L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
13 avril : un nouvel an bouddhique aussi mouillé que d'ordinaire
Les bouddhistes entrent aujourd’hui dans l’année 2567. Les Thaïlandais profitent généralement des 5 jours de congé pour retourner dans leur région d’origine et retrouver leur famille et amis. La période du nouvel an étant la plus chaude de l’année, de grandes batailles d’eau sont organisées dans les rues des villes de Thaïlande.
Ce 13 avril 2024, les bouddhistes entrent dans l’année 2567. En Thaïlande, les célébrations durent de 3 à 10 jours selon les régions. On commence toujours par un nettoyage complet de la maison puis on se rend au temple le second jour avec des offrandes, on y écoute l’enseignement de Bouddha, dont on asperge d’eau les effigies, enfin on se réunit pour partager un véritable festin non sans avoir, au préalable, versé de l’eau parfumée sur les mains et les pieds des personnes les plus âgées en signe de respect... avant, bien sûr, de se lancer dans de véritables batailles d’eau dans les rues. Selon les pays cette fête prend des noms différents : Songkran (สงกรานต์) en Thaïlande ; Thingyan, en Birmanie ; Pimai, au Laos ; Chaul Chnam thmey, au Cambodge...
La date exacte du nouvel an est déterminée par le calendrier lunaire, mais pour des raisons pratiques, les festivités en Thaïlande ont été fixées en date du 11 au 14 avril, on prévoit des embouteillages sur les routes. Au Laos, c’est du 13 au 16…
Songkran est une fête familiale au cours de laquelle les Thaïlandais profitent généralement des 5 jours de congé pour rentrer dans leur région d’origine et retrouver leur famille et leurs amis.
La période du nouvel an étant la plus chaude de l’année, de grandes batailles d’eau sont organisées dans les rues des villes de Thaïlande. À Chiang Mai, la coutume veut que des pick-up défilent dans les rues en transportant des bidons d’eau et tout le monde s’asperge d’eau, ce pendant cinq jours (contre trois dans le reste du pays). À Bangkok, certaines rues sont bloquées à la circulation pour permettre ces batailles d’eau en toute sécurité. La presse signale les meilleurs spots de la capitale pour célébrer l’événement.
Pendant la covid, la junte ultra-conservatrice alors au pouvoir à Bangkok avaient interdit ces batailles d’eau, avec l’idée de voir le pays revenir à la tradition qui consiste à se rendre au temple et à faire acte de respect envers les aînés ou son patron par un rituel appelé Rod nam dam hua (รดน้ำดำหัว) qui consiste à verser un peu d’eau parfumée sur les mains de la personne à qui on dédie ce rituel. On peut aussi s’asperger gentiment d’eau entre amis en se souhaitant mutuellement une vie heureuse. Mais les débordements consistant en un chahut généralisé dans les rues à coups de jets d’eau et lances à incendie, a toujours fortement déplu aux autorités.
En Birmanie, c’est la situation inverse : le gouvernement encourage à célébrer la fête de Thingyan, afin d’afficher une certaine normalité. C’est la population pour exprimer son opposition s’abstient de toute festivité pour montrer au pouvoir militaire, la junte au pouvoir depuis février 2021, qu’elle ne dispose d’aucun soutien populaire.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 12 avril 2024
27 mars : le jour de l’armée birmane, putschiste et oppressive
Le jour est férié en Birmanie en souvenir du soulèvement général des Birmans contre l’occupation japonaise (1945), occasion de démonstrations de force de la part de l’armée, laquelle détient la totalité du pouvoir depuis le putsch de février 2021, tout au moins dans la portion du pays qu’elle contrôle.
Le jour est férié en Birmanie en souvenir du soulèvement général des Birmans contre l’occupation japonaise en 1945. Le 27 mars est le jour où civils et militaires se sont retournés contre le régime fasciste japonais et l’ont chassé du pays. La Journée de la résistance antifasciste (ဖက်ဆစ်တော်လှန်ရေး နေ) a été rebaptisée Jour de l’armée (တပ်မတော်နေ့), en 1955 par le dictateur, le général Ne Win.
La population se sent peu concernée par cette journée est très controversée qui rappelle l’ancien régime militaire (1962-2016). Elle s'illustre par un grand défilé militaire organisé dans la capitale, Naypyidaw, qui pour l’occasion est coupée du monde. Depuis le coup d’État du 21 février 2021, l’armée détient à nouveau la totalité du pouvoir, tout au moins dans portions du territoire qu’elle contrôle. Le pays vitrants un état de quasi guerre civile, outre les nombreuses guérillas des peuples périphériques, toujours très actives, le gouvernement militaire doit aussi affronter l’insurrection armée lancée par l’administration clandestine du gouvernement d’union nationale qui s’oppose à la junte au pouvoir dans la capitale.
Cette journée est une occasion pour l’armée, appelée Tatmadaw (တပ်မတော်), de montrer qu’elle détient toujours la réalité du pouvoir. Depuis 1989, certains prisonniers sont graciés ce jour-là. Elle est pourtant très loin de contrôler tout le pays : des dizaines de groupes de défense du peuple (People's Defence Forces, PDF) se sont formés en réaction au putsch. Ils ont surpris l'armée par leur efficacité.
En janvier 2024, la junte a prolongé de six mois, reportant une nouvelle fois les élections promises qui n’ont pas lieu tant que le pays est secoué par un sanglant conflit civil qui s’est enlisé.
Sous prétexte d’une "lutte contre les terroristes", les militaires pourchassent les partisans d'un retour à la démocratie dans différentes régions de Birmanie, avec des méthodes violentes qui valent à la Birmanie une mise au ban de la communauté internationale.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 27 mars 2024
27 novembre : Tazaungdaing, la fête birmane des lumières
Ce soir, des montgolfières éclairées par des bougies, vont s’élancer un peu partout dans le ciel de la Birmanie. Des feux d’artifice, tirés pour l’occasion, vont contribuer, dit-on, à chasser les mauvais esprits en cette nuit de pleine lune. La fête de Tazaungdaing, véritable festival des lumières, serait antérieure à la propagation du bouddhisme en Birmanie.
Ce soir, des montgolfières éclairées par des bougies, vont s’élancer un peu partout dans le ciel de la Birmanie. Des feux d’artifice, tirés pour l’occasion, vont contribuer à chasser les mauvais esprits en cette nuit de pleine lune. C’est du moins ce que dit la tradition. Les premières montgolfières ont été lancées en 1894 à Taunggyi, peu après leur occupation du pays. C’est d’ailleurs, à Taunggyi, ville du pays Shan que les festivités sont les plus spectaculaires et les plus dangereuses, quand les ballons explosent dans la foule, il y a des blessés parfois des morts.
Mais la fête de Tazaungdaing (တန်ဆောင်တိုင်ပွဲတော်) est bien plus ancienne. Elle serait même antérieure à la propagation du bouddhisme en Birmanie. Ce festival des lumières aurait pour origine la fête indienne de Kattika qui avait lieu à la pleine lune de Tazaungmon (တန်ဆောင်မုန်း ), le huitième mois du calendrier traditionnel birman. Elle marque la fin de la saison des pluies.
La Birmanie étant très majoritairement bouddhiste, la fête des lumières, appelée aussi Tazaungdine, a été intégrée au culte. Ce jour-là, les moines se voient offrir une nouvelle robe. La tradition s’appuie sur un épisode de la vie du Bouddha. Voyant que le Bouddha allait bientôt renoncer, Maya, sa mère, passa toute la nuit à lui tisser des robes de moine jaunes. Sa sœur, Gotami (la tante de Bouddha) a continué cette tradition et lui a offert, chaque année, de nouvelles robes. En écho à cette légende, on organise des concours de tissage de robe de moine jaunes spéciales appelées matho thingan ( မသိုးသင်္ကန်း ) dans tout le pays, en particulier dans dans les fameuses pagodes Shwedagon de Yangon (Rangoun) et Kaung Hmu Daw de Sagaing. Ils se déroulent sur deux nuits consécutives (la nuit précédente et la nuit de pleine lune), les concurrents travaillent sans arrêt de la nuit jusqu'à l'aube pour tisser ces vêtements.
