L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
5 mars : Staline, mort il y a 70 ans, se porte de mieux en mieux
Staline est mort le 5 mars 1953. Des milliers de personnes viennent lui rendre hommage, partout en Russie. La nostalgie de l’URSS est largement entretenue par le régime du dictateur Poutine. Lequel a encore, récemment, inauguré une nouvelle statue de son homologue soviétique.
Chaque année, pour l’anniversaire de la mort de Staline (годовщина смерти сталина), Vladimir Poutine évoque le grand homme, la Grande Guerre patriotique et la Grande Russie, dénommée URSS, sur laquelle il régnait. L’hymne soviétique, dans une version rénovée, est à nouveau utilisé. Une nouvelle statue de Staline a encore été inaugurée par Poutine en janvier 2023. L’image du dictateur soviétique a été complètement remise au goût du jour par le dictateur russe.
Chaque 5 mars, la foule des admirateurs du « Petit père des peuples » se presse dans un coin de la place Rouge pour lui rendre hommage. Staline est responsable de la mort et de la déportation de plusieurs de dizaines de millions de personnes. Et pourtant, il continue d’être admiré en Russie par une partie croissante de la population.
Les mauvais souvenirs sont désormais bannis des manuels scolaires. Il n’est plus question des purges (700 000 personnes exécutées rien qu’en 1937-1938) ni des déportations, du Goulag, des famines, de la censure et de la propagande. En décembre 2021, l’association Mémorial a été dissoute. C’est elle qui depuis les années 1980 avait courageusement raconté l’histoire des millions de victimes du dictateur soviétique. Que va faire Poutine de l’extraordinaire fond de documentation des exactions de Staline qu’elle avait constitué en quatre décennies d’investigation ? De Staline, la jeunesse ne doit connaître que sa gloire de co-vainqueur de la Seconde Guerre mondiale et la puissance d’une URSS qui dominait un espace allant de l’Allemagne à la Mongolie. Selon un sondage de l’institut Levada publié en 2019, plus de 70% de la population russe estime que Staline a joué un rôle positif dans l’histoire du pays. Ils étaient deux fois moins nombreux au début des années 2000. Des nostalgiques de l’époque soviétique viennent ainsi fleurir tous les ans sa tombe sur la place Rouge, à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, le 5 mars 1953. Et ils sont de plus en plus nombreux à le faire.
En décembre 2021, lors du traditionnel dernier tournoi de hockey de l’année, à Moscou, l'équipe russe est entrée sur la glace vêtue d'un uniforme soviétique, enthousiasmant un public qui agitait le drapeau soviétique. Nostalgie quand tu nous tiens ! Berlin 1953, Budapest 1956, Prague, 1968, Gdansk 1981,… Minsk 2020, Kiev 2022… la logique est la même aux yeux du bon peuple russe.
En octobre 1961, le corps de Staline a été retiré du mausolée de Lénine, sur la place Rouge, à Moscou, pour être placé, plus modestement, dans la nécropole près du mur du Kremlin. C’est la que la foule de ses admirateurs lui rend hommage chaque 5 mars.
En Géorgie, à Gori dans sa ville natale, on n’avait déboulonné sa statue qu’en 2010. Pour finalement la ressortir en 2013 et la placer devant le musée qui a été constitué à sa gloire. Chaque 5 mars, des centaines de personnes viennent lui rendre hommage. Une cérémonie est organisée dans une église, avant un bon repas pris dans le meilleur hôtel-restaurant de la ville, chez “Joseph”, bien sûr. On peut y déguster les plats préférés de Staline et réserver sa chambre.
Un attachement quasi religieux pour certains
À Kaspisk, au Daghestan, une rue de la ville a été renommée en l'honneur de Staline… Staline est aussi largement fêté pour son anniversaire officiel, chaque 21 décembre ainsi que le 9 mai, journée où il est mis à l’honneur par Vladimir Poutine, lequel a pris ses distances avec Lénine qu’il accuse d’avoir entrainé la perte de l’URSS en en faisant dès l’origine un État fédéral, mais pour mieux valoriser Staline, le héros de Stalingrad. En janvier 2023, le dictateur Poutine inaugurait encore une nouvelle statue de son glorieux prédécesseur, c’était à Volgograd, l’ex-Stalingrad, bien sûr. Dans le discours que Poutine sert aux Russes, le vainqueur de 1945 a éclipsé le tyran de la Grande Terreur. S’attaquer à Staline revient, pour Poutine, à participer au complot ourdi par les Occidentaux visant à faire de la Russie un pays de second rang. Le discours de la Grande Patrie et de la Russie éternelle fonctionne sur la majeure partie de la population qui n’en a jamais connu d’autre. Le culte du grand homme n’est pas sans rappeler les sentiments qui animaient autrefois la paysannerie russe à l’égard du tsar Nicolas II.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 4 mars 2022
Un pastiche qui en dit long sur la relation entre les deux hommes.
3 décembre : la Journée russe du soldat inconnu
Si elle est principalement dédiée aux soldats tués pendant la Seconde Guerre mondiale, elle honore aussi la mémoire de tous les soldats russes morts ou portés disparus pendant les guerres et les conflits militaires, y compris les disparus de la terrible guerre d’Ukraine dans laquelle Moscou s’est lancé.
En Russie, on ne manque pas de célébrer la guerre de multiples manières. Aujourd’hui, c’est la Journée du soldat inconnu (день неизвестного солдата). Si elle est principalement dédiée aux soldats tués pendant la Seconde Guerre mondiale, elle honore aussi la mémoire de tous les soldats russes morts ou portés disparus pendant les guerres et les conflits militaires, y compris les disparus de la terrible guerre d’Ukraine dans laquelle Moscou s’est lancé. La journée est marquée par une cérémonie de dépôt de couronnes sur la tombe du soldat inconnu située dans le jardin Alexandre, à Moscou, et des cérémonies commémoratives aux monuments dédiés au soldat inconnu dans diverses villes et villages de Russie.
La plus meurtrière fut de très loin la fameuse Grande Guerre patriotique (1941-1945, comme l’appellent les Russes) : ce n’est pas moins de 4,5 millions de soldats qui sont portés disparus sur le territoire de l'ex-Union soviétique. Les restes de 120 000 soldats ont été retrouvés par des membres du Mouvement de recherche de Russie entre 2012 et 2018. Mais seulement 6 000 d’entre eux ont été identifiés.
Après la bataille de Moscou en 1941, les restes des soldats inconnus tués dans la bataille ont été enterrés dans une fosse commune près de la ville de Zelenograd. Pour célébrer le 25e anniversaire de la bataille, ils ont été transférés dans le jardin Alexandre à Moscou et enterrés au pied du mur du Kremlin. La cérémonie de réinhumation a eu lieu le 3 décembre 1966. C’est cette date qui a été choisie en 2004 par la Douma de la Fédération de Russie pour fixer la date de cette Journée du soldat inconnu. Un monument aux morts désigné comme la Tombe du Soldat inconnu a été inauguré en 1967. Le mémorial a été conçu par Yuri Rabaev , Dmitry Burdin, Vladimir Klimov et Nikolai Tomsky . Sur la pierre tombale, il y a une composition en bronze d'un casque de soldat, d'une branche de laurier et d'une bannière de bataille ainsi qu’une inscription : Votre nom est inconnu, votre acte est immortel ». La flamme éternelle a été allumée par Leonid Brejnev le 8 mai 1967.
Ces dernières années, le Forum patriotique panrusse a été programmé pour coïncider avec cette célébration du 3 décembre. Une occasion de plus pour organiser des événements culturels et éducatifs de propagande ultranationaliste à propos de l'histoire de la Russie et à la préservation de la mémoire collective.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 2 décembre 2022
Dmitri Medvedev ravive la flamme éternelle après la reconstruction du site en 2010
La tombe russe du soldat inconnu
Dans le Jardin Alexandre au pied du Kremlin
4 novembre : la très xénophobe Marche russe dans les rues de Moscou
Plusieurs milliers de personnes défilent dans les rues de Moscou en scandant « La Russie aux Russes, l'Europe pour les Blancs ». Officiellement, c'est la Journée de l’unité du peuple qui commémore la libération de Moscou en 1612, de l'occupation polonaise.
Plusieurs milliers de personnes défilent dans les rues de Moscou en scandant « La Russie aux Russes, l'Europe pour les Blancs », c’est la Marche russe (Русский марш). Officiellement, c'est la Journée de l’unité du peuple (День народного единства) qui commémore la libération de Moscou en 1612, de l'occupation polonaise. Instaurée en 2005 par Vladimir Poutine pour renforcer l’identité nationale. Elle a été récupérée par tout ce que la Russie compte de partis ultranationalistes et xénophobes, comme le Mouvement eurasien d’Alexandre Douguine, des skinheads et autres néo-fascistes russes, qui y ont vu une occasion d'exprimer en toute légalité leurs idées extrémistes.
Le même jour, les chrétiens orthodoxes célèbrent l'icône de Notre-Dame de Kazan, dont l'image est liée à la libération de la Patrie de l'envahisseur étranger. Des processions religieuses traditionnelles sont également organisées.
Mise à jour 2022 : Dans le contexte de guerre contre l’Ukraine, les autorités moscovites ont interdit les marches. En 2021, elles s’étaient déroulées dans des conditions difficiles. En 2022, les organisateurs les remplacent par des réunions secrètes de militants partageant les mêmes idées, suivies d'événements humanitaires ou culturels.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
Le drapeau de l'Empire russe des années 1858-1883, sert aujourd’hui d’étendard à tous les ultranationalistes russes.
21 janvier : Louis XVI et Lénine célébrés le même jour que George Orwell
Dans plusieurs villes de France, quelques poignées de fidèles assistent à une messe à la mémoire de Louis XVI, roi exécuté pour trahison envers son pays. Ce 225e anniversaire est l’occasion pour la ville de Saint-Denis où se trouve la basilique, nécropole royale, de recevoir la visite de quelques personnes des beaux quartiers de la capitale.
Dans plusieurs villes de France, quelques poignées de fidèles assistent à une messe à la mémoire de Louis XVI, roi exécuté en 1793 pour trahison envers son pays. Ce 226e anniversaire est l’occasion pour la ville de Saint-Denis où se trouve la basilique, nécropole royale, de recevoir la visite de quelques personnes des beaux quartiers de la capitale. D'autres célébrations religieuses se déroulent en divers endroits, notamment à la Chapelle expiatoire à Paris, mais aussi, vers 10h, place de la Concorde, lieu de l’exécution du roi. À 12h15, une messe de requiem sera dite à Saint-Germain l’Auxerrois, l’ancienne paroisse des rois de France, en latin bien sûr. Toujours à Paris, le sanctuaire du catholicisme fondamentaliste, l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, donnera elle-aussi sa messe, à 18h30. La province participe aux célébrations. Toulon, ancien fief royal, une messe de requiem est dite à 18h30 en l’église Saint-François-de-Paule, comme chaque année. À Marseille, c’est en la basilique du Sacré-Cœur, avenue du Prado à 19h qu’une messe, dite à la demande de l'Union Royaliste Provençale (Action Française) et du Souvenir Bourbonien. À Poitiers, c’est en l'église Notre-Dame la Grande… Du côté des républicains convaincus, on fête le 21 février autour d’une tête de veau.
Ce même jour, ce sont d’autres nostalgiques qui commémorent la mort de Lénine en 1924. À Moscou, ils sont encore quelques milliers à se rassembler près de la Place Rouge. Chaque année son mausolée est fleuri. En France, aussi, quelques discrets hommages sont organisés. À Paris, son souvenir s’estompe, la plaque mentionnant le séjour de Lénine a été enlevée récemment de la façade de l’immeuble du 4 rue Marie-Rose, 14e.
En ces temps de contre révolution, nul ne doute que les célébrations du roi qui fut renversé par la Révolution française, l’emporteront sur celles qui rappellent le souvenir du héros de la révolution russe. Le drapeau blanc (ou jaune) contre le drapeau rouge, semble être l’esprit du temps.
Mais, le 21 janvier est aussi l’anniversaire de la mort de George Orwell, en 1950… « Il y a assez de causes réelles de conflits pour ne pas les accroître en encourageant les jeunes gens à se lancer des coups de pied dans les tibias au milieu de rugissements de spectateurs en furie.» écrivait-il.
Cet homme de gauche qui vécu lui aussi un temps à Paris, avait rejeté le communisme après son expérience de la guerre d’Espagne déplorant le sort qui était fait aux militants libertaires du POUM. George Orwell n’a jamais été un idolâtre de Lénine, encore moins bien sûr de Louis XVI.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 19 janvier 2020