L’Almanach international

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1963, Tunisie, indépendance, 15 octobre Bruno Teissier 1963, Tunisie, indépendance, 15 octobre Bruno Teissier

15 octobre : la Tunisie commémore l’évacuation de Bizerte

Le départ du dernier soldat français le 15 octobre 1963 a été célébré par des milliers de Tunisiens comme l'aboutissement de l'indépendance totale de la Tunisie. Le président de la République, Habib Bourguiba en avait fait aussitôt une fête nationale célébrée chaque année depuis 1964

 

Le départ du dernier soldat français le 15 octobre 1963 a été célébré par des milliers de Tunisiens comme l'aboutissement de l'indépendance totale de la Tunisie. Le président de la République, Habib Bourguiba en avait fait aussitôt une fête nationale célébrée chaque année depuis 1964. En 2024, c’est la 60e édition de la Fête de l’évacuation (عيد الجلاء). Cette célébration colle parfaitement avec le discours du dictateur, le président Kaïs Saïed qui, constamment, explique que l’origine des malheurs de la Tunisie est à chercher à l’étranger.

Cette évacuation est d’abord vue comme une revanche sur ce jour de 1881 où le général français, Aimé Bréart, en provenance de Toulon, débarquait avec 8000 hommes et parvenait à contraindre le Bey de Tunis de signer le traité du Bardo qui ratifiait la fin de l’indépendance du pays.

Dans les accords du 3 juin 1955 sur l'autonomie interne de la Tunisie, prélude à l’indépendance du 20 mars 1956, il était stipulé que la France gardait deux "zones de sécurité" (en fait des bases militaires), une au sud et l’autre à Bizerte, à l'extrême nord du pays. Sous couvert de défendre le passage entre Méditerranée occidentale et orientale, dans un contexte de guerre froide, la France tenait surtout à surveiller une Algérie dont elle n’envisageait pas encore l’indépendance.

Le président Bourguiba, père de l’indépendance, était perçu par ses pairs comme trop pro-occidental, en raison de ses bonnes relations avec les États-Unis. Il voulut infléchir cette réputation en s’attaquant à la présence française à Bizerte, mais la réaction du général de Gaulle fut d’une telle violence face à une armée tunisienne encore très modeste, que la bataille de Bizerte, en juillet 1961, fut un véritable carnage y compris au sein de la population civile : quelque 650 morts et 1560 blessés militaires et civils, contre 25 morts, côté français. Comme beaucoup de victoires militaires basées sur une telle disproportion, la victoire politique ira aux vaincus des armes. La France devra se résoudre à quitter Bizerte deux ans plus tard, la base était, d’ailleurs, devenue bien peu utile à présent que l’Algérie était parvenue à arracher son indépendance.

Le 15 octobre 1963, l’amiral Vivier quittait Bizerte, escorté par deux patrouilleurs tunisiens, Destour et Djamhuriya. Des réjouissances furent organisées, en présence de dirigeants égyptiens et maghrébins, pour fêter la victoire du peuple tunisien et le départ du dernier symbole du colonialisme. Depuis le retrait des troupes françaises du territoire tunisien en 1958, Bourguiba n’avait cessé de revendiquer l’achèvement de la décolonisation par l’évacuation de la base navale.

Ce mardi, le Carré des martyrs, à Bizerte, accueille la cérémonie de commémoration du 61e anniversaire de l'évacuation, en présence du président de la République, Kaïs Saïed. Celui-ci salue le drapeau au son de l'hymne national, après avoir déposé une gerbe de fleurs au pied du mémorial des martyrs et récité la Fatiha. 

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 15 octobre 2024

Le cimetière des Martyrs de Bizerte et un timbre commémorant le 20e anniversaire de l'évacuation

 
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1956, Tunisie, Femmes, 13 août Bruno Teissier 1956, Tunisie, Femmes, 13 août Bruno Teissier

13 août : la Journée de la femme en Tunisie

Le jour est férié en Tunisie. La date du 13 août correspond à l'anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel en 1956. Hélas, l’interprétation du Coran par Kaïs Saïed est bien plus conservatrice que celle de Habib Bourguiba dont on célèbre aujourd’hui l’action de manière rituelle.

 

Le jour est férié en Tunisie. La date du 13 août correspond à l'anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel en 1956. Ce CPS, voulu par le président de l’époque, Habib Bourguiba, est entré en vigueur le 1er janvier 1957. Ce code était le plus avancé à l’époque dans un pays musulman. Il abolissait la polygamie, créait une procédure judiciaire de divorce et prévoyait que le mariage ne pouvait être célébré qu'avec l'accord mutuel des deux parties. Ce code a ensuite été amélioré en 1993 en abolissant une partie du Code relative au devoir d’obéissance de l’épouse envers son mari. Le président Ben Ali a également révisé le Code de la nationalité, permettant ainsi aux mères tunisiennes de transmettre leur nationalité aux enfants nés hors de Tunisie, quelle que soit la nationalité du père. Cette mesure était sans précédent dans les pays à majorité arabo-musulmane de l’époque. La réforme de 1993 a également accordé la tutelle automatique des enfants à la mère en cas de divorce. Toutefois, elle n’a pas modifié le statut de la mère dans l’institution familiale, le mari étant toujours considéré comme le « chef ».

Le 13 août, la Tunisie célèbre la Journée nationale de la femme (اليوم الوطني للمرأة), mais cette journée se déroule toujours dans un contexte d’inégalité. Malgré les efforts des féministes et des militants des droits de l’homme, les femmes tunisiennes ne peuvent toujours pas  accéder à l’égalité successorale (la part des frères est le double de celle de leurs sœurs). Kaïs Saïed, le président actuel, qui est en train d’imposer sa dictature au pays, y est formellement opposé. Depuis 1956, les mentalités ont, hélas, bien régressé à l’égard du statut de la femme tunisienne. La nouvelle constitution est moins laïque que la précédente et l’interprétation du Coran par Kaïs Saïed est bien plus conservatrice que celle de Habib Bourguiba dont on célèbre aujourd’hui l’action de manière rituelle.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 13 août 2024

 
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1846, Tunisie, Abolition de l'esclavage, 23 janvier Bruno Teissier 1846, Tunisie, Abolition de l'esclavage, 23 janvier Bruno Teissier

23 janvier : le jour de l’abolition de l’esclavage en Tunisie

La Tunisie est fière d’avoir été l’un des tout premiers pays au monde à avoir aboli l’esclavage, elle l’a fait le 23 janvier 1846 par un décret d’Ahmed Bey. Mais ce jour férié, créé en 2019, demeure très discret dans la Tunisie de Kaïs Saïed, dont les discours aux relents racistes envers les migrants africains, ne facilitent pas l’insertion sociale des Tunisiens descendants d’esclaves africains, toujours stigmatisés par leur couleur de peau ou leurs patronymes.

 

La Tunisie est fière d’avoir été l’un des tout premiers pays au monde à avoir aboli l’esclavage, elle l’a fait en 1846 soit deux ans avant la France. Seuls, Haïti, l’Argentine et le Royaume-Uni l’ont précédé. Elle est donc le premier pays arabe à avoir pris cette décision, bien avant le Maroc (1922), l’Arabie saoudite (1963) ou la Mauritanie (1981).

La commémoration, en revanche est récente et de meure discrète. C’est le 23 janvier 2019, que le président tunisien, Béji Caid Essebsi, a annoncé la création d’une Journée nationale de l'abolition de l'esclavage (اليوم الوطني لإلغاء الرق). Ce jour férié n’est pas chômé mais la célébration permet chaque année de rappeler une réalité bien occultée de la Tunisie ancienne.