Dans le cadre des célébrations, les gens offrent des aumônes, des bougies, des bâtons d'encens, des fleurs et des fruits en hommage aux pagodes. Les rues sont également remplies d'offrandes d'aumônes pour les moines et de repas Satuditha servis aux gens méritants. Cette fête très populaire permet d’oublier, pour un temps, les exactions de la dictature militaire et la guerre qui sévit dans une bonne partie du pays.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 26 novembre 2023
7 février : la fête nationale des Shans, peuple rebelle de Birmanie
La fête nationale Shan commémore l'union de plusieurs principautés Shan en un seul État Shan le 7 février 1947. Les Shans (ou Taï) forment un peuple de quelque 5 millions de personnes vivant dans l’est de la Birmanie, aujourd’hui en rébellion contre le pouvoir central.
La fête nationale des Shans (ဝၼ်းၶိူဝ်းတႆ) commémore l'union de plusieurs principautés Shan en un seul État Shan le 7 février 1947. Les Shans (ou Taï) forment un peuple de quelque 5 millions de personnes vivant dans l’est de la Birmanie, soit 10% de la population du pays. Avec d’autres minorités (Kachins, Karens, Chins…), les Shans ont ensuite accepté de négocier avec les Bamars (Birmans, l’ethnie majoritaire) pour fonder l’Union Birmane, faute d’accéder chacun à l’indépendance. L’esprit de l’’accord de Panglong du 12 février, après le coup d’État de Ne Win, en 1962. Les princes locaux, les saopha, ont perdu tout leur pouvoir et les Shans sont entrés en rébellion contre le pouvoir birman. Ils revendiquent l’indépendance de l’État Shan (ရှမ်းပြည်နယ်) qui occupe aujourd’hui un quart de la Birmanie. En février 1947, les Shans se sont dotés d’un drapeau national et d’un grand conseil. Depuis 1962, et aujourd’hui encore, une partie de ce territoire échappe au pouvoir central. La situation est très complexe car l’État Shan abrite de nombreux groupes ethniques, dont plusieurs entretiennent une armée. Certains ont signé un accord avec le gouvernement birman de Naypyidaw, et sont parfois manipulés par les Birmans contre les Shans, d’autres au contraire, demeurent en rébellion.
Des guerres fraternelles entre l'Armée de libération nationale Ta'ang (TNLA), Shan State Progress Party (SSPP), United Wa State Army (UWSA) d'un côté et le Restoration Council of Shan State (RCSS) de l'autre n'ont pas encore trouvé d’issue, même si la situation réelle du conflit armé s'est un peu améliorée ces derniers mois.
Politiquement, les forces armées de l'État Shan ont également des perspectives différentes concernant la guerre civile en cours, exacerbée par le soulèvement de la population Bamar contre la junte militaire depuis le coup d'État militaire de février 2021.
Cette fête nationale a été plus ou moins tolérée par les autorités centrales, selon les époques. Elle est aussi célébrée dans la diaspora, en Thaïlande (appelés Thai Yai) ou au Canada (le pays où s’est réfugiée la famille de Sao Shwe Thaik, le dernier saopha des Shans, qui fut aussi président de la Birmanie, renversé en 1962 et mort en prison).
