L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
29 septembre : la mémoire de Marzabotto
L'Italie commémore son Oradour-sur-Glane. Il y a 80 ans, plus de 800 villageois de la localité de Marzabotto, dans la région de Bologne, étaient massacrés par des soldats allemands et italiens. Parmi les victimes, plus de deux cent d’enfants…
L'Italie commémore son Oradour-sur-Glane. Il y a 80 ans, du 29 septembre au 3 octobre 1944, plus de 800 villageois de la localité de Marzabotto, dans la région de Bologne, étaient massacrés par des soldats allemands et des fascistes italiens. Parmi les victimes, plus de deux cent d’enfants…
Triste épilogue :
Le chef du commando SS, l’Autrichien Walter Reder réussit à se réfugier en Bavière et fut arrêté par les Américains et extradé en 1948 en Italie sous l’accusation de crimes de guerre. Jugé en 1951, il fut condamné à la perpétuité par le Tribunal de Bologne, peine à accomplir au pénitencier de Gaeta. Le gouvernement autrichien réussit toutefois à obtenir la libération du criminel de guerre le 24 janvier 1985. Reder fut remis en liberté grâce à une lettre envoyée aux habitants de Marzabotto en décembre 1984 dans laquelle il exprimait un profond repentir et le regret de son geste. Immédiatement transféré à Vienne, il fut accueilli avec les honneurs militaires et fut par le ministre de la Défense autrichien de l’époque ce qui provoquera un scandale international. D’autant plus que Reder reviendra aussitôt sur les excuses adressées au peuple italien qu’il n’avait prononcées – selon ses propres dires – que par opportunisme politique ! Il est mort à Vienne en 1991.
Une cérémonie a eu lieu dimanche 29 septembre 2024 pour les 80 ans du crime de guerre, le président italien Sergio Mattarella et son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier se sont rendus ensemble sur le site du massacre pour une cérémonie commémorative. Le président autrichien n’a pas fait le déplacement. Le fait est que l’Autriche n’a pas fait la même démarche instroptectives à l’égard de son passé nazi. Le même jour à Marzabotto, le cardinal Matteo Zuppi, président de la Conférence épiscopale italienne, a dirigé une messe commémorative dans l'église de Marzabotto, dont la crypte abrite les corps des civils tués il y a 80 ans.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 1er octobre 2024
29 mars : il y a 75 ans, les massacres oubliés de Madagascar
Cette journée dédiée aux victimes est fériée à Madagascar où l'on commémore les massacres opérés en 1947 par l'armée française envoyée mater toute tentation indépendantiste de la Grande île…
Cette journée dédiée aux victimes est fériée à Madagascar où l'on commémore les massacres opérés en 1947 par l'armée française envoyée mater toute tentation indépendantiste de la Grande île : plusieurs dizaines de milliers de morts (ou centaines de milliers) dans la plus grande indifférence à l'époque (et encore aujourd'hui).
Pendant la nuit du 29 mars 1947, à Madagascar, quasi simultanément, à Moramanga, dans le centre-est et à Manakara, sur la côte sud-est, des groupes d’insurgés qui ne croient plus en l’indépendance de leur pays par la voie pacifique, prennent les armes et commettent de premières attaques. C'était le début d'un an et demi d’insurrection contre l’administration coloniale française, en place depuis un demi siècle, notamment au prix de massacre, comme en 1897.
Lors du sommet de la Francophonie de 2016, François Hollande a rendu visite à la stèle des anciens combattants de la Grande guerre, à Anosy, en « hommage », aux victimes des événements de 1947 qu’il avait qualifiés de « répression brutale ». Mais, lors des journées de Commémoration de la Rébellion de 1947 (Martiora Ny tolona tamin'ny), aucun membre du gouvernement français n'est jamais venu en visite à Madagascar. Les massacres de l’année 1947 dans la Grande Ile font partie des trous noirs de l’histoire de France : 90 000 morts selon le commandant des troupes françaises de l'époque ; entre 200 000 et 700 000 morts selon d’autres sources.
Ce mardi 29 mars, une cérémonie de dépôt de gerbes sous la houlette du Président de la République, Andry Rajoelina, se déroule dans plusieurs endroits emblématiques : au Mausolée sis à Avaratr’Ankatso, Antananarivo, où reposent les dépouilles des combattants nationalistes ainsi qu’à Moramanga et Manakara, lieux de l’insurrection. La chanson Madagasikara Tanindrazanay qui a marqué la lutte nationale à cette époque est chantée ce jour-là. Cette commémoration qui a commencé vendredi 25 mars au camp militaire du Ier RM1 à Analakely, à Antananarivo, semble toutefois rencontrer une certaine indifférence de la part des citoyens. Il faut dire qu’en moins de deux mois, la Grande île a été frappée par quatre cyclones : Ana, Batsirai, Dumako et Emnati, qui ont fait des dizaines de milliers de sinistrés.
Ce jour férié et cette commémoration officielle ont été décidés en 1967, à l’occasion du 20e anniversaire du massacre. La célébration de 1947 a été discrète sous la Première république (1960-1975), puis beaucoup plus marqué sous la Deuxième république (1975-92) le régime « révolutionnariste », autoritaire et corrompu, l’avait instrumentalisé pour se construire une légitimité… la commémoration varie selon les périodes, mais le traumatisme demeure ancré dans la mémoire collective, même si seuls les plus anciens s’en souviennent vraiment.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 28 mars 2022
26-27 février : guerre de mémoire entre Azéris et Arméniens
Chaque 26 février, l’Azerbaïdjan commémore le massacre de Khodjaly, un épisode sanglant de la première guerre du Haut-Karabagh, le 26 février 1992. Hasard du calendrier, le 27 février, les Arméniens commémorent le pogrom de Soumgaït : trois jours de violence, les 27-29 février 1988 contre la minorité arménienne d’Azerbaïdjan.
Chaque 26 février, l’Azerbaïdjan commémore le massacre de Khodjaly, un épisode sanglant de la première guerre du Haut-Karabagh, le 26 février 1992. Les autorités azéries dénoncent la mort de 613 personnes dont 106 femmes et 83 enfants, des villageois pris au piège d’un conflit qui les dépassaient. Bakou accuse du massacre les forces armées arméniennes, aidées par le régiment no 366 de l'armée russe. Les Arméniens se défendent en accusant l’Azerbaïdjan d’être directement responsable de ce massacre, les soldats azéris auraient reçu l’ordre de tirer sur les civils de Khodjaly. Bakou a tenté en vain, à plusieurs reprises de faire reconnaître un « génocide » opéré par les Arméniens, dénonçant la désinformation de la diaspora arménienne plus influente en Occident que celle des Azéris même si ces derniers disposent à présent de relais médiatiques importants et d’un pouvoir d’influence qui repose sur l’argent du pétrole.
Hasard du calendrier, demain, le 27 février, les Arméniens vont comme chaque année, commémorer le pogrom de Soumgaït : trois jours de violence, les 27-29 février 1988 contre la minorité arménienne de cette banlieue industrielle de Bakou. Le nombre des victimes n’est pas connu : des dizaines de morts et des centaines de blessés. Il s'agit d'un événement historique et d'un tournant dans l'aggravation du conflit ethnique qui a provoqué les premiers flux de réfugiés arméniens de Soumgaït vers le Karabakh (Artsakh) et l'Arménie. Le caractère prémédité et organisé de ce pogrom n’a jamais été pleinement reconnu par Bakou. Une des conséquences de cette impunité fut que d’autres massacres d’Arméniens eurent lieu à Kirovabad (Gandja) en novembre 1988 et à Bakou en janvier 1990, provoquant l’exode de la minorité arménienne de l’Azerbaïdjan, comme d’ailleurs, l’exode de la minorité azérie d’Arménie.
Le pogrom était la réponse aux premiers troubles provoqués par les Arméniens du Haut-Karabagh. Il sera le déclencheur de la guerre de conquête du sud-ouest de l’Azerbaïdjan, dans les années 1992-1994, par les forces arméniennes mieux équipées et plus aguerries à l’époque. À l’automne 2020, la situation s’est retournée. Les Arméniens ont perdu quasiment toutes leurs conquêtes.
Pour en savoir plus, lire Géopolique de l’Arménie par Tigrane Yégavian