraordinaire fond de documentation des exactions de Staline qu’elle avait constitué en quatre décennies d’investigation ? De Staline, la jeunesse ne doit connaître que sa gloire de co-vainqueur de la Seconde Guerre mondiale et la puissance d’une URSS qui dominait un espace allant de l’Allemagne à la Mongolie. Selon un sondage de l’institut Levada publié en 2019, plus de 70% de la population russe estime que Staline a joué un rôle positif dans l’histoire du pays. Ils étaient deux fois moins nombreux au début des années 2000. Des nostalgiques de l’époque soviétique viennent ainsi fleurir tous les ans sa tombe sur la place Rouge, à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, le 5 mars 1953. Et ils sont de plus en plus nombreux à le faire.
En décembre 2021, lors du traditionnel dernier tournoi de hockey de l’année, à Moscou, l'équipe russe est entrée sur la glace vêtue d'un uniforme soviétique, enthousiasmant un public qui agitait le drapeau soviétique. Nostalgie quand tu nous tiens ! Berlin 1953, Budapest 1956, Prague, 1968, Gdansk 1981,… Minsk 2020, Kiev 2022… la logique est la même aux yeux du bon peuple russe.
En octobre 1961, le corps de Staline a été retiré du mausolée de Lénine, sur la place Rouge, à Moscou, pour être placé, plus modestement, dans la nécropole près du mur du Kremlin. C’est la que la foule de ses admirateurs lui rend hommage chaque 5 mars.
En Géorgie, à Gori dans sa ville natale, on n’avait déboulonné sa statue qu’en 2010. Pour finalement la ressortir en 2013 et la placer devant le musée qui a été constitué à sa gloire. Chaque 5 mars, des centaines de personnes viennent lui rendre hommage. Une cérémonie est organisée dans une église, avant un bon repas pris dans le meilleur hôtel-restaurant de la ville, chez “Joseph”, bien sûr. On peut y déguster les plats préférés de Staline et réserver sa chambre.
Un attachement quasi religieux pour certains
À Kaspisk, au Daghestan, une rue de la ville a été renommée en l'honneur de Staline… Staline est aussi largement fêté pour son anniversaire officiel, chaque 21 décembre ainsi que le 9 mai, journée où il est mis à l’honneur par Vladimir Poutine, lequel a pris ses distances avec Lénine qu’il accuse d’avoir entrainé la perte de l’URSS en en faisant dès l’origine un État fédéral, mais pour mieux valoriser Staline, le héros de Stalingrad. En janvier 2023, le dictateur Poutine inaugurait encore une nouvelle statue de son glorieux prédécesseur, c’était à Volgograd, l’ex-Stalingrad, bien sûr. Dans le discours que Poutine sert aux Russes, le vainqueur de 1945 a éclipsé le tyran de la Grande Terreur. S’attaquer à Staline revient, pour Poutine, à participer au complot ourdi par les Occidentaux visant à faire de la Russie un pays de second rang. Le discours de la Grande Patrie et de la Russie éternelle fonctionne sur la majeure partie de la population qui n’en a jamais connu d’autre. Le culte du grand homme n’est pas sans rappeler les sentiments qui animaient autrefois la paysannerie russe à l’égard du tsar Nicolas II.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 4 mars 2022
Un pastiche qui en dit long sur la relation entre les deux hommes.
2 février : fêter les 80 ans de la bataille de Stalingrad pour légitimer l’agression de l’Ukraine ?
Pour les Russes, Stalingrad est devenue le symbole même de la victoire sur le nazisme, la bataille occupe une place centrale dans le patriotisme que promeut le Kremlin. Poutine participe à la célébration pour légitimer sa guerre de destruction lancée contre l’Ukraine, un État présenté par la propagande du Kremlin comme un État nazi.
Pour les Russes, Stalingrad est devenue le symbole même de la victoire sur le nazisme, la bataille occupe une place centrale dans le patriotisme que promeut le Kremlin. Chaque année, le 2 février est célébré comme une véritable fête nationale. Pour ce 80e anniversaire de la bataille de Stalingrad (80-летие Сталинградской битвы), le dictateur Poutine présent à Volgograd, redevenue Stalingrad le temps d’une journée (provisoirement car les habitants de la ville sont majoritairement opposés au changement de nom). Il est là, avant tout, pour légitimer sa guerre de destruction lancée contre l’Ukraine, un État présenté par la propagande du Kremlin comme un État nazi.
Le musée de la bataille de Stalingrad, un lieu de pèlerinage aussi incontournable qu’émouvant pour les Russes, accueille chaque 2 février des cérémonies de remise de décorations pour les familles de soldats tués en Ukraine. Poutine le visite ainsi que kourgane Mamaïev (Мамаев Курган), la coline où se trouve le mémorial de la bataille, pour y déposer une gerbe à la flamme éternelle située dans le hall de la gloire militaire. Le programme de la visite comprend également le discours du président lors d'un concert dédié au 80e anniversaire de la défaite des troupes nazies. Dans le musée du panorama, l’objectif de la visite du chef de l'État est la rencontre de représentants d'organisations publiques patriotiques et de jeunesse. Une entrevue entre Vladimir Poutine et le gouverneur de la région de Volgograd Andrey Bocharov est également au programme.
Après six mois de combats, la bataille s’achève le 2 février 1943 par la reddition du feld-maréchal von Paulus, de son état-major et de ses… 110 000 soldats. Il y a 80 ans jour pour jour. C’est la plus longue bataille jamais menée en Europe, son bilan est effroyable : la ville, qui comptait 600 000 habitants, a été rasée à près de 90 %. Au total, 1 million de soldats russes ou ukrainiens et 700 000 militaires allemands, roumains, italiens, hongrois et croates ont été tués, blessés ou disparus. Aujourd’hui encore, les steppes entourant la ville rendent chaque année des centaines de corps de soldats des deux camps. En 2022, plus de 1200 militaires de l’Armée rouge ont encore été retrouvés.
Volgograd, comme Coventry ou Hiroshima, fait partie du réseau international des cités martyres de la Seconde Guerre mondiale. L’ex-Stalingrad, auquel François Mitterrand a décerné la Légion d’honneur en 1984, est l’otage de son histoire tragique. La bataille de Stalingrad regroupe en réalité une succession de combats qui se sont tenus entre le 17 juillet 1942 et le 3 février 1943 dans la ville du même nom et à ses alentours. La défaite allemande marque le début du retournement de la Seconde Guerre mondiale vers la victoire des Alliés. La bataille est tous les livres d’Histoire autant en Occident qu’en Russie. Cela dit, Stalingrad ne constitue pas la fin des victoires allemandes et le retournement de la guerre s’est aussi joué à Guadalcanal, dans le Pacifique, où les Américains ont écrasé les Japonais ainsi qu’en Afrique du Nord, avec l’opération Torch, le premier débarquement allié puis la victoire d’El Alamein, remportée par les Anglais face à l’Afrika Korps d’Erwin Rommel
Aujourd’hui en Russie, la bataille est devenue un véritable objet de propagande. Les cérémonies des dernières années célébrant Stalingrad sont bien plus pompeuses qu’à l’époque soviétique. Cette année, la mémoire de cette boucherie est difficilement dissociable de celle qui se produit depuis presque un an en Ukraine à l’initiative de Moscou.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 1er février 2023
Staline va bien, il se porte même de mieux en mieux. À Volgograd, face au musée, une statue du « petit père des peuples » a été inaugurée ce 1er février. Le dictateur soviétique y figure (au centre), entre Georgy Zhukov et Alexander Vasilevsky, les deux héros de la bataille de Stalingrad.
À Paris, la célèbre victoire a été commémorée par un groupuscule de communistes prorusses, le PRCF, au métro Stalingrad bien sûr.
21 décembre : l'anniversaire de Staline, gloire de la Russie éternelle
À Moscou, la manifestation organisée par le parti communiste rassemble quelques milliers de personnes, pas uniquement de vieux nostalgiques de son régime. Beaucoup de jeunes y participent. D'année en année, elle connaît un succès croissant fortement encouragé par le régime de Poutine.
En Russie, le dictateur est revenu vraiment en grâce depuis quelques années. À Moscou, la manifestation organisée par le parti communiste rassemble quelques milliers de personnes, pas uniquement de vieux nostalgiques de son régime. Beaucoup de jeunes y participent. D'année en année, elle connaît un succès croissant. L'extrême droite voue elle aussi un culte à ce personnage qui avait fait de la Russie l'une des deux grandes puissances mondiales. Petit à petit, le voilà réhabilité par le régime de Poutine, même s'il ne l'avoue pas ouvertement. Il a été devancé par la population russe qui admet avoir une image plutôt positive de l'ancien leader communiste. Poutine qui ne critique jamais Staline, lui sait gré de la grandeur de la Russie à l’époque de son règne, au mépris de 10 à 20 millions de morts, mais en Russie, on tâche d’oublier les victimes, seul compte le prestige du pays. Plus aucune rue ne porte son nom, mais la tombe de Staline est fleurie chaque 21 décembre, comme chaque 3 mars pour l’anniversaire de sa mort. Ici ou là des statues de Staline sont réapparues.
Le 9 mai, fin de la « Grande Guerre patriotique » est une autre occasion de célébrer très officiellement Staline et Poutine ne s’en prive pas. La ville de Stalingrad, aujourd’hui Volgograd, pourrait même retrouver son nom. On en parle. Lançant sa guerre contre l’Ukraine en prétendant anéantir des nazis, Vladimir Poutine a cru endosser le costume de celui qu’il considère comme un héros de la Russie éternelle. Erreur tragique, la fin de Poutine risque d’être plus pitoyable encore que celle de Staline.
Le 21 décembre est la date officielle de l'anniversaire du « Petit père des peuples », celle qui est cultivée par ses admirateur. En réalité, Ioseb Besarionis dze Jughashvili, dit Staline est né à Gori, en Géorgie, le 6 décembre 1878 du calendrier julien, soit le 18 décembre du calendrier Grégorien et non le 21 décembre 1879 comme indiqué par les autorités. Ce glissement de quelques jours et d’une année date de l’époque où il était un révolutionnaire clandestin, vivant sous des faux noms, une manière de préserver son anonymat. Officiellement, on fête donc son 143e anniversaire.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 20 décembre 2022
Militants communistes
Moscou, en famille pour visiter sa tombe
À Gori, sa ville natale, quelques vieux nostalgiques
15 décembre : la diaspora grecque commémore la purge dont elle a été victime en URSS
Le 11 décembre 1937, le gouvernement soviétique ordonnait une vaste purge parmi la communauté grecque. Ce fut l’une des plus sanglante de l’époque de la Grande Terreur en URSS : plus de 90% des personnes arrêtées ont été exécutées. D’autres ensuite ont été déportés en masse.
Le 15 décembre 1937, le commissaire du peuple aux Affaires intérieures de l’URSS, Nikolai Yezhov a signé le décret n° 50215 déclenchant une vague d’arrestation visant la communauté grecque. À l’époque plus de 300 000 Grecs vivaient en URSS. C’est la mémoire de cette purge sanglante qui est commémorée dans la diaspora grecque plus qu’en Grèce elle-même : Ελληνική Επιχείρηση του NKVD 15 Δεκεμβρίου.
Le 20 juillet 1937, une première purge opérée par le NKVD avait visé les Allemands vivant en URSS, puis ce fut les Polonais, le 9 août, puis les Japonais, les Coréens, les Estoniens et Finlandais, les Iraniens et bien d’autres… Mais la plus sanglante de toutes fut sans doute l’ « Opération hellénique », selon le jargon stalinien de la période de la Grande Terreur : plus de 90% des quelque 22 000 Grecs emprisonnés du 15 décembre 1937 à mars 1938 ont été exécutés. Les élites ont été particulièrement visées, on a décapité les théâtres, les écoles de langues grecques… même des communistes grecs réfugiés en URSS pour fuir la dictature de Metaxas. Parmi les victimes de cette première série d’exécutions, figure Konstantin Chelpan, l’ingénieur qui a conçu le moteur du char soviétique T-34 et qui a reçu pour cela le prix Lénine. Ce char d’assaut a été un élément décisif de la victoire soviétique sur les Allemands lors de l’opération Barbarossa. Mais Chelpan n’a pas vécu cette victoire de l’URSS puisqu’il a été exécuté le 4 février 1938, après avoir dû avouer sous la torture qu’il dirigeait une organisation contre-révolutionnaire nationaliste grecque, complotant pour saboter une usine de Karkhiv.
Les persécutions de la communauté grecques ont particulièrement touché Azov, Odessa, la Crimée, Kharkiv, Kyiv, Donetsk et Krasnodar où vivait une grande partie de la communauté grecque soviétique, mais aussi Donetsk et Marioupol, des villes en grande partie grecques. Les campagnes ont été également très touchées par la “dékoulatisation” visant les Grecs, dans le village ukrainien de Stila, par exemple, au printemps 1938, pas un seul homme âgé de 18 à 60 ans n'avait été laissé en vie. Les purges ont duré 13 ans et contrairement à ce qu’ont vécu d’autres peuples comme les Tatars de Crimée, il n’y a eu aucune réhabilitation ultérieure prononcée par les autorités soviétiques. Les vagues d’arrestations suivantes ont surtout conduit à des déportations massives au goulag, principalement dans la Kolyma, dans l’extrême orient sibérien ou dans les steppes du Kazakhstan. Un grand nombre de ces détenus sont morts de maladie, d’autres se sont suicidés. Les morts massives ont commencé à l’automne 1938 avec les grands froids. Une libération à grande échelle eut lieu pendant l’hiver 1947-1948, mais, seule une petite moitié des prisonniers sont rentrés des camps. De 1937 à 1949, Staline a exterminé 38 000 Grecs.
Récemment, en Ukraine on a construit des monuments à leur mémoire et on discutait de faire du 15 décembre un jour de mémoire. Ce jour-là, des Grecs du monde entier ont une pensée pour les victimes, bien oubliée, de l'opération grecque du NKVD. La date est importante pour de nombreux Grecs, en particulier ceux dont les proches ont été tués pendant la purge. Ce n’est pas un jour commémoratif officiel en Grèce où cet épisode de l’histoire a été longtemps occulté. La Grèce aurait pu sauver beaucoup d’entre eux. Une fois passée la purge sanglante du 15 décembre, Staline proposait de laisser partir la communauté grecque d’URSS, mais Metaxas, le dictateur grec d’extrême droite, ne souhaitait pas le rapatriement de communistes grecs. Après des négociations acharnées, 10 000 visas furent tout de même délivrés par Athènes sur 40 000 demandes déposées, principalement accordés à des femmes et à des enfants de Grecs arrêtés. Une partie des malchanceux sont morts en Sibérie.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 14 décembre 2022
Des familles réunies pour inaugurer un premier mémorial en Sibérie peu après la chute de l’URSS
Un mémorial à Krasnodar avec la liste des victimes
14 décembre : la Journée des liquidateurs de Tchernobyl
En Ukraine, on rend hommage à ceux qui ont laissé leur vie ou leur santé pour limiter les conséquences de la catastrophe provoquée par l’incurie du système soviétique, on les appelle les liquidateurs de Tchernobyl.
Le 26 avril 1986, la plus grande catastrophe d'origine humaine au monde s'est produite à la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, du temps de l’URSS. Elle a contaminé au moins 3,5 millions de personnes dont plus d’un million d’enfants, et rendu inhabitables 54 000 km2, 160 000 personnes ont dû abandonner leur maison… Mais ce n’est pas à eux que l’on rend hommage chaque 14 décembre en Ukraine, mais à ceux qui ont laissé leur vie ou leur santé pour limiter les conséquences de la catastrophe provoquée par l’incurie du système soviétique, on les appelle les liquidateurs de Tchernobyl (Ліквідатори Чорнобиля).
La date de la Journée des liquidateurs de Tchernobyl (День ліквідаторів аварії на ЧАЕС) n'a pas été choisie au hasard, en 2006, par le président Viktor Iouchtchenko. C’est le 14 décembre 1986 que l'installation "Shelter" - le sarcophage, qui assurait le stockage des déchets radioactifs au niveau du quatrième réacteur d'urgence - a été mise en service. Ainsi a été stoppée une catastrophe qui prenait des dimensions mondiales.
Un mois seulement après la catastrophe de Tchernobyl, environ 200 pompiers et employés de la centrale nucléaire sont morts des suites d'une exposition aux radiations. Plus de 350 000 liquidateurs sont passés par le site de Tchernobyl : des conscrits, des travailleurs médicaux, des réservistes et des intérimaires. Ils travaillaient par équipes, recevaient la dose de rayonnement maximale autorisée et étaient remplacés par d'autres. La dernière tâche des liquidateurs qui ont nettoyé le toit de la centrale nucléaire de Tchernobyl des débris radioactifs, a été de hisser le drapeau soviétique à une hauteur de 75 mètres. Les rayonnements y étaient si élevés que seulement neuf minutes ont été allouées aux trois « volontaires » désignés pour l'opération. Pour avoir exécuté cet ordre fou des autorités soviétiques, ils ont été gratifiés d’un jour de congé supplémentaire.
Un nouveau sarcophage a été construit en 2016, à l'aide d'un financement européen, a coûté 1,426 milliard d'euros. Il devrait tenir un siècle. Sa structure métallique recouvre le premier sarcophage de béton et de plomb construit à la hâte par les Soviétiques, destiné lui à durer 30 ans. Tchernobyl a été occupé pendant quelques jours par l’armée russe au début de la guerre de destruction de l’Ukraine lancée le 24 février par Poutine. Le recul de l’armée russe fait que la centrale en ruine se trouve aujourd’hui loin des combats mais l’Ukraine abrite une autre centrale à Zaporijia, réputée être la plus puissante d'Europe. Occupée par les Russes, elle est située sur la ligne de front, des roquettes sont tombées à proximité au mois de septembre…
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 14 décembre 2022
Timbre émis par la poste ukrainienne à l’occasion des 35 ans de la catastrophe
30 octobre : en Russie, la mémoire refoulée du Goulag
Dans diverses villes de Russie, on commémore de manière officieuse les victimes du Goulag et de la répression à l’époque soviétique. Une cérémonie bien discrète au regard des 10 à 15 millions de morts. Mais l’heure est à la réhabilitation de Staline et à la célébration du dictateur Poutine qui fait emprisonner toute voix dissidente.
Ces dernières années, ils étaient quelques centaines, peut-être un millier, à se rassembler chaque 30 octobre autour d’une grosse pierre devant laquelle brûlent des dizaines de bougies. La roche a été rapportée des îles Solovki, là où les premiers camps de concentration soviétiques ont été établis dès les années 1920. Placée là par l’organisation Mémorial, elle sert à Moscou de monument commémoratif aux victimes de la répression politique que l’on célèbre officiellement en Russie. Nous sommes sur la place de la Loubianka à Moscou, le bâtiment qui abritait jadis le siège du KGB, et aujourd’hui celui de son principal successeur le FSB. Le 29 octobre, c’était la traditionnelle lecture publique des noms des victimes de la terreur politique soviétique.
Habituellement, un semblable attroupement a lieu au même moment à Saint-Pétersbourg devant une pierre de la même origine. Cela dit, les commémorations demeuraient bien discrètes eu égard aux 10 à 15 millions de morts dans les camps du Goulag soviétique. La Russie de Poutine a eu de plus en plus de mal à regarder son passé en face et a procédé à un blanchiment complet de la figure de Staline.
En 2021, Poutine a fait interdire l’association Mémorial à l’origine des commémorations. La raison est que cette ONG russe continuait à affirmer qu’il y avait toujours, en 2021, des centaines de prisonniers politiques e Russie. Ils sont des milliers en 2022.
En 2022, il n’est plus question de commémoration officielle en Russie. L’association Mémorial, dissoute, a tout de même reçu le prix Nobel de la paix 2022.
Le 30 octobre 1974, dans son propre appartement Andreï Sakharov (et Sergueï Kovalev) organisaient la première conférence de presse annonçant que le 30 octobre serait désormais le « jour des détenus politiques en URSS ». Le même jour, dans les camps de Mordovie, de Perm et à la prison de Vladimir, des détenus politiques entament une grève de la faim. Les années suivantes des manifestations se déroulent à la même date. Le 30 octobre 1989, plus de 3000 personnes, tenant des cierges, font une chaine humaine autour du siège du KGB, sur la place de la Loubianka à Moscou. Ils sont dispersés par les troupes du ministère de l'Intérieur.