4 janvier : la Birmanie célèbre le 75e anniversaire de son indépendance
Le Jour de l’indépendance (obtenue le 4 janvier 1948) est célébré cette année dans une ambiance hautement sécuritaire. La Birmanie est dirigée depuis près de deux ans par une junte qui a étouffé toute tentative de démocratisation. Aung San Suu Kyi, la propre fille du père l’indépendance, égérie des démocrates, a été condamnée à 33 ans de prison. Triste anniversaire de l’Union birmane, rebaptisée Myanmar par les militaires.
Le Jour de l’indépendance (လွတ်လပ်ရေးနေ့) est célébré chaque année par un jour férié depuis que le 4 janvier 1948, l’Union de Birmanie devenait un État indépendant après six décennies d’occupation du pays par les Britanniques, excepté de 1942 à 1945, époque où ils ont été remplacés par les Japonais. C’est, d’ailleurs, cette époque d’occupation japonaise qui a permis aux indépendantistes birmans de s’affirmer et de s’organiser. Leur leader, Aung San nationaliste, révolutionnaire et fondateur de l'Armée de l'Indépendance de la Birmanie, a entamé des négociations avec les Britanniques. En 1947, il est devenu vice-président du Conseil exécutif de Birmanie mais il ne verra pas l’indépendance du pays car il a été assassiné le 19 juillet 1947. Aung San reste dans les mémoires comme le père de l’indépendance, mais les autorités actuelles se gardent bien de le mettre en avant. Au contraire, le chef de la junte birmane Min Aung Hlaing rend hommage, ce 4 janvier, au premier dictateur post-indépendance, le général Ne Win et à ses successeurs, le général Sein Lwin et le général en chef Saw Maung. Cette année, il remet à Daw Khin Sandar Win, la fille de Ne Win, les décorations de son père. Ne Win avait pris le pouvoir lors du coup d'État du 2 mars 1962 et provoqué la descente du pays dans la liste des pays les moins avancés du monde, rebaptisé Myanmar par la junte.
Depuis le coup d’État militaire de février 2021, la Birmanie est dirigée par une junte qui s’est acharnée contre celle qui lui apparaissait comme la principale opposante à la dictature militaire : Aung San Suu Kyi, la propre fille de de Aung San. Celle-ci, âgée de 77 ans, croupit actuellement dans une prison de Naypyidaw, le plus souvent à l'isolement. Accusée de multiples crimes imaginaires, elle cumulait plus de 26 ans de condamnation. La semaine dernière, 7 années supplémentaires viennent de lui être rajoutées dans le cadre d’un procès à hui clos totalement inique.
La commémoration du 4 janvier se déroule cette année dans une ambiance hautement sécuritaire, la junte militaire craignant des manifestations de militants pro démocratie. En 2022, des installations militaires de Rangoon, la principale métropole et Naypyidaw, la capitale, avaient été visées par les opposants. Les cérémonies se tiennent cette année pour l’essentiel dans le Palais présidentiel, il s’agit notamment de remises de médaille aux collaborateurs les plus fidèle du régime. En 2022, Min Aung Hlaing avait remis 1 290 titres et médailles le jour de l'indépendance.
Traditionnellement, les grandes villes sont pavoisées aux couleurs nationales (au moins dans la partie birmane du pays), la journée est marquée par des festivités, des foires et des événements sportifs , notamment des jeux et compétitions dans toutes les écoles du pays.
Le 4 janvier 1948, c’est un pays totalement ravagé par la Seconde Guerre mondiale qui devenait indépendant, sans toutefois devenir membre du Commonwealth. Les Anglais qui n’imaginaient pas devoir quitter le pays, n’avaient préparé aucune transition. La Chine était en pleine guerre civile, à la fin de 1949, les communistes allaient s'emparer de Pékin et déclarer la République populaire. Les restes des nationalistes chinois vaincus se sont repliés dans les États Shan (au nord de la Birmanie), déclenchant une nouvelle série de conflits violents. Soutenus pendant des années par les Américains, ils espéraient attaquer le Yunnan communiste depuis la Birmanie. Plusieurs minorités ethniques, hostiles à la domination des Birmans (ou Barmen), ont profité du chaos pour entrer en rébellion le sont restées. Les hautes terres de Birmanie n'ont pas connu de véritable paix depuis. De violents affrontements ont encore eu lieu samedi dernier, en lisière de l’État Karen, dans le canton de Kyainseiggyi. L’armée birmane a perdu deux de ses bases, prises par l’Armée de libération nationale karen (KNLA). Mais quelque 3 000 habitants des villages de la région qui ont fui les combats vers la forêt, souffrent aujourd’hui de pénuries alimentaires. Plus d’un million de personnes ont ainsi été déplacées depuis le dernier coup d’État militaire… Ainsi vit la Birmanie indépendante depuis trois quarts de siècle.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
2 mars : la Birmanie en guerre fête ses agriculteurs
La Journée des paysans est un jour férié dont la date n’a rien à voir avec l’agriculture. Elle a été choisie par le général Ne Win pour célébrer le coup d’État qui l’a porté au pouvoir, le 2 mars 1962, il y a 60 ans aujourd’hui.
Le 2 mars est férié en Birmanie (Myanmar, selon le régime militaire), c’est la Journée des paysans (မြန်မာနိုင်ငံတွင် တောင်သူလယ်သမားနေ့). La date n’a rien à voir avec l’agriculture. Elle a été choisie en 1965 par le général Ne Win pour célébrer le coup d’État qui l’a porté au pouvoir, le 2 mars 1962. Il y a donc 60 ans, jour pour jour. Si on lui sait gré de s’être intéressé aux deux tiers de ses compatriotes qui travaillent dans l’agriculture, la production de riz principalement, et notamment d’avoir réalisé une réforme agraire en leur faveur, cette date évoque aussi la confiscation de la démocratie et la tutelle de l’armée sur le pays. Cette date est un bien triste anniversaire quand on sait que l’armée n’a jamais vraiment quitté le pouvoir et que craignant d’en être écarté le 1er février 2021, elle a repris ferment le contrôle du pays au prix d’une guerre civile et de milliers de morts.
Ne Win, le général socialiste, dont on commémore donc aussi la prise de pouvoir a été lui-même renversé par un autre coup d’État militaire, en 1988, après 26 ans de règne, mais sans pour autant disparaître de la scène politique. La journée des agriculteurs anciennement célébrée le 1er janvier et qu’il avait déplacé au 2 mars, lui a survécu. C’est toujours un jour férié et chômé officiel que célèbre aujourd’hui la junte au pouvoir pour tenter de donner au pays un semblant de normalité.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
19 juillet : Aung San Suu Kyi sera-t-elle autorisée par la junte birmane à rendre hommage à son père assassiné il y a 74 ans ?
Le 19 juillet est chaque année une commémoration majeure en Birmanie. Les sirènes retentissent à travers tout le pays, celui-ci se fige à 10h37 précise. La tradition, interrompue sous le régime militaire avait été reprise depuis 2016.
Le 19 juillet est chaque année une commémoration majeure en Birmanie. Les sirènes retentissent à travers tout le pays, celui-ci se fige à 10h37 précise. La tradition, interrompue sous le régime militaire avait été reprise depuis 2016.
Ce jour férié commémore l’assassinat de huit dirigeants du gouvernement intérimaire birman d'avant l'indépendance le 19 juillet 1947. Le processus d’indépendance était bien engagé (celle-ci sera obtenue le 3 janvier 1948). En avril 1947, des élections générales avaient eu lieu pour former l'assemblée constituante. Le 19 juillet 1947, plusieurs membres du gouvernement intérimaires tenaient une réunion du cabinet dans le bâtiment du Secrétariat à Rangoon. Au milieu de la réunion, un groupe de paramilitaires armés a fait irruption dans le Secrétariat et abattu huit ministres, dont le Premier ministre Aung Sun. Le seul à avoir survécu était le ministre des Finances Tin Tun. Dès 1948, le 19 juillet a été décrété férié sous le nom de Journée des martyrs (အာဇာနည်နေ့). Une journée fondatrice de la nation.
Aung Sun, est le père de Aung San Suu Kyi qui pendant des décennies a été l’égérie des opposants au régime militaire. La cérémonie du 19 juillet était la seule sortie publique de Aung San Suu Kyi pendant les années où elle était assignée à résidence et l’occasion pour l’opposition de se faire entendre. L’année 2016 avait marqué un tournant : le 19 juillet, le chef militaire, le général en chef Min Aung Hlaing, et son épouse étaient présents lorsque Daw Aung Suu Kyi avait offert des repas aux moines en souvenir de son père et de ses collègues, à son domicile de Rangoon. Il s'agissait de la première visite d'un chef militaire chez elle depuis que le général Saw Maung avait assisté à la veillée de sa mère, Daw Khin Kyi, en 1988.
Suite au coup d'État militaire du 1er février 2021, U Win Myint (le président) et Daw Aung San Suu Kyi ont été à nouveau arrêtés. Depuis, ils sont détenus dans un lieu inconnu à Naypyitaw (la nouvelle capitale). Aung San Suu Kyi qui est âgée de 77 ans, risque jusqu'à 75 ans de prison pour plusieurs chefs d'accusation. Les militaires vont-ils l’autoriser à participer aux cérémonies d’hommage à son père et à ses compagnons de lutte anti-coloniale ?
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
20 février : les Chins, peuple des montagnes de Birmanie, célèbre sa fête nationale
Chaque 20 février, depuis 1951, le peuple Chin fête son État. Un pays, un peu plus grand que la Belgique, situé dans le nord de la Birmanie, à la frontière de l’Inde.
Chaque 20 février, depuis 1951, le peuple Chin fête son État. Un pays, un peu plus grand que la Belgique, situé dans le nord de la Birmanie, à la frontière de l’Inde. Les Chins vivent dans une région montagneuse du nord-ouest de la Birmanie. L’État chin est l’un des sept qui composent théoriquement l’Union birmane (ou Union du Myanmar, selon le nom adopté par la junte militaire), avec la région centrale qui, elle, est peuplée de Bamars (ou Birmans). Beaucoup de Chins ont fui la dictature pour se réfugier en Inde (notamment à New Delhi), voire au Canada ou en Europe. Leur fête nationale est souvent célébrée avec plus de faste dans la diaspora que localement. Tout dépend des circonstances dans le pays. Et cette année, l’ambiance est à l’incertitude politique.
La date du 20 février, fête nationale des Chins, fait référence à la création de la première association politique des populations chins en 1928. En 1938, toujours un 20 février, elle présentait aux occupants anglais une série de revendications. Le 20 février 1948, l’Assemblée générale du peuple chin abolissait le régime féodal et adoptait un mode démocratique de désignation de ses dirigeants. Cette portion des Indes anglaises avait été gérée distinctement par les Anglais («Loi de régulation de 1896 des Chin Hills») du reste de l’Union birmane qui venait d’obtenir son indépendance, le 4 janvier 1948. Des représentants des Chins avaient assisté à la Conférence de Panglong, le 12 février 1947, qui prévoyait un État fédéral où chaque peuple aurait son autonomie. On sait qu’il n’en a rien été, la junte birmane arrivée au pouvoir en 1961 et qui n’a jamais vraiment quitté le pouvoir depuis, n’a jamais reconnu l’autonomie qui avait été accordée aux peuples périphériques. Au lieu de cela, elle ne reconnaît pas moins de 135 peuples ! (Sauf les Royhinga, bien sûr). Et comme on ne peut pas créer 135 États autonomes à l’intérieur du pays, autant dire qu’elle n’en reconnaît aucun. Les représentants du peuple majoritaire, les Bamars, sont tous sur la même ligne, Aug San Suu Kyi, en fait partie. Même si l’an dernier, elle a assisté à la fête nationale des Chins, la Dame de Rangoon est, tout autant que les militaires, partisane d’un pouvoir centralisé. Pas question de parler d’un Chin State Day et de pouvoir locaux.