Décrétée le 23 janvier 1846, par Ahmed Bey, l'abolition de l'esclavage avait toutefois été précédée par une interdiction de vente d'esclaves dès 1841 et de la décision, en 1842, que tout enfant né à Tunis, était libre.

Les esclaves, comme ceux qui ont été déportés en Amérique où aux Antilles par les Européens, provenaient principalement de la traite africaine qui arrivait en Tunisie par le Sahara. Jusqu’en 1841, la Tunisie recevait un millier d’esclaves noirs chaque année, ils étaient appelés les Abid ou les Chouchen. Il y avait aussi des esclaves berbères, les Akli, provenant des razzias entre tribus, ainsi que des esclaves européens, capturés lors de raids sur les côtes méditerranéennes ou les prises de navires marchands, c’était les Mamelouk. Ces derniers représentaient 10 à 20% des captifs selon les époques. Certains ont eu des destinées singulières. La propre mère d’Ahmed Bey, le souverain qui a aboli l’esclavage, était une esclave sarde.

En Tunisie, il en reste des stigmates et des non-dits : aujourd’hui encore des enfants naissent avec  les termes atig (affranchi) ou chouchane (« esclave ») accolés à leur nom. Une véritable stigmatisation dans un pays où les Tunisiens noirs ont encore du mal à trouver leur place, surtout depuis que Kaïs Saïed, le très autoritaire président actuel, par ses discours aux relents racistes, a lancé la chasse aux immigrés africains à qui l’Europe a fermé ses portes.

Les autorités tunisiennes veulent se débarrasser des migrants africains. Mais certains profitent de leur précarité soudaine en Tunisie pour les asservir. On assiste à un retour d’une forme d’esclavage encore courante dans les pays du Golfe : des femmes migrantes subsahariennes, à qui on a confisqué le passeport, sont aujourd’hui employées comme domestiques, contre leur gré et sans salaire.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 22 janvier 2024

Timbre-poste émis en 2021 pour commémorer l’abolition du 23 janvier 1846

 
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1957, Tunisie, république, 25 juillet Bruno Teissier 1957, Tunisie, république, 25 juillet Bruno Teissier

25 juillet : la Tunisie célèbre son régime républicain et enterre sa démocratie

En Tunisie, c’est le Jour de la République. Le pays qui commémore l’abolition de la monarchie en 1957, mais aussi la l’anniversaire prise totale du pouvoir par le président Kaïs Saïed, lequel avait profité du 25 juillet, en 2021, pour suspendre la démocratie. Sans les libertés publiques, peut-on encore parler de république ?

 

Le 25 juillet est férié en Tunisie pour commémorer l’instauration de la république et l’abdication du roi de Tunisie en 1957. C’est le Jour de la République (يد الجمهورية). Cette date est aussi l’anniversaire du coup de force du président Kaïs Saïed en 2021 dont la prise totale du pouvoir est symboliquement confirmée par référendum du 25 juillet 2022.

Un royaume de Tunisie avait existé du 20 mars 1956 au 25 juillet 1957.  Lamine Bey, le dernier monarque était l’ultime héritier d’une longue lignée de bey de la dynastie des Husseinites fondée en 1705. Ainsi s’interrompait une monarchie vieille de plus de deux siècles et demi. Suite à sa destitution, les biens du roi ont été confisqués et ont servi à régler la dette de l'État tunisien. Ce dernier bey avait pris le titre de roi, comme au Maroc où le dernier sultan était, à la même époque, devenu le premier roi du Maroc. En Tunisie, le souverain s’était montré trop conciliant avec le colonisateur français, ce qui l’avait rendu très impopulaire, à l’inverse de Mohamed V du Maroc qui avait tenu tête à Paris et avait été perçu comme le héros de l’indépendance. En Tunisie, ce rôle a été joué par Habib Bourguiba qui a pesé en faveur de la république. Le 25 juillet est aussi l’anniversaire du début de son premier mandat, en 1957.

La monarchie a été abolie, c’est le régime républicain qui s’est imposé mais celui-ci n’a guère fonctionné de manière démocratique. Habib Bourguiba s’est incrusté pendant 30 ans au pouvoir. Réélu à chaque fois par des scrutins non démocratiques, il a été finalement nommé « président à vie », en 1975. Son successeur, Zine el-Abidine Ben Ali a régné d’une main de fer pendant 23 ans. Ce dernier a été renversé en 2011 pour laisser place à une transition démocratique qui a vu se succéder plusieurs présidents : Fouad Mbazâa, Moncef Marzouki, Béji Caïd Essebsi et Kaïs Saïed.

Le 25 juillet est aussi l’anniversaire de l’assassinat de Mohamed Brahmi, député de l'Assemblée nationale constituante (ANC) et fondateur du Mouvement populaire. Celui-ci a été tué le 25 juillet 2013 devant son domicile.

C’est le 25 juillet 2021 que le président Kaïs Saïed a décidé de geler les travaux du Parlement et de s'octroyer le pouvoir exécutif dans sa totalité, confisquant en même temps le pouvoir du gouvernement.

Le 25 juillet 2022, le président Kaïs Saïed fait approuver par référendum un nouveau régime destiné à instaurer son pouvoir personnel. La Tunisie va-t-elle retourner un régime du type de celui de Ben Ali, la coloration islamique en plus ? Une majorité écrasante (92%) a voté en faveur du projet du président Kaïs Saïed, mais avec seulement… 27,5% de participation. Ce qui représente à peine un quart du corps électoral. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’adhésion du peuple tunisien n’est pas au rendez-vous. Le Jour de la République 2021 est désormais celui de la mort de la démocratie en Tunisie. Celle-ci était en gestation depuis 2014. Elle semble bien s’avérer mort-née.

La nouvelle constitution prévoit que « le chef de l’État, qui n’est responsable devant personne, nomme et révoque le chef de gouvernement et les ministres. Il peut soumettre au référendum tout texte législatif ou constitutionnel – sans l’intermédiaire du Parlement – et imposer une deuxième lecture à un projet de loi. Il peut également dissoudre l’Assemblée qui, par ailleurs, voit ses prérogatives réduites. Non seulement, elle n’investit plus le gouvernement mais elle ne peut le censurer que dans des conditions très restrictives. En plus d’une hyperprésidentialisation du régime, où les possibilités de destituer le président sont verrouillées, ce qui fait inévitablement penser aux régimes dictatoriaux qu’a connus la Tunisie avant sa révolution, la nouvelle Constitution élimine les articles mentionnant la neutralité et l’impartialité des forces de sécurité intérieure et de l’armée. (…) L’article 5 du texte efface ainsi la mention du caractère "civil” de l’État – que le camp moderniste avait imposée de haute lutte à la Constitution de 2014 – tout en précisant que la Tunisie fait partie de la "oumma [communauté des croyants] islamique” et que “seul l’État devra veiller à garantir les objectifs de l’islam”.» (Frédéric Bobin et Lilia Blaise, Le Monde, 23 juillet 2022.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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2010, Tunisie, 17 décembre, révolution Bruno Teissier 2010, Tunisie, 17 décembre, révolution Bruno Teissier

17 décembre : vers la chute d’un dictateur tunisien et l’installation d’un nouveau

Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un jeune marchand de fruits, s’immolait sur la grande place de Sidi Bouzid. Ce geste de désespoir aboutira à la chute du dictateur… Le 17 décembre 2022, parait comme la dernière étape de la mise en place d’une nouvelle dictature. Au lendemain de l’élection législative de ce jour, une fois la presse muselée, le président Kaïs Saïed aura les coudées franches pour imposer sans limite son pouvoir personnel.

 

La date du 17 décembre est désormais celle de la Fête de la Révolution (عيد الثورة), ainsi en a décidé il y a un an le président Kaïs Saïed. Elle remplace le 14 janvier qui n’est plus un jour férié. Cette dernière date avait le désavantage aux yeux du chef de l’État de commémorer le renversement du président Ben Ali, en 2011. Kaïs Saïed dont le régime est de plus en plus autoritaire craint ce genre de référence. D’autant, qu’aujourd’hui des cadres du régime de Ben Ali ont refait surface au premier plan. Ne pouvant gommer la mémoire du Printemps arabe qui, en Tunisie, avait suscité tant d’espoir, le jour férié a été transférée au 17 décembre, une date commémorant l’étincelle qui déclenchât le renversement du régime honni.

Il y a douze ans, le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un jeune marchand de fruits à la sauvette, s’immolait sur la grande place de Sidi Bouzid, bourgade déshéritée de la Tunisie profonde. La police lui avait confisqué son chariot et sa balance sans lesquels il ne pouvait plus travailler et donc survivre. Il mourra 18 jours plus tard à l’hôpital. Ce geste désespéré face un système qui ne lui offrait aucune issue, avait provoqué un mouvement de colère qui allait très vite se muer en manifestation politique contre le régime du président Ben Ali, basé sur la corruption et la répression. Le dictateur, après 23 ans de règne, finira par quitter le pays le 14 janvier 2011. C’était la date qui était fêtée jusqu’en 2020.

L’émotion avait été forte dans le monde après l’annonce de cette immolation. En 2011, Mohamed Bouazizi a reçu le prix Sakharov à titre posthume, la ville de Paris lui a dédié une place dans le 14e arrondissement, Time magazine en a fait la personnalité de l’année, le Canada a même donné asile à sa famille… À l’image d’un Jan Palach, Mohamed Bouazizi est devenu le symbole d’une révolution à laquelle il n’a pas participé.  Toutefois, même s’il a eu droit à une statue dans sa ville natale, la Tunisie n’en avait pas fait un symbole. Le 19 décembre, jusqu’en 2021 n’était célébré que localement.

La Tunisie où tout avait démarré est aussi le seul pays où le Printemps arabe a donné des résultats. Des élections démocratiques ont permis le renouvellement de la classe politique, même si des tenants de l’ancien régime comme la très conservatrice Abir Moussi, sont revenus sur le devant de la scène. Le pluralisme politique  a commencé à s’imposer, dans un contexte  très chaotique où les islamistes ont joué les perturbateur mais sans chercher à confisquer le pouvoir. Cette marche vers la démocratie la démocratie est aujourd’hui stoppée net par l’austère président Kaïs Saïed, élu sur un programme anti corruption. La page du Printemps arabe s’est refermée le 25 juillet 2021 par le coup de force du Président contre le Parlement élu démocratiquement. La deuxième étape a été le changement de la constitution, le 25 juillet 2022, afin d’assurer son pouvoir personnel. Pour boucler le tout, des élections législatives ont été placées ce 17 décembre pour élire un nouveau parlement sans pouvoir réel, comme du temps du dictateur Ben Ali. Le scrutin est boycotté par l’opposition, laquelle n’a d’ailleurs plus guère l’occasion de s’exprimer tant la répression prend de l’ampleur.

Choix cynisme du président tunisien : ce 17-Décembre qui commémore le sursaut qui a permis de faire tomber une dictature, fera date comme celui où une nouvelle dictature se sera mise en place. Au lendemain de l’élection de ce 17 décembre 2022, une fois la presse muselée, le président Kaïs Saïed aura les coudées franches pour imposer son pouvoir personnel. Compte tenu de son âge, les Tunisiens peuvent espérer que sa dictature ne dure pas 38 ans comme celle de Ben Ali.

En mai 2020, l’Union européenne a créé un « Prix Lina Ben Mhenni pour la liberté d’expression ». La journaliste bloggeuse, aujourd’hui décédée, avait été la première à couvrir les événements de décembre 2010 et de janvier 2011 à Sidi Bouziz, à diffuser des photos, à dresser des listes de victimes de la répