L’Almanach international

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1994, Afrique du Sud, Démocratie, 27 avril Bruno Teissier 1994, Afrique du Sud, Démocratie, 27 avril Bruno Teissier

27 avril : l'Afrique du Sud célèbre une démocratie qui n’a pas tenu ses promesses

Le jour est férié en Afrique du Sud, en mémoire des premières élections démocratiques, le 27 avril 1994. Trente ans après, même si une bourgeoisie noire a émergé, les contrastes économiques sont toujours aussi criants que sous l’apartheid. Au point qu’en contrepoint à la Journée de la liberté (Freedom Day), une UnFreedom Day est célébrée en parallèle, pour crier que la misère ne permet pas de profiter de la liberté.

 

Le jour est férié en Afrique du Sud, en mémoire des toutes premières élections démocratiques en Afrique du Sud, le 27 avril 1994. Ce jour-là, il y a 30 ans, 16 millions d’électeurs noirs (sur 22 millions) votaient pour la première fois. Ces premières élections démocratiques marquaient l’abolition de la politique d’apartheid instaurée en 1948. Antérieurement dans certaines parties du pays (la colonie du Cap), des hommes noirs ayant un certain niveau d’éducation avaient eu le droit de vote. Celui-ci leur avait été confisqué en 1948 par la minorité blanche qui a imposé sa dictature.

L’ANC (Congrès national africain) remporta 252 sièges sur 400 dans la nouvelle Assemblée et la majorité des suffrages dans sept des neuf nouvelles provinces. Nelson Mandela est devenu le premier président noir d’une Afrique du Sud, désormais démocratie multiraciale. Contrairement aux craintes de violences politiques, l'élection s'est déroulée dans une ambiance festive. C’était la fin de plus de trois cents ans de colonialisme, de ségrégation raciale au profit des Européens et de leurs descendants.

L’ambiance de cet anniversaire est un peu désenchantée car les élections du 29 avril 2024, pourraient mettre un terme au pouvoir sans partage de l'ANC.

Le 27-Avril est le Jour de la Liberté (Freedom Day ou Vryheidsdag), il est férié depuis 1995. La Journée de la liberté honore ceux qui se sont battus pour la libération du pays, ainsi que les nombreux hommes et femmes qui ont souffert d'incarcération, de bannissements et de torture au nom des opprimés pendant l'apartheid.

En parallèle est célébré le UnFreedom Day (Journée de la non-liberté), un événement annuel non officiel coïncidant avec la Journée de la liberté du 27 avril. Lancée en 2005 par Abahlali baseMjondolo à Durban, la journée a pour but de démontrer que les pauvres ne sont toujours pas libres en Afrique du Sud et de célébrer la force croissante des mouvements de lutte. Tant que la majorité noire en Afrique du Sud vivra dans la pauvreté, a fait valoir Abahlali, la liberté n'est pas une réalité en Afrique du Sud. Chaque année, des manifestations ont lieu dans des régions différentes, toujours sous la conduite d’Abahlali. En 2024, la première marche a lieu à Durban, partant de la fontaine Curries pour se terminer à l'hôtel de ville. Les deuxième et troisième marches ont lieu à Volksrust, Mpumalanga et à Germiston sur l'East Rand. 

Trente ans après l’instauration de la démocratie, le taux de chômage de 32 %, est un des plus élevés au monde ; plus de 16 millions de Sud-Africains (sur 60 millions) dépendent des allocations sociales mensuelles pour survivre.

Même si une bourgeoisie noire a émergé, les contrastes économiques sont toujours aussi criants que sous l’apartheid. Sandton, une banlieue aisée de Johannesburg, qui abrite de de luxueuses maisons, est un exemple de la réussite économique dont jouit une minorité (blanche) de la population du pays. Situé à quelques kilomètres de Sandton, le township (bidonville) d'Alexandra, est le reflet frappant des conditions de vie de la majorité noire du pays, majoritairement pauvre, où les eaux usées des canalisations éventrées coulent dans les rues et les déchets non collectés s'entassent sur les trottoirs. Cette situation est le fruit de décennies de gabegies et de détournement d’argent public. L’ANC qui a perdu le soutien de la majorité de la population est aujourd’hui en passe de perdre le pouvoir.

Les quelque 27,5 millions de Sud-Africains inscrits doivent voter le 29 mai 2024 pour renouveler leur Parlement, qui désignera ensuite le prochain président.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 26 avril 2024

 
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Amabuto parade dans le cadre de  UnFreedom Day à Durban. Photo : Rajesh Jantilal

Amabuto parade dans le cadre de UnFreedom Day à Durban. Photo : Rajesh Jantilal

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1931, Espagne, Démocratie, 14 avril, Catalogne, république Bruno Teissier 1931, Espagne, Démocratie, 14 avril, Catalogne, république Bruno Teissier

14 avril : la célébration d'une république espagnole ou catalane, désormais

Une nouveauté, le gouvernement de Barcelone a instauré une Journée de la République catalane, le 14 avril, date à laquelle la gauche espagnole célèbre chaque année, l’anniversaire de l’instauration de la République espagnole le 14 avril 1931. Une occasion de sortir le drapeau républicain : rouge, jaune et mauve !

 

En Espagne, les partisans de la république ne manquent pas une occasion de réclamer l’abolition de la monarchie et l’instauration d’une IIIe république. Chaque 14 avril, Jour de la République espagnole (Dia de la Republica española), l’acte militant consiste à porter une violette à la boutonnière, couleur de la révolution démocratique. Mieux, on sortira le drapeau républicain rouge, jaune et mauve. Cette année, on célèbre les 91 ans de l’instauration de la Seconde république espagnole, le 14 avril 1931. Depuis la fin de la dictature (1977), des festivités et manifestations ont lieu chaque 14 avril dans de nombreuses villes espagnoles.

La nouveauté, l’an dernier, c’est que le gouvernement de Catalogne a décidé désormais de commémorer le Jour de la République catalane (Dia de la República catalana), également le 14 avril. L’argument est que la première déclaration républicaine a été prononcée sur le sol catalan quelques heures avant la proclamation de la république espagnole. La proclamation a été faite à la mairie de Barcelone, par Lluís Companys, après une victoire électorale écrasante de l'ERC (gauche républicaine). Et elle sera confirmée le même jour par Francesc Macià, celui qui deviendra, quelques jours plus tard, le 17 avril 1931, le premier président de la Generalitat de Catalogne.

En 2022, la première célébration catalane du 14 avril, a eu lieu au Palau de la Generalitat, à Barcelone, en présence du président de la Catalogne, Pere Aragonès (ERC), et de la ministre de la Justice, Lourdes Ciuró. Ce geste avait pour but de rapeller la proclamation de la « République catalane comme État intégré de la Fédération ibérique », faite par Francesc Macià à cette date en 1931. La Gauche républicaine de Catalogne (Esquerra Republicana de Catalunya, ou ERC) est redevenue en 2019, la première force politique de Catalogne. Il n’est pas étonnant qu’elle relance le projet républicain, une autre manière d’affirmer le particularisme catalan qui s’exprime aussi chaque 11 septembre.

On le sait, beaucoup de républicains espagnols ont fui vers la France, en 1939, ayant perdu la partie face à la conquête du pouvoir par un général d’extrême droite, Francisco Franco. En France, la date du 14 avril a toujours un certain retentissement, des célébrations ont, d’ordinaire, lieu à Toulouse, Bordeaux ou Paris. Cette année, c’est à Montauban, le 15 mars 2023, profitant d’un sommet franco-espagnol qu’Emmanuel Macron et Pedro Sánchez, chef du gouvernement espagnol, se sont recueillis en se rendant ensemble sur la tombe de Manuel Azaña, dernier président de la IIe République espagnole qui avait trouvé refuge en France. Le président Macron a terminé son discours par ces mots : « Nous n’oublierons jamais les nombreux républicains espagnols qui se sont joints à la Résistance française et nous ont permis de rester libres". Car exilés en France, après avoir connu les camps de concentration et le travail forcé beaucoup de républicains espagnols s’engagèrent dans la Résistance et participèrent à la libération du pays (notamment celle de Paris) avec l’espoir d’abattre ensuite la dictature franquiste en Espagne. Mais cette espérance fut trompée.

Un gouvernement républicain espagnol en exil a survécu jusqu’en 1977. Il s’est dissous avec le retour de la démocratie en Espagne la même année, soit quelques mois après la mort du dictateur Franco. Le compromis historique avec la droite espagnole qui soutenait le régime franquiste a été le retour du roi, non celui d’Alphonse XIII qui avait fui en 1931 sans avoir abdiqué, mais l’intronisation de son petit-fils Juan Carlos, éduqué par le général Franco. La gauche espagnole qui a accepté en 1977 cet état de fait en garde une certaine amertume. La fin peu glorieuse du règne de Juan Carlos, accusé de corruption et de blanchiment d’argent n’a fait qu’alimenter ce sentiment. La justice espagnole soupçonne notamment Juan Carlos d’avoir reçu de l’Arabie saoudite 65 millions d’euros, après l’adjudication d’un contrat sur la construction d’un TGV à un consortium d’entreprises espagnoles. Juan Carlos aurait fait don de ces 65 millions à son ancienne maîtresse et l’argent aurait fini aux Bahamas.

Les scandales multiples qui ont éclaboussé la famille royale (en particulier la fille de l’ex-roi et son gendre), ont ravivé la revendication d’un retour à la république. Le régime légal instauré le 14 avril 1931, n’a été aboli que par un putsch. C’est ce que vient rappeler cette commémoration annuelle du 14 avril. Lors de l’abdication de Juan Carlos, au profit de son fils, une grande manifestation avait rassemblé plusieurs dizaines de milliers de républicains place de la Puerta del Sol, à Madrid, comme le monde la photo illustrant cet article. C’était le 2 juin 2014. Ils n’ont pas dit leur dernier mot.

Selon un sondage, réalisé en 2021 auprès de 3 000 personnes dans l’ensemble du pays par l’institut d’études d’opinion 40dB, si un référendum avait lieu, 40,9 % des Espagnols voteraient en faveur d’une république, contre 34,9 % qui préféreraient le statu quo actuel de la monarchie parlementaire. Toute la différence se jouerait donc sur les 24,2 % qui annonçaient voter blanc ou qui se déclaraient sans opinion.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 13 avril 2023

 
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2019, Algérie, Démocratie, 22 février Bruno Teissier 2019, Algérie, Démocratie, 22 février Bruno Teissier

22 février : la date qui fait peur aux autorités algériennes

C’est la date anniversaire de la première manifestation de grande ampleur dans tout le pays, en 2019, contre l’annonce d’un cinquième mandat du président Boutéflika. Ce jour-là 800 000 personnes, peut-être un million, ont envahi les rues d’Alger alors que toute manifestation était interdite depuis… 2001.

 

C’est la date anniversaire de la première manifestation de grande ampleur dans tout le pays, en 2019, contre l’annonce d’un cinquième mandat du président Boutéflika. Ce jour-là 800 000 personnes, peut-être un million, ont envahi les rues d’Alger alors que toute manifestation était interdite depuis… 2001. À partir de ce 22 février 2019, les Algériens vont manifester tous les vendredis, avec l’idée d’un total changement de régime. L’annonce de la démission de Boutéflika en avril n’a en rien désamorcé la connotation qui a pris le nom de Hirak. Certes après l’élection d’Abdeldmadjid Tebboune, en décembre 2019, la tension est un peu retombée. L’épidémie de Covid-19 a suspendu les manifestations de rue, mais la demande du peuple algérien d’un changement total de régime est toujours vivante. Un référendum constitutionnel boudé par les électeurs (plus des trois quarts n’ont pas voté), n’a modifié le régime qu’à la marge. Deux ans après le début du Hirak, ce mouvement inédit et pacifique, les espoirs sont déçus.

Le président Tebboune de retour en Algérie après avoir été hospitalisé en Allemagne pendant trois mois, d’abord en raison de la Covid-19 puis à la suite de “complications” au pied droit, a fait sa réapparition sur la scène politique ce jeudi 18 février avec un discours lénifiant mais assorti de l’annonce de libérations de prisonniers d’opinion parmi lesquels le journaliste Khaled Drareni (correspondant à Alger de TV5 Monde), l’enseignante Dalila Touat, l’opposant Rachid Nekkaz ou encore le militant Brahim Laalami. Ils ont été libérés vendredi en Algérie, provoquant joie et soulagement à travers le pays. Mais cela pas empêché des appels à manifester dans tout le pays, le 22 février, la date symbolique qui rappelle au pouvoir que rien n’a été fait que ce qu’attend le peuple : un changement de régime. Or, celui-ci est figé depuis l’indépendance, les élections et même le gouvernement ne sont qu’une façade : le vrai pouvoir est dans les mains de l’armée. On en plaisante, comme l’exprime la boutade qui circule en Algérie : “Dans tous les pays du monde, l’État a une armée. Mais en Algérie, c’est l’armée qui a un État”, tout en le déplorant. Voilà, l’unique objet de la révolte du Hirak, lancée un 22 février.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 21 février 2021

Mise à jour 2023 : 4 ans après le soulèvement pacifiste de 2019, la répression a pris le dessus, la situation est bien pire que sous Boutéflika. Le climat politique s’est assombri en Algérie alors que le régime intensifie sa traque des derniers noyaux protestataires.

« le régime a bénéficié d’un double effet d’aubaine. Le premier secours est venu du Covid-19, qui a justifié fort opportunément l’interdiction des rassemblements protestataires au nom de la sécurité sanitaire. Privés de la protection de foules en marche, les noyaux les plus militants du Hirak se sont alors brusquement retrouvés à découvert. Puis éclata la guerre en Ukraine, providentielle pour l’Algérie gazière et pétrolière. Le conflit allait doper le prix des hydrocarbures, offrant au pouvoir de ce pays producteur une bouffée d’oxygène permettant d’acheter la paix sociale, tout en imposant l’Algérie comme une alternative au gaz russe, à ce titre courtisée par des Occidentaux subitement moins concernés par les droits de l’homme. » Le Monde, 10 février 2023

 
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1993, Malawi, Démocratie Bruno Teissier 1993, Malawi, Démocratie Bruno Teissier

14 juin : le Malawi célèbre sa démocratie acquise après 30 ans de dictature

Le Malawi a attendu le 14 juin 1993 pour que soit organisé des élections libres. Le vieux dictateur (95 ans) n’a pas eu d’autre choix que d’organiser un référendum qui le poussera vers la sortie, mettant fin à 30 ans de sa dictature ultraconservatrice.

 

Le Malawi a attendu le 14 juin 1993 pour que soient organisées des élections libres. Le vieux dictateur (95 ans) n’avait pas eu d’autre choix que d’organiser un référendum qui le poussera vers la sortie, mettant fin à 30 ans de sa dictature ultraconservatrice.

La colonie britannique du Nyasaland est devenue indépendante en 1964 sous le nom de Malawi. Hastings Kamuzu Banda, chef du Parti conservateur a été nommé premier ministre. Deux ans plus tard, il proclame la république et se fait élire président. Lassé des élections truquées, il se déclare président à vie en 1971. Il le restera jusqu’en 1994 grâce à un régime de parti unique, une milice paramilitaire à sa solde et le soutien des États-Unis.  En 1993, cependant, l’agitation intérieure croissante et la pression des chefs d'église et de la communauté internationale (le vent tourne en Afrique du Sud) ont forcé le président Banda à autoriser un référendum public qui lui sera défavorable à 63 % et l’obligera à quitter le pouvoir après les élections du 17 mai 1994 et la victoire du candidat du Front démocratique uni, Bakili Muluzu. 

Le vieux dictateur Banda a quitté le pourvoir à 96 ans. Il est mort quelques semaines avant ses 100 ans en Afrique du Sud, le pays qui l’avait toujours soutenu.

Le 14 juin est célébré chaque année sous le nom de Freedom Day, mais ce n’est plus un jour férié depuis 2005. Ce pays est l’un des plus pauvres du monde, une bonne partie de sa classe politique est corrompue mais son système politique fonctionne. La dernière élection présidentielle a vu le président en place réélu grâce un très faible écart de voix avec son concurrent. En février 2020, la Cour constitutionnelle a donné raison à l’opposition en estimant que Peter Mutharika avait été « indûment élu », de nombreuses irrégularités ayant été constatées. C’est la première fois qu’une élection présidentielle est annulée au Malawi, deuxième pays après le Kenya en 2017, à prendre une telle décision en Afrique… Un nouveau scrutin est prévu le 23 juin prochain. À suivre…

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 14 juin 2020

Mise à jour : À l’issue du scrutin du 23 juin 2020, Lazarus Chakwera l'emporte contre le président sortant Peter Mutharika dès le premier tour.

 
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1965, États-Unis, Noirs, Démocratie, ségrégation Bruno Teissier 1965, États-Unis, Noirs, Démocratie, ségrégation Bruno Teissier

1er mars : il y a 55 ans, le Bloody Sunday de Selma, Alabama

On commémore ce dimanche à Selma, en Alabama, une marche violemment réprimée par la police le 7 mars 1965. Ils était 600 marcheurs noirs à réclamer le droit de voter. La police locale fonce sur les manifestants et à coups de matraques et de gaz lacrymogènes repousse les marcheurs vers Selma. Il y aura 60 blessés dont certains très graves.

 

On commémore ce dimanche à Selma, en Alabama, une marche violemment réprimée par la police le 7 mars 1965. Ils étaient 600 marcheurs noirs à réclamer le droit de voter, mais ils ne dépasseront pas le pont de Edmund Pettis. La police locale fonce sur les manifestants et à coups de matraques et de gaz lacrymogènes repousse les marcheurs vers Selma. Il y aura 60 blessés dont certains très graves. Ce dimanche restera en mémoire comme le Bloody Sunday of Selma. La violence policière montrée par la télévision dans tout le pays provoque une grande indignation.

Le Civil Rights Act de 1964 mettait théoriquement fin aux actes de ségrégation à l'encontre du peuple noir. En théorie seulement car dans les États du Sud, les autorités locales et le Ku Klux Klan faisaient régner un quasi-apartheid. Ainsi en Alabama, le gouverneur George Wallace, ségrégationiste notoire, parvenait à bloquer l'inscription des Noirs sur les listes électorales. Sur 15 000 d’entre eux, 300 seulement avaient pu s'inscrire.

Déjà, le 18 février 1965, une marche de protestation avait été violemment réprimée par la police dans la ville de Marion, un manifestant avait été tué. Martin Luther King, prix Nobel de la paix en 1964, prend la tête du mouvement de protestation et appelle à une marche le 7 mars suivant. Celle-ci devait conduire les manifestants de Selma à Montgomery, siège du gouvernement local. La police lui barrera violemment la route.

Une nouvelle marche, le 25 mars 1965, atteindra Montgomery sans entrave cette fois-ci avec Martin Luther King à sa tête. Les manifestants sont au nombre de 50 000. Noirs et Blancs accueilleront les marcheurs et écouteront le pasteur King.

Sur l’injonction du président Johnson, le congrès américain adoptera finalement le Voting Rights Act, qui entérine définitivement le droit de vote pour les Noirs, en août 1965. Après des décennies de violences pour empêcher les Noirs de voter, États-Unis devenaient enfin une démocratie.

Chaque année, autour du 7 mars, une marche est organisée pour commémorer cet épisode de la lutte des Noirs (African American) pour leurs droits. Cette année, c’est le 55th Anniversary of Selma to Montgomery (nom officiel). Des bus sont spécialement affrétés depuis les villes voisines pour célébrer l’évènement ce dimanche 1er mars 2020.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
Les violences du 7 février 1965 filmées par la télévision

Les violences du 7 février 1965 filmées par la télévision

Le 25 février 1965, au centre, Martin Luther King ; à gauche, Ralph David Abernathy et Jesse Douglas ; à droite, James Forman et John Lewis

Le 25 février 1965, au centre, Martin Luther King ; à gauche, Ralph David Abernathy et Jesse Douglas ; à droite, James Forman et John Lewis

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2011, Maroc, Démocratie, 20 février Bruno Teissier 2011, Maroc, Démocratie, 20 février Bruno Teissier

20 février : au Maroc, lointain souvenir du Printemps arabe

Au Maroc, le Mouvement du 20-Février (M-20F) organise des manifestations dans plusieurs villes en souvenir d’un Printemps arabe marocain, en 2011, qui a laissé largement insatisfait nombre de Marocains qui avaient mis beaucoup d’espoir dans ce mouvement.

 

Au Maroc, le Mouvement du 20-Février (M-20F) organise des manifestations dans plusieurs villes en souvenir d’un Printemps arabe marocain, en 2011, qui a laissé largement insatisfait nombre de Marocains lesquels avaient mis beaucoup d’espoir dans ce mouvement. Apparus dans la foulée des événements de Tunisie, les indignés marocains n’ont pas eu le même poids politique que dans ce pays, mais ils ont tout de même poussé le roi à faire quelques réformes à la hâte, comme la promulgation d’une nouvelle constitution en juillet 2011. Ce toilettage politique n’a été qu’un moyen d’étouffer le mouvement. Pour beaucoup de manifestants de 2011, la révolution reste à venir. Le mouvement du Hirak en 2017, écrasé violemment, n’étant, à leurs yeux, qu’une répétition locale. Les manifestations qui secouent l’Algérie depuis un an sont un encouragement pour les Marocains.

Le mouvement du 20-Février est toujours présent dans l’esprits des Marocains. Chaque année, des syndicats et des mouvements politiques le commémorent en organisant des manifestations à Rabat et à Casablanca. Rien n’a changé depuis 2011 : la répartition très inégalitaires des richesses, comme l’absence de démocratie véritable. Les hirak du Rif, de Jerada, de Zagora n’ont pourtant pas entrainé de nouvelles révoltes généralisées par manque d’impulsion à l‘échelle du pays. Le Maroc n’a pas connu le retour à une dictature violente comme en Égypte ni l’anarchie de la Libye ou la guerre de Syrie, mais la stabilité du Maroc, basée sur l’immobilisme du système, n’est pas forcément un gage de stabilité pour l’avenir.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

Dans notre catalogue : Géopolitique du Maroc par Kader Abderrahim

 
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1948, Inde, Démocratie, 26 janvier Bruno Teissier 1948, Inde, Démocratie, 26 janvier Bruno Teissier

26 janvier : l'Inde célèbre son modèle démocratique

Jour de la République, en Inde, célèbre l’entrée en vigueur de la Constitution qui fait de l’Union indienne « une république souveraine, socialiste, laïque, démocratique » et un État où la démocratie est toujours bien vivante. Combien de pays d’Asie peuvent en dire autant ?

 

Les pays où les résultats des élections ne sont pas connus d’avance ne sont pas aussi nombreux qu’on ne le pense. Voilà au moins une différence majeure entre l’Inde et la Chine : l’alternance démocratique. L’année dernière, celle-ci n’a pourtant pas eu lieu, le BJP au pouvoir a au contraire renforcé ses positions. Le pourrait-il aujourd’hui alors que les différentes oppositions sont très remontées contre sa politique d’exclusion des minorités.

Un défilé militaire très coloré et teinté de ferveur patriotique parcours chaque 26 janvier la majestueuse avenue Rajpath à New Delhi pour ce Jour de la République. La date célèbre l’entrée en vigueur de la Constitution qui fait de l’Union indienne « une république souveraine, socialiste, laïque, démocratique », le 26 janvier 1950. Est-ce encore le cas aujourd’hui que la BJP a fait voter une loi excluant les non hindous de toute possibilité de naturalisation ? La nouvelle loi sur la citoyenneté (le Citizenship Amendment Act, CAA) qui définit implicitement ceux qui, parmi les « réfugiés », peuvent être considérés comme « légaux ». La définition se fait sur une base religieuse visant à conforter la majorité du pays décrite comme « hindoue ».

73 ans après l’indépendance de 1947, la « plus grande démocratie du monde » jouit d’un système politique stable, où les élections permettent de changer le gouvernement et où la presse et la justice veillent au respect des droits des citoyens. L’envers du décor : une bureaucratie imposante, une corruption endémique (lien de nombreux politiciens avec la pègre), un clientélisme politique généralisé, l’émergence de partis populistes et une dérive du pays vers un système de discrimination raciale clairement affirmé. Le fait que le brésilien Jair Bolsonaro soit, aujourd’hui, l’invité d’honneur du défilé militaire de Delhi, n’est pas un très bon signe.

Aujourd’hui, des défilés ont lieu dans différentes villes, c’est aussi l’occasion pour l’Inde mettre en scène sa puissance militaire. Le Jour de la République est également l’occasion au Cachemire de manifester contre la politique de New Delhi à son égard.

De 1930 à 1947, chaque 26 janvier, le Parti du Congrès (le mouvement indépendantiste indien) appelait à manifester contre l’occupation britannique du pays. Cette date était désignée comme le « Jour de l’indépendance » depuis qu’en 1930, le 26 janvier, ce parti avait proclamé (sans effet) l’indépendance du pays en réponse à l’octroi d’un simple statut de « dominion » à l’Inde par les Britanniques qui occupaient le pays.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 26 janvier 2020

 
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1978, Espagne, Démocratie, 6 décembre Bruno Teissier 1978, Espagne, Démocratie, 6 décembre Bruno Teissier

6 décembre : l'Espagne célèbre et interroge sa démocratie

Aujourd'hui, c'est journée portes ouvertes aux Cortès, le Parlement espagnol, ainsi que dans les parlements régionaux. Ce Jour de la Constitution (Día de la constitución) est férié, il permet aussi un week-end de trois jours pour une escapade loin de chez soi.

 

Aujourd'hui, c'est journée portes ouvertes aux Cortès, le Parlement espagnol, ainsi que dans les parlements régionaux. Ce Jour de la Constitution (Día de la constitución) est férié, il permet aussi un week-end de trois jours pour une escapade loin de chez soi.

Le pays fête sa démocratie restaurée le 6 décembre 1978, quand le peuple a très largement approuvé la constitution actuelle de l’Espagne. C’était les premières élections libres depuis 1936. En effet le coup d’État du général Franco , le 18 juillet 1936 provoquera une guerre entre « républicains » et « nationalistes » (extrême droite), remportée par ces derniers. La dictature de Franco durera près de 40 ans. Le 6 décembre, on fête la liberté, la justice, l’égalité et le pluralisme politique retrouvés.

Chaque année, toutefois, des voix discordantes se font entendre : celles des Basques notamment dont le Parti nationaliste avait demandé le boycott du scrutin de 1978 ; mais aussi des nationalistes catalans qui critiquent une constitution ne les autorisant pas à organiser un référendum d’indépendance. Cette date laisse aussi un goût amer aux républicains regrettant que la démocratie restaurée ait été assortie d’une constitution monarchiste imposée par les tenants du franquisme alors que le gouvernement légitime qui aurait dû reprendre son cours après la parenthèse dictatoriale, était une république.

Depuis quelques années, les tabous sont peu à peu levés sur la période de la dictature et la Transition démocratique. On s’interroge aujourd’hui sur les non-dits du vote du 6 décembre, en particulier sur l’autocensure de la gauche qui s’est imposée à l’époque, comme celle des franquistes. Les socialistes ont remporté une majorité (relative) lors des dernières législatives tente de liquider les derniers restent du franquisme en s’attaquant aux symboles ; mais on peut aussi noter la résurgence d’une extrême droite, demeurée latente depuis la fin de la dictature.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1989, 1938, 1923, 1918, Nazisme, Communisme, Démocratie, Guerre froide Bruno Teissier 1989, 1938, 1923, 1918, Nazisme, Communisme, Démocratie, Guerre froide Bruno Teissier

9 novembre : l'impossible fête nationale allemande

Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait, amorçant la fin de la Guerre froide. Une date idéale pour célébrer l’Allemagne réconciliée et retrouvée, mais impossible d’en faire la nouvelle fête nationale… car le 9 novembre évoque d’autres journées, plus sombres pour certaines

 

Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait mettant fin à 50 années d’antagonismes entre les deux Allemagne et amorçant la fin de la Guerre froide. Une date idéale pour célébrer l’Allemagne réconciliée et retrouvée, mais impossible d’en faire la nouvelle fête nationale… car le 9 novembre évoque d’autres journées, plus sombres pour certaines : En 1938, la « Nuit de cristal » (pogrom contre les juifs), le même jour, en 1923 Adolf Hitler tentait un putsch à Munich. Quelques années auparavant encore, c’est le 9 novembre 1918 que furent proclamés simultanément deux régimes concurrents : la république de Weimar et la République socialiste libre, vite écrasée. Enfin, le 9 novembre 1848 vit l’exécution du parlementaire allemand Robert Blum par les contre-révolutionnaires, après l’insurrection viennoise d’octobre 1848. C’est un peu comme si une seule date racontait l’histoire de l’Allemagne au XXe siècle. Cette date a été baptisée schicksalstag, le jour du Destin ! Le gouvernement lui préféra donc le 3 octobre, date officielle de la réunification en 1990.

Cette année, les cérémonies officielles mettent l’accent sur le 80e anniversaire de la Nuit de cristal. Angela Merkel se rendra notamment à Berlin dans l’une des synagogues profanées à travers tout le pays par les nazis. Au moins 90 Juifs avaient été tués cette nuit-là, et 30 000 déportés vers les camps de concentration.

Mais, c’est aussi le centenaire de l’instauration de la république, celle de Weimar, la mal aimée… dont on évitera de parler. À tort, car c’était pourtant une première expérience de démocratie en Allemagne. Ce régime a notamment donné le droit de vote aux femmes et permis bien des progrès sociaux.

Hitler, en 1923, et Goebbels, en 1938, n’avait pas choisi le 9 novembre par hasard. L’extrême droite tente toujours de s’approprier le 9 novembre. Cette année encore, les autorités berlinoises ont dû interdire une manifestation prévue par l’extrême droite qui voulait organiser aujourd’hui une « marche du deuil pour les victimes de la politique ».

L’an prochain, on fêtera les 30 ans de la chute du mur.

 
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