L’Almanach international

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2017, Russie, armée, 21 août Bruno Teissier 2017, Russie, armée, 21 août Bruno Teissier

21 août : en Russie, la fête des officiers sur fond de déroute militaire

En Russie, la Journée des officiers russes ne date que de 2017, elle a été placée la veille de la Journée du drapeau, célébrée chaque 22 août. Le désastre de la guerre en Ukraine ne peut que rendre morose cette fête annuelle.

 

Cette Journée des officiers russes (день российского офицера) ne date que de 2017, elle a été placée la veille de la Journée du drapeau. Depuis, chaque année, le président du présidium de l'organisation "Officiers de Russie" s'adresse ses félicitations aux officiers. Cette année, alors que l’armée russe est totalement enlisée dans l’est de l’Ukraine, et que cette dernière occupe une portion du territoire russe (ce qui n’était pas arrivé depuis 1945 !), il est bien difficile de trouver un sujet pour se réjouir.

En Russie, le grade d'officier est apparu au XVIIe siècle, sous le règne de Pierre Ier. Ce tsar a formé un corps d'officiers, qui ne comprenait que des représentants de la noblesse. C’est une époque où ce grade pouvait s’acheter. À la fin du XIXe siècle, l'obtention du grade d'officier devient accessible aux militaires dépourvus d’origine noble, au seul mérite au mérite militaire comme, en principe, dans toutes les armées modernes. Les officiers avaient alors un code d'honneur non écrit qui réglementait le comportement du personnel militaire dans la société. 

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 20 août 2024

 
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1572, Russie, orthodoxes, 21 juillet Bruno Teissier 1572, Russie, orthodoxes, 21 juillet Bruno Teissier

21 juillet : Notre-Dame de Kazan, icône russe

Les Russes vénèrent Notre-Dame de Kazan, une icône (miraculeuse bien sûr) qui date de 1572 et à laquelle deux cathédrales sont consacrées : celles de Moscou et de Saint-Petersbourg.

 

Les Russes vénèrent Notre-Dame de Kazan (Казанская Богоматерь), une icône (miraculeuse, bien sûr) qui daterait du XIIIe siècle et à laquelle deux cathédrales sont consacrées : celle de Moscou et celle de Saint-Petersbourg. En 1572, le tsar Ivan le Terrible battait les Tatars du royaume de Kazan. Considérant comme miraculeuse cette victoire sur un ennemi aussi acharné, il ordonnera aussitôt que l’on construise une cathédrale à Kazan, capitale de cet État musulman. Il avait mis le feu à toute la ville, la légende raconte que l’icône serait apparue en songe à une fillette qui permit de la localiser. Le monastère où elle se trouvait aurait brûlé mais l’icône aurait été retrouvée intacte sous les cendres.

Ce jour du 21 juillet (8 juillet du calendrier julien) est aussi connu en Russie comme "Jour de l’Unité". À cette occasion, les autorités russes commémorent les soldats tombés pour défendre leur pays (ou entraînés dans l’agression d’un pays voisin).

La précieuse icône a été dérobée le 29 juin 1904 du monastère où elle se trouvait et elle n’a jamais été retrouvée. Certains Russes datent de cette disparition, le début de leurs malheurs (révolutions de 1905, 1917, famines, guerres...).  Il est vrai qu’elle a été invoquée à de multiples reprises dans l'histoire russe, notamment pour se prémunir des invasions étrangères. Dimitri Pojarski, le libérateur de Moscou en 1612, ou le général Koutouzov, le vainqueur de Napoléon s’en sont remis à elle, dit-on. Aujourd’hui, on vénère des copies plus ou moins anciennes. L’une d’elles datant du XVIIIe siècle et qui avait fui la Russie en 1917, a été offerte au Patriarcat de Moscou par le Vatican en 2004. Elle a trouvé sa place dans la cathédrale de Kazan le 21 juillet 2005. Jean Paul II espérait sans doute, par ce geste, se faire inviter en Russie. Ce qui, pour des raisons géopolitiques, ne s’est pas fait. Le projet s’étant heurté à l’opposition catégorique du patriarche russe Alexis II.

À noter que ND de Kazan est fêtée deux fois, le 8/21 juillet et le 22 Octobre/4 novembre.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 20 juillet 2024

 
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1703, Russie, bataille célèbre, Batailles navales, 18 mai Bruno Teissier 1703, Russie, bataille célèbre, Batailles navales, 18 mai Bruno Teissier

18 mai : la Russie célèbre sa flotte de la Baltique

La Russie, pays militarisé à l’extrême, commémore toutes ses batailles, en particulier celle qui ont une valeur géopolitique. La célébration russe de sa Journée de la flotte baltique qui s’insère la propagande du régime poutinien, est principalement marquée par un défilé naval de grande ampleur.

 

La Russie, pays militarisé à l’extrême, commémore toutes ses batailles, en particulier celle qui ont une valeur géopolitique. Le 18 mai 1703, une flottille de 30 bateaux avec des soldats des régiments Preobrazhensky et Semenovsky sous le commandement du tsar Pierre Ier, remporta sa toute première victoire militaire en capturant deux navires de guerre suédois, le Gedan et l'Astrild, à l’embouchure du fleuve Neva. Cette victoire était inespérée face à une Suède qui était, à l’époque, la puissance militaire de la Baltique, alors que la Russie, n’était encore qu’un pays encore modeste et très peu ouvert sur la mer. Tous les participants à cette bataille ont reçu des médailles spéciales avec l'inscription "L'impensable se produit".

Rétrospectivement, ce 18 mai est considéré comme l'anniversaire de la flotte russe de la Baltique.  En 1703, la Russie reçut son premier navire de guerre : une frégate à trois mâts de 24 canons Shtandart. En 1724, la flotte comptait 141 navires de guerre à voile et des centaines de navires propulsés à l'aviron.

Aujourd’hui, la flotte baltique qui a perdu ses bases d’Estonie, Lettonie et Lituanie, a son siège à Kaliningrad avec des bases principales à Baltyisk et Cronstadt. La Russie de Poutine qui a déjà agressé la Géorgie et a entrepris de détruire l’Ukraine, est jugée suffisamment menaçante pour que la Suède et la Finlande aient finalement intégré l’OTAN, que le Danemark ait récemment élargi son service militaire aux femmes et que la Pologne ait confirmé son souhait d’abriter des armes nucléaires américaines sur son sol. 

La célébration russe de sa Journée de la flotte baltique (День Балтийского флота) qui s’insère la propagande du régime poutinien, est principalement marquée par un défilé naval de grande ampleur. Des anciens combattants, des Pétersbourgeois et des militaires déposent des fleurs au mémorial dédié à Pierre le Grand.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 17 mai 2024

 
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988, Russie, Ukraine, 28 juillet, orthodoxes Bruno Teissier 988, Russie, Ukraine, 28 juillet, orthodoxes Bruno Teissier

28 juillet : le baptême de la Russie ou celui de l’Ukraine ?

La Saint-Vladimir sert de prétexte à un nouveau jour férié en Russie, elle fait référence au baptême d’un prince de Kyiv (Kiev en russe) au Xe siècle, soit plusieurs siècles avant qu’une Russie n’apparaisse sur la carte de l’Europe sur un espace situé 800 km plus a nord. Les Ukrainiens de leur côté, célèbrent Volodymyr le Grand, fondateur de la Rus de Kyiv, présentée comme ancêtre de l’Ukraine.

 

Depuis 2009, le 28 juillet est une fête nationale en Russie, le pouvoir russe ayant décidé de célébrer le « baptême de la Russie » lequel serait intervenu un certain 28 juillet de l'an 988. Des célébrations religieuses, présidées par le patriarche de Moscou, se sont aussitôt déroulent à la fois à Kiev/Kyiv et à Moscou. Cependant, à partir du schisme de l’Église ukrainienne, en janvier 2019, cette célébration n’a fait qu’attiser les tensions entre les deux capitales.

On fête aujourd'hui le 1034e anniversaire du soi-disant « baptême de la Russie », dont on ne connait pas le jour exact. La date choisie par Poutine correspond au jour de la Saint-Vladimir, du nom du prince qui s’est fait baptiser. En réalité, la Russie n’existait pas encore à cette époque. En 988, c’est un prince de Kyiv (ou Kiev en russe) qui se faisait baptiser et non le fondateur de la Russie. Celle-ci n’apparaitra sur la carte que plusieurs siècles plus tard. Le lien de la Russie avec ce baptême d’un prince de Kyiv est une construction a posteriori de la propagande russe.

Poutine attache une grande importance à saint Vladimir (le prince a été canonisé) qui est aussi son propre saint patron. En 2016, il a inauguré avec le patriarche de l’Église orthodoxe, Cyrille, une immense statue de saint Vladimir Ier tout près de l’enceinte du Kremlin et du mausolée de Lénine. En 2018, Poutine a, à nouveau, participé à une cérémonie grandiose au pied de cette statue qui pourtant représente un prince de Kyiv et non un ancêtre de la Russie. L’Église orthodoxe russe est l’un des fers de lance de la réécriture de l’Histoire opérée par le Kremlin et des ambitions géopolitique du dictateur russe.

L’Ukraine n’entend pas se laisser dépouiller ainsi de sa mémoire. En 2021, lors de la célébration du 30e anniversaire de l'indépendance de l'Ukraine, Volodymyr Zelenskyy annonçait que le 28 juillet deviendrait un jour férié nommé Journée de l'État ukrainien. La première célébration a eu lieu le 28 juillet 2022, quelques mois après l’agression de Moscou. Désormais, l’Ukraine affirme que le prince de Kyiv, Volodymyr le Grand, (rebaptisé Vladimir ultérieurement par les Russes) a fondé les bases d’un État, la Rus de Kyiv, qui est tout simplement l’ancêtre de l’Ukraine et non celui d’un État russe apparu sept siècles plus tard, 800 kilomètres plus au nord.

Le schisme mémoriel se poursuit. L 28 juin 2023, le président de l'Ukraine, Volodymyr Zelenskyi, a soumis à la Verkhovna Rada d'Ukraine un projet de loi qui déplace la Journée de l'État ukrainien du 28 juillet au 15 juillet. Il a été approuvé il y a quelques jours par les députés. Ce changement de date est la conséquence de l’abandon du calendrier julien par l’Église ukrainienne au profit du calendrier grégorien que suivent les Occidentaux. À partir de 2024, la Saint-Volodymyr sera donc célébrée à Kyiv le 15 juillet et en même temps le « baptême de l’Ukraine ». Les Russe n’abandonneront pas pour autant leur 28-Juillet.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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Les armoiries d'État d'Ukraine, sous la forme d' un trident doré sur un bouclier bleu, sont là pour affirmer cette filiation. Le trident a été approuvé comme petit blason de l'Ukraine es 1992 mais il avait déjà utilisé par la république proclamée en Ukraine en février 1918. La constitution ukrainienne le mentionne comme "Signe de l'État princier de Volodymyr le Grand". Ces armoiries sont celles de la famille Rurik des Xe-XIIe siècles, à l'époque Rus de Kyiv.

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1944, Russie, Ukraine, URSS, 18 mai Bruno Teissier 1944, Russie, Ukraine, URSS, 18 mai Bruno Teissier

18 mai : la déportation des Tatars de Crimée

Cette journée commémore la déportation des Tatars de Crimée, le 18 mai 1944 sur ordre de Staline. Aujourd’hui, des Tatars de Crimée militent pour que ce drame, connu sous le nom de Sürgünlik, soit reconnu comme un génocide.

 

Cette journée commémore la déportation des Tatars de Crimée, le 18 mai 1944, sur ordre de Staline. Le transfert de population et leur accueil furent tellement mal organisés que la moitié des déportés sont morts pendant le trajet ou au cours des mois qui suivirent. Aujourd’hui, des Tatars de Crimée militent pour que ce drame, dénommé Sürgünlik, soit reconnu comme un génocide. Aujourd’hui, toute commémoration est interdite. Leur menace sur l’avenir de la Crimée demeure pourtant très limitée. En fait, très peu ont eu la possibilité de revenir dans cette péninsule aujourd'hui totalement dominée par les Russes. Les Tatars ne représentent plus aujourd'hui que 12% de la population de la Crimée. 

Occupant la région pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands ont tenté d’embrigader les Tatars contre les troupes soviétiques. Une petite minorité s’est laissé convaincre. Au début du mois d’avril 1944, l’entrée en Crimée de l’Armée rouge est aussitôt suivie une chasse aux « traîtres à la patrie ». C’est ainsi que les Tatars ont été frappés par une punition collective qui a consisté en une déportation massive vers l’Asie Centrale (principalement l’Ouzbékistan) ou la Sibérie. En deux jours du 18 au 20 mai 1944 environ 180 000 Tatars ont été déportés. La république soviétique de Crimée, créée en 1921, a été supprimée en 1945. Neuf ans plus tard, la péninsule est rattachée à l’Ukraine. Khrouchtchev, un Ukrainien, est alors à la tête de l’URSS. Les traces de l'ancienne présence tatare ont alors quasiment disparu. En 1967, un décret annule les accusations de collaboration avec les nazis, portées contre les Tatars de Crimée, mais seule une toute petite minorité d’en eux sera autorisée à revenir. La majorité devra attendre la perestroïka et surtout le démantèlement de l'Union soviétique en 1991. Quelque 250 000 Tatars sont retournés en Crimée, luttant pour rétablir leurs vies et leurs droits culturels dans une Ukraine qui elle-même devient indépendante et se soucie peu de leur sort. En 2014, la Russie confisque la région à l’Ukraine en s’appuyant sur un référendum truqué dans la plus pure tradition soviétique. Vladimir Poutine tente d’amadouer les Tatars avec des mesures valorisant leurs langues et leurs coutumes. Ceux-ci demeurent des citoyens de seconde zone dans un territoire sous contrôle russe où la démocratie est absente. En 2017, la Cour internationale de justice condamne la Russie pour avoir violé les droits politiques et culturels de Tatars.

En 1944, les déportations soviétiques ont aussi touché les Allemands, les Karatchaïs, les Kalmouks, les Tchétchènes et les Ingouches, les Balkars et d’autres minorités criméennes (Bulgares, Grecs et Arméniens) ou caucasiennes (Meskhètes, Kurde et Khemchine), tous déplacés de force en Sibérie ou en Asie centrale. Les Tatars de Crimée ont aussi été victimes des visées géopolitiques russes sur la péninsule de Crimée. Celles-ci aboutiront à l’annexion de la Crimée par Poutine en 2014 presque 70 ans jour pour jour après le nettoyage ethnique opéré par Staline.

À l'occasion du 79e anniversaire de l'exil et du génocide des Tatars de Crimée, le siège de l'Association de Crimée en Turquie a organisé un programme de commémoration et une cérémonie de prière à la mosquée Hacı Bayram-ı Veli, à Ankara, après la prière du soir du 17 mai 2023. Le programme de prière a été diffusé en direct sur la page Facebook de Crimea News Agency. Le 18 mai, les cérémonies commencent à 15h.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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Le drapeau bleu des Tatars de Crimée

Le drapeau bleu des Tatars de Crimée

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1953, URSS, Géorgie, Russie, 5 mars, héros national Bruno Teissier 1953, URSS, Géorgie, Russie, 5 mars, héros national Bruno Teissier

5 mars : Staline, mort il y a 70 ans, se porte de mieux en mieux

Staline est mort le 5 mars 1953. Des milliers de personnes viennent lui rendre hommage, partout en Russie. La nostalgie de l’URSS est largement entretenue par le régime du dictateur Poutine. Lequel a encore, récemment, inauguré une nouvelle statue de son homologue soviétique.

 

Chaque année, pour l’anniversaire de la mort de Staline (годовщина смерти сталина), Vladimir Poutine évoque le grand homme, la Grande Guerre patriotique et la Grande Russie, dénommée URSS, sur laquelle il régnait. L’hymne soviétique, dans une version rénovée, est à nouveau utilisé. Une nouvelle statue de Staline a encore été inaugurée par Poutine en janvier 2023. L’image du dictateur soviétique a été complètement remise au goût du jour par le dictateur russe.

Chaque 5 mars, la foule des admirateurs du « Petit père des peuples » se presse dans un coin de la place Rouge pour lui rendre hommage. Staline est responsable de la mort et de la déportation de plusieurs de dizaines de millions de personnes. Et pourtant, il continue d’être admiré en Russie par une partie croissante de la population. Les mauvais

souvenirs sont désormais bannis des manuels scolaires. Il n’est plus question des purges (700 000 personnes exécutées rien qu’en 1937-1938) ni des déportations, du Goulag, des famines, de la censure et de la propagande. En décembre 2021, l’association Mémorial a été dissoute. C’est elle qui depuis les années 1980 avait courageusement raconté l’histoire des millions de victimes du dictateur soviétique. Que va faire Poutine de l’extraordinaire fond de documentation des exactions de Staline qu’elle avait constitué en quatre décennies d’investigation ? De Staline, la jeunesse ne doit connaître que sa gloire de co-vainqueur de la Seconde Guerre mondiale et la puissance d’une URSS qui dominait un espace allant de l’Allemagne à la Mongolie. Selon un sondage de l’institut Levada publié en 2019, plus de 70% de la population russe estime que Staline a joué un rôle positif dans l’histoire du pays. Ils étaient deux fois moins nombreux au début des années 2000. Des nostalgiques de l’époque soviétique viennent ainsi fleurir tous les ans sa tombe sur la place Rouge, à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, le 5 mars 1953. Et ils sont de plus en plus nombreux à le faire.

En décembre 2021, lors du traditionnel dernier tournoi de hockey de l’année, à Moscou, l'équipe russe est entrée sur la glace vêtue d'un uniforme soviétique, enthousiasmant un public qui agitait le drapeau soviétique. Nostalgie quand tu nous tiens ! Berlin 1953, Budapest 1956, Prague, 1968, Gdansk 1981,… Minsk 2020, Kiev 2022… la logique est la même aux yeux du bon peuple russe. 

 

En octobre 1961, le corps de Staline a été retiré du mausolée de Lénine, sur la place Rouge, à Moscou, pour être placé, plus modestement, dans la nécropole près du mur du Kremlin. C’est la que la foule de ses admirateurs lui rend hommage chaque 5 mars.

Le Parti communiste russe demeure très attaché à la figure du « Petit père des peuple »

 

En Géorgie, à Gori dans sa ville natale, on n’a déboulonné sa statue qu’en 2010. Pour finalement la ressortir en 2013 et la placer devant le musée qui a été constitué à sa gloire. Chaque 5 mars, des centaines de personnes viennent lui rendre hommage.  Une cérémonie est organisée dans une église, avant un bon repas pris dans le meilleur hôtel-restaurant de la ville, chez “Joseph”, bien sûr.  On peut y déguster les plats préférés de Staline et réserver sa chambre. 

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Un attachement quasi religieux pour certains

À Kaspisk, au Daghestan, une rue de la ville a été renommée en l'honneur de Staline… Staline est aussi largement fêté pour son anniversaire officiel, chaque 21 décembre ainsi que le 9 mai, journée où il est mis à l’honneur par Vladimir Poutine, lequel a pris ses distances avec Lénine qu’il accuse d’avoir entrainé la perte de l’URSS en en faisant dès l’origine un État fédéral, mais pour mieux valoriser Staline, le héros de Stalingrad. En janvier 2023, le dictateur Poutine inaugurait encore une nouvelle statue de son glorieux prédécesseur, c’était à Volgograd, l’ex-Stalingrad, bien sûr. Dans le discours que Poutine sert aux Russes, le vainqueur de 1945 a éclipsé le tyran de la Grande Terreur. S’attaquer à Staline revient, pour Poutine, à participer au complot ourdi par les Occidentaux visant à faire de la Russie un pays de second rang. Le discours de la Grande Patrie et de la Russie éternelle fonctionne sur la majeure partie de la population qui n’en a jamais connu d’autre. Le culte du grand homme n’est pas sans rappeler les sentiments qui animaient autrefois la paysannerie russe à l’égard du tsar Nicolas II.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Un pastiche qui en dit long sur la relation entre les deux hommes.

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1917, Armée, Russie, URSS, Femmes, 23 février, révolution Bruno Teissier 1917, Armée, Russie, URSS, Femmes, 23 février, révolution Bruno Teissier

23 février : en Russie, la fête des pères couleur kaki, selon Poutine

Rétrospectivement, on aurait pu se douter que cette journée russe glorifiant l’homme en arme serait le prélude à une agression de l’Ukraine, laquelle a débuté l’an dernier dans la nuit du 23 au 24 février. Officiellement, ce jour férié russe est la Fête des défenseurs de la patrie. Mais, en réalité, la date du 23 février tient plus du combat des femmes que de celui des hommes… Mais ça la propagande de Moscou ne le dit pas.

 

Chaque 23 février, en Russie, les enfants offrent à leur père un dessin, réalisé à l’école, où le papa est représenté en tenue militaire, armes à la main. C’est le Jour des défenseurs de la patrie, un jour férié.

Les femmes se doivent aussi d’offrir un cadeau aux hommes de leur entourage (mari, père, cousins, collègues, patrons…). Certaines se ruinent pour cette occasion. Mais d’où vient cette coutume, en réalité très récente ?

En arrivant au pouvoir, Poutine s’est avisé qu’il n’y avait pas de fête pour les hommes, même pas une fête des pères, comme dans beaucoup de pays. Il est donc allé repêcher l’une de ces nombreuses fêtes soviétiques abandonnées : celle de l’Armée soviétique (День Красной Армии). Selon l’idéal poutinien, un homme, un vrai, se doit de porter l’uniforme. En 2002, on a donc créé un nouveau jour férié : la Journée des défenseurs de la patrie (День защитника Отечества). La Russie étant continuellement en danger (selon le discours officiel), on en profite en même temps pour entretenir la fibre nationale et militaire. Il est toujours bon de préparer une guerre… Dans le pays, le 23 février est une journée de plus pour des défilés militaires, dont les occasions ne manquent pas. Dans les familles, c’est une sorte de fête des pères, l’épouse prépare un bon dîner, les enfants ont confectionné un petit cadeau à l’école ou une carte avec le papa habillé en militaire.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
 

Le ruban de Saint-Georges (георгиевская лента)

Car le kaki est la couleur de la journée à en juger par la décoration des magasins ou par les cartes de vœux envoyées pour l’occasion, le caractère militaire de cette fête reste très appuyé. Le service militaire concernant tous les hommes, cette fête est bien celle des hommes russes, puisque tous, un jour, ont porté l’uniforme. Les autres couleurs de la journée sont celles du ruban de Saint-Georges, orange et noir, qui sont celles du militarisme russe (et de fait, elles sont interdites en Ukraine). Sans oublier le rouge des œillets, symbole de la victoire, et le drapeau blanc bleu rouge de la Russie.

Mais, pourquoi le 23 février ? On vous dira que c’est l’anniversaire de la fondation de l’Armée rouge, en 1918, ce qui n’est pas tout à fait vrai, car les premiers enrôlement date du 22 février 1918 et le décret de fondation du 28 février. On cite aussi les victoires décisives de Pskov et de Narva sur l’armée allemande mais les dates ne correspondent pas vraiment (28 février et 4 mars 1918). Alors pourquoi, en 1923, aurait-on instauré le 23 février une fête de l’Armée rouge (День Красной Армии) qui donnait lieu chaque année à un grand défilé sur la place Rouge ?

 

Image d’époque soviétique célébrant le 23 février

 

En fait, c’est par souci de commémorer une date sacrée de la révolution russe : le 23 février 1917, jour des premières manifestations qui allaient mettre par terre le régime tsariste. En somme, le 23 février est le tout premier jour de la Révolution russe. Mais, comme les bolcheviques n’ont été pour rien dans cette première révolution spontanée, ce qui contredisait totalement les théories marxistes (la révolution ne pouvait pas avoir été spontanée), il fallut bien trouver une autre raison de fêter le 23 février, quitte à tordre un peu l’histoire.

L’Empire russe était resté fidèle au calendrier julien que l’Europe occidentale a abandonné au XVIe siècle. Ce 23 février correspondait, en fait, au 8 mars du calendrier grégorien (celui qui a cours en Occident) et c’était la  Journée internationale de la femme. Une date encore peu connue à l’époque mais l’écho était tout de même parvenu jusqu’à Pétrograd. Ce jour-là, en 1917, des marches de protestations féminines avaient été organisées dans le seul but de dénoncer la condition faite aux femmes. Spontanément, les ouvrières du textile ont quitté leur travail en masse pour rejoindre des bourgeoises réclamant le droit de vote et elles se sont mises à dénoncer leur condition sociale d’ouvrières. Dans les heures puis les jours qui suivent,  elles ont  été imitées par d’autres ouvriers hommes et femmes confondus… la Révolution russe était lancée.  Le 23 février/8 mars selon le calendrier est donc une date majeure de la révolution russe mais la révolution bolchevique, celle que vénèrent les communistes, n’aura lieu que sept mois plus tard, le 7 octobre, c’est la fameuse révolution d’Octobre. 

le 23 février / 8 mars 1917, les femmes manifestent à Pétrograd, capitale de la Russie à l’époque

Sans le savoir, en offrant un cadeau à leurs compagnons, les femmes russes commémorent la première phase de la révolution russe dont elles ont été les premières actrices. Mais ça le récit national russe ne le précise pas.

L’histoire retiendra que c’est dans la nuit du 23 au 24 février 2022 que Vladimir Poutine a lancé son armée sur l’Ukraine. La date n’avait pas été choisie au hasard.

 

Photo souvenir dans un centre commercial russe avec un arme prêtée par le photographe, le Jour des défenseurs de la Patrie

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1879, Géorgie, Russie, URSS, 21 décembre Bruno Teissier 1879, Géorgie, Russie, URSS, 21 décembre Bruno Teissier

21 décembre : l'anniversaire de Staline, gloire de la Russie éternelle

À Moscou, la manifestation organisée par le parti communiste rassemble quelques milliers de personnes, pas uniquement de vieux nostalgiques de son régime. Beaucoup de jeunes y participent. D'année en année, elle connaît un succès croissant fortement encouragé par le régime de Poutine.

 

En Russie, le dictateur est revenu vraiment en grâce depuis quelques années. À Moscou, la manifestation organisée par le parti communiste rassemble quelques milliers de personnes, pas uniquement de vieux nostalgiques de son régime. Beaucoup de jeunes y participent. D'année en année, elle connaît un succès croissant. L'extrême droite voue elle aussi un culte à ce personnage qui avait fait de la Russie l'une des deux grandes puissances mondiales. Petit à petit, le voilà réhabilité par le régime de Poutine, même s'il ne l'avoue pas ouvertement. Il a été devancé par la population russe qui admet avoir une image plutôt positive de l'ancien leader communiste. Poutine qui ne critique jamais Staline, lui sait gré de la grandeur de la Russie à l’époque de son règne, au mépris de 10 à 20 millions de morts, mais en Russie, on tâche d’oublier les victimes, seul compte le prestige du pays. Plus aucune rue ne porte son nom, mais la tombe de Staline est fleurie chaque 21 décembre, comme chaque 3 mars pour l’anniversaire de sa mort. Ici ou là des statues de Staline sont réapparues.

Le 9 mai, fin de la « Grande Guerre patriotique » est une autre occasion de célébrer très officiellement Staline et Poutine ne s’en prive pas. La ville de Stalingrad, aujourd’hui Volgograd, pourrait même retrouver son nom. On en parle. Lançant sa guerre contre l’Ukraine en prétendant anéantir des nazis, Vladimir Poutine a cru endosser le costume de celui qu’il considère comme un héros de la Russie éternelle. Erreur tragique, la fin de Poutine risque d’être plus pitoyable encore que celle de Staline.

Le 21 décembre est la date officielle de l'anniversaire du « Petit père des peuples », celle qui est cultivée par ses admirateur. En réalité, Ioseb Besarionis dze Jughashvili, dit Staline est né à Gori, en Géorgie, le 6 décembre 1878 du calendrier julien, soit le 18 décembre du calendrier Grégorien et non le 21 décembre 1879 comme indiqué par les autorités. Ce glissement de quelques jours et d’une année date de l’époque où il était un révolutionnaire clandestin, vivant sous des faux noms, une manière de préserver son anonymat. Officiellement, on fête donc son 143e anniversaire.

 
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Militants communistes

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Moscou, en famille pour visiter sa tombe

À Gori, sa ville natale, quelques vieux nostalgiques

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1937, URSS, Ukraine, Russie, massacre, 15 décembre, Grèce, déportations Bruno Teissier 1937, URSS, Ukraine, Russie, massacre, 15 décembre, Grèce, déportations Bruno Teissier

15 décembre : la diaspora grecque commémore la purge dont elle a été victime en URSS

Le 11 décembre 1937, le gouvernement soviétique ordonnait une vaste purge parmi la communauté grecque. Ce fut l’une des plus sanglante de l’époque de la Grande Terreur en URSS : plus de 90% des personnes arrêtées ont été exécutées. D’autres ensuite ont été déportés en masse.

 

Le 15 décembre 1937, le commissaire du peuple aux Affaires intérieures de l’URSS, Nikolai Yezhov a signé le décret n ° 50215 déclenchant une vague d’arrestation visant la communauté grecque. À l’époque plus de 300 000 Grecs vivaient en URSS. C’est la mémoire de cette purge sanglante qui est commémorée dans la diaspora grecque plus qu’en Grèce elle-même : Ελληνική Επιχείρηση του NKVD 15 Δεκεμβρίου.

Le 20 juillet 1937, une première purge opérée par le NKVD avait visé les Allemands vivant en URSS, puis ce fut les Polonais, le 9 août, puis les Japonais, les Coréens, les Estoniens et Finlandais, les Iraniens et bien d’autres… Mais la plus sanglante de toutes fut sans doute l’ « Opération hellénique », selon le jargon stalinien de la période de la Grande Terreur : plus de 90% des quelque 22 000 Grecs emprisonnés du 15 décembre 1937 à mars 1938 ont été exécutés. Les élites ont été particulièrement visées, on a décapité les théâtres, les écoles de langues grecques… même des communistes grecs réfugiés en URSS pour fuir la dictature de Metaxas. Parmi les victimes de cette première série d’exécutions, figure Konstantin Chelpan, l’ingénieur qui a conçu le moteur du char soviétique T-34 et qui a reçu pour cela le prix Lénine. Ce char d’assaut a été un élément décisif de la victoire soviétique sur les Allemands lors de l’opération Barbarossa. Mais Chelpan n’a pas vécu cette victoire de l’URSS puisqu’il a été exécuté le 4 février 1938, après avoir dû avouer sous la torture qu’il dirigeait une organisation contre-révolutionnaire nationaliste grecque, complotant pour saboter une usine de Karkhiv.

Les persécutions de la communauté grecques ont particulièrement touché Azov, Odessa, la Crimée, Kharkiv, Kyiv, Donetsk et Krasnodar où vivait une grande partie de la communauté grecque soviétique, mais aussi Donetsk et Marioupol, des villes en grande partie grecques. Les campagnes ont été également très touchées par la “dékoulatisation” visant les Grecs, dans le village ukrainien de Stila, par exemple, au printemps 1938, pas un seul homme âgé de 18 à 60 ans n'avait été laissé en vie. Les purges ont duré 13 ans et contrairement à ce qu’ont vécu d’autres peuples comme les Tatars de Crimée, il n’y a eu aucune réhabilitation ultérieure prononcée par les autorités soviétiques. Les vagues d’arrestations suivantes ont surtout conduit à des déportations massives au goulag, principalement dans la Kolyma, dans l’extrême orient sibérien ou dans les steppes du Kazakhstan. Un grand nombre de ces détenus sont morts de maladie, d’autres se sont suicidés. Les morts massives ont commencé à l’automne 1938 avec les grands froids. Une libération à grande échelle eut lieu pendant l’hiver 1947-1948, mais, seule une petite moitié des prisonniers sont rentrés des camps. De 1937 à 1949, Staline a exterminé 38 000 Grecs.

Récemment, en Ukraine on a construit des monuments à leur mémoire et on discutait de faire du 15 décembre un jour de mémoire. Ce jour-là, des Grecs du monde entier ont une pensée pour les victimes, bien oubliée, de l'opération grecque du NKVD. La date est importante pour de nombreux Grecs, en particulier ceux dont les proches ont été tués pendant la purge. Ce n’est pas un jour commémoratif officiel en Grèce où cet épisode de l’histoire a été longtemps occulté. La Grèce aurait pu sauver beaucoup d’entre eux. Une fois passée la purge sanglante du 15 décembre, Staline proposait de laisser partir la communauté grecque d’URSS, mais Metaxas, le dictateur grec d’extrême droite, ne souhaitait pas le rapatriement de communistes grecs. Après des négociations acharnées, 10 000 visas furent tout de même délivrés par Athènes sur 40 000 demandes déposées, principalement accordés à des femmes et à des enfants de Grecs arrêtés. Une partie des malchanceux sont morts en Sibérie.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 14 décembre 2022

 

Des familles réunies pour inaugurer un premier mémorial en Sibérie peu après la chute de l’URSS

Un mémorial à Krasnodar avec la liste des victimes

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1966, Russie, Seconde Guerre mondiale, 3 décembre Bruno Teissier 1966, Russie, Seconde Guerre mondiale, 3 décembre Bruno Teissier

3 décembre : la Journée russe du soldat inconnu

Si elle est principalement dédiée aux soldats tués pendant la Seconde Guerre mondiale, elle honore aussi la mémoire de tous les soldats russes morts ou portés disparus pendant les guerres et les conflits militaires, y compris les disparus de la terrible guerre d’Ukraine dans laquelle Moscou s’est lancé.

 

En Russie, on ne manque pas de célébrer la guerre de multiples manières. Aujourd’hui, c’est la Journée du soldat inconnu  (день неизвестного солдата). Si elle est principalement dédiée aux soldats tués pendant la Seconde Guerre mondiale, elle honore aussi la mémoire de tous les soldats russes morts ou portés disparus pendant les guerres et les conflits militaires, y compris les disparus de la terrible guerre d’Ukraine dans laquelle Moscou s’est lancé. La journée est marquée par une cérémonie de dépôt de couronnes sur la tombe du soldat inconnu située dans le jardin Alexandre, à Moscou, et des cérémonies commémoratives aux monuments dédiés au soldat inconnu dans diverses villes et villages de Russie.

La plus meurtrière fut de très loin la fameuse Grande Guerre patriotique (1941-1945, comme l’appellent les Russes) : ce n’est pas moins de 4,5 millions de soldats qui sont portés disparus sur le territoire de l'ex-Union soviétique. Les restes de 120 000 soldats ont été retrouvés par des membres du Mouvement de recherche de Russie entre 2012 et 2018. Mais seulement 6 000 d’entre eux ont été identifiés.

Après la bataille de Moscou en 1941, les restes des soldats inconnus tués dans la bataille ont été enterrés dans une fosse commune près de la ville de Zelenograd. Pour célébrer le 25e anniversaire de la bataille, ils ont été transférés dans le jardin Alexandre à Moscou et enterrés au pied du mur du Kremlin. La cérémonie de réinhumation a eu lieu le 3 décembre 1966. C’est cette date qui a été choisie en 2004 par la Douma de la Fédération de Russie pour fixer la date de cette Journée du soldat inconnu. Un monument aux morts désigné comme la Tombe du Soldat inconnu a été inauguré en 1967. Le mémorial a été conçu par Yuri Rabaev , Dmitry Burdin, Vladimir Klimov et Nikolai Tomsky . Sur la pierre tombale, il y a une composition en bronze d'un casque de soldat, d'une branche de laurier et d'une bannière de bataille ainsi qu’une inscription : Votre nom est inconnu, votre acte est immortel ». La flamme éternelle a été allumée par Leonid Brejnev le 8 mai 1967.

Ces dernières années, le Forum patriotique panrusse a été programmé pour coïncider avec cette célébration du 3 décembre. Une occasion de plus pour organiser des événements culturels et éducatifs de propagande ultranationaliste à propos de l'histoire de la Russie et à la préservation de la mémoire collective.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 2 décembre 2022

 

Dmitri Medvedev ravive la flamme éternelle après la reconstruction du site en 2010

La tombe russe du soldat inconnu

Dans le Jardin Alexandre au pied du Kremlin

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Russie, armée, 15 novembre Bruno Teissier Russie, armée, 15 novembre Bruno Teissier

15 novembre : la 30e fête des conscrits russes par temps de guerre

C’est la Journée panrusse du conscrit alors que la conscription d’automne bat son plein. Le service militaire russe, dangereux par nature, est particulièrement meurtrier par temps de guerre.

 

Dans ce pays où le patriotisme se nourrit de militarisme, alimenté par le culte des héros de la « Grande guerre patriotique » (la Seconde Guerre mondiale), on a inventé, en 1992, une fête des conscrits chaque 15 novembre. C’est la Journée panrusse du conscrit (Всероссийский день призывника), alors que la conscription d’automne bat son plein (cette année elle a été retardée d’un mois). D’ordinaire, divers événements sont organisés par les commissariats militaires (agences administratives militaires locales), notamment des excursions dans les unités militaires, des visites de musées et des expositions d'armes. Les commissariats militaires travaillent également avec les parents des conscrits et organisent pour eux des réunions éducatives.

Même en temps de paix, les familles des jeunes de 18 à 27 ans vivent cette période avec anxiété tant l’armée russe est réputée pour maltraiter ses jeunes recrues. Cela était déjà le cas à l’époque soviétique quand les rituels de bizutage, appelé dedovshchina (дедовщина), faisaient de nombreuses victimes. L’Union des comités de mères de soldats, une ONG qui se faisait entendre dans les années 1990, du temps où la parole s’était libérée, est aujourd’hui totalement bâillonnée. Le bizutage reste un problème majeur avec le risque d’être envoyé sur le front. L’inquiétude pourtant est d’autant plus vive que le dictateur Poutine a signé, le 5 novembre 2022, un décret autorisant aux personnes reconnues coupables de crimes graves, violences, meurtre, d'être mobilisées dans l'armée russe. Les persécutions des jeunes recrues s’ajoutent aux conditions matérielles lamentables de l’armée russe : manque de nourriture, de vêtements d’hiver…

La loi russe, en principe, interdit de déployer des conscrits en opérations hors des frontières du pays. Mais comme récemment, la Russie a annexé une partie de l’Ukraine, de nombreux conscrits ont été envoyés comme chair à canon sur le front ukrainien. Des centaines d’entre eux sont morts dans le Donbass et les familles sont toujours sans nouvelles. La participation des conscrits à la guerre n’est pas nouvelle. Les mères de soldats, à l’époque où elles pouvaient s’exprimer, avaient dénoncé la mort de 14 000 soldats lors de la première guerre tchétchène – dont au moins la moitié d’entre eux étaient des conscrits.

Déjà à l’époque soviétiques, les jeunes de 18 à 27 ans tentaient toutes les astuces pour éviter le service militaire ou au moins le retarder à une période moins dangereuse. Certains reprennent des études, achètent des certificats médicaux, voire dans l’urgence, épouse des mères célibataires pour se retrouver chargé de famille. En dernier recours certains préfèrent les deux ans d’emprisonnement prévus par le Code pénal, plutôt qu’une année sous les drapeaux.

Les autorités russes affirment disposer d’une armée d’un million d’hommes, mais en comptant les 300 000 conscrits effectuant, en ce moment, leur service militaire.

Chaque année, pour la Journée du conscrit (Путешествие призывника), on organise des rencontres solennelles avec les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, les derniers encore en vie, ou avec des participants à des opérations antiterroristes. Des défilés militaires et des manifestations des forces spéciales peuvent également être organisées ce jour-là.

Un article de l'Almanach international

 

Un ordre de mobilisation

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1917, URSS, Russie, 7 novembre, Biélorussie, révolution Bruno Teissier 1917, URSS, Russie, 7 novembre, Biélorussie, révolution Bruno Teissier

7 novembre : le souvenir de la Révolution d'Octobre

Le jour n’est plus est férié en Russie (remplacée par le 4 novembre), mais reste une journée importante pour beaucoup de Russes. Pendant 73 ans, elle a été marquée par un grand défilé militaire à la gloire de la Révolution d’octobre. Poutine en a fait une journée patriotique sans référence révolutionnaire.

 

La Biélorussie est le dernier État de l’ex-URSS à célébrer encore le Jour de la Révolution d'octobre (Дзень Кастрычніцкай рэвалюцыі) comme un jour férié en organisant des défilés militaires. La révolution est aussi commémorée officiellement en Transnistrie, au Vietnam et à Cuba.

Le jour n’est plus est férié en Russie (remplacé par le 4 novembre), mais il reste une journée importante pour beaucoup de Russes. Pendant des décennies, elle a été marquée par un grand défilé militaire à la gloire de la Révolution d’octobre. Selon l’historiographie communiste, la révolution aurait débuté dans la nuit du 24 au 25 octobre 1917 par un coup de force bolchevique. La Russie vivait à l’époque sous le calendrier Julien, conservé aujourd’hui seulement par église orthodoxe. Dès 1918, la révolution a été célébrée le 7 novembre, selon la date du calendrier grégorien que les révolutionnaires venaient d’adopter mais le nom de « Révolution d’Octobre » est resté.

Pour occuper l’espace politique, Vladimir Poutine organise chaque 7 novembre des manifestations de ses partisans et tente de récupérer pour son propre compte des éléments de gloire de la geste stalinienne. Officiellement, on célèbre aujourd’hui le 81e anniversaire de la grande parade militaire de 1941, lorsque les soldats de l'Armée rouge ont marché sur la place Rouge avant de rejoindre le front pour défendre le pays contre les troupes nazies, alors aux portes de Moscou. À l'époque, ce défilé, organisé par Staline, avait pour vocation de commémorer la Révolution de 1917. Aujourd'hui, on se contente de rendre hommage aux soldats tombés pour la patrie pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans la Russie de Poutine, la figure de Staline n'est plus du tout vouée aux gémonies, bien au contraire, son règne est aux yeux du régime, un grand moment de l'histoire de la Russie. Certaines statues de Lénine ont aussi été rétablies.

Le dictateur biélorusse, Alexandre Loukatchenko, qui a failli lui-même être balayé par une révolution en 2020, suite au trucage des élections présidentielles qui lui a permis de rester au pouvoir, expliquait il y a quelques jours pourquoi il maintenait la commémoration de la Révolution d’octobre : « Notre histoire du siècle dernier est basée sur certains principes. Nous avons toujours fait des cadeaux à notre peuple à l'approche du 7 novembre. Cette date marque presque une fin d'année, ce qui signifie aussi l'achèvement de tous les travaux agricoles. C'était l'une des raisons pour lesquelles j'ai maintenu cette fête : les gens ont l'habitude de recevoir des cadeaux des autorités, les uns des autres, alors donnons-nous l'occasion de le faire », déclarait le président Loukatchenko en octobre 2022.

En outre, en Biélorussie, le 7 novembre est aussi la Journée de l'aviation civile (Часопіс грамадзянскай авіяцыі). Drôle de fête quand on sait que presque tous les aéroports d’Europe sont fermés aux appareils de la Belavia, la compagnie nationale biélorusse ! Cela depuis l’atterrissage forcé, le 23 mai 2021, d’un avion de Ryanair avec le journaliste Raman Pratasevich à bord. Cet acte de piratage avait permis au dictateur biélorusse de mettre la main sur un de ses principaux opposants en exil et de le jeter en prison, où il se trouve toujours.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 6 novembre 2022

 

En Biélorussie, en 2017, lors du centenaire de la révolution

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À Moscou, à l’époque des célébrations de la révolution.

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1612, Russie, victoire, 4 novembre Bruno Teissier 1612, Russie, victoire, 4 novembre Bruno Teissier

4 novembre : la Journée de l’unité du peuple russe, faute de celle des Slaves

Cette journée tout en commémorant la libération de Moscou de l'occupation polonaise, en 1612, invite à penser que la Russie doit constamment se défendre face des ennemis menaçants. Ce jour férié a été instauré en 2005 par Vladimir Poutine.

 

Chaque épisode de la longue histoire russe est bon pour cultiver le sentiment d’un pays devant constamment se défendre contre un ennemi menaçant son intégrité. Aujourd’hui, c'est la Journée de l’unité du peuple (День народного единства), un jour férié qui commémore la libération de Moscou en 1612, de l'occupation polonaise.

Instaurée en 2005 par Vladimir Poutine, cette journée a pour but pour renforcer l’identité nationale et remplacer le 7 novembre qui célébrait autrefois la révolution russe de 1917. Cette année, il faut montrer qu’en dépit de la déconfiture de son armée en Ukraine ainsi que de l’effondrement économique et moral du pays, la Russie est toujours debout, n’en déplaise au monde entier. Dans toutes les villes de Russie, ainsi que dans la Crimée occupée, le 4 novembre est une journée fériée permettant au peuple russe de profiter de spectacles, de visiter gratuitement les musées. À Moscou, c’est la traditionnelle Nuit des Arts, consacrée à l'Année du patrimoine culturel des peuples de Russie. Au total, plus de 160 événements dédiés à la fête ont lieu dans la capitale du 3 au 6 novembre.

Le 4 novembre 1612 (22 octobre selon le calendrier de l’époque) est une date connue de tous les écoliers. Ce jour-là, Moscou a été libéré des Polonais par une milice populaire, dirigées par le chef de Nizhny Novgorod, Kouzma Minin et le prince de Novgorod, Dmitry Pozharsky. 

Après avoir chassé les Polonais du pays, les États généraux (Zemski Sobor) se sont réunis et quelques semaines plus tard, vont élire Michel Romanov, tsar de toutes les Russies dont les descendants régneront sur le pays jusqu’en 1917.

Selon la légende, la milice russe serait entrée à Moscou, emportant avec elle l'icône de Kazan de la Mère de Dieu. Plus tard, en 1649, le tsar Alexei Mikhailovich fera du 4 novembre (22 octobre selon le calendrier julien) une fête religieuse et nationale, célébrée par l'Église orthodoxe russe et dédiée à Notre-Dame de Kazan, dont l'image est liée à la libération de la Patrie de l'envahisseur étranger. Des processions religieuses traditionnelles sont également organisées.

Enfin, cette journée du 4 novembre avait été, au fil des années, récupérée par tout ce que la Russie compte de partis ultranationalistes et xénophobes, de skinheads et autres néo-fascistes russes, qui y ont vu une occasion d'exprimer en toute légalité leurs idées extrémistes.  Mais, cette année, ils s’abstiendront d’organiser la fameuse Marche russe (Русский марш) qui traditionnellement marquait la journée.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 3 novembre 2022

 
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URSS, Russie, Goulag, Communisme, 1974, 30 octobre Bruno Teissier URSS, Russie, Goulag, Communisme, 1974, 30 octobre Bruno Teissier

30 octobre : en Russie, la mémoire refoulée du Goulag

Dans diverses villes de Russie, on commémore de manière officieuse les victimes du Goulag et de la répression à l’époque soviétique. Une cérémonie bien discrète au regard des 10 à 15 millions de morts. Mais l’heure est à la réhabilitation de Staline et à la célébration du dictateur Poutine qui fait emprisonner toute voix dissidente.

 

Ces dernières années, ils étaient quelques centaines, peut-être un millier, à se rassembler chaque 30 octobre autour d’une grosse pierre devant laquelle brûlent des dizaines de bougies. La roche a été rapportée des îles Solovki, là où les premiers camps de concentration soviétiques ont été établis dès les années 1920. Placée là par l’organisation Mémorial, elle sert à Moscou de monument commémoratif aux victimes de la répression politique que l’on célèbre officiellement en Russie. Nous sommes sur la place de la Loubianka à Moscou, le bâtiment qui abritait jadis le siège du KGB, et aujourd’hui celui de son principal successeur le FSB. Le 29 octobre, c’était la traditionnelle lecture publique des noms des victimes de la terreur politique soviétique.

Habituellement, un semblable attroupement a lieu au même moment à Saint-Pétersbourg devant une pierre de la même ori­gine. Cela dit, les commémorations demeuraient bien discrètes eu égard aux 10 à 15 millions de morts dans les camps du Goulag soviétique. La Russie de Poutine a eu de plus en plus de mal à regarder son passé en face et a procédé à un blanchiment complet de la figure de Staline.

En 2021, Poutine a fait interdire l’association Mémorial à l’origine des commémorations. La raison est que cette ONG russe continuait à affirmer qu’il y avait toujours, en 2021, des centaines de prisonniers politiques e Russie. Ils sont des milliers en 2022.

En 2022, il n’est plus question de commémoration officielle. L’association Mémorial, dissoute, a tout de même reçu le prix Nobel de la paix 2022.

Le 30 octobre 1974, dans son propre appartement Andreï Sakharov (et Sergueï Kovalev) organisaient la première conférence de presse annonçant que le 30 octobre serait désormais le « jour des détenus politiques en URSS ». Le même jour, dans les camps de Mordovie, de Perm et à la prison de Vladimir, des détenus politiques entament une grève de la faim. Les années suivantes des manifestations se déroulent à la même date. Le 30 octobre 1989, plus de 3000 personnes, tenant des cierges, font une chaine humaine autour du siège du KGB, sur la place de la Loubianka à Moscou. Ils sont dispersés par les troupes du ministère de l'Intérieur.

Finalement, en 1991, le le Soviet suprême fait inscrire le 30 octobre dans le calendrier des fêtes d'État comme Journée pour la mémoire des victimes des répressions politiques (День па́мяти жертв полити́ческих репре́ссий). Les cérémonies officielles sont souvent modestes, quoiqu’en 2017 (le 30 octobre), un imposant monument, dédié aux victimes des répressions politiques, a été inauguré par Poutine au croisement de la perspective Sakharov et de l’Anneau des jardins, dans le centre de la capitale russe. C’est le premier monument du pays dédié aux victimes du stalinisme. En peu d’années, le régime de Poutine a récusé toute commémoration d’un passé qui est aujourd’hui totalement écrit. La propagande a si bien fonctionné que 70% des Russes ont une image positive de Staline, ils n’étaient que 40% en 2007.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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Le 30 octobre 1989, à l'appel de Mémorial, plusieurs milliers de personnes forment une chaîne humaine autour du bâtiment du KGB sur la place Dzerjinski (aujourd'hui Loubianka) à Moscou avec des bougies et des pancartes du type « Nous exigeons le procès des bourreaux du KGB ! ». Photo : Dmitri Borko

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1991, Russie, drapeau, 22 août Bruno Teissier 1991, Russie, drapeau, 22 août Bruno Teissier

22 août : les Russes fêtent leur drapeau

La date choisie pour célébrer le drapeau russe est très paradoxale car elle est étroitement liée à la disparition de l’URSS, la construction nationale que vénèrent le dictateur Poutine et son régime. La propagande du régime est là pour camoufler ce choix fait à l’époque d’Elstine.

 

La date choisie pour célébrer le drapeau russe est très paradoxale. Ce Jour du drapeau national (День Государственного флага России) a été créée en 1994 pour commémorer le jour où le drapeau actuel de l'État russe a été hissé sur le bâtiment du Soviet suprême de Russie après une tentative de coup d'État en août 1991. Ces événements ont déstabilisé l'Union soviétique et ont contribué à la fois à la disparition du Parti communiste de l'Union soviétique et à la dissolution de l'Union soviétique elle-même. Elstine, le président de la république de Russie en avait profité pour proclamer « l’indépendance ». D’autre république l’avait précédée, mais la Russie étant la composante la plus importante, ce geste allait entraîner la disparition de l’URSS. Celle-ci sera effective en décembre de la même année. Le paradoxe, c’est que le régime de Poutine (héritier d’Eltsine) cultive la nostalgie de la défunte Union soviétique. Sa disparition a été qualifiée par le dictateur Poutine de principale catastrophe géopolitique du XXe siècle. De fait, il est difficile pour son régime d’expliquer la célébration annuelle de cette date du 22 août. La propagande doit faire des efforts d’interprétation pour justifier cette date qui ne correspond pas à celle de son adoption. Le jour n’est pas férié, mais on organise des festivités dans toutes les villes.

Pour revenir à l’objet de cette fête. On rappelle à cette occasion que le tsar Pierre le Grand, déjà très ambitieux pour son empire, rêvait de construire une puissante marine russe. Le monarque s'est rendu aux Pays-Bas, pour y observer la construction navale de pointe. Ainsi le drapeau qu’il a choisi le 13 janvier 1720 pour les navires marchands russes ressemblait au drapeau tricolore hollandais (rouge, blanc et bleu) mais dans un ordre des couleurs différent (blanc, bleu et rouge). L’URSS avait adopté un drapeau rouge. C’est le 11 décembre 1993 que le drapeau tricolore est à nouveau officialisé en Russie.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1941, URSS, Russie, Seconde Guerre mondiale, 22 juin Bruno Teissier 1941, URSS, Russie, Seconde Guerre mondiale, 22 juin Bruno Teissier

22 juin : le Jour du souvenir et du chagrin en Russie

La journée est dédiée aux 27 millions de morts soviétiques de la « grande guerre patriotique », comme on la nomme en Russie. Dans tout le pays, on dépose des gerbes et des couronnes sur les tombes des soldats inconnus. La guerre, la guerre, toujours la guerre…

 

La Russie n’en fini pas de célébrer la « Grande Guerre patriotique » (c’est ainsi que que l’on nomme en Russie la Seconde Guerre mondiale). Est-ce pour faire oublier les piteuses guerres engagées par les Russes au cours du dernier demi siècle ?

La journée est dédiée aux 27 millions de morts soviétiques de la Grande Guerre patriotique. Dans tout le pays, on dépose des gerbes et des couronnes sur les tombes des soldats inconnus. Le 22 juin 1941 à l’aube, les soldats de Hitler commençaient à envahir l’URSS. Une entreprise qui, finalement, allait lui être fatale en raison de la résistance farouche des Soviéti­ques, opportunément aidés par le « général hiver ».

Instauré en 1996, le Jour du souvenir et du chagrin (День памяти и скорби), célébré chaque 22 juin, est surtout une journée de fierté d’avoir gagné cette guerre. Un sentiment cultivé à outrance par le régime de Vladimir Poutine qui, pour les besoins de sa propagande, a entrepris une réhabilitation totale de Staline et du régime soviétique.

 
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1990, Russie, 12 juin, Célébration patriotique Bruno Teissier 1990, Russie, 12 juin, Célébration patriotique Bruno Teissier

12 juin : le Jour de la Russie, fête paradoxale, pur produit de la propagande

La Journée de la Russie est une invention récente. Elle commémore le jour où la Russie a proclamé sa souveraineté au sein de l’URSS, le 12 juin 1990. Autrement dit, elle célèbre ce que Poutine qualifie de « plus grande catastrophe géopolitique du siècle », c’est-à-dire la disparition de l’URSS ! La propagande du régime en a fait une fête à la gloire de la Russie éternelle.

 

C’est une fête totalement paradoxale qui se déroule aujourd’hui en Russie. La Journée de la Russie (День России) est une invention récente. Ce jour férié commémore le jour où la Russie a déclaré que, désormais, ses lois primaient sur les lois soviétiques. Certains en parlent même comme du “Jour de l’indépendance” (vis à vis de l’URSS).

En 1990, alors que l’URSS était confrontée à une série de déclarations de souveraineté, notamment celles des républiques baltes, la Russie proclamait la sienne le 12 juin 1990. Ce coup de pied de l’âne, de la part de la plus importante des républiques, n’a fait que précipiter la fin de l’URSS, dissoute le 25 décembre 1991. 

L'année suivante, le 12 juin 1991, la Russie (la RSFSR) a organisé sa première élection présidentielle, remportée par Boris Eltsine. En 1994, ce dernier a déclaré le 12 juin fête nationale sous l’appellation de Jour de l’adoption de la déclaration de souveraineté de la RSFSR, devenue ensuite la Fête de la Souveraineté de la Fédération de Russie (День суверенитета РФ). Puis finalement sur l’ordre de Vladimir Poutine, simplement le Jour de la Russie. Le paradoxe, c’est de voir les Russes et le premier d'entre eux Vladimir Poutine fêter un vote et un jour qui a engagé le processus de désintégration de l'URSS. Alors que ce même Vladimir Poutine a qualifié la disparition de l’URSS de « plus grande catastrophe géopolitique du siècle », le 25 avril 2005, dans une adresse а l’Assemblée fédérale. En 2020, il a même fait noter dans la constitution russe que la Fédération de Russie s’inscrivait dans la continuité de l’URSS. Celle-la même dont on célèbre aujourd’hui la mise à mort ! On touche là toute l’ambiguïté d’un régime qui a totalement réhabilité le stalinisme, jusque dans les pratiques consistant à réécrire l’histoire, à éliminer les opposants, à étouffer toute contestation et bien sûr à intervenir militairement chez les pays « frères » qui lui résistent !

La veille du 12 juin 2017, l’opposant russe Alexeï Navalny, avait appelé à une manifestation d'ampleur dans toute la Russie pour le 12 juin. Celle-ci aura lieu, ce qui lui valut d’être emprisonné pour quelques semaines, mais il lui sera interdit de se présenter à l'élection présidentielle (on le sait, la démocratie n’a pas cours en Russie). La mobilisation des déçus du régime était chaque année, le 12 juin, plus importante. Dès l’année suivante, 4000 policiers ont été déployés pour l’occasion dans la capitale russe, des arrestations préventives ont été opérées les jours précédents dans les milieux d’opposition. Ce qui n’empêcha pas de grandes manifestations contre le président Poutine. D’ordinaire, un rassemblement se formait place Pouchkine et un défilé descendait l’avenue Sakharov… Mais, depuis cette époque, le régime s’est considérablement durci. Navalny a échappé à la mort, mais demeure en prison. Aujourd’hui, il n’est plus question de mobilisation de masse ni même de la moindre contestation individuelle. Poutine a totalement endossé le totalitarisme de l’ère soviétique.

Le régime et les médias entretiennent le flou complet sur la véritable signification de cette Journée de la Russie (12 июня День России) qui est avant tout, une occasion de plus de célébrer la grandeur de la Russie éternelle.

Les plus grandes célébrations ont lieu dans la capitale sur la Place Rouge à 17h00 avec un grand concert qui se termine par un feu d'artifice. De nombreux divertissements musicaux, théâtraux, sportifs sont organisés dans tous les quartiers de Moscou et les villes de provinces ainsi qu’en Biélorussie.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 11 juin 2022

Mise à jour : Alexeï Navalny est mort au goulag en février 2024, probablement éliminé par le régime comme tant d’autres et comme au temps terribles de l’URSS.

 
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Russie, orthodoxes Bruno Teissier Russie, orthodoxes Bruno Teissier

3 juin : les Russes vénèrent Notre-Dame de Vladimir, protectrice de la Russie

Rapportée de Constantinople à Kiev au XIIe siècle, puis à Vladimir, la Vierge à l’enfant, protectrice de la Russie, est l’une des icônes les plus vénérées de Russie.

 

Rapportée de Constantinople à Kiev au XIIe siècle, puis à Vladimir, à l’est de Moscou, la Vierge à l’enfant ou Théotokos (Mère de Dieu, en grec), par ailleurs protectrice de la Russie, est l’une des icônes les plus vénérées de Russie. Longtemps exposée dans la cathédrale de la Dormition de Moscou, Notre-Dame de Vladimir (Владимирская Богоматерь) est actuellement conservée et visible dans la Galerie d’État Tretiakov à Moscou, l’un des principaux musées d’art russe au monde.

La légende veut qu’elle aurait sauvé la Russie à plusieurs reprises face à l’ennemi. Ce fut le cas en particulier le 3 juin 1521, face au Khan de Kazan qui, finalement, épargna la capitale russe.

L’icône date probablement de l’époque Comnène (dynastie qui régna sur l’Empire byzantin entre le XIe et le XIIe siècle) mais une légende la fait remonter à l’époque du Christ. Selon cette légende, l’apôtre Luc aurait peint l’icône du vivant de la vierge. Cela dit, aucun document historique ne l’atteste. Pas sûr non plus que la fameuse icône protège éternellement la Russie des folies de son dictateur Poutine.

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1242, Russie, Bataille célèbre, 18 avril Bruno Teissier 1242, Russie, Bataille célèbre, 18 avril Bruno Teissier

18 avril : une journée de gloire en Russie et de méfiance envers l'Occident

Russie, c’est la Journée des gloires militaires, on se console comme on peut avec des victoires datant d’une époque où la Russie n’existait pas encore. La bataille du lac Peïpous est connue des Russes sous le nom de « bataille de la glace ». Quant aux Occidentaux, il ont retenus surtout le nom de son héros : Alexandre Nevsky.

 

La Russie, toujours prompte à célébrer ses gloires militaires passées, commémore aujourd’hui l’anniversaire de la bataille du lac Peïpous. Comme ce lac était encore gelé en ce mois d’avril de 1242, la bataille est connue des Russes sous le nom de « bataille de la glace » (Ледовое побоище). Quant aux Occidentaux, il ont retenus surtout le nom de son héros : Alexandre Nevsky.

La bataille est hautement symbolique pour un régime toujours prêt à mettre en garde sa population contre l’Occident. La Russie n’existait pas encore, mais il existait une principauté de Novgorod, de tradition orthodoxe. Elle était depuis quelque temps harcelée par les Chevaliers Teutoniques, des croisés allemands, danois et suédois, de religion catholique. En avril 1242, ces derniers ont lancé leur attaque par le golfe de Finlande, occupant et détruisant les villes de Pskov, Koporve et Izboursk… Ils auraient pris Novgorod, sans la réaction d’Alexandre Nevsky. La bataille fut épique et définitive : par la suite, les Teutons n’ont plus attaqué dans cette direction, permettant à la Russie de naitre, et se sont rabattus sur la Prusse Orientale. 

La symbolique de la bataille de la Glace a été cultivée d’abord par Staline à l’époque où l’URSS était menacée par l’Allemagne nazie. De cette crainte est né le magnifique film Alexandre Nevski de Sergueï Eisenstein sorti en 1938, un film épique de propagande d’une esthétique magistrale, sur une musique de Sergueï Prokofiev. Il sera projeté jusqu’au pacte germano-soviétique et ressortira en juillet 1942 pour galvaniser la population.

Plus récemment, Poutine en a fait une Journée de gloire militaire (день воинской славы), en même temps qu’une journée de propagande sur la menace que fait peser l’Occident sur la Russie. Le symbole est bien choisi, Alexandre Nevski étant l’une des figures les plus populaires de l’histoire russe. On a fêté son 800e anniversaire en mai 2020, mais la pandémie de Covid-19 avait empêché une fastueuse cérémonie. Le prince a même été canonisé par l’Église russe et ses reliques, très convoitées, ont été volées lors d’un cambriolage d’église en 2012. En 2010, Poutine a aussi restauré l’Ordre d'Alexandre Nevsky qui était décerné aux militaires à l’époque de l’impératrice Catherine II, remis à l’ordre du jour par Staline mais disparu en même temps que l’URSS. Cependant, depuis 2010, cette décoration n’est plus décernée qu’à des civils, en particuliers aux fonctionnaires ayant servi l’État pendant au moins 20 ans, ainsi qu’à des personnalités étrangères, comme le président serbe, Aleksandar Vučić.

Le lac Peïpous (ou Peipis), lieu des combats est aujourd’hui partagé entre la Russie et l’Estonie. La célèbre bataille a eu lieu le 5 avril 1242  selon le calendrier julien, c'est-à-dire le 12 avril selon le calendrier grégorien, mais en raison d’une erreur de conversion des dates, c'est le 18 avril qui est devenu, en Russie, le Jour de la gloire militaire. 

 
Image du film Alexandre Nevski de Sergueï Eisenstein

Image du film Alexandre Nevski de Sergueï Eisenstein

Reconstitution contemporaine

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1940, Pologne, URSS, Russie, massacre, 13 avril Bruno Teissier 1940, Pologne, URSS, Russie, massacre, 13 avril Bruno Teissier

13 avril : à Katyn, le massacre des élites polonaises sur ordre de Moscou

Pologne célèbre par un jour férié, la Journée du souvenir des victimes du massacre de la forêt de Katyń au printemps 1940 par les Soviétiques.

 

Le 13 avril est désigné en Pologne comme la Journée du souvenir des victimes du massacre de la forêt de Katyń (Dzień Pamięci Ofiar Zbrodni Katyńskiej) en 1940. Longtemps Moscou a nié le crime et en a accusé les nazis. Ce n’est qu’en 1990, à l'occasion du 50e anniversaire du massacre, que l'Union soviétique a officiellement reconnu sa responsabilité dans la mort de plus de 20 000 Polonais sommairement exécutés par le NKVD (le Commissariat du peuple aux affaires intérieures) au printemps 1940.

La Russie est constamment en quête d’un contrôle absolu de ses marges. Suite au Pacte germano-soviétique signé le 23 août 1939, les troupes de l’Allemagne nazie et celles de l’URSS ont envahi la Pologne, la faisant disparaître de la carte. Chacune occupant une moitié du pays. Le projet, non avoué, était aussi de faire disparaître la Pologne en tant que nation afin de mieux contrôler le territoire. Éliminer les élites était dans l’esprit de Staline, un moyen d’y parvenir. Près d’un demi-million de Polonais sont déportés au Goulag entre septembre 1939 et juillet 1941. Parmi eux, 21 892 personnes sont transportées en camion vers les cinq sites d'exécution. Le plus célèbre se situe dans la forêt de Katyń, près de Smolensk, à 50 km de la frontière biélorusse. Les victimes sont principalement des officiers, mais ont compte aussi des étudiants, des médecins, des ingénieurs, des enseignants… ils sont abattus d’une balle dans la nuque et ensevelis dans des fosses communes. Ceux qui ont écrit une dernière lettre à leur famille avant de mourir ont, involontairement, livré leur adresse. Ce qui a permis aux Soviétiques de déporter 60 667 personnes supplémentaires au Kazakhstan dans conditions inhumaines. Beaucoup ne reviendront pas. Pendant cette période (été 1939- été1941), quelque 150 000 Polonais auront perdu la vie du fait des exécutions et des  persécutions soviétiques.

Pendant la guerre froide, les crimes de Katyn ont été attribués aux nazis qui ont occupé la région à partir d’août 1941. C’est d’ailleurs l’armée allemande qui découvre le premier charnier à ce moment-là. La presse nazie exploite largement, la macabre découverte. Mais l’URSS est dans le camp allié… La controverse durera jusqu’à la fin des années 1980, dans des documents sont découverts fortuitement en Russie, dans le contexte de la glasnost, qui permettent d'établir la responsabilité soviétique dans le massacre de Katyń. Après quelques atermoiements, Gorbatchev présente ses excuses officielles au peuple polonais lors d'une cérémonie organisée au Kremlin, le 13 octobre 1990, à l'occasion de la journée mondiale pour les victimes de Katyń. En 2010, la Douma russe reconnaît la responsabilité directe de Staline en s’appuyant sur des documents conservés dans les archives secrètes du Kremlin prouvent que Staline a bien ordonné personnellement ce massacre. La même année, Vladimir Poutine explique le massacre par une vengeance de Staline pour la mort de 32 000 soldats et officiers russes pendant la guerre avec l'URSS en 1920-1921. Dans le cadre de la réhabilitation de Staline, ce crime est aujourd’hui effacé des manuels d’histoire de la Russie. La chape de plomb sur la vérité historique est retombée.

C’est en 2007 que la Journée du souvenir des victimes du massacre de la forêt de Katyń, a été fixée au 13 avril par le Sejm (la chambre basse du parlement polonais). Elle est depuis commémorée chaque année par un jour férié. En 2010, alors qu’il se rendait sur le site du massacre avec une importante délégation, l’avion du président polonais s’est écrasé près de Smolensk, le 10 avril. Un drame qui donne lieu à d’autres commémorations et d’inévitables rumeurs sur l’origine de l’accident qui a décimé la classe politique polonaise.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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