L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
18 novembre : l’Ukraine encourage les sergents de son armée
Demain, mardi, la guerre d’agression russe aura atteint ses 1000 jours, l’Ukraine doit motiver ses troupes. Aujourd’hui, comme chaque 18 novembre, les Ukrainiens honorent les sergents, maillons essentiels de leurs forces armées. Cette journée est particulièrement importante à l’heure où l’environnement international du pays connaît un certain flottement.
Demain, mardi, la guerre d’agression russe aura atteint ses 1000 jours, l’Ukraine doit motiver ses troupes. Aujourd’hui, comme chaque 18 novembre les Ukrainiens célèbrent la Journée du sergent des forces armées (День сержанта Вооруженных Сил Украины). Cette journée est particulièrement importante à l’heure où l’environnement international du pays connaît un certain flottement, l’Ukraine doit motiver ses troupes et le sergent qui est en contact direct avec les soldats, certains peu expérimentés, en est un élément essentiel.
Cette fête a été instituée en 2019, par le président ukrainien Petro Porochenko pour honorer la diligence, la responsabilité et le professionnalisme des sergents et contremaîtres des forces armées ukrainiennes. Leur courage et leur héroïsme dans la lutte pour la liberté, l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'Ukraine est une donnée majeure dans les circonstances actuelles.
« C'est le jour des sergents et des contremaîtres des forces armées ukrainiennes. Des sergents et des contremaîtres fiables sont toujours un soutien pour les commandants et une aide pour les soldats et les marins. Plus de 150 000 sergents et contremaîtres servent désormais dans nos forces armées. Ils contrôlent directement les soldats et mènent les guerriers au combat. Ils augmentent la motivation, enseignent aux soldats et maintiennent le moral. Lorsqu’on peut faire confiance aux sergents et aux sergents, l’armée est invincible. Je remercie chaque sergent, chaque sergent-major qui se soucie des soldats et de l'Ukraine, qui obtient les résultats nécessaires pour ses unités et pour l'État tout entier. » extrait d’un discours du président Zélensky, le 18 novembre 2023.
Par ailleurs, l’Ukraine célèbre aussi une Journée des défenseur(se)s de l'Ukraine, autrefois fêtée le 14 octobre et déplacée récemment au 1er octobre, ainsi, bien sûr, qu’une Journée des forces armées ukrainiennes, chaque 6 décembre. De leur côté, les Russes célébrerons demain, 19 novembre, leur artillerie, une journée héritée de l’URSS et que les Ukrainiens marquent le 4 décembre.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 18 novembre 2024
7 novembre : l’anniversaire de Nestor Makhno
L’anniversaire du début de la révolution d’Octobre n’est plus fêté ni en Russie ni en Ukraine. Mais, le 7 novembre est aussi l’anniversaire d’un héros ukrainien oublié, Nestor Makhno, dont la mémoire n’a été cultivée que par les milieux libertaires occidentaux, en particulier à Paris où il est mort il y a 90 ans.
Jadis, le 7 novembre on célébrait l’anniversaire du début de la révolution d’Octobre (c’est le jour de la prise du Palais d'hiver par les bolcheviks, le 25 octobre 1917 selon le calendrier Julien, 7 novembre pour notre calendrier). Il était fêté avec de grandes parades sur la Place Rouge… Depuis 2004, le jour n’est plus férié ni Russie (remplacé par le 4 novembre) ni en Ukraine.
Discrètement, un héros ukrainien a été sorti de l’oubli après la chute de l’URSS et surtout depuis 2022 et la tentative russe n’anéantir le pays. Il s’agit de Nestor Makhno, un paysan ukrainien qui s’était enthousiasmé de la révolution d’Octobre et qui avait rassemblé une armée de volontaires pour repousser l’occupant austro-allemand et lutter avec les bolcheviks contre les troupes restées fidèles au tsar. Ces deux dangers écartés, les bolcheviks se sont retournés conte Makhno et ses troupes et ont fini par anéantir l’État ukrainien indépendant et anarchiste qu’il avait créé à l’est de l’Ukraine, autour d’Houliaïpole son village natal, aujourd’hui sur la ligne de front entre Russes et Ukrainiens dans l’épuisante guerre déclenchée par Poutine.
Le territoire qu’il contrôlait avec son armée, la Makhnovchtchina, rassemblait quelque deux millions et demi d’habitants. Après une redistribution des terres des koulaks, il fonctionnait sous forme d’une série de communes libre, selon la démocratie directe prônée par les anarchistes. On était loin du modèle que mettait en place Lénine et Trotski. Ce dernier va même lever une armée pour y mettre un terme. Cet État ukrainien libertaire fondé en 1919, disparaît en 1921. Makhno devra s’exiler à Paris et cette éphémère Ukraine libre sera effacée de la mémoire de l’URSS. L’expression de son souvenir sera interdite à l’époque soviétique et son nom oublié à l’est de l’Europe. Seuls les anarchistes occidentaux, en particulier les libertaires anticommunistes de Mai 68, vont maintenir sa mémoire vivante.
Chaque 7 novembre, jour de son anniversaire (День народження Нестора Махна), il est usage de se recueillir devant la case 6685 du colombarium cimetière du Père Lachaise, pour déposer des fleurs ou boire une bière à son souvenir. Chaque année, à cette date, sa dernière demeure est visitée par des anarchistes de toutes origines et des membres de l’extrême gauche (au moins ceux qui ne sont pas pros russes). Nestor Makhno est né le 7 novembre 1888 à Houliaïpole (« le champ de la liberté », en ukrainien) où sa maison natale en partie détruite par des bombardements russes, avait été transformée en musée.
En affirmant son indépendance, après la chute de l’URSS, les nationalistes ukrainiens avaient plutôt cultivé des figures comme Simon Petlioura qui avait lui aussi combattu pour une Ukraine indépendance entre 1918 et 1921, mais discrédités par ses exactions antisémites, ou encore ou Stepan Bandera, qui a collaboré avec les nazis. Makhno, trop libertaire, trop antisystème pour un pays qui sortait tout juste du totalitarisme restait l’oublié de la mémoire nationale. Une première commémoration de Nestor Makhno a toutefois eu lieu dans son pays natal le 7 novembre 1998, à l'occasion du 110e anniversaire de sa naissance. Son nom sera cité en 2013 sur Maidan où son arrière-petit-fils est venu réciter des poèmes. Ici et là des statue à son effigie sont installées…
Mais, c’est l’attaque russe du 24 février 2022 qui a vraiment réveillé sa mémoire. Lui aussi avait levé des bataillons qui ont combattu une armée venue de Moscou. En 2022, plusieurs bataillons ukrainiens levés en hâte pour défendre Kiyv ont pris son nom. Leurs drapeaux noirs flottent aujourd’hui sur la ligne de front et sur les réseaux sociaux ukrainiens.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 7 novembre 2024
29 septembre : Babyn Yar, la mémoire de la Shoah en Ukraine
On célèbre le 83e anniversaire du massacre de Babyn Yar, le symbole longtemps contesté, de l’extermination des juifs d’URSS, comme Auschwitz l’est pour les juifs occidentaux.
Babyn Yar (Бабин Яр) est le symbole de l’extermination des juifs d’URSS comme Auschwitz l’est pour les juifs occidentaux. Les 29 et 30 septembre 1941, 33 771 juifs sont exécutés à Babyn Yar, près de Kyïv, capitale de l’Ukraine. Aucun site de la Shoah n’a connu un nombre de victimes en si peu de temps, quelque 36 heures. Sur la durée de la guerre, on estime à plus de 100 000 victimes, presque toutes juives, dans ce ravin où ils étaient fusillés en masse.
Après la guerre, l’URSS chercha à occulter ce massacre et même à détruire le site en le noyant, ce qui provoqua une inondation catastrophique qui tua plus de 1000 personnes dans les villages alentour (tragédie de Kourenivka). C’est le poète russe Evgueni Evtouchenko et son poème Babi Yar (en russe), en 1961, qui ont fait émerger la mémoire des terribles massacres. Son retentissement fut international. En 1963, il fut même invité à Paris pour déclamer son texte devant des étudiants communistes, réunis à la Mutualité. Ses poèmes étaient traduits par le jeune comédien Laurent Terzieff.
En 1966, les autorités soviétique érigent enfin un monument sur le site de Babyn Yar mais qui ne mentionne pas le fait que les victimes étaient presque toutes juives. Ce n’est qu’en 1992 (après la chute de l'Union soviétique) que le gouvernement ukrainien autorisa la création d'un monument spécifique aux victimes juives, monument qui fut finalement inauguré le 29 septembre 2001, pour le 60e anniversaire.
Le 29 septembre 2021, à l'occasion du 80e anniversaire du massacre, tous les établissements scolaires d'Ukraine ont donné une leçon consacrée à ce crime. Le 9 octobre suivant a été inauguré un « Mur des Pleurs en cristal » de 40 mètres de long, créé par Marina Abramović, en présence des présidents ukrainiens, allemand et israélien. Chaque 29 septembre des cérémonies commémoratives ont lieu sur le site du ravin.
Un projet de centre de commémoration a été lancé en 2021, mais la guerre en Ukraine l’a suspendu. S’il voit le jour, ce grand musée de la Shoah par balle, est destiné à devenir après Berlin et Varsovie le troisième grand musée de la Shoah en Europe.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 29 septembre 2024
24 août : l’Ukraine célèbre le 33e anniversaire de son indépendance
L'indépendance complète de l'Ukraine a été proclamée le 24 août 1991, suite de l’a déclaration de l’indépendance de la Russie elle-même, deux jours plus tôt, provoquant le démantèlement complet de l’URSS.
L'indépendance complète de l'Ukraine a été proclamée le 24 août 1991, suite de l’a déclaration de l’indépendance de la Russie elle-même, deux jours plus tôt, le 22 août, provoquant le démantèlement complet de l’URSS. Cependant, comme l’avaient fait la plupart des républiques soviétiques, le parlement de la RSS d'Ukraine avait déjà adopté une Déclaration de souveraineté de l'État de l'Ukraine le 16 juillet 1990, mais sans avoir jusque à ce 24 août 1991, sauté le pas de la séparation totale. Laquelle était justifiée par le fait que la Russie en faisait autant. L’URSS devait disparaître moins de quatre mois plus tard.
Est-ce une résurgence d’un État ukrainien ? Entre 1917 et 1920, plusieurs États ukrainiens distincts avaient vu le jour, mais chacun de manière éphémère. En 1921, la majeure partie de l'Ukraine a été intégrée à l'Union soviétique sous le nom de République socialiste soviétique d'Ukraine. Pendant les soixante-dix années suivantes, l'Ukraine a fait partie de l'URSS.
Le Jour de l'indépendance de l'Ukraine (День Незалежності України) est célébré chaque 24 août depuis 1992. Cette année, les célébrations publiques dans la capitale sont annulées en raison des risques de bombardement russe. En 2014, début de l’occupation russe du territoire ukrainien, Moscou avait choisi le 24 août pour lancer une offensive sur la ville de Ilovaisk. Et, il y a 6 mois jour pour jour, le dictateur Poutine lançait la destruction de l’Ukraine.
Le 24 août 2023, a été marqué par un fait d’armes symbolique, néanmoins très important. Des soldats d’élite ukrainiens sont parvenus à mettre pied sur le sol de la Crimée, détruisant quelques cibles bien choisies, et surtout plantant le drapeau ukrainien, le premier depuis 2014 sur ce territoire occupé par la Russie. En 2024, l’Ukraine occupe depuis plusieurs semaines, une portion du territoire russe…
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 23 août 2024
7 juillet : les Slaves orientaux fêtent à leur tour le solstice d’été
Les Salves orientaux fêtent la Saint-Jean selon le calendrier julien. En principe, cette fête est censée faire partie du patrimoine culturel commun aux Russes et aux Ukrainiens, si toutefois celui-ci existe encore…
Les Églises orthodoxes orientales utilisent le calendrier julien qui a 13 jours de retard sur le calendrier grégorien du christianisme occidental. C'est pourquoi la fête orthodoxe de Saint Jean-Baptiste tombe le 7 juillet, soit le 24 juin du calendrier julien.
Cette fête appelée Jour d’Ivan Kupala (Іван Купала en ukrainien, par exemple) ou Nuit de Kupala car l’essentiel des festivités (les feux de joie) a eu lieu dans la nuit qui précède la Saint-Jean (ou Saint-Ivan). Kupala était le nom d’une divinité slave de la fertilité. Car comme en Occident, cette fête a bien sûr des origines païennes. Évidemment, cette fête du solstice est surtout célébrée aujourd’hui par les populations rurales, mais elle connait un certain renouveau. En principe, elle est censée faire partie du patrimoine culturel commun des Russes et des Ukrainiens, si toutefois celui-ci existe encore…
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 7 juillet
16 mai : les Ukrainiens fiers de leur identité et de leurs chemises brodées
C’est la Journée Vyshyvanka, du nom des chemises brodées traditionnelles. Cette manifestation qui a lieu tous les troisièmes jeudis de mai, revêt une signification particulière alors que l’Ukraine est quotidiennement agressée par la Russie pour effacer sa spécificité culturelle.
C’est la Journée Vyshyvanka (День вишиванки), du nom des chemises brodées traditionnelles. Cette manifestation qui a lieu tous les troisièmes jeudis de mai, revêt une signification particulière alors que l’Ukraine est quotidiennement agressée par la Russie pour effacer sa spécificité culturelle. Le port d'une chemise brodée ce 16 mai 2024 est un symbole de l'indomptabilité de l'esprit ukrainien, une déclaration au monde entier que les Ukrainiens sont un peuple libre.
Ce qui a commencé comme une initiative locale est depuis devenu une célébration nationale. C’est Lesya Voronyuk, une étudiante à l'Université nationale Yuriy Fedkovich Chernivtsi, a lancé une campagne « Journée mondiale de la broderie » en 2006. La jeune fille a été inspirée par son ami Ihor Zhitaryuk, qui portait régulièrement une chemise brodée en classe. Lesya a suggéré que ses camarades étudiants choisissent un jour et portent ensemble des chemises brodées. La première année, plusieurs dizaines d'étudiants et plusieurs professeurs de la faculté ont joué le jeu de porter des vêtements nationaux.
Le phénomène a rapidement pris de l’ampleur. En 2011, la cinquième édition a été marquée par l'établissement d'un record Guinness du nombre de personnes en chemises brodées en un seul endroit. Plus de 4 000 personnes en chemises brodées s’étaient rassemblées sur la place centrale de Tchernivtsi. La même année, une immense chemise brodée (4 mètres sur 10) avait été cousue par une entreprise de couture pour le bâtiment central de l'Université nationale Yuriy Fedkovych de Tchernivtsi. Depuis, la célébration de la chemise brodée a changé d’échelle et entraîné la diaspora ainsi que tous les amis de l’Ukraine dans le monde.
En 2022, la loi martiale consécutive à l’égression russe avait empêché la fête mais, en 2023, elle a renoué avec les événements de masse (concerts, expositions)… C’est à nouveau le cas en 2024 dans diverses villes d’Ukraine avec pour slogan cette année de « Victoire brodée ».
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 15 mai 2024
10 mars : l’Ukraine célèbre son hymne national
« Ni la gloire ni la liberté de l'Ukraine ne sont mortes » proclame l’hymne national ukrainien. La première représentation publique de la chanson eut lieu en le 10 mars 1865 lors d'un concert dédié à la mémoire de Taras Chevchenko décédé le 10 mars 1861. Le 10-Mars n’est pas un jour férié, mais en raison du sursaut patriotique ukrainien face à l’agression russe, cette journée commémorative a pris une dimension particulière.
« Ni la gloire ni la liberté de l'Ukraine ne sont mortes » (Ще не вмерла України ні слава, ні воля) proclame l’hymne national ukrainien, souvent abrégé en « Šče ne vmerla Ukraïny » (« L'Ukraine n'a pas encore péri »). Il est basé sur un poème patriotique écrit par Pavlo Chubynsky, en 1862 et mis en musique par Mykhailo Verbytsky. La première représentation publique de la chanson eut lieu en le 10 mars 1865 à Przemyśl lors d'un concert dédié à la mémoire de Taras Chevchenko décédé le 10 mars 1861. C’est ce double anniversaire qui est célébré aujourd’hui par la Journée de l’hymne national (День державного гімну).
Ce poème bien connu des milieux patriotiques ukrainiens, a été adopté pour la première fois en 1917 comme hymne de la République populaire ukrainienne, puis supprimé par les Soviétiques en 1920. Il restera interdit jusqu’à la fin de l’ère soviétique. Il faudra attendre la perestroïka pour être à nouveau interprété en public par Vasyl Zhdankin, Victor Morozov et Eduard Drach lors du festival Chervona Ruta en 1989 à Tchernivtsi.
L'Ukraine a déclaré son indépendance le 24 août 1991. En janvier 1992, la Verkhovna Rada d'Ukraine (l’assemblée) a adopté la musique de Verbytsky comme hymne national de l'Ukraine, ce qui a ensuite été inscrit dans la Constitution. Cependant, les paroles de Chubynsky (plus exactement, la première strophe et le refrain de la chanson), jugées trop patriotiques par un pouvoir ukrainien qui regardait alors vers Moscou, n'ont été officiellement adoptées que plus de deux décennies plus tard, le 6 mars 2003.
La Journée de l’hymne national avait d’abord été fixée le 6 mars, puis finalement déplacé au 10 mars, en 2015. Ce qui permettait de rendre aussi un hommage au grand poète national ukrainien, Taras Chevchenko, dont c’est l’anniversaire du décès. Le 10-Mars n’est pas un jour férié, mais en raison du sursaut patriotique ukrainien face à l’agression russe, cette journée commémorative a pris une dimension particulière. Depuis 2022, l'hymne national de l'Ukraine est chanté en se cachant dans les abris antiaériens, pendant les bombardements, sur les lignes de front.
À l’occasion de la Journée de l’hymne national, divers événements et activités sont organisés dans les villes et villages de toute l’Ukraine : des spectacles publics, des cours spéciaux dans les écoles, des événements culturels dans les bibliothèques publiques, les musées et les centres communautaires... La célébration avait été particulièrement poignante, le 10 mars 2022, lors de l'invasion russe de l'Ukraine, car l'hymne national de l'Ukraine incarne la lutte des Ukrainiens pour préserver leur identité nationale et l'indépendance de leur pays .
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 9 mars 2024
20 janvier : Les Ukrainiens n’oublient pas la Crimée
Alors que l’URSS était moribonde. Les Criméens organisaient un référendum visant à proclamer la souveraineté retrouvée d’une République socialiste soviétique autonome de Crimée. 94% ont voté oui, c’était le 20 janvier 1991. C’est cet anniversaire qui est célébré aujourd’hui afin de contester l’occupation et l’annexion de la péninsule par la Russie depuis presque 10 ans.
Cette Journée de la République autonome de Crimée (День Автономної Республіки Крим) a été célébrée pour la première fois le 20 janvier 2015. Quelques mois auparavant, la Russie envahissait et annexait la péninsule de Crimée.
Une République socialiste soviétique autonome de Crimée avait été créée en 1921 au sein de la République socialiste fédérative soviétique de Russie, sur ce qui était jadis le Khanat de Crimée. Mais Staline avait aboli cette république autonome pour rétrograder ce territoire au rang de simple oblast (région). Après la mort de Staline en 1953, le nouveau dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev a transféré cet oblast de Crimée à la République socialiste soviétique d'Ukraine. Le transfert fut officialisé en février 1954.
Alors que l’URSS était moribonde. Les Criméens organisaient un référendum visant à proclamer la souveraineté retrouvée d’une République socialiste soviétique autonome de Crimée. 94% ont voté oui, c’était le 20 janvier 1991. C’est cet anniversaire qui est célébré aujourd’hui.
Le statut autonome de la Crimée a été officiellement rétabli le 12 février 1991. Le 24 août, l'Ukraine a déclaré son indépendance de l'Union soviétique, laquelle disparaissait en décembre 1991. En février 1992, la RSSA de Crimée était rebaptisée simplement République de Crimée. En juin, elle obtenait le statut de république autonome au sein de l'Ukraine. Tou ce processus institutionnel et démocratique n’apporte aucun argument à Moscou pour réclamer de rattacher la Crimée à la Russie, c’est pourtant ce qui a été fait pas la force en mars 2014.
Selon les traités internationaux en vigueur, la Crimée fait toujours partie intégrante de l'Ukraine. Cela a également été reconnu par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution de 2014. Et aujourd’hui, la Crimée continue d’être soutenu de toutes les manières au niveau international, comme le prouve le forum de la Plateforme de Crimée. En 2023, des délégations gouvernementales de 45 pays ont participé à la conférence : les États-Unis, tous les membres de l'UE, la Géorgie, la Moldavie, la Turquie, la Macédoine du Nord, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, le Canada et l'Islande. Parmi eux figurent neuf présidents, quatre premiers ministres, 14 chefs des affaires étrangères, ainsi que d'autres hommes politiques et ambassadeurs. C’est-à-dire tous les pays de l’UE et de l’OTAN, les pays du G7 au complet et les pays du format Normandie, à l’exception de la Fédération de Russie.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 18 janvier 2024
12 janvier : la journée des prisonniers politiques ukrainiens
L’anniversaire d’une purge à l’époque soviétique est célébrée depuis un demi siècle comme la Journée des prisonniers politiques ukrainiens. Cette célébration annuelle a pris une dimension particulière à partir de 2014 quand une portion du territoire ukrainien a commencé à être occupée par la Russie et qu’à nouveau des dissidents ont été emprisonnés.
Chaque 12 janvier, l'Ukraine rend hommage aux prisonniers politiques qui ont désobéi au système totalitaire soviétique et sont restés fidèles à leurs principes et idéaux. Ils ont été persécutés en raison de leurs convictions politiques et envoyés dans des prisons et des hôpitaux psychiatriques.
Le 12 janvier 1972, commençait la deuxième plus grande purge de « dissidents » en Ukraine après celle de 1965 : l'opération "Block" (Операція « Блок ») du KGB qui s’est manifestée par une vague simultanée d’arrestations et de perquisitions dans toute l’Ukraine, notamment dans la capitale, Kyiv, mais aussi à Lviv. Des membres bien connus de la résistance anti-totalitaire ont été arrêtés ce jour-là : Ivan Svitlichnyi, Yevhen Sverstyuk, Vasyl Stus, Vyacheslav Chornovil, Iryna et Ihor Kalyntsi, Leonid Plyusch, Mykola Plahotniuk... Cette liste est loin d’être exhaustive de ceux qui ont été persécutés. Près d’une centaine de personnalités ukrainiennes parmi les plus brillantes et les plus indomptables ont été emprisonnées et envoyées en exil en Mordovie, en Sibérie et au Kazakhstan. Ils ont été enfermés dans des hôpitaux psychiatriques, privés de leur emploi ou renvoyés de l'éducation. Les répressions de 1972 mettent fin au mouvement des « sixtiers », les dissidents des années 1960. La plupart des personnes arrêtées le 12 janvier 1972 ont été condamnées en vertu de l'art. 62 du Code pénal de la RSS d'Ukraine « Agitation et propagande antisoviétiques » et ont été condamnées à cinq à sept ans d'emprisonnement dans des camps à régime strict et à trois ans d'exil, mais parfois beaucoup plus comme Ivan Gel, 10 ans de régime strict et à 5 ans d'exil.
C’est en 1975 que le 12 janvier a été déclarée Journée des prisonniers politiques ukrainiens (День українських політв'язнів). Elle l’a été à l’initiative de Viacheslav Chornovil, un des dissidents ukrainiens les plus éminents de l'Union soviétique. Il était l'un des fondateurs et militants du mouvement Sixtiers en Ukraine, qui prônait la renaissance de l'Ukraine, de sa langue, de sa spiritualité et de sa souveraineté. Chornovil a été arrêté pour la première fois en 1967 pour son livre intitulé Woe from Wit , qui documentait l'emprisonnement illégal d'intellectuels ukrainiens. Il a été accusé de diffamation et condamné à trois ans d'emprisonnement. Chornovil a été libéré au bout d'un an et demi dans le cadre d'une amnistie générale.
Après sa libération, Chornovil a effectué plusieurs petits boulots et a poursuivi son militantisme. En 1970, il commence à publier un magazine clandestin intitulé Ukraine Herald . C'est ce qui lui valut d'être arrêté une deuxième fois en 1972. Cette fois, Chornovil fut condamné à six ans d'emprisonnement suivis d'un exil de trois ans.
Cette célébration annuelle a pris une dimension particulière à partir de 2014 quand une portion du territoire ukrainien a commencé à être occupée par la Russie et qu’à nouveau des dissidents ont été emprisonnés comme le cinéaste, écrivain et activiste Oleg Sentsov, Roman Sushchenko, Asan Chapukh et tant d’autres, persécutés en raison de leurs positions pro ukrainiennes.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 11 janvier 2024
25 décembre : c’est désormais Noël pour tous les Ukrainiens
Pour la première fois de son histoire, l’Ukraine fête Noël un 25 décembre. En juillet 2022, la Rada (le Parlement) a voté un texte reconnaissant officiellement cette date comme la fête de Noël, remplaçant celle du 7 janvier. Ce changement marque une rupture culturelle et politique de plus avec la Russie.
Pour la première fois de son histoire, l’Ukraine fête Noël un 25 décembre (exception faite des régions qui ont été jadis sous juridiction de la Pologne ou de la Hongrie). En juillet 2022, la Rada (le Parlement) a voté un texte reconnaissant officiellement cette date comme la fête de Noël, remplaçant celle du 7 janvier, basée sur le calendrier julien. Ce changement de calendrier est rupture très symbolique avec l’usage de l’église orthodoxe russe. En Europe, il n’y a plus guère que les Églises russe et serbe a ne pas avoir adopté le calendrier grégorien qui rythme le temps. Le calendrier julien a 13 jours de “retard” sur le calendrier grégorien, d’où la date du 7 janvier.
La rupture est antérieure l’agression russe du 24 février 2022. Lors de la révolution de Maïdan, en 2014, l’Église orthodoxe, rattachée au patriarcat de Kiev, ainsi que l'Église gréco-catholique s'étaient rapprochées des manifestants proeuropéens, tandis que l'Église orthodoxe, liée au patriarcat de Moscou, soutenait naturellement les idées de ses parrains russes. La rupture a été consommée quand, en 2019, l’Église orthodoxe ukrainienne a obtenu son autocéphalie (indépendance par rapport à l’Église de Moscou). En mai 2022, la branche l’Église ukrainienne restée fidèle à Moscou, a elle aussi pris ses distances en réaction au soutien à la guerre exprimé par le patriarche russe Kirill. La généralisation de la date du 25 décembre pour fêter Noël était la suite logique de cette rupture culturelle et politique avec la Russie, dont même la langue perd aujourd’hui du terrain en Ukraine.
En Ukraine, le 7 janvier qui était jusqu’à présent férié, continuera de l’être. Mais ceux qui veulent fêter Noël le 25 décembre, comme le font les catholiques, pourront donc le faire aussi, dans les mêmes conditions, compte tenu de la réforme du Code du travail.
Hier soir, les Ukrainiens ont réveillonné avec, selon la tradition, un repas de 12 plats sans viande, dont la koutia, un entremets composé de grains de blé bouillis, de miel, de raisins secs, de noix concassées et de graines de pavot.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 24 décembre 2023
26 novembre : Holodomor, le génocide des Ukrainiens voulu par Moscou
Entre 19h32 et 19h33, ce 26 novembre, les Ukrainiens observent une minute de silence en mémoire de la plus grave tragédie de leur histoire : la mort de 7 à 10 millions de leurs compatriotes lors de la grande famine de 1932-1933.
Entre 19h32 et 19h33, les Ukrainiens observent une minute de silence en mémoire de la plus grave tragédie de leur histoire : la mort de 7 à 10 millions de ses habitants lors de la grande famine de 1932-1933, soit quelque 25 % à 30 % de sa population de l'époque.
À Kiev, un cortège se rend au mémorial de l'Holodomor (голодомо́р « mort de faim » en ukrainien, holod, la faim ; mor, l’extermination), par la rue Ivan Mazepa. Des milliers d'Ukrainiens en famille viennent y déposer une bougie.
Une cérémonie a également lieu à Bykivnia, localité de la banlieue de Kyiv où de très nombreux morts ont été inhumés. En 2006, Kyiv reconnaissait le caractère génocidaire de l’Holodomor, pas Moscou où les autorités arguent que la collectivisation forcée, visant à éliminer les koulaks, a provoqué des famines partout en URSS, et que l’Ukraine n’était pas spécialement visée. Kyiv y voit, au contraire, la volonté de Staline de casser la fierté ukrainienne et de détruire à jamais toute tentation d’émancipation, car ailleurs en URSS, la famille n’a pas entrainé la mort d’une telle proportion de la population. La seule exception est le Kazakhstan où l’hécatombe fut pire encore. Le génocide y est connu sous le nom d’Acharchylyk.
Le Canada où vivent un million de descendants d'Ukrainiens, organise ce même jour, quatrième samedi de novembre, des cérémonies dans plusieurs villes. À New York, également, on commémore le crime de masse.
À Paris, Le Comité représentatif de la communauté ukrainienne en France organise une cérémonie du dépôt de gerbes sur la tombe du Soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe. Un rassemblement a lieu dans le Square Taras Chevchenko (angle rue des Saints-Pères et Bd St Germain Paris 6e). Une trentaine de pays reconnaissent l’Holodomor comme un génocide : États-Unis, Canada, Brésil, Portugal, Vatican… dernièrement, la Roumanie, la Moldavie et l’Irlande, l’Allemagne, le Parlement européen et finalemen la Belgique et la France, en mars 2023 seulement, quelques mois avant le 90e anniversaire.
En novembre 2022, une messe a été dite en l’église Saint-Sulpice, à l’initiative de l’éparchie gréco-catholique de Paris. Le pape François a invité à prier pour les victimes de « l’extermination par la faim en 1932-1933 provoquée artificiellement par Staline en Ukraine ».
#Holodomor #Ukraine #URSS #1923 #1933
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 26 novembre 2023
27 octobre : la Journée de l'écriture et de la langue ukrainiennes
L’armée ukrainienne patine dans sa reconquête des territoires occupés par les Russes mais s’il est un domaine où la victoire de l’Ukraine face à Moscou est largement engagée, c’est celui de la culture et en particulier de la langue. Le russe, jusque-là largement parlé en Ukraine a connu un déclin vertigineux au profit de l’ukrainien. Cette journée dont la date a changé cette année, est l’occasion de le vérifier.
L’armée ukrainienne patine dans sa reconquête des territoires occupés par les Russes mais s’il est un domaine où la victoire de l’Ukraine face à Moscou est largement engagée, c’est celui de la culture et en particulier de la langue. Le russe, jusque-là largement parlé en Ukraine a connu un déclin vertigineux au profit de l’ukrainien, la langue du pays, malmenée aux époques tsariste et soviétique et que les autorités pro-russes s’appliquaient encore à marginaliser dans les années 2000. Depuis 2014 et surtout depuis l’agression russe du 24 février 2022, la situation s’est complètement renversée au point que des familles qui n’avaient jamais parlé ukrainien se sont mises à l’apprendre et à l’utiliser.
Une Journée de l'écriture et de la langue ukrainiennes avait été instituée en 1997, elle avait un caractère plus folklorique que véritablement culturel. La principale manifestation consistait à déposer des fleurs aux pieds de la statue de Nestor le chroniqueur, je 9 novembre, jour de sa fête. Nestor était un moine de la Laure de Kiev-Pechersk qui est considéré comme l'auteur de la Chronique primaire , également connue sous le nom de Conte des années passées , qui est une source fondamentale d'information sur l'histoire ancienne des Slaves de l'Est.
Cette date reprenait une vielle tradition, marquée le 9 novembre, après avoir emmené leurs enfants à l'école, les parents se rendaient à l'église pour mettre une bougie devant l'icône de Nestor le Chroniqueur et prier pour qu'il aide l'enfant dans ses études.
Pour bien marquer la rupture avec la Russie, l'Église orthodoxe d'Ukraine (OCU) et l'Église gréco-catholique ukrainienne (UGCC) ont abandonné en 2023 le calendrier julien (celui que suit l’église russe) pour le calendrier grégorien qui a cours dans le reste du monde. La conséquence est que la Journée de l'écriture et de la langue ukrainiennes (День української писемності та мови) est désormais célébrée le 27 octobre. L’année 2023 inaugure cette nouvelle date.
Parmi les événements qui marquent la journée du 27 octobre : le Concours international Petro Yatsyk s’adresse aux experts en langue ukrainienne. Il concerne plus de 5 millions de personnes habitants une vingtaine de pays à travers le monde. Une dictée radiophonique est organisée, les participants doivent envoyer la photo de leur texte avant le 28 octobre à 11h à rd@suspilne.media.
L’ukrainien, apparu au VIe siècle, a survécu à des siècles de tentatives d’éradication. Après le déclin de l’État de Kiev, la langue ukrainienne a connu des temps difficiles. Mais c'est à l’époque de l'Empire russe qu'elle a subi la plus grande oppression. En 1627, sur ordre du tsar de Moscou, des livres imprimés en Ukraine furent brûlés pour la première fois. En 1720, le tsar Pierre Ier interdit totalement l'impression de livres en langue ukrainienne. En outre, il était interdit d'enseigner en ukrainien dans les établissements d'enseignement et de l’utiliser pour des sermons dans les églises.
Dans le même temps, l’intelligentsia ukrainienne s’est appliquée à la populariser. Le créateur de la langue ukrainienne moderne est le diplomate Ivan Kotlyarevskyi, auteur de l’ Énéide et de Natalka Poltavka, créés sur la base d'une langue vernaculaire vivante. Un peu plus tard, Taras Chevchenko a prouvé par son œuvre poétique que la langue ukrainienne n'est pas inférieure aux autres langues. Son recueil Testament est l’œuvre en ukrainien la plus traduite. Depuis 1845, elle a été traduit 147 fois dans différentes langues.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 26 octobre 2023
28 juillet : le baptême de la Russie ou celui de l’Ukraine ?
La Saint-Vladimir sert de prétexte à un nouveau jour férié en Russie, elle fait référence au baptême d’un prince de Kyiv (Kiev en russe) au Xe siècle, soit plusieurs siècles avant qu’une Russie n’apparaisse sur la carte de l’Europe sur un espace situé 800 km plus a nord. Les Ukrainiens de leur côté, célèbrent Volodymyr le Grand, fondateur de la Rus de Kyiv, présentée comme ancêtre de l’Ukraine.
Depuis 2009, le 28 juillet est une fête nationale en Russie, le pouvoir russe ayant décidé de célébrer le « baptême de la Russie » lequel serait intervenu un certain 28 juillet de l'an 988. Des célébrations religieuses, présidées par le patriarche de Moscou, se sont aussitôt déroulent à la fois à Kiev/Kyiv et à Moscou. Cependant, à partir du schisme de l’Église ukrainienne, en janvier 2019, cette célébration n’a fait qu’attiser les tensions entre les deux capitales.
On fête aujourd'hui le 1034e anniversaire du soi-disant « baptême de la Russie », dont on ne connait pas le jour exact. La date choisie par Poutine correspond au jour de la Saint-Vladimir, du nom du prince qui s’est fait baptiser. En réalité, la Russie n’existait pas encore à cette époque. En 988, c’est un prince de Kyiv (ou Kiev en russe) qui se faisait baptiser et non le fondateur de la Russie. Celle-ci n’apparaitra sur la carte que plusieurs siècles plus tard. Le lien de la Russie avec ce baptême d’un prince de Kyiv est une construction a posteriori de la propagande russe.
Poutine attache une grande importance à saint Vladimir (le prince a été canonisé) qui est aussi son propre saint patron. En 2016, il a inauguré avec le patriarche de l’Église orthodoxe, Cyrille, une immense statue de saint Vladimir Ier tout près de l’enceinte du Kremlin et du mausolée de Lénine. En 2018, Poutine a, à nouveau, participé à une cérémonie grandiose au pied de cette statue qui pourtant représente un prince de Kyiv et non un ancêtre de la Russie. L’Église orthodoxe russe est l’un des fers de lance de la réécriture de l’Histoire opérée par le Kremlin et des ambitions géopolitique du dictateur russe.
L’Ukraine n’entend pas se laisser dépouiller ainsi de sa mémoire. En 2021, lors de la célébration du 30e anniversaire de l'indépendance de l'Ukraine, Volodymyr Zelenskyy annonçait que le 28 juillet deviendrait un jour férié nommé Journée de l'État ukrainien. La première célébration a eu lieu le 28 juillet 2022, quelques mois après l’agression de Moscou. Désormais, l’Ukraine affirme que le prince de Kyiv, Volodymyr le Grand, (rebaptisé Vladimir ultérieurement par les Russes) a fondé les bases d’un État, la Rus de Kyiv, qui est tout simplement l’ancêtre de l’Ukraine et non celui d’un État russe apparu sept siècles plus tard, 800 kilomètres plus au nord.
Le schisme mémoriel se poursuit. L 28 juin 2023, le président de l'Ukraine, Volodymyr Zelenskyi, a soumis à la Verkhovna Rada d'Ukraine un projet de loi qui déplace la Journée de l'État ukrainien du 28 juillet au 15 juillet. Il a été approuvé il y a quelques jours par les députés. Ce changement de date est la conséquence de l’abandon du calendrier julien par l’Église ukrainienne au profit du calendrier grégorien que suivent les Occidentaux. À partir de 2024, la Saint-Volodymyr sera donc célébrée à Kyiv le 15 juillet et en même temps le « baptême de l’Ukraine ». Les Russe n’abandonneront pas pour autant leur 28-Juillet.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
26 juin : le jour du drapeau tatar de Crimée
Le drapeau des Tatars de Crimée a été adopté par l'Assemblée nationale des Tatars de Crimée en 1917, puis rétabli le 26 juin 1991, peu avant la chute de l’URSS. À nouveau sous occupation russe, la Crimée n’est actuellement pas en mesure de célébrer son drapeau national, celui du peuple qui y vivait avant l’arrivée des Russes.
Le drapeau des Tatars de Crimée a été adopté par l'Assemblée nationale des Tatars de Crimée (kurultai ou qurultay) en 1917, peu après la Révolution de février dans l'Empire russe. Leur pays était occupé depuis un peu plus d’un siècle par les Russes. La Révolution russe de février 1917 leur donna pour la première fois l’occasion d’exprimer leur identité nationale et leur aspiration à s’autogouverner.
Toute expression nationale des Tatars sera ensuite interdite pendant l’époque soviétique, il faudra attendre le 26 juin 1991, pour qu’un deuxième kurultai se réunisse. Deux ans auparavant, les Tatars de Crimée avaient commencé à revenir en Crimée après leur expulsion de 1944. Ce 26 juin 1991, le kurultai a officiellement rétabli le drapeau tatar de Crimée comme comme leur drapeau national. C’est cet anniversaire qui est célébrée chaque 26 juin, Jour du drapeau tatar de Crimée (Sinda qirimtatar bayraginiñ künü). La célébration, toutefois, se limite à la diaspora (en Turquie, au Canada…) car l’expression de l’identité tatare est aujourd’hui à nouveau brimée dans la Crimée occupée par l’armée russe.
Le drapeau tatar de Crimée est une bannière bleu clair avec un emblème jaune (doré) dans le coin supérieur gauche. La couleur bleue est traditionnellement associée aux peuples turcs, alors que l'emblème est un tamga, un sceau abstrait utilisé par les peuples nomades eurasiens. Ce tamga particulier était autrefois le symbole officiel de la maison de Giray, la dynastie qui a régné sur le khanat de Crimée du début du XVe siècle jusqu'à son annexion par l'Empire russe en 1783. Au XXe siècle, les Tatars de Crimée ont adopté le tamga de Giray comme symbole national.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 26 juin 2023
18 mai : la déportation des Tatars de Crimée
Cette journée commémore la déportation des Tatars de Crimée, le 18 mai 1944 sur ordre de Staline. Aujourd’hui, des Tatars de Crimée militent pour que ce drame, connu sous le nom de Sürgünlik, soit reconnu comme un génocide.
Cette journée commémore la déportation des Tatars de Crimée, le 18 mai 1944, sur ordre de Staline. Le transfert de population et leur accueil furent tellement mal organisés que la moitié des déportés sont morts pendant le trajet ou au cours des mois qui suivirent. Aujourd’hui, des Tatars de Crimée militent pour que ce drame, dénommé Sürgünlik, soit reconnu comme un génocide. Aujourd’hui, toute commémoration est interdite. Leur menace sur l’avenir de la Crimée demeure pourtant très limitée. En fait, très peu ont eu la possibilité de revenir dans cette péninsule aujourd'hui totalement dominée par les Russes. Les Tatars ne représentent plus aujourd'hui que 12% de la population de la Crimée.
Occupant la région pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands ont tenté d’embrigader les Tatars contre les troupes soviétiques. Une petite minorité s’est laissé convaincre. Au début du mois d’avril 1944, l’entrée en Crimée de l’Armée rouge est aussitôt suivie une chasse aux « traîtres à la patrie ». C’est ainsi que les Tatars ont été frappés par une punition collective qui a consisté en une déportation massive vers l’Asie Centrale (principalement l’Ouzbékistan) ou la Sibérie. En deux jours du 18 au 20 mai 1944 environ 180 000 Tatars ont été déportés. La république soviétique de Crimée, créée en 1921, a été supprimée en 1945. Neuf ans plus tard, la péninsule est rattachée à l’Ukraine. Khrouchtchev, un Ukrainien, est alors à la tête de l’URSS. Les traces de l'ancienne présence tatare ont alors quasiment disparu. En 1967, un décret annule les accusations de collaboration avec les nazis, portées contre les Tatars de Crimée, mais seule une toute petite minorité d’en eux sera autorisée à revenir. La majorité devra attendre la perestroïka et surtout le démantèlement de l'Union soviétique en 1991. Quelque 250 000 Tatars sont retournés en Crimée, luttant pour rétablir leurs vies et leurs droits culturels dans une Ukraine qui elle-même devient indépendante et se soucie peu de leur sort. En 2014, la Russie confisque la région à l’Ukraine en s’appuyant sur un référendum truqué dans la plus pure tradition soviétique. Vladimir Poutine tente d’amadouer les Tatars avec des mesures valorisant leurs langues et leurs coutumes. Ceux-ci demeurent des citoyens de seconde zone dans un territoire sous contrôle russe où la démocratie est absente. En 2017, la Cour internationale de justice condamne la Russie pour avoir violé les droits politiques et culturels de Tatars.
En 1944, les déportations soviétiques ont aussi touché les Allemands, les Karatchaïs, les Kalmouks, les Tchétchènes et les Ingouches, les Balkars et d’autres minorités criméennes (Bulgares, Grecs et Arméniens) ou caucasiennes (Meskhètes, Kurde et Khemchine), tous déplacés de force en Sibérie ou en Asie centrale. Les Tatars de Crimée ont aussi été victimes des visées géopolitiques russes sur la péninsule de Crimée. Celles-ci aboutiront à l’annexion de la Crimée par Poutine en 2014 presque 70 ans jour pour jour après le nettoyage ethnique opéré par Staline.
À l'occasion du 79e anniversaire de l'exil et du génocide des Tatars de Crimée, le siège de l'Association de Crimée en Turquie a organisé un programme de commémoration et une cérémonie de prière à la mosquée Hacı Bayram-ı Veli, à Ankara, après la prière du soir du 17 mai 2023. Le programme de prière a été diffusé en direct sur la page Facebook de Crimea News Agency. Le 18 mai, les cérémonies commencent à 15h.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
26 février : le « mardi gras » ukrainien contre les traditions russes
Les Ukrainiens fêtent Masnytsia, une ancienne fête païenne célébrant l’arrivée du printemps et précédant le grand Carême orthodoxe, tout en prenant soin, aujourd’hui, de bien se démarquer des traditions russes.
En Ukraine, où l’humeur n’est guère à la fête, on va tout de même célébrer la version orientale du mardi gras. Cette semaine (20-26 février 2023), qui est sensée avoir été festive, est appelée Masnytsia (Колодій). Beaucoup aujourd’hui préfère l’appeler Kolodiy (Колодій), comme on disait du temps des cosaques, ou encore Shrovetide (Шроветіде). Masnytsia est trop proche du terme russe Maslenitsa (Масленица), le nom de la fête dans le camp d’en face.
En Ukraine, on se plait à rappeler que cette ancienne fête slave, d’origine païenne, qui célèbre la fin de l’hiver et l’arrivée du printemps, était déjà marquée dans la Rus de Kyiv plusieurs siècles avant que la Russie n’apparaisse sur une carte. Elle n’a jamais été oubliée. Les puristes déplorent cependant qu’à l’époque soviétique, la fête ait été russifiée au point que beaucoup d’Ukrainiens ont pris l’habitude de confectionner des blinis ce jour-là. Avec le rejet que suscite aujourd’hui la Russie, on conseille de revenir à la tradition locale qui est de confectionner des varenykis (вареники), des boulettes entourée de pâte (des sortes de ravioli) et fourrées de ce que l’on veut sauf de viande. Car, comme dans la tradition occidentale du mardi gras, la semaine qui s’est écoulée était traditionelemment une semaine sans viande, mais de consommation de fromage, de beure et d’œufs. D’où les beignets de carnaval à l’ouest de l’Europe.
Une autre tradition de cette journée est de brûler des effigies de paille à forme humaine. Une manière de chasser l’hiver et les mauvais esprits. Là encore les plus attentifs aux coutumes ukrainiens vont dire que c’est une tradition qui s’est développée en Russie, où d’ailleurs ce soir, on en brûlera un peu partout dans les campagnes. Dans la culture populaire ukrainienne, il était plutôt d’usage d’enterrer des poupées pour faire disparaître l’hiver. Mais le spectacle du feu est tel qu’il est difficile de faire revenir les Ukrainiens à l’enterrement de figurine. Cela dit, en Ukraine il n’est pas interdit d’affubler ces mannequins de paille du visage de Poutine avant d’y mettre le feu.
Ce soir à Kyiv, le Musée national de l'architecture et de la vie folkloriques d'Ukraine organise une célébration colorée de Masnytsia. L’entrée est gratuite pour l’occasion. À 18h15, il est procédé à la mise à feu des mannequins de paille. VDNG, le plus grand espace de loisirs et de divertissement familial à Kiev, organise lui aussi deux journée spéciale les 25 et 26 février destiné aux familles souhaitant échapper pour quelques heures à la guerre. Sur la place centrale, le spectacle "Masnytsia", avec la cérémonie de Kolodiy (mise à feu) a lieu à 12h00, 13h00, 14h00, 15h00, 16h00, 17h00 et 18h00.
Ce dimanche 26 février est aussi appelé dimanche du pardon (Прощеною) par l’Église orthodoxe. Selon la tradition, lorsque les gens se rencontraient, ils se disaient : « Pardonnez-moi », et en réponse ils entendaient : « Dieu vous pardonnera ». C’est aussi l’occasion pour les croyants de prier pour les morts au combat. Demain, débutera le Grand Carême des orthodoxes orientaux (27 février au vendredi 7 avril 2023) qui conduira jusqu’à Pâques, la plus grande fête orthodoxe (16 avril).
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
16 février : la deuxième journée de l’unité en Ukraine
Il y a un an, en 2022, le président Zélensky décrétait le 16 février jour férié. Ce nouveau Jour de l’unité était destiné à rassembler et à mobiliser la population ukrainienne face à une agression militaire russe qui s’avérait imminente. Cette année, la deuxième édition de cette journée se déroule sur fond d’annonce d’une nouvelle offensive russe, massive cette fois.
Il y a un an, en 2022, le président Zélensky décrétait le 16 février jour férié. Ce nouveau Jour de l’unité (День єднання) avait été annoncé deux jours plus tôt. La date n’avait pas été choisie au hasard, selon les renseignements américains, c’était celle d’une probable attaque massive de la Russie contre l’Ukraine. En dépit, de la concentration de troupes russes aux abords de la frontière ukrainienne, en particulier au nord de Kyiv, les observateurs européens ne croyaient pas à cette offensive. Le ministère russe de la Défense démentait toute intention belliqueuse et annonçait même, le 15 février, la fin de l’exercice militaire et un début de retour. L’inquiétude grandissait néanmoins en Ukraine. Afin de diminuer la pression psychologique, maintenue par des informations alarmistes, Volodymyr Zélensky a voulu offrir aux Ukrainiens une journée de détente, de rassemblement patriotique et de mobilisation face au danger. Ce fut cette journée du 16 février dont une seconde édition a été annoncée pour 2023. La guerre n’est pas terminée, loin de-là, une nouvelle offensive massive est même annoncée de la part des Russes, dans les prochains jours…
Le 16 février 2022, le drapeau ukrainien bleu et jaune était hissé sur tous les bâtiments publics, la population était invitée à arborer un ruban aux couleurs nationales lors de manifestations publiques. À 10h, dans toute l’Ukraine, hormis les régions déjà occupées par les Russes, on a chanté l’hymne national. Une prière collective avait leu dans la cathédrale Sainte-Sophie de Kiev, le lieu le plus sacré de cette conscience nationale.
Finalement, on le sait, l’agression russe a bien eu lieu, la date choisie, on aurait pu le deviner, la décision a été prise par le dictateur Poutine le 23 février, une date très symbolique et très militariste, pour les Russes. L’offensive a débuté dans la nuit du 23 au 24 février.
Un an après, le Jour de l’unité de l’Ukraine est à nouveau célébré bien que la loi martiale ait supprimé tous les jours fériés, le pays étant en guerre. L’esprit y sera tout de même. La Russie s’est embourbée dans une guerre désastreuse, d’abord pour elle-même. L’Ukraine n’a pas cédé, l’esprit du 16 février a joué à fond au-delà de toute attente. Ce pays, autrefois politiquement très divisé, s’est rassemblé. Les Ukrainiens ont su tenir tête à un agresseur russe qui a largement surestimé ses forces et la capacité du «peuple frère » à résister.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
15 décembre : la diaspora grecque commémore la purge dont elle a été victime en URSS
Le 11 décembre 1937, le gouvernement soviétique ordonnait une vaste purge parmi la communauté grecque. Ce fut l’une des plus sanglante de l’époque de la Grande Terreur en URSS : plus de 90% des personnes arrêtées ont été exécutées. D’autres ensuite ont été déportés en masse.
Le 15 décembre 1937, le commissaire du peuple aux Affaires intérieures de l’URSS, Nikolai Yezhov a signé le décret n ° 50215 déclenchant une vague d’arrestation visant la communauté grecque. À l’époque plus de 300 000 Grecs vivaient en URSS. C’est la mémoire de cette purge sanglante qui est commémorée dans la diaspora grecque plus qu’en Grèce elle-même : Ελληνική Επιχείρηση του NKVD 15 Δεκεμβρίου.
Le 20 juillet 1937, une première purge opérée par le NKVD avait visé les Allemands vivant en URSS, puis ce fut les Polonais, le 9 août, puis les Japonais, les Coréens, les Estoniens et Finlandais, les Iraniens et bien d’autres… Mais la plus sanglante de toutes fut sans doute l’ « Opération hellénique », selon le jargon stalinien de la période de la Grande Terreur : plus de 90% des quelque 22 000 Grecs emprisonnés du 15 décembre 1937 à mars 1938 ont été exécutés. Les élites ont été particulièrement visées, on a décapité les théâtres, les écoles de langues grecques… même des communistes grecs réfugiés en URSS pour fuir la dictature de Metaxas. Parmi les victimes de cette première série d’exécutions, figure Konstantin Chelpan, l’ingénieur qui a conçu le moteur du char soviétique T-34 et qui a reçu pour cela le prix Lénine. Ce char d’assaut a été un élément décisif de la victoire soviétique sur les Allemands lors de l’opération Barbarossa. Mais Chelpan n’a pas vécu cette victoire de l’URSS puisqu’il a été exécuté le 4 février 1938, après avoir dû avouer sous la torture qu’il dirigeait une organisation contre-révolutionnaire nationaliste grecque, complotant pour saboter une usine de Karkhiv.
Les persécutions de la communauté grecques ont particulièrement touché Azov, Odessa, la Crimée, Kharkiv, Kyiv, Donetsk et Krasnodar où vivait une grande partie de la communauté grecque soviétique, mais aussi Donetsk et Marioupol, des villes en grande partie grecques. Les campagnes ont été également très touchées par la “dékoulatisation” visant les Grecs, dans le village ukrainien de Stila, par exemple, au printemps 1938, pas un seul homme âgé de 18 à 60 ans n'avait été laissé en vie. Les purges ont duré 13 ans et contrairement à ce qu’ont vécu d’autres peuples comme les Tatars de Crimée, il n’y a eu aucune réhabilitation ultérieure prononcée par les autorités soviétiques. Les vagues d’arrestations suivantes ont surtout conduit à des déportations massives au goulag, principalement dans la Kolyma, dans l’extrême orient sibérien ou dans les steppes du Kazakhstan. Un grand nombre de ces détenus sont morts de maladie, d’autres se sont suicidés. Les morts massives ont commencé à l’automne 1938 avec les grands froids. Une libération à grande échelle eut lieu pendant l’hiver 1947-1948, mais, seule une petite moitié des prisonniers sont rentrés des camps. De 1937 à 1949, Staline a exterminé 38 000 Grecs.
Récemment, en Ukraine on a construit des monuments à leur mémoire et on discutait de faire du 15 décembre un jour de mémoire. Ce jour-là, des Grecs du monde entier ont une pensée pour les victimes, bien oubliée, de l'opération grecque du NKVD. La date est importante pour de nombreux Grecs, en particulier ceux dont les proches ont été tués pendant la purge. Ce n’est pas un jour commémoratif officiel en Grèce où cet épisode de l’histoire a été longtemps occulté. La Grèce aurait pu sauver beaucoup d’entre eux. Une fois passée la purge sanglante du 15 décembre, Staline proposait de laisser partir la communauté grecque d’URSS, mais Metaxas, le dictateur grec d’extrême droite, ne souhaitait pas le rapatriement de communistes grecs. Après des négociations acharnées, 10 000 visas furent tout de même délivrés par Athènes sur 40 000 demandes déposées, principalement accordés à des femmes et à des enfants de Grecs arrêtés. Une partie des malchanceux sont morts en Sibérie.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 14 décembre 2022
14 décembre : la Journée des liquidateurs de Tchernobyl
En Ukraine, on rend hommage à ceux qui ont laissé leur vie ou leur santé pour limiter les conséquences de la catastrophe provoquée par l’incurie du système soviétique, on les appelle les liquidateurs de Tchernobyl.
Le 26 avril 1986, la plus grande catastrophe d'origine humaine au monde s'est produite à la centrale nucléaire de Tchernobyl. Elle a contaminé au moins 3,5 millions de personnes dont plus d’un million d’enfants, et rendu inhabitables 54 000 km2, 160 000 personnes ont dû abandonner leur maison… Mais ce n’est pas à eux que l’on rend hommage chaque 14 décembre en Ukraine, mais à ceux qui ont laissé leur vie ou leur santé pour limiter les conséquences de la catastrophe provoquée par l’incurie du système soviétique, on les appelle les liquidateurs de Tchernobyl (Ліквідатори Чорнобиля).
La date de la Journée des liquidateurs de Tchernobyl (День ліквідаторів аварії на ЧАЕС) n'a pas été choisie au hasard, en 2006, par le président Viktor Iouchtchenko. C’est le 14 décembre 1986 que l'installation "Shelter" - le sarcophage, qui assurait le stockage des déchets radioactifs au niveau du quatrième réacteur d'urgence - a été mise en service. Ainsi a été stoppée une catastrophe qui prenait des dimensions mondiales.
Un mois seulement après la catastrophe de Tchernobyl, environ 200 pompiers et employés de la centrale nucléaire sont morts des suites d'une exposition aux radiations. Plus de 350 000 liquidateurs sont passés par le site de Tchernobyl : des conscrits, des travailleurs médicaux, des réservistes et des intérimaires. Ils travaillaient par équipes, recevaient la dose de rayonnement maximale autorisée et étaient remplacés par d'autres. La dernière tâche des liquidateurs qui ont nettoyé le toit de la centrale nucléaire de Tchernobyl des débris radioactifs, a été de hisser le drapeau soviétique à une hauteur de 75 mètres. Les rayonnements y étaient si élevés que seulement neuf minutes ont été allouées aux trois « volontaires » désignés pour l'opération. Pour avoir exécuté cet ordre fou des autorités soviétiques, ils ont été gratifiés d’un jour de congé supplémentaire.
Un nouveau sarcophage a été construit en 2016, à l'aide d'un financement européen, a coûté 1,426 milliard d'euros. Il devrait tenir un siècle. Sa structure métallique recouvre le premier sarcophage de béton et de plomb construit à la hâte par les Soviétiques, destiné lui à durer 30 ans. Tchernobyl a été occupé pendant quelques jours par l’armée russe au début de la guerre de destruction de l’Ukraine lancée le 28 février par Poutine. Le recul de l’armée russe fait que la centrale en ruine se trouve aujourd’hui loin des combats mais l’Ukraine abrite une autre centrale à Zaporijjia, réputée être la plus puissante d'Europe. Occupée par les Russes, elle est située sur la ligne de front, des roquettes sont tombées à proximité au mois de septembre…
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
11 décembre : mémoire de la Shoah en Crimée
L’occupation nazie de la Crimée de décembre 1941 à 1944 va aboutir à la presque disparition de la communauté juive. Les autorités locales commémorent aujourd’hui sa mémoire mais avec une arrière-pensée qui s’inscrit parfaitement dans la propagande poutinienne qui affirme vouloir dénazifier la région.
Le 11 décembre, plusieurs centaines de Juifs ashkénazes et de Krymchaks étaient exécutées, le même jour, par les troupes allemandes, qui commençaient à envahir la Crimée. La péninsule ne sera complètement occupée qu’en juillet 1942 (et jusqu’au printemps 1944), mais les massacres opérés par les nazis ont commencé dès le 11 décembre 1941 et se succéderont ensuite.
C’est la date de ce funeste anniversaire qui a servi au gouvernement de la République autonome de Crimée, en 2004, pour créer un Jour du Souvenir des Krymchaks et des Juifs de Crimée. Il est observé chaque année depuis lors. Après l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, le jour du souvenir a été inclus dans le calendrier officiel des jours fériés de la Fédération de Russie (День памяти крымчаков и крымских евреев). Les cérémonies mémorielles ont lieu sur le lieu d’exécution de plus de 18000 personnes : dans un fossé antichar situé au 10e kilomètre de l'autoroute Feodosia. Un mémorial y a été construit.
Les Krymchaks sont des juifs de langue turque présents depuis des siècles en Crimée. Pendant l’occupation nazie 6000 d’entre eux vont être assassinés, soit les trois quarts de la communauté. Certains ont eu la vie sauve en se faisant passer pour Tatars.
Les juifs ashkénazes sont arrivés après la première annexion de la Crimée par l’empire russe en 1783. En 1939, environ 65 000 Juifs vivent en Crimée, soit 6 % de la population totale. Au moment de la conquête allemande, 8 000 Juifs sont sous les drapeaux, 35 000 autres parviennent à s'échapper, et environ 22 000 se font piéger en Crimée occupée, presque tous se feront massacrer.
Cette commémoration associe aussi les Roms, victimes eux aussi d'une politique d'extermination systématique et dont le massacre a également commencé le 11 décembre 1941.
Si les autorités russes, qui dirigent aujourd’hui la Crimée, poursuivent avec tant de zèle une commémoration qui ne concerne plus, localement, qu’une poignée d’habitants de la Crimée, c’est que cette commémoration s’inscrit parfaitement dans la propagande russe : ce sont les troupes soviétiques (sous-entendu les Russes) qui ont chassé les Allemands (les nazis). Pourtant, on se souvient que, dès le conflit terminé, la propagande soviétique avait totalement occulté le massacre de plus d’un million de juifs dans la seule république d’Ukraine. À la barre du tribunal international de Nuremberg, les témoins convoqués par l’accusation soviétique auront même interdiction de mentionner leur judéité. L’antisémitisme d’État qui était l’une des caractéristiques de l’URSS a repris de plus belle après 1947 et culminera à la fin du règne de Staline avec des séries d’exécutions ou de déportations, ciblant en priorité les juifs, suite à des rumeurs de complots imaginaires (celui dit des blouses blanches en 1952 par exemple). Poutine a très largement remis à son compte l’héritage soviétique, aujourd’hui presque totalement réhabilité. Mais, en même temps la propagande poutinienne assène sans relâche que « l’opération spéciale » lancée le 24 février 2022 a pour but essentiel de dénazifier l’Ukraine. L’important est donc, aujourd’hui, de cultiver la mémoire des victimes des nazis, au moins sur les partie de l’Ukraine que la Russie occupe depuis 2014, c’est le cas de la Crimée.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde