L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
28 novembre : en Mauritanie, jour de fête et jour de deuil à la fois
C’est la fête de l’indépendance. Celle-ci a été obtenue le 28 novembre 1960, c’est aussi l’anniversaire du massacre d’Inal, symbole des persécutions des Afro-Mauritaniens.
Aujourd’hui, c’est la Fête de l’indépendance. Celle-ci a été obtenue le 28 novembre 1960 après quelque 70 ans d’occupation française. Commémorée chaque année, cette date este devenue la fête nationale de la Mauritanie. C’est l’occasion d’un défilé militaire, qui peut être perturbé par des manifestations.
Cette journée est aussi une journée de deuil pour tous les Afro-Mauritaniens et les défenseurs des droits de l’homme, bien peu respectés dans ce pays, en particulier quand il s’agit de la communauté noire. Dans la nuit du 27 au 29 novembre 1990, la date n’avait pas été choisie au hasard, 28 soldats mauritaniens sont pendus les uns après les autres à Inal, dans le nord-ouest du pays. Tous sont négro-africains. Ils ont été sélectionnés parmi les manifestants arrêtés au cours des jours précédents. Ce jour-là, la Mauritanie célébrait le 30e anniversaire de son indépendance.
En 1986, plusieurs cadres des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM), un mouvement d’opposition fondé clandestinement en 1983, publient un « Manifeste du Négro-Mauritanien », pour dénoncer les persécutions qu’ils subissent.
En 1989, sous prétexte d’un incident transfrontalier, les autorités avaient expulsé plus de 60 000 Afro-Mauritaniens vers le Mali et le Sénégal. Leurs papiers ont été détruits, leurs terres et maisons confisquées, très peu pourront revenir. À la fin de l’année 1990, environ 3 000 militaires afro-mauritaniens sont mis aux arrêts. Entre 500 et 600 d’entre eux sont exécutés ou décèdent des suites de tortures. Le massacre d’Inal est le symbole de cette répression sanglante, il est loin d’être le seul. En 1993, une loi d’amnistie a fini par jeter une chape de plomb sur « les années de braises » (1986-1991). Les massacres demeurent encore aujourd’hui un véritable tabou national.
Le président Mohamed Ould Ghazouani, en poste depuis août 2019, n’a pas fait bouger les choses. Ce n’est pas faute d’avoir été interpellé par des manifestants alors qu’il assistait, le 28 novembre 2020, à deuxième défilé militaire organisé à l’occasion de la fête nationale. 36 des manifestants ont été jetés en prison et les festivités de la fête nationale ont repris leur cours. Parmi eux figuraient plusieurs orphelins de victimes du massacre d'Inal dont c’était le 30e anniversaire.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 27 novembre 2021
18 novembre : il y a 30 ans débutait le martyre des habitants de Vukovar
C’est Journée du souvenir des victimes de Vukovar, en mémoire des victimes des massacres de 1991
Il y a 30 ans les milices serbes, épaulées par ce qui restait de l’armée yougoslave, entraient dans une ville fantôme, largement désertée par ses habitants et détruite aux deux tiers. Le 25 juin, la Croatie avait proclamé son indépendance. Officiellement c’est pour tenter de conserver le contrôle d’une ville multiculturelle que les derniers tenants de la Yougoslavie communiste avaient commencé à assiéger la ville le 25 août. La ville était pour moitié croate, serbe pour un tiers… ces derniers vont occuper la ville pendant une décennie et en faire la capitale d’une république serbe fantoche. Cette occupation débute, le 18 novembre 1991, par des massacres comme celui de l’hôpital de la ville où 300 personnes enlevées, seront presque toutes exécutées dans le faubourg d’Ovcara où se trouve aujourd’hui le principal mémorial en hommage aux quelque 4000 victimes de la tragédie de Vukovar.
En novembre 2010, la ville recevait la visite de Boris Tadic, le président de la Serbie, venu présenter les excuses de son pays. Sinistrée, ravagée par le chômage, la ville se remet lentement mais reste profondément divisée entre Serbes et Croates. Les Journées du souvenir des victimes (Dani sjećanja na žrtve), ces 18 et 19 novembre, sont commémorées différemment. Toutefois, le politicien serbe de Croatie Boris Milosevic, vice-Premier ministre du gouvernement croate, a pris part à la commémoration et Milorad Pupovac, le président du Conseil national serbe, qui représente les intérêts de la minorité serbe en Croatie, a rendu hommage à tous les habitants de Vukovar portés disparus ou tués en 1991.
La Journée du souvenir des victimes de Vukovar est devenue un jour férié l'année dernière, à l'occasion du 29e anniversaire de la chute de la ville.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 18 novembre 2021
17 octobre : il y a 60 ans, on noyait les Algériens dans la Seine
Le 17 octobre 1961, quelque 20 à 30 000 Algériens de Paris manifestaient pacifiquement pour protester contre le couvre-feu auquel ils étaient astreints. Sur ordre de Maurice Papon, préfet de police de Paris, les forces de l’ordre lancèrent un l’assaut qui sera sans pitié… plusieurs centaines de morts seront à déplorer.
Le 17 octobre 1961, quelque 20 à 30 000 Algériens de Paris manifestaient pacifiquement pour protester contre le couvre-feu auquel ils étaient astreints. Sur ordre de Maurice Papon, préfet de police de Paris, les forces de l’ordre lancèrent un l’assaut qui sera sans pitié : ceux qui cherchaient à rentrer chez eux furent arrêtés au pont de Neuilly et jetés dans la Seine par les policiers. Très peu savaient nager, la plupart se sont noyés. D’autres ont été retrouvés pendus près du Centre d’identification de Vincennes. La police, qui à l’époque n’avait admis que 3 morts, reconnaît aujourd’hui 140 victimes, les historiens évoquent 200 à 600 morts et disparus.
Le drame a longtemps été occulté, notamment par la tuerie policière du métro Charonne, l’année suivante, autre page noire des années De Gaulle qui couvrait la police de peur qu’elle ne le protège pas de l’OAS. Il a fallu la publication de l’ouvrage de l’historien Jean-Luc Einaudi et la manifestation anniversaire de 1991 pour que la mémoire des faits resurgisse et que les familles demandent réparation ; puis un procès (Papon contre Einaudi), en 1999, pour que l’État admette la réalité du « massacre ». Lionel Jospin s’opposera à une reconnaissance officielle. Le 17 octobre 2012, le président Hollande publie un communiqué : « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes ». Il oublie de préciser que la manifestation était pacifique, comme c’est indiqué sur la plaque apposée par le maire de Paris en 2001 sur le pont Saint-Michel où a lieu la commémoration annuelle, au cours de laquelle une gerbe est jetée dans la Seine. Cette plaque a été remplacée par une stèle le 17 octobre 2019. En 2021, le président Macron dénonce, pour la première fois, des « crimes inexcusables pour la République ».
Quant à l’Algérie, elle a fait du 17 octobre la Journée nationale de l’Émigration. Celle-ci est célébrée à Alger au musée national du Moudjahid, en présence de moudjahidine de la Fédération France du FLN, d’historiens, de représentants de la gendarmerie nationale et de la DGSN.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 16 octobre 2021
Mise à jour 2024 : L’Assemblée nationale a voté jeudi 28 mars 2024 un texte demandant au gouvernement l’instauration d’une journée de commémoration du massacre du 17 octobre 1961. Sans surprise, seuls les députés issus des rang du Rassemblement national ont voté contre.
31 mai : il y a 100 ans, à Tulsa, le plus terrible lynchage de Noirs de l’histoire américaine
Localement le massacre de Tulsa est célébré chaque 31 mai, cette année pour le centenaire du drame, le président des États-Unis se déplacera, il assistera demain à des cérémonies qui durent plusieurs jours.
Localement le massacre est célébré chaque 31 mai (Tulsa race massacre Day), cette année pour le centenaire du drame, le président des États-Unis se déplacera, il assistera demain à des cérémonies qui durent plusieurs jours.
Cela se passe à Tulsa, dans l’Oklahoma : le 30 mai 1921, un jeune Noir maladroit bouscule une jeune fille blanche, lui a-t-elle marché sur le pied ? L’a-t-il heurté ? On ne sait pas. Toujours est-il qu’elle pousse un cri, aussitôt on accourt croyant une agression. Le jeune homme, qui sait ce qu’il risque, se réfugie à Greenwood, où habite sa mère. Il sera vite retrouvé et arrêté, mais la jeune fille refuse de porter plainte. L’affaire aurait dû en rester là, si un groupe d’hommes noirs patrouillant devant le commissariat pour protéger le jeune garçon, n’était pas tombé nez à nez avec un groupe d’hommes blancs hystériques réclamant le lynchage du coupable. Des coups de feu sont partis, on comptera plusieurs victimes surtout des Blancs. Aussitôt la ville s’enflamme contre le quartier noir de Greenwood, un quartier relativement prospère où vivait une classe moyenne supérieure noire qui suscitait bien des jalousies dans cette petite ville du vieux Sud. Le quartier était même connu sous le nom de Black Wall Street, en référence au quartier des affaires de New York. Les pillages et destructions durent deux jours à partir du 31 mai 1921. 1256 maisons sont détruites, plus de 10 000 personnes, quasiment toutes afro-américaines, se retrouvent à la rue. 300 morts sont comptabilisés mais le nombre des victimes serait bien plus important. Du quartier, il n’est rien resté : des avions d’agriculteurs de la région ont même été mobilisés pour déverser des produit inflammable sur les bâtiments : école, hôpital (le seul qui accueillait les Noirs), églises, entreprises… tout à disparu en quelques heures. Personne, bien sûr, n’a été poursuivi, la mémoire collective a très vite effacé le drame.
Il a fallu attendre 2001 , pour que l’État fédéral d’Oklahoma a passé une loi intitulée « 1921 Tulsa Race Riot Reconciliation Act » pour accéder quelques réparations symboliques aux descendants des victimes comme la distribution de 300 bourses d’études supérieures à des familles brisées. En 2011, un mémorial est créé et baptisé John Hope Franklin, un historien afro-américain originaire de Tulsa. Finalement en 2021, le pogrom commence à mobiliser les autorités fédérales, puisque Joe Biden sera présent aux cérémonies.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
21 mars : Journée internationale contre la ségrégation raciale
En souvenir du massacre de Sharpeville, l’ONU a fait aussi du 21 mars la Journée internationale contre la ségrégation raciale. Le 21 mars 1960, la police sud-africaine avait tiré sur une foule manifestant pacifiquement contre le pass (passeport intérieur) imposé aux Noirs.
En souvenir du massacre de Sharpeville, l’ONU a fait aussi du 21 mars la Journée internationale contre la ségrégation raciale. Il y a 61 ans, jour pour jour, le 21 mars 1960, la police sud-africaine avait tiré sur une foule manifestant pacifiquement contre le pass (passeport intérieur) imposé aux Noirs. On avait relevé 69 morts pour la plupart tués d’une balle dans le dos, parmi eux de nombreux enfants. Cet International Day for the Elimination of Racial Discrimination a été adopté par l’ONU en 1966.
En Afrique du Sud, c’est la Journée nationale des droits de l'homme. Elle commémore les vies perdues dans la lutte pour la démocratie et contre les discriminations en Afrique du Sud durant le régime Apartheid. Ce régime n’a été aboli qu’en 1994.
La journée est particulièrement célébrée en Australie, sous le nom d’Harmony Day. Il est demandé aux Australiens de s’habiller en orange ou au moins de porter un ruban de cette couleur pour marquer leur soutien à la diversité culturelle du pays. Toutefois, certains critiquent que cette journée de lutte contre le racisme se soit transformée en journée de promotion du multiculturalisme en Australie, ce qui dévie la journée de son sens premier. Le racisme à l’état brut n’a pas disparu en Australie, loin de là.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
26-27 février : guerre de mémoire entre Azéris et Arméniens
Chaque 26 février, l’Azerbaïdjan commémore le massacre de Khodjaly, un épisode sanglant de la première guerre du Haut-Karabagh, le 26 février 1992. Hasard du calendrier, le 27 février, les Arméniens commémorent le pogrom de Soumgaït : trois jours de violence, les 27-29 février 1988 contre la minorité arménienne d’Azerbaïdjan.
Chaque 26 février, l’Azerbaïdjan commémore le massacre de Khodjaly, un épisode sanglant de la première guerre du Haut-Karabagh, le 26 février 1992. Les autorités azéries dénoncent la mort de 613 personnes dont 106 femmes et 83 enfants, des villageois pris au piège d’un conflit qui les dépassaient. Bakou accuse du massacre les forces armées arméniennes, aidées par le régiment no 366 de l'armée russe. Les Arméniens se défendent en accusant l’Azerbaïdjan d’être directement responsable de ce massacre, les soldats azéris auraient reçu l’ordre de tirer sur les civils de Khodjaly. Bakou a tenté en vain, à plusieurs reprises de faire reconnaître un « génocide » opéré par les Arméniens, dénonçant la désinformation de la diaspora arménienne plus influente en Occident que celle des Azéris même si ces derniers disposent à présent de relais médiatiques importants et d’un pouvoir d’influence qui repose sur l’argent du pétrole.
Hasard du calendrier, demain, le 27 février, les Arméniens vont comme chaque année, commémorer le pogrom de Soumgaït : trois jours de violence, les 27-29 février 1988 contre la minorité arménienne de cette banlieue industrielle de Bakou. Le nombre des victimes n’est pas connu : des dizaines de morts et des centaines de blessés. Il s'agit d'un événement historique et d'un tournant dans l'aggravation du conflit ethnique qui a provoqué les premiers flux de réfugiés arméniens de Soumgaït vers le Karabakh (Artsakh) et l'Arménie. Le caractère prémédité et organisé de ce pogrom n’a jamais été pleinement reconnu par Bakou. Une des conséquences de cette impunité fut que d’autres massacres d’Arméniens eurent lieu à Kirovabad (Gandja) en novembre 1988 et à Bakou en janvier 1990, provoquant l’exode de la minorité arménienne de l’Azerbaïdjan, comme d’ailleurs, l’exode de la minorité azérie d’Arménie.
Le pogrom était la réponse aux premiers troubles provoqués par les Arméniens du Haut-Karabagh. Il sera le déclencheur de la guerre de conquête du sud-ouest de l’Azerbaïdjan, dans les années 1992-1994, par les forces arméniennes mieux équipées et plus aguerries à l’époque. À l’automne 2020, la situation s’est retournée. Les Arméniens ont perdu quasiment toutes leurs conquêtes.
Pour en savoir plus, lire Géopolique de l’Arménie par Tigrane Yégavian