Finalement, en 1991, le le Soviet suprême fait inscrire le 30 octobre dans le calendrier des fêtes d'État comme Journée pour la mémoire des victimes des répressions politiques (День па́мяти жертв полити́ческих репре́ссий). Les cérémonies officielles sont souvent modestes, quoiqu’en 2017 (le 30 octobre), un imposant monument, dédié aux victimes des répressions politiques, a été inauguré par Poutine au croisement de la perspective Sakharov et de l’Anneau des jardins, dans le centre de la capitale russe. C’est le premier monument du pays dédié aux victimes du stalinisme. Tout à basculé dans le sens inverse en peu d’années, le régime de Poutine a récusé toute commémoration d’un passé qui est aujourd’hui totalement écrit. La propagande a si bien fonctionné que 70% des Russes ont une image positive de Staline, ils n’étaient que 40% en 2007.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 29octobre 2022
Mise à jour 2024 : le 14 novembre, le Musée de l’histoire du goulag a été fermé (officiellement pour des questions de norme anti-incendie) et il y a peu de chance qu’il rouvre un jour prochain. Le 30 octobre 2024, il avait organisé une Journée de la répression politique en URSS. Des dizaines d’anonymes avaient lu les noms des victimes tuées pendant la terreur stalinienne. Ce musée avait reçu le prix du Musée, décerné par le Conseil de l’Europe. C’en était trop pour le régime de Poutine appliqué à réhabiliter l’URSS de Staline.
Le 3 décembre, on a annoncé le déplacement de la grosse pierre autour de laquelle brûlent des dizaines de bougies. Le projet est de l’installer le plus loin possible de la Loubianka afin d’effacer ce lieu de mémoire et de manifestation du 30-octobre.
La roche rapportée des îles Solovki, devant l’immeuble de la Loubianka, telle qu’elle existait jusqu’en 2024.
Le 30 octobre 1989, à l'appel de Mémorial, plusieurs milliers de personnes avaient formé une chaîne humaine autour du bâtiment du KGB sur la place Dzerjinski (aujourd'hui Loubianka) à Moscou avec des bougies et des pancartes du type « Nous exigeons le procès des bourreaux du KGB ! ». Photo : Dmitri Borko
22 juin : le Jour du souvenir et du chagrin en Russie
La journée est dédiée aux 27 millions de morts soviétiques de la « grande guerre patriotique », comme on la nomme en Russie. Dans tout le pays, on dépose des gerbes et des couronnes sur les tombes des soldats inconnus. La guerre, la guerre, toujours la guerre…
La Russie n’en fini pas de célébrer la « Grande Guerre patriotique » (c’est ainsi que que l’on nomme en Russie la Seconde Guerre mondiale). Est-ce pour faire oublier les piteuses guerres engagées par les Russes au cours du dernier demi siècle ?
La journée est dédiée aux 27 millions de morts soviétiques de la Grande Guerre patriotique. Dans tout le pays, on dépose des gerbes et des couronnes sur les tombes des soldats inconnus. Le 22 juin 1941 à l’aube, les soldats de Hitler commençaient à envahir l’URSS. Une entreprise qui, finalement, allait lui être fatale en raison de la résistance farouche des Soviétiques, opportunément aidés par le « général hiver ».
Instauré en 1996, le Jour du souvenir et du chagrin (День памяти и скорби), célébré chaque 22 juin, est surtout une journée de fierté d’avoir gagné cette guerre. Un sentiment cultivé à outrance par le régime de Vladimir Poutine qui, pour les besoins de sa propagande, a entrepris une réhabilitation totale de Staline et du régime soviétique.
12 juin : le Jour de la Russie, fête paradoxale, pur produit de la propagande
La Journée de la Russie est une invention récente. Elle commémore le jour où la Russie a proclamé sa souveraineté au sein de l’URSS, le 12 juin 1990. Autrement dit, elle célèbre ce que Poutine qualifie de « plus grande catastrophe géopolitique du siècle », c’est-à-dire la disparition de l’URSS ! La propagande du régime en a fait une fête à la gloire de la Russie éternelle.
C’est une fête totalement paradoxale qui se déroule aujourd’hui en Russie. La Journée de la Russie (День России) est une invention récente. Ce jour férié commémore le jour où la Russie a déclaré que, désormais, ses lois primaient sur les lois soviétiques. Certains en parlent même comme du “Jour de l’indépendance” (vis à vis de l’URSS).
En 1990, alors que l’URSS était confrontée à une série de déclarations de souveraineté, notamment celles des républiques baltes, la Russie proclamait la sienne le 12 juin 1990. Ce coup de pied de l’âne, de la part de la plus importante des républiques, n’a fait que précipiter la fin de l’URSS, dissoute le 25 décembre 1991.
L'année suivante, le 12 juin 1991, la Russie (la RSFSR) a organisé sa première élection présidentielle, remportée par Boris Eltsine. En 1994, ce dernier a déclaré le 12 juin fête nationale sous l’appellation de Jour de l’adoption de la déclaration de souveraineté de la RSFSR, devenue ensuite la Fête de la Souveraineté de la Fédération de Russie (День суверенитета РФ). Puis finalement sur l’ordre de Vladimir Poutine, simplement le Jour de la Russie. Le paradoxe, c’est de voir les Russes et le premier d'entre eux Vladimir Poutine fêter un vote et un jour qui a engagé le processus de désintégration de l'URSS. Alors que ce même Vladimir Poutine a qualifié la disparition de l’URSS de « plus grande catastrophe géopolitique du siècle », le 25 avril 2005, dans une adresse а l’Assemblée fédérale. En 2020, il a même fait noter dans la constitution russe que la Fédération de Russie s’inscrivait dans la continuité de l’URSS. Celle-la même dont on célèbre aujourd’hui la mise à mort ! On touche là toute l’ambiguïté d’un régime qui a totalement réhabilité le stalinisme, jusque dans les pratiques consistant à réécrire l’histoire, à éliminer les opposants, à étouffer toute contestation et bien sûr à intervenir militairement chez les pays « frères » qui lui résistent !
La veille du 12 juin 2017, l’opposant russe Alexeï Navalny, avait appelé à une manifestation d'ampleur dans toute la Russie pour le 12 juin. Celle-ci aura lieu, ce qui lui valut d’être emprisonné pour quelques semaines, mais il lui sera interdit de se présenter à l'élection présidentielle (on le sait, la démocratie n’a pas cours en Russie). La mobilisation des déçus du régime était chaque année, le 12 juin, plus importante. Dès l’année suivante, 4000 policiers ont été déployés pour l’occasion dans la capitale russe, des arrestations préventives ont été opérées les jours précédents dans les milieux d’opposition. Ce qui n’empêcha pas de grandes manifestations contre le président Poutine. D’ordinaire, un rassemblement se formait place Pouchkine et un défilé descendait l’avenue Sakharov… Mais, depuis cette époque, le régime s’est considérablement durci. Navalny a échappé à la mort, mais demeure en prison. Aujourd’hui, il n’est plus question de mobilisation de masse ni même de la moindre contestation individuelle. Poutine a totalement endossé le totalitarisme de l’ère soviétique.
Le régime et les médias entretiennent le flou complet sur la véritable signification de cette Journée de la Russie (12 июня День России) qui est avant tout, une occasion de plus de célébrer la grandeur de la Russie éternelle.
Les plus grandes célébrations ont lieu dans la capitale sur la Place Rouge à 17h00 avec un grand concert qui se termine par un feu d'artifice. De nombreux divertissements musicaux, théâtraux, sportifs sont organisés dans tous les quartiers de Moscou et les villes de provinces ainsi qu’en Biélorussie.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 11 juin 2022
Mise à jour : Alexeï Navalny est mort au goulag en février 2024, probablement éliminé par le régime comme tant d’autres et comme au temps terribles de l’URSS.
18 avril : une journée de gloire en Russie et de méfiance envers l'Occident
Russie, c’est la Journée des gloires militaires, on se console comme on peut avec des victoires datant d’une époque où la Russie n’existait pas encore. La bataille du lac Peïpous est connue des Russes sous le nom de « bataille de la glace ». Quant aux Occidentaux, il ont retenus surtout le nom de son héros : Alexandre Nevsky.
La Russie, toujours prompte à célébrer ses gloires militaires passées, commémore aujourd’hui l’anniversaire de la bataille du lac Peïpous. Comme ce lac était encore gelé en ce mois d’avril de 1242, la bataille est connue des Russes sous le nom de « bataille de la glace » (Ледовое побоище). Quant aux Occidentaux, il ont retenus surtout le nom de son héros : Alexandre Nevsky.
La bataille est hautement symbolique pour un régime toujours prêt à mettre en garde sa population contre l’Occident. La Russie n’existait pas encore, mais il existait une principauté de Novgorod, de tradition orthodoxe. Elle était depuis quelque temps harcelée par les Chevaliers Teutoniques, des croisés allemands, danois et suédois, de religion catholique. En avril 1242, ces derniers ont lancé leur attaque par le golfe de Finlande, occupant et détruisant les villes de Pskov, Koporve et Izboursk… Ils auraient pris Novgorod, sans la réaction d’Alexandre Nevsky. La bataille fut épique et définitive : par la suite, les Teutons n’ont plus attaqué dans cette direction, permettant à la Russie de naitre, et se sont rabattus sur la Prusse Orientale.
La symbolique de la bataille de la Glace a été cultivée d’abord par Staline à l’époque où l’URSS était menacée par l’Allemagne nazie. De cette crainte est né le magnifique film Alexandre Nevski de Sergueï Eisenstein sorti en 1938, un film épique de propagande d’une esthétique magistrale, sur une musique de Sergueï Prokofiev. Il sera projeté jusqu’au pacte germano-soviétique et ressortira en juillet 1942 pour galvaniser la population.
Plus récemment, Poutine en a fait une Journée de gloire militaire (день воинской славы), en même temps qu’une journée de propagande sur la menace supposée que fait peser l’Occident sur la Russie. Le symbole est bien choisi, Alexandre Nevski étant l’une des figures les plus populaires de l’histoire russe. On a fêté son 800e anniversaire en mai 2020, mais la pandémie de Covid-19 avait empêché une fastueuse cérémonie. Le prince a même été canonisé par l’Église russe et ses reliques, très convoitées, ont été volées lors d’un cambriolage d’église en 2012. En 2010, Poutine a aussi restauré l’Ordre d'Alexandre Nevsky qui était décerné aux militaires à l’époque de l’impératrice Catherine II, remis à l’ordre du jour par Staline mais disparu en même temps que l’URSS. Cependant, depuis 2010, cette décoration n’est plus décernée qu’à des civils, en particuliers aux fonctionnaires ayant servi l’État pendant au moins 20 ans, ainsi qu’à des personnalités étrangères, comme le président serbe, Aleksandar Vučić.
Le lac Peïpous (ou Peipis), lieu des combats est aujourd’hui partagé entre la Russie et l’Estonie. La célèbre bataille a eu lieu le 5 avril 1242 selon le calendrier julien, c'est-à-dire le 12 avril selon le calendrier grégorien, mais en raison d’une erreur de conversion des dates, c'est le 18 avril qui est devenu, en Russie, le Jour de la gloire militaire.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 18 avril 2022
Image du film Alexandre Nevski de Sergueï Eisenstein
Reconstitution contemporaine
28 décembre : la mémoire de la déportation des Kalmouks par Staline
La Journée du souvenir des victimes de la déportation des Kalmouks, opérée par Staline en 1943.
Les Kalmouks, peuple mongol, sont les habitants de l’ancien Khanat de Khalmyk, devenu une colonie russe puis un oblast autonome au sein de la république de Russie, composante de l’URSS. En 1935, l’obast a accédé au statut de République socialiste soviétique autonome de Kalmoukie. Elle est située sur la côte nord de la mer Caspienne.
C’est pendant la Seconde guerre mondiale que la destinée de plusieurs peuples minoritaires de l’URSS a basculée. Dénoncés comme ennemi, les Tatars de Crimée, les Balkars, les Tchétchènes et les Ingouches, les Kalmouks… Pour ces derniers cela s’est joué le 28 décembre 1943 avec l’ordre signé par Staline de déportation vers la Sibérie du peuple Kalmouks en entier. La veille leur république avait été supprimée de la carte de l’URSS. Accusés de collaborer avec les occupants nazis et combattu l’Armée rouge, quelque 100 000 personnes furent jetées hors de leurs maisons. Les femmes, les enfants et les vieillards ont été entassés dans des wagons à bestiaux pour être envoyés en Sibérie. Nom de code de l’opération « Ulusy » (Операция « Улусы »). 16 000 d’entre eux ont perdu la vie pendant la déportation, de faim, de froid ou de maladie, avant d’atteindre leur destination finale. D’autres sont morts en Sibérie… Ils n’étaient plus que 60 000 en 1945.
Les Kalmouks ont été réhabilités après la mort de Joseph Staline . En 1956, son successeur Nikita Khrouchtchev dénonça les répressions de Staline et initia une série de réformes. La république soviétique de kalmoukie a été rétablie et les Kalmouks ont été autorisés à retourner dans leur région d'origine depuis les colonies sibériennes. En 1991, les répressions de Staline contre les minorités ethniques ont été officiellement déclarées comme un acte de génocide.
En 2004, le Parlement de Kalmoukie a déclaré le 28 décembre – anniversaire du début de la déportation – la Journée du souvenir des victimes de la déportation des Kalmouks (Депортация калмыков). Ce matin, un rassemblement de deuil a lieu à Elista, la capitale de la Kalmoukie, en mémoire des victimes de la déportation et de la répression. L'événement organisé près du monument d’Ernst Neizvestny "Exode et retour" réunit environ 3000 personnes. Des représentants d'organisations d'anciens combattants, d'organismes de l'État et de simples citoyens déposent fleurs et couronnes au mémorial. Des cérémonies religieuses orthodoxes et bouddhistes complètent la journée commémorative. Ce jour, sur le territoire de la Kalmoukie, est un jour férié et chômé.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 27 décembre 2021
Le monument “Exodus et Retour”
17 novembre : les prémices de l'indépendance de l'Azerbaïdjan
L’Azerbaïdjan célèbre la Journée nationale de la renaissance qui commémore la grande manifestation du 17 novembre 1988 sur la place Lénine de Bakou
L’Azerbaïdjan célèbre chaque 17 novembre la Journée nationale de la renaissance (Milli dirçəliş günü). Cette année elle le fait en lançant une nouvelle offensive militaire contre l’Arménie. Le bilan serait de 15 morts pour la journée du 16 novembre. La commémoration est totalement liée au conflit arméno-azéri qui s’est conclu il y a un an par une défaite des Arméniens, mais dont les prémices remontent à 1988.
Cette journée commémore la grande manifestation du 17 novembre 1988 sur la place Lénine de Bakou (aujourd'hui place Azadliq, la Liberté) qui a duré jusqu’au 5 décembre. Les milliers d’Azerbaïdjanais étaient venus protester contre l'indifférence du gouvernement soviétique envers l’agitation des Arméniens au Haut-Karabakh réclamant le rattachement de leur territoire à l’Arménie. C'était la première manifestation antisoviétique à grande échelle en Azerbaïdjan. Ce fut le premiers pas important vers la proclamation de l'indépendance de l'Azerbaïdjan en 1991. Dans la nuit du 4 au 5 décembre, l’armée soviétique a attaqué et évacué de force la place, arrêtant les manifestants qui y ont passé la nuit. Les protestations et les manifestations se sont poursuivies à Bakou et dans d'autres villes pendant plusieurs jours après l'effondrement de la place. L’ image du rassemblement de Bakou a même été choisie comme symbole de la vague de protestations qui a balayé le monde en 1989. Le magazine Newsweek en a fait sa une.
Le Front populaire d'Azerbaïdjan (APF) a été créé en juin 1989. L'adoption de la loi constitutionnelle sur la souveraineté de l'Azerbaïdjan par le Soviet suprême en septembre de la même année a encore irrité Moscou et les 19 et 20 janvier 1990, des troupes ont été envoyées à Bakou. Lors des élections de 1990, une majorité des dirigeants du Front populaire a remporté le mandat de députés au Soviet suprême et formé une faction appelée Bloc démocratique. Le 18 octobre 1991, l’Azerbaïdjan proclame son indépendance, tout en effaçant l’autonomie de l’enclave du Haut-Karabagh. Le 10 décembre celle-ci fera de même à l’égard de l’URSS qui n’avait plus que quelques jours à vivre. C’est le début d’une guerre entre Azerbaïdjanais et Arméniens…
Le 17 novembre 1990 s'est tenue la première session du nouveau Soviet suprême de la République autonome de Nakhitchevan. Les mots « soviétique » et « socialiste » ont été supprimés du nom de la république autonome.
C’est en 1992, que le 17 novembre a été désigné Journée nationale de la renaissance. C’est un jour férié, mais depuis 2006, il n’est plus chômé. Le jour férié est marqué par des cérémonies officielles, des discours et divers événements organisés dans tout le pays.
Les commémorations de 2021 ont lieu dans un contexte de guerre. L’armée Azerbaïdjanaise qui a défait les Arméniens en novembre 2020, célèbre sa victoire tout en continuant à grignoter le territoire arménien à l’endroit, le plus stratégique et le plus vulnérable : l’étroite province arménienne du Siniuk qui sépare l’Azerbaïdjan de son exclave du Nakhitchevan. L’offensive se déroule dans une totale indifférence internationale.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 17 novembre 2024
fin novembre 1988, place Lénine, à Bakou
Célébration dans une école, en tenue militaire
13 mai : les Russes célèbrent leur flotte de la mer Noire et leur présence en Crimée
Cette célébration annuelle a pris une dimension particulière depuis que, en 2014, la Crimée a été annexée par la Russie. Elle rappelle la date du 13 mai 1783. Ce jour où l’impératrice russe, Catherine II, signait un décret impérial qui autorisait la création d’une base navale et d’une flotte sur une mer où la Russie n’avait pas encore ses repères.
Cette célébration annuelle a pris une dimension particulière depuis que, en 2014, la Crimée a été annexée par la Russie. Elle rappelle la date du 13 mai 1783. Ce jour où l’impératrice russe, Catherine II, signait un décret impérial qui autorisait la création d’une base navale et d’une flotte sur une mer où la Russie n’avait pas encore ses repères. Peu de temps auparavant, l’escadre de l’amiral Klokatchev pénétrait dans la baie d’Akhtiarskaïa. Un mois plus tard, au fond de cette baie commencera la construction de la ville de Sébastopol, le futur siège de la flotte russe dans le sud de la péninsule de Crimée, prise aux Ottomans.
La flotte de la mer Noire a été créée le 13 mai 1783 par le prince Grigory Potemkine. C’est lui également qui fondera la future base navale. Laquelle au fil des siècles n’a rien d’un décor à la Potemkine. Quant à la flotte, ce n’est pas elle qui va mettre en difficulté le tsar Poutine, comme le cuirassé Potemkine avait ébranlé le trône de Nicolas II. Au contraire, au moment de l’annexion de la Crimée, plusieurs dizaines de navires ukrainiens ont fait le choix de rejoindre la flotte de la mer Noire (celle de la Russie), avec leur équipage au complet.
Sébastopol, au moment de la disparition de l’URSS, s’était retrouvé en Ukraine, avec un droit d’usage de la Russie, mais le bail se terminait en 2017. Poutine ne pouvant accepter cela, a préféré prendre les devants en mettant la main sur la Crimée avant le terme. Ensuite, l’objectif des Russes est l’exclusion complète des Ukrainiens de la mer Noire. Il y a pour cela deux étapes. La première est en train de se dérouler : c’est le blocage du détroit de Kertch menant à la mer d’Azov, un passage essentiel pour le commerce maritime de l’Ukraine. Le 24 avril dernier Moscou annoncé que la traversée des eaux de la Fédération de Russie serait suspendu pour tous les navires étrangers, militaires comme civils, jusqu’au 31 octobre. La procédure d’étouffement est en cours. La seconde étape sera de provoquer des soulèvements dans la ville d’Odessa, le seul grand port libre qu’il reste à l’Ukraine. La manœuvre consistera ensuite à venir en aide aux insurgés et à occuper Odessa, avant de l’annexer, comme Sébastopol. Ainsi étouffée, l’Ukraine tombera comme un fruit mûr dans l’escarcelle de la Russie. Avec l’espoir, du côté des Russes, que l’OTAN sur lequel comptent l’Ukraine et la Géorgie, ne réagira pas… Qui veut mourir pour Kiev ou Odessa ?
Sébastopol où se déroulent aujourd’hui les traditionnelles festivités militaires, a été assiégée en 1854 lors de la guerre de Crimée (un fait d’armes français qui valut de baptiser un boulevard parisien à son nom) puis à nouveau par l’Allemagne nazie, en 1941 (l’un des plus longs sièges de la guerre, la ville fut déclarée martyre comme Stalingrad et Leningrad).
On est ici sur un carrefour multiethnique, ces terres ont été grecques, turques, russes, soviétique et ukrainiennes. On est au cœur des mers chaudes tant convoitées par la Russie, née à plusieurs milliers de kilomètres de là. La Crimée est une dérisoire consolation pour un empire et une puissance perdue. Néanmoins, dangereuse pour son environnement immédiat. Quand cette fête a été instaurée en 1996, Moscou était encore loin des positions géostratégiques que la Russie a pu reconquérir en 25 ans. C’est cette réussite qui est célébrée aujourd’hui avec ce Jour de la flotte de la mer Noire (День Черноморского флота), célébré chaque 13 mai à Sébastopol et à Novorossiysk. Ne pas confondre avec le Jour de la marine (День Военно-Морского Флота), observé fin juillet.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 12 mai 2021
photo du ministère russe de la Défense