L’Almanach international

Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde

Chine, 10 octobre, Taïwan Bruno Teissier Chine, 10 octobre, Taïwan Bruno Teissier

10 octobre : la fête chinoise du Double dix, à Taipei et Pékin

Tout naturellement Taïwan a fait du 10 octobre sa fête nationale, mais sa célébration peine à mobiliser la jeunesse taïwanaise car cette fête fait référence à des événements qui n’ont pas concerné l'île. Sur le continent, Pékin s’en tient à un simple discours du président retransmis dans tous les médias, rien qui n’émeuve ni ne puisse provoquer de troubles dans la population.

 

Tout naturellement Taïwan a fait du 10 octobre sa fête nationale, mais sa célébration peine, chaque année un peu plus, à mobiliser la jeunesse taïwanaise car cette fête fait référence à des événements qui n’ont pas concerné l’île.

Le « Double Dix » (雙十節), dixième jour du dixième mois de l’année en mémoire du 10 janvier 1911, jour du soulèvement de Wuchang (武昌起義). Celui-ci provoque le renversement de la dynastie Qing, mettant fin à 22 siècles d’Empire chinois, et entraînera la fondation de la République chinoise, le 1er  janvier suivant. En 1911, l’île de Formose (Taïwan) appartient à l’Empire japonais, une situation qui durera jusqu’en 1945. Si bien que la population taïwanaise n’a pas la mémoire des premières décennies de la république de Chine. Au XXe siècle, elle n’a été rattachée au continent que de 1945 à 1949.

La république de Chine a été fondée à Nankin, le 1er janvier 1912 par Sun Yat-sen et le Double-Dix était la fête nationale de la Chine jusqu’en 1948. Ce sont ses héritiers politiques qui se sont réfugiés à Taïwan en 1949 après avoir perdu le contrôle de la Chine où Mao a pris le pouvoir le 1er octobre. Seuls Taïwan et Hong-Kong (pour quelques décennies) ont échappé au régime communiste.

Sun Yat-sen (孫逸仙), dont se recommandent les deux pays, est considéré comme le père de la République de Chine, mais il est aussi le fondateur du Kuomindang, le Parti nationaliste chinois, qui, plus tard, tentera d’empêcher Mao Zedong de prendre le pouvoir en Chine, d’où la sobriété de Pékin dans la commémoration de cette date et de ce personnage dont le portrait est mis à l’honneur à Taïwan chaque 10 octobre.

Le régime de Taïwan qui continue de porter le nom de « République de Chine » (le continent étant la « République populaire de Chine ») organise chaque 10 octobre une grande parade militaire (qui depuis quelques années comprend aussi des civils) devant le Palais présidentiel à Taipei. Le drapeau national est solennellement hissé en ce jour de fête nationale, des représentations de danses populaires et d’arts martiaux sont proposées à la foule. La culture aborigène est aussi depuis quelques années mise à l’honneur. Le président William Lai (賴清德) prononce un discours, son premier discours à l'occasion de la fête nationale depuis son entrée en fonction en mai 2024. Un événement qui inquiète toujours Pékin, car le président taïwanais est élu démocratiquement. À Taipeh, un feu d’artifice géant tiré au-dessus du fleuve Tamshui clôt cette journée de célébration.

La fiction politique continue de présenter le régime taïwanais comme le seul légitime pour l’ensemble de la Chine). Toutefois, les réfugiés politiques de 1949 qui ont pris le pouvoir dans l’île ne représentent aujourd’hui, avec leurs descendants, que 15% de la population. Cela explique pourquoi, une majorité de Taïwanais, en particulier les jeunes générations, ne ne sentent pas très concerné et souhaiteraient tourner la page de cette situation absurde. Sans la lourde menace de Pékin, il y a longtemps que cette histoire officielle aurait été jetée aux orties. En effet, la Chine revendique Taïwan comme faisant partie de son territoire souverain et n’exclut pas de recourir à la force pour prendre l’île sous son contrôle. En ce jour de fête nationale, Taïwan est en état d'alerte en raison d’exercices militaires chinois en mer, à proximité de l'île.

Pékin, discret face à cette célébration, ne veut toutefois pas être en reste et commémore chaque Double-Dix (双十节), la révolution Xinhai dont le point culminant est le soulèvement de Wuchang (une révolte militaire contre le représentant de l’empereur dans la province de Hubei) qui provoqua ensuite le soulèvement de plusieurs provinces et abouti à la chute du régime impérial. La Chine « communiste » ne pouvait pas ne pas faire référence à cette première révolution, prélude à la suivante. Toutefois, Pékin s’en tient à un simple discours du Président retransmis dans tous les médias, rien qui n’émeuve ni ne puisse provoquer de troubles dans la population.

Quant aux Chinois d’outre-mer qui s’identifient à la République de Chine, ils organisent également des célébrations chaque 10 octobre. En particulier, les quartiers chinois de Chicago et de San Francisco aux États-Unis où le motif rouge du Double Ten fait figure de logo.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 10 octobre 2024

Mise à jour du 11 octobre 2024 : « Ici, la démocratie et la liberté progressent et prospèrent. La République populaire de Chine n'a aucun droit de représenter Taiwan », a dit Lai Ching-te dans son discours prononcé à l’occasion de la fête nationale. «Je maintiendrai aussi l'engagement de résister à l'annexion ou l'empiètement de notre souveraineté», a ajouté le président Lai. Ce qui a provoqué une vive réaction de Pékin et une mise en garde des États-Unis à l’égard de la Chine. La fête nationale de Taiwan n’est jamais de tout repos.

L'Arche de la Fête nationale célébrant le 100e anniversaire de la fondation de la République de Chine, devant le bâtiment du bureau présidentiel de Taipei (photo Peter Tianmu).

Le symbole du Double-Dix

 
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1945, Chine, 3 septembre, Victoire militaire, armée, Taïwan Bruno Teissier 1945, Chine, 3 septembre, Victoire militaire, armée, Taïwan Bruno Teissier

3 septembre : le Jour de la victoire de la Chine sur le Japon

La Journée de la victoire sur le Japon (l’anniversaire de la capitulation de 1945) et à Taïwan, la Journée des forces armées.

 

Le document de reddition du Japon a été signé le 2 septembre 1945 (ou 3 septembre selon le fuseau horaire) à bord de l'USS Missouri , un navire de guerre américain ancré dans la baie de Tokyo. 

Après la capitulation officielle du Japon, le gouvernement nationaliste de la République de Chine a annoncé trois jours de célébrations pour fêter la capitulation du Japon, à partir du 3 septembre. Entre 1946 et 1949, le 3 septembre a été célébré comme le Jour de la victoire de la guerre de résistance contre le Japon.

En 1949, le Parti communiste chinois a proclamé la République populaire de Chine sur le territoire de la Chine continentale. Le gouvernement nationaliste s'est retiré du continent et s'est installé à Taiwan. La RPC a continué à célébrer le 3 septembre comme la Journée de la victoire sur le Japon (战胜日本日), alors qu'à Taïwan cette date est, depuis 1955, célébrée comme la Journée des forces armées (9武装部队日), mais ce n’est pas un jour férié.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 2 septembre 2024

 
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1839, Taïwan, guerre, drogue, 3 juin Bruno Teissier 1839, Taïwan, guerre, drogue, 3 juin Bruno Teissier

3 juin : une journée antitabac à Taïwan en souvenir de la guerre de l’opium

Derrière une banale journée antitabac se cache une profonde blessure nationale qui marque toujours l’identité chinoise, y compris à Taïwan où le comportement de voyou des Européens à l’égard de la Chine est dans tous les livres d’Histoire.

 

Le 3 juin est aujourd’hui connu à Taïwan comme la journée antitabac, mais la date fait référence à un événement  qui a profondément marqué la chine. Longtemps, le 3 juin a été désigné comme la  Journée du mouvement pour la répression de l'opium (禁菸節).

L’opium, découvert et utilisé d’abord comme un médicament par les Chinois  a fini par devenir un fléau au point que l’empereur Yougzheng, en 1729, a publié un édit pour interdire sa consommation. Cet édit  a aussitôt engendré des réseaux de contrebande, notamment avec l’Inde où les Anglais se sont arrogés le monopole de la production de l’opium du Bengale. Grâce à leur marine performante, ils se sont vite imposés dans le commerce de cette drogue dont les bénéfices leur permettaient d’acheter des produits chinois. Devant l’importance de ce trafic, favorisé par des fonctionnaires chinois corrompus, les autorités chinoises ont décidé de frapper un grand coup : 20 000 coffres d'opium (soit 1 210 tonnes) furent saisis. La confiscation aux commerçants anglais s’est faite sans compensation et cet énorme stock d’opium fut détruit dans un grand bûché le 3 juin 1839. C’est l’anniversaire de cet acte de souveraineté  et d’autorité contre les trafics de drogues qui est célébré aujourd’hui.

Les Anglais ont aussitôt déclaré la guerre à la Chine pour entrave au commerce ! La Guerre de l’opium (鴉片戰爭) débuta en 1840 par la prise de l’île stratégique de Zhoushan par les Anglais, puis la chute de Canton, le grand port dans lequel s’organisait le trafic de l’opium. Elle se termine en 1842 par la défaite de la Chine qui, toutefois, maintient son hostilité au fait que les Européens leur imposent la vente libre de la drogue sur son territoire. Cette résistance chinoise engendrera une seconde guerre de l’opium, impliquera, outre les Anglais, les Français, les Russes et les Américains. Elle se terminera à nouveau par une défaite et une capitulation, et même le pillage de Pékin par les Anglais et les Français en 1860. C’est ainsi que les autorités chinoises ont été acculées à signer la convention de Pékin de 1860 qui autorise le libre commerce de l’opium dans tout le pays. Les conséquences de ces deux guerres sont catastrophiques pour la chine, qui mettra un siècle à s’en remettre. Le souvenir de l’humiliation provoquée ce « traité inégal » a grandement participé à l’émergence du nationalisme chinois et à sa profonde méfiance à l’égard de l’Occident.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 3 juin 2024

 
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1925, Chine, Taïwan, arbres, 12 mars Bruno Teissier 1925, Chine, Taïwan, arbres, 12 mars Bruno Teissier

12 mars : la journée de l’arbre en Chine et à Taïwan

L’anniversaire de la mort de Sun Yat-sen, le fondateur la république de Chine, sert aujourd’hui de date de référence pour encourager à la reforestation dans un pays où l’industrialisation à outrance a mis les forêts à mal.

 

La date choisie pour cette Journée de l'arbre  (植樹節) est celle de l’anniversaire de la mort de Sun Yat-sen, le fondateur la république de Chine. Ce médecin, devenu président, avait dès 1914, suggéré de copier la fête américaine de plantation des arbres. Très tôt, il avait pris au sérieux la question du reboisement. Ce n’est qu’après sa mort, le 12 mars 1925, que gouvernement chinois a commencé à prêter attention aux projets de reboisement. En 1929, la Journée de l'arbre fut créée pour célébrer l'anniversaire de la mort du Dr Sun Yat-sen. Après la prise du pouvoir des communistes en 1949, c’est à Taïwan où le gouvernement chinois s’était réfugié, que cette journée de l’arbre a continué à être observée. Mais, Pékin ne voulant pas abandonner à Taïwan, la mémoire du révolutionnaire Sun Yat-sen, une Journée de l’arbre a finalement été instaurée en 1980, en Chine populaire. Le gouvernement recommande que chacun replante un arbre ce jour-là, ce que font beaucoup d’écoliers mobilisés pour cela. Aujourd’hui, de nombreux couples choisissent de se marier la veille du 12 mars et plantent un arbre pour marquer le début de leur vie commune et la nouvelle vie de l'arbre.

Cette impulsion est devenu indispensable dans un pays menacé, plus que d’autres, par la pollution et le réchauffement climatique. Lors du « Grand bon en avant », impulsé par Mao, à partir de 1958, des forêts entières ont été détruites pour alimenter les fours artisanaux pour fondre l’acier. Ensuite, au moment de la Révolution culturelle, des millions hectares de forêts ont été transformées en culture de maïs et de blé. Après la mort de Mao, en 1976, sous Deng Xiaoping, les paysans se sont vus attribuer plus de terres, à titre individuel, qu’ils ont déboisées massivement… Après des décennies de croissance effrénée responsable de la destruction d'écosystèmes majeurs, la République populaire promet aujourd’hui de créer des “barrières de sécurité écologiques” (une grande muraille verte, 三北防护林;) et de préserver de l'empreinte humaine jusqu'à un quart de la superficie totale de son territoire. Mais si la Chine protège aujourd’hui ses forêts, elle est devenue le premier importateur mondial de bois, principalement en provenance de pays d’Afrique ou d’Asie du Sud-Est où les forêts sont exploitées illégalement.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 11 mars 2024

 
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1919, Chine, Taïwan, manifestation politique Bruno Teissier 1919, Chine, Taïwan, manifestation politique Bruno Teissier

4 mai : place Tien an Men, la jeunesse manifeste contre les pouvoirs

Le 4 mai 1919, 3 000 étudiants manifestent à devant la porte Tien an Men à Pékin. Ils protestent conte les conditions imposées à la Chine par le traité de Versailles… une date mythique en Chine. Les étudiants qui se sont fait massacrer le 4 juin 1989, étaient inspiré par l’esprit du 4 mai.

 

Bien sûr, il ne s’agit pas de la manifestation à laquelle on pense qui est commémorée aujourd’hui mais celle du 4 mai 1919. Ce jour-là, quelque 3 000 étudiants manifestaient à Pékin, devant la porte Tien an Men. Ils protestaient contre les conditions imposées à la Chine par le traité de Versailles qui avantageaient le Japon. Ce mouvement traduit l'émergence en Chine d'une conscience patriotique opposée aux Occidentaux comme aux Japonais. C’est pour cela que cette manifestation a toujours été commémorée par le pouvoir chinois. Mais, c’est aussi le premier mouvement de la jeunesse chinoise moderne. Ils protestaient aussi, et surtout, contre le pouvoir des mandarins et l’oppression des femmes. Ils considéraient l'armée qui dirigeait la Chine comme des dictateurs corrompus qui n'avaient pas réussi à protéger la patrie chinoise.  Les manifestations qui s’étaient prolongées par des grèves massives, en juin 1919, avaient fini par faire céder le pouvoir. Le gouvernement Beiyang avait ordonné à ses représentants en France de refuser de signer le traité de Versailles, de licencier les fonctionnaires que les manifestants jugeaient particulièrement corrompus et de libérer tous les étudiants emprisonnés. Le mouvement du 4 Mai (五四运动) est resté ancré dans la mémoire chinoise.

Il est commémoré chaque année en république populaire de Chine, où depuis 1949, le 4 mai est la Fête de la Jeunesse (青年节). À cette occasion, les jeunes de 14 à 28 ans ont une demi-journée de congé. Évidemment, c’est une jeunesse docile qui est célébrée, pas celle qui se soulève. Pour le 70e anniversaire, en 1989, se souvenant du Mouvement du 4 mai, des milliers d’étudiants ont manifesté sur la même place Tien an Men qu’ils ont occupé pendant un mois dans le but de faire bouger les choses en direction de la démocratie. En réponse, le gouvernement chinois instaura la loi martiale et fit intervenir l'armée. La révolte finira en bain de sang. C’était un 4 juin (une date qu’il est, bien sûr, absolument interdit de commémorer).

Le 4 mai est aussi célébré à Taïwan, où c'est la Fête de la Littérature (文藝節).

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Œuvre de Liang Yulong (1976) pour célébrer le mouvement du 4 mai

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4 mai 1989, un mois avant le massacre du 4 juin

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1911, Chine, Taïwan, martyrs, 29 mars Bruno Teissier 1911, Chine, Taïwan, martyrs, 29 mars Bruno Teissier

29 mars : Taïwan célèbre sa jeunesse

La Journée de la jeunesse fait référence au deuxième soulèvement de Guangzhou contre la dynastie Qing, en 1911.

 

Cette Journée de la jeunesse (台湾青年节) de la République de Chine (autrement dit, Taïwan), est aussi connue sous le nom de Journée commémorative des martyrs révolutionnaires (台湾革命烈士纪念日).

Cette journée fait référence au deuxième soulèvement de Guangzhou contre la dynastie Qing qui, en réalité, s'est produit le 27 avril 1911. Il était dirigé par Huang Xing, un chef révolutionnaire qui devint plus tard le premier commandant en chef de l'armée de Taïwan. La plupart des rebelles étaient des jeunes de divers milieux sociaux. Ils ont compris qu'ils étaient en infériorité numérique, mais ils sont quand même allés au combat. La plupart d'entre eux ont été tués lors du soulèvement, qui s'est terminé de manière désastreuse. Seuls 72 corps ont été identifiés. Ils sont appelés les 72 martyrs. Les morts ont été enterrés dans une fosse commune sous un monticule de fleurs jaunes. Une nouvelle tentative aboutira en octobre 1911 à la fondation de la République chinoise en Chine méridionale.

À l'origine, Taïwan célébrait sa Journée de la jeunesse à la même date que la République populaire de Chine, c’est-à-dire le 4 mai, pour commémorer le mouvement du 4 mai 1919. Mais en 1954, Taïpeh a voulu se démarquer de Pékin et la date a été déplacée 29 mars, car 29e jour du 3e mois du calendrier chinois. De fait aujourd’hui, on célèbre cette journée le 29e jour du 3e mois du calendrier grégorien. En 2011, à l’occasion du centenaire de l’événement, des membres du Kuomingtang avaient demandé que l’on place cette commémoration le 27 avril, date du véritable anniversaire. La question reste en débat. D’autant que certains proposent de rebaptiser la Journée 228, Journée de la jeunesse de Taïwan.

Il y a 80 ans, le 29 mars 1943, la Ligue de la jeunesse du Kuomintang tenait son premier congrès national. Elle estima que les actes des martyrs de Huanghuagang (du nom du cimetière de Canton où ils sont inhumés) avaient plus de valeur que ceux du mouvement du 4 mai (date récupérée par les communistes pour les besoins de leur propagande). C’est pour cela que le 29 mars sera désigné comme la Journée de la jeunesse.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

La tombe des 72, à Huanghuagang (cimetière de Canton)

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1947, Taïwan, 28 février, massacre Bruno Teissier 1947, Taïwan, 28 février, massacre Bruno Teissier

28 février : le massacre du « 228 » à Taïwan, symbole des années de dictature

Depuis vingt ans, le 28 février est un jour férié à Taïwan (le 2-28) qui commémore un massacre qui remonte à 1947 et fait resurgir toute la mémoire des quatre décennies de dictature du KMT qui ont suivi.

 

Depuis vingt ans, le 28 février, Peace Memorial Day (和平纪念日) est un jour férié à Taïwan qui commémore un massacre qui remonte à 1947. Ce jour-là, une altercation entre un membre du Kuomintang (KMT) et une vieille femme vendant des cigarettes de contrebande avait dégénéré en émeute populaire et en tuerie. Le nombre des victimes se comptait en dizaines de milliers.

Le KMT était le parti de Tchang Kaï-chek, l’adversaire nationaliste de Mao. Vaincu par les communistes, le parti, puissamment armé, s’était replié sur l’île de Taïwan où il avait pris le pouvoir. La population était exaspérée par cette occupation « continentale » et multipliait les manifestations. Le 28 février, l’ordre a été donné de tirer sur la foule des manifestants en colère. La répression dans les milieux d’opposition durera jusqu’en mai 1947 et fera quelque 20 000 victimes.

Ce massacre du « 228 » (二二八事件) a été le prélude à près de quatre décennies d’une dictature du KMT. La loi martiale n’a été levée qu’en 1987 et il a fallu attendre 1995 pour que le tabou soit levé, que des excuses officielles soit prononcées et que l’on envisage de dédommager les familles des victimes. Depuis 2003, l’événement fait l’objet de commémoration officielle. En 2011, un Musée du 228 a été inauguré (le site du Mémorial dédié à l’événement).

Quant au KMT, c’est aujourd’hui un parti conservateur qui a tourné la page de la dictature. Il est revenu au pouvoir en 2008, par les urnes, et il est resté la première force politique taïwanaise jusqu'en 2016. Le KMT est maintenant dans l’opposition, mais dirige la plupart des villes du pays. En 2018, a été mise en place la Commission indépendante de justice transitionnelle, par l'administration du président Tsai Ing-wen (蔡英文) dont la tâche est de reconstituer les actions du régime KMT entre le 15 août 1945 et le 6 novembre 1992, afin de dresser un tableau aussi complet que possible des crimes commis par l'État. Comme en Espagne, le souvenir de la dictature est un passé qui ne passe pas et resurgit sans cesse tant que tout n’a pas été exposé, raconté, dévoilé. En 2019, un homme s’en était pris à la statue de Chiang Kai-shek au Memorial Hall (中正 紀念堂) la veille du 28 février, pour protester contre la lenteur de la justice transitionnelle. Depuis, cette statue est protégée par la police chaque 28 février car beaucoup demandent qu’elle soit retirée de l’espace public.

À Taipei, les militants marchent depuis Nanjing West Road dans le district de Datong à partir de 09h00 , ce 28 février 2023. Le programme des manifestants est de passer devant plusieurs points de repère de la ville, notamment la maison de thé Tianma, l'ancienne succursale du Monopoly Bureau Taipei, le mémorial Taipei 228, l’ancienne station de radiodiffusion de Taipei (qui est aujourd'hui le musée commémoratif de Taipei 228) et l'Executive Yuan. Chaque année, des centaines de personnes pourraient participent pacifiquement aux manifestations. Pour ce 228 Memorial Day, les autorités ont fermé des routes le long du parcours de la marche de protestation à partir de 15h00 le 27 février.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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The Horrifying Inspection (恐怖的 檢查), gravure de Huang Rong-can

The Horrifying Inspection (恐怖的 檢查), gravure de Huang Rong-can

Le gouvernement de Taïwan organise une cérémonie commémorative au Mémorial de l'incident du 228

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1952, 21 octobre, diaspora, Taïwan Bruno Teissier 1952, 21 octobre, diaspora, Taïwan Bruno Teissier

21 octobre : la Journée des Chinois outre-mer

Cette célébration culturelle et politique n’a rien à voir avec la politique de soft power de Pékin, c’est à Taipei qu’elle est organisée chaque année depuis 1952.

 

Cette célébration culturelle et politique n’a rien à voir avec la politique de soft power de Pékin, c’est à Taipei qu’elle est organisée chaque année depuis 1952.

Cette année, 70e anniversaire de l’événement, la réunion traditionnelle du 21 octobre a eu lieu avec quelques jours d’avance : la conférence organisée par la Fédération du salut national des Chinois d'outre-mer s'est tenue le 12 octobre à 9h au National Army Heroes Hall de la ville de Taipei. Mais la journée du 21 octobre demeure la date de référence.

Il y a 10 ans, le 21 octobre 2012, pour le 60e anniversaire de la Fédération chinoise d'outre-mer, Sun Suifang, petite-fille de Sun Yat-sen a fait don de la statue du père fondateur de la République de Chine à la Fédération chinoise du salut national d'outre-mer et l'a érigée à Taipei.

Chaque année, on rappelle que parmi les soixante-douze martyrs de Huanghuagang, exécutés après le soulèvement du d’avril 1911, à Canton, plus d’un tiers d'entre eux étaient des Chinois d'outre-mer ; et que pendant la guerre de huit ans contre le Japon, des Chinois d'outre-mer sont non seulement retournés dans le pays pour rejoindre l'armée, mais ils ont également fait des dons et collecté des fonds dans le monde entier. Au début de la guerre, les envois de fonds des Chinois d'outre-mer représentaient 90 % des dépenses militaires nationales totales. Plus tard, les Chinois d'outre-mer ont aussi contribué à ce que Taiwan se dote, en quelques décennies, une économie de renommée mondiale. 

La date du 21 octobre(10月21日)de cette Journée des Chinois outre-mer (華僑節) organisée à Taiwan fait référence à une première réunion qui s’était ouverte le 21 octobre 1952, réunissant pendant une semaine 307 chinois d’outre-mer venus de tous les pays où vit une communauté chinoise significative : Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Philippines, Hong-Kong, États-Unis… On était en pleine guerre froide depuis la prise du pouvoir par les communistes à Pékin, le 1er octobre 1949. Cette réunion avait un fort relent d’anti-communisme. 70 ans après, elle demeure hostile aux ambitions continentales de réunification. Toutefois, l’ancien président Ma Ying-jeou (aujourd’hui dans l’opposition), invité de ce 70e anniversaire, n’a pas manqué de rappeler que de part et d’autre du détroit, il y avait deux régions et non deux États. Ce qui lui a valu de nombreuses critiques d’une partie des participants.

La même date sert de référence, parfois à quelques jours près, à des célébrations dans la diaspora comme c’est le cas à San Francisco, il y a quelques jours : six personalités de la diaspora ont été honorées lors du San Francisco Celebration Overseas Chinese Festival qui se déroule chaque année dans un restaurant du quartier chinois de la ville.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

La réunion du 70e anniversaire

Deux timbres taïwanais faisant référence à cette Journée des Chinois d’outre-mer

Sun Yat-sen fait figure de père de la patrie

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1954, Taïwan, anticommunisme, Extrême droite Bruno Teissier 1954, Taïwan, anticommunisme, Extrême droite Bruno Teissier

23 janvier : la Journée « mondiale » de la liberté

Une date qui n’a rien de mondiale, quant à la défense des libertés et de la démocratie, on est loin du compte. La date, toutefois, est célébrée à Taïwan chaque année.

 

En 1953, la guerre de Corée s’achevait par un simple armistice. Quelques mois plus tard, on libérait les prisonniers de guerre retenus par chaque camp. La Chine communiste avait appuyé la Corée du Nord contre le Sud, au côté duquel tout le camp occidental, États-Unis en tête, s’était engagé. Les prisonniers devaient retrouver leur pays d’origine or quelques milliers de Chinois choisirent de s’embarquer pour l’île de Formose (ancien nom de Taïwan) et non pour la Chine continentale aux mains des communistes depuis 1949. Le 23 janvier 1954, ils étaient plus de 14000 à débarquer dans le port de Keelung, au sud de l’île rebelle, qualifié à l’époque de « Chine libre ». Ils ont aussitôt été désignés comme des « martyrs du communisme ». C’est cet événement symbolique de la guerre froide qui est commémoré aujourd’hui sous le nom de « Journée 123 de la liberté » (1 pour janvier, 23 pour le jour).

La même année, des représentants de Taïwan, des Philippines et de la Corée du Sud fondaient l'Asian People's Anticommunist League (APACL). Ensuite, l'organisation a été rebaptisée Ligue mondiale pour la liberté et la démocratie (WLFD). La WLFD est une ONG internationale dédiée, en principe, à la promotion des valeurs de démocratie et de liberté. En réalité, cette organisation va, dans le contexte de la guerre froide, s’appliquer à appuyer tous les régimes dictatoriaux d’extrême droite, en particulier en Amérique latine ou en Asie, perçus comme les champions de l’anticommunisme. C’est la section taïwanaise de l'APACL, en 1993, qui a rebaptisé le 23 janvier, Journée mondiale de la liberté (世界自由日). Taïwan, longtemps dominé par l’extrême droite nationaliste chinoise, est devenu une authentique démocratie. C’est d’ailleurs, aujourd’hui, le principal grief que lui fait Pékin, à cause du mauvais exemple donné à l’ensemble du monde chinois.

Le problème, c’est que le 23 janvier, au plus fort de la guerre froide a été le rendez-vous des extrêmes droites du monde entier et qu’il est largement resté.  L’événement est supervisé par la Ligue mondiale pour la liberté et la démocratie (WLFD), fondée en 1966 par Tchang Kaï-chek, le chef du parti nationaliste chinois (Kuomintang) et président (autoritaire) de Taïwan, jusqu’à sa mort en 1975. La WLFD est dans les années 1990 et 2000 la seule ONG liée à Taïwan qui soit accréditée auprès de l'ONU. Même si Taïwan est aujourd’hui une démocratie et si le Pari démocrate au pouvoir n’a rien à avoir avec cette mouvance, la WLFD est toujours subventionnée par Taipeh et le président de la République de Chine (nom officiel de Taïwan)  se fend d’un message de félicitation adressé à l’organisation chaque 23 Janvier, Journée mondiale de la liberté.

 
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1912, Chine, 12 novembre, Taïwan Bruno Teissier 1912, Chine, 12 novembre, Taïwan Bruno Teissier

12 novembre : Taïwan honore le père de la Chine moderne

La journée est fériée à Taïwan, jour anniversaire de Sun Yat Sen (1866-1925), le « père de la Chine moderne ». Une cérémonie lui est dédiée au fastueux mémorial qui lui a été construit dans le centre de Taïpeh. Mais, la commémoration n’est pas du goût de tout le monde…

 

La journée est fériée à Taïwan, jour anniversaire de Sun Yat Sen (1866-1925), le « père de la Chine moderne ». Une cérémonie lui est dédiée au fastueux mémorial qui lui a été construit dans le centre de Taïpeh. Mais, la commémoration n’est pas du goût de tout le monde. En quoi le fondateur, en 1912, d’une république chinoise centrée sur la ville Nankin, à une époque où l’île de Formose (devenue Taïwan) était une possession japonaise,  peut-il concerner les autochtones de l’île ? Et même la grande majorité des chinois Hans installés à Taïwan depuis les XVIIe et XVIIIe siècle ? Depuis que les indépendantistes sont au pouvoir à Taipeh, cette commémoration est un peu mise en sourdine, mais reste chômée. Certains proposent même de supprimer tous les portraits géants dans le pays.

 
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1945, 1971, 25 octobre, Taïwan Bruno Teissier 1945, 1971, 25 octobre, Taïwan Bruno Teissier

25 octobre : Taïwan face à son histoire

Taïwan célèbre la fin de 50 ans d’occupation japonaise (1895-1945). Officiellement, c’est le « Jour de la rétrocession », mais ce terme fait polémique, les indépendantistes refusant de fêter un rattachement à la Chine. Du coup, le Retrocession Day est devenu un jour de manifestations anti Pékin, exacerbé par le soulèvement de Hong-Kong.

 

Taïwan célèbre la fin d’un demi siècle d’occupation japonaise (1895-1945), il y a 75 ans jour pour jour. Officiellement, c’est le « Jour de la rétrocession » (臺灣光復節), mais ce terme fait polémique, les indépendantistes refusant de fêter un rattachement à la Chine. Du coup, le Retrocession Day est devenu un jour de manifestations anti Pékin, exacerbé par le soulèvement de Hong-Kong.

La position officielle de la Chine demeure que Taïwan et les îles Pescadores ont été rétrocédés à la future République populaire de Chine en accord avec les actes de reddition de 1945. Concernant Taiwan, c’est le commandant en chef des forces japonaises sur l’île qui signa les documents de reddition à la mairie de Taipei le 25 octobre 1945. Aujourd’hui, les indépendantistes, en particulier le Parti progressiste démocratique, soutiennent qu’il s'agissait en réalité d'une occupation militaire provisoire et non d'un transfert de souveraineté des territoires de Taiwan à la Chine continentale. Le 25 octobre n’a pas lieu alors de porter le nom de Retrocession Day. D’ailleurs, ce jour n’est même pas férié.

Le malaise est aggravé par un autre anniversaire, celui de l’expulsion de Taïwan du siège de de la Chine à l’ONU, quand celui-ci a été accordé à Pékin en 1971, un 25 octobre !

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 24 octobre 2020

 
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Chine, Taïwan Bruno Teissier Chine, Taïwan Bruno Teissier

7 octobre : la fête chinoise du Double neuf, journée du troisième âge

n ce neuvième jour du neuvième mois selon le calendrier lunaire, les Chinois célèbrent la fête du double 9. En chinois, le mot « neuf » est homophone du mot « éternité ». Comme le chiffre « 9 » est le nombre impair au plus haut degré, le « double 9 » porte en lui la longévité. Ce jour est donc particulièrement propice pour témoigner respect et reconnaissance aux personnes âgées et, depuis 1989, il a officiellement été désigné Journée du Troisième âge en Chine.

 

En ce neuvième jour du neuvième mois selon le calendrier lunaire, les Chinois célèbrent la fête du double 9 (重阳节) dite aussi fête de Chongyang ou encore « fête où l’on gravit les hauteurs ». Effectivement, pour beaucoup de Chinois (même si la fête est suivie de manière inégale dans le pays), ce jour est l’occasion de gravir une colline pour y pique-niquer et y déguster des gâteaux « double-yang » (en chinois les mots gâteau et montée sont des homonymes), d’autres dits gâteaux « neuf feuilles » ou en forme de pagode, enfin l’incontournable gâteau au chrysanthème. Cette plante, en pleine floraison, est également consommée sous forme de vin. On dit qu’elle éloigne les mauvais esprits et la malchance. Si les origines de cette fête  restent obscures, on raconte qu’un certain Huang Jing, adepte du taoïsme, aurait échappé à la mort ainsi que sa famille en se réfugiant sur une colline et en buvant du vin de chrysanthème, sur les conseils de son maître tao, prévenu d’une calamité qui devait toucher le pays. On sait, par ailleurs,  par le Yi Jing (grand livre du yin et du yang) que le chiffre « 9 » est un chiffre yang (symbole de bonne fortune et de clarté) et qu’en chinois, le mot « neuf » est homophone du mot « éternité ». Comme le chiffre « 9 » est le nombre impair au plus haut degré, le « double 9 » porte en lui la longévité. Ce jour est donc particulièrement propice pour témoigner respect et reconnaissance aux personnes âgées et, depuis 1989, il a officiellement été désigné Journée du Troisième âge en Chine.

 
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