Depuis, l’accord de cessez-le-feu signé en 2012, avec l’armée birmane, l’État Chin peut célébrer ouvertement sa fête nationale. Cela n’a pas toujours été le cas. La fête avait été interdite par la junte et les Chins avaient repris les armes en 1988.
La junte militaire qui a récemment confisqué la totalité du pouvoir en Birmanie a invité le président de la Ligue nationale Chin pour la démocratie (CNLD) à rejoindre le Conseil d’État. Celui-ci a, bien sûr, décliné l’invitation. Les Chins se méfient de l’armée Birmane. Suite au coup d’État du 1er février 2021, quelques milliers de Chins ont déjà trouvé refuge dans l’État indien voisin, le Mizoram.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
12 février : l'Union birmane, une fiction célébrée par le régime birman
C’est le Jour de l’Union, un jour férié en Birmanie censé célébrer un État fédéral où chaque ethnie disposerait d’une autonomie reconnue par le régime. Ce projet n’a jamais vu le jour.
Ce jour férié en Birmanie est censé célébrer un État fédéral où chaque ethnie disposerait d’une autonomie reconnue par le régime. Ce projet n’a jamais vu le jour. Bien au contraire, l’armée qui dirige le pays quasiment depuis l’indépendance n’a eu de cesse de chercher à imposer le pouvoir du centre (le pays bumar ou birman) sur la périphérie où vivent une multitude de peuples, notamment les Shans, les plus nombreux (5 millions), les Karens (4 millions) Kachins, les Môns… tous en rébellion depuis l’indépendance du pays. Si bien que l’Union birmane (rebaptisée l’Union du Myanmar par la junte) vit depuis plus de 70 ans dans un état de guerre perpétuelle. Un bon argument des militaires pour se maintenir au pouvoir indéfiniment. Ces dernières années, les Shans, en 2011, les Karens en 2012, puis huit autres peuples en 2015, ont signé des cessez-le-feu, tout en conservant leurs armes et leurs positions. En 2017, il a bien fallu désigner un nouvel ennemi pour justifier le rôle de l’armée comme sauveur de la nation : ce furent les Ronhingya, massacrés sans scrupule… L’Union des peuples de Birmanie est une totale fiction.
La date du 12 février fait référence à la conférence de Panglong, réunie en 1947 par Aung San, le héros de l’indépendance (et père de l’actuelle égérie de l’opposition aux militaires, Aung San Suu Kyi). Il était parvenu à réunir et à faire signer un accord aux représentants des principaux peuples afin de mettre en place cette Union birmane. Mais, Aung San sera assassiné quelques mois plus tard, il ne connaîtra même pas l’indépendance du pays, le 4 janvier 1948. Ce jour férié lui rend aussi hommage, lui, le père de la principale opposante au régime militaire, emprisonnée à nouveau depuis le 1er février dernier. Le régime birman a eu des périodes plus ou moins répressives mais, le Jour de l’Union (Pyi Daung Su Naih) n’a jamais cessé d’être célébré. En 2017, Suu Kyi était à Panglong pour les commémorations du 70e anniversaire de l’accord de Pnaglong. Dans un discours prononcé sur le site du mémorial, Suu Kyi a invoqué l'héritage de son père pour appeler les 133 groupes ethniques officiellement reconnus à s'engager pour la paix. On notera que les Ronhinya, à qui on a retiré la nationalité birmane en 1982, n’en font pas partie. Le nationalisme ethnique de la Dame de Rangoon se rapproche de celui de Modi.
Au cours des deux semaines précédentes, un drapeau birman est allé symboliquement de ville en ville pour terminer son périple, le 12 février, à Naypyidaw, la nouvelle capitale où les militaires au pouvoir se sont retranchés. Cette année, après la covid et les violences politiques liées au coup de force des militaires, la célébration sera minimaliste.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
8 août : le 8888 des Birmans
Il y a 31 ans, le 8 août 1988, débutaient les grandes manifestations étudiantes de Rangoun contre le régime militaire. Très portés sur la numérologie, les Birmans célèbreront cette date fétiche, surtout dans la diaspora…
Il y a 32 ans, le 8 août 1988, débutaient les grandes manifestations étudiantes de Rangoun contre le régime militaire. Très portés sur la numérologie, les Birmans célèbrent cette date fétiche, surtout dans la diaspora, puisque cette révolte n’avait pas permis de faire tomber la dictature. Le soulèvement pris finalement fin le 18 septembre 1988 après un coup d’État sanglant (environ 3000 morts et des milliers de blessés). Une junte militaire s’est installée à la tête de la Birmanie. Elle, aujourd’hui encore, dans l’ombre du pouvoir.
Les étudiants thaïlandais avaient, eux aussi, par solidarité, coutume de la commémorer ce mouvement pro démocratique, unique dans l’histoire de la Birmanie, par des manifestations chaque 8 août.
La génération du 8888 a servi de référence aux émeutiers birmans de 2007 qui ont contribué à l’évolution du régime à partir de 2012. Un régime qui, toutefois, n'a malheureusement pas tenu sa promesse d'instaurer la paix et la démocratie. Aung Saun Su Kyi qui a joué un grand rôle lors des manifestations de 1988 comme du processus politique de 2012, est aujourd’hui très critiqué pour son mutisme face au génocide en cours dans l’ouest du pays. L’idéal de fraternité du 8888 entre les différents peuples qui compose le pays a été bien vite oublié.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
27 novembre : drôle de fête en Birmanie
À l'époque où la junte militaire était au pouvoir, chaque 27 novembre, des manifestations étudiantes réclamait la libération d'Aug San Suu Kyi. Cette date fait aujourd’hui figure de fête nationale en Birmanie, elle rappelle une époque plus lointaine encore : la première grève des étudiants birmans face aux autorités coloniales britanniques…
À l'époque où la junte militaire était au pouvoir, chaque 27 novembre, des manifestations étudiantes réclamaient la libération d'Aug San Suu Kyi. Cette date fait aujourd’hui figure de fête nationale en Birmanie. Elle rappelle une époque plus lointaine encore : la première grève des étudiants birmans, en 1920, face aux autorités coloniales britanniques qui venaient d’adopter une législation discriminatoire. La grève débuta le jour de la fête nationale qui cette année tombe le le 27 novembre.
La Journée nationale est aussi marquée par le souvenir de Thibaw Min, le dernier roi. On se souvient qu’il demanda aux émissaires Britanniques de se déchausser avant d’entrer dans son palais. Ceux-ci refusèrent et le traitèrent de tyran. Ce fut le prétexte invoqué pour une conquête du pays par les Anglais. En deux semaines, le royaume birman était envahi, le palais royal pris d’assaut, le 28 novembre 1885. Le lendemain, le roi était expédié en exil en Inde. Le 1er janvier suivant, la Birmanie était intégrée à l’Empire britannique.
Aujourd'hui, ce sont les Birmans qui écrasent de leur mépris les Rohingyas sans défense et les massacrent dans le but de les éliminer du pays. Ne pourrait-on pas arrêter ce génocide, avant qu'il faille trouver une date pour le commémorer ? Alors le pays est le théâtre d'un vrai nettoyage ethnique visant la minorité Rohingyas victime de viols, tortures, massacres et meurtres... la Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, qui marraine le président actuel, reste étonnamment silencieuse face à ce génocide en cours même si elle a fini par concéder que la situation aurait pu être mieux gérée.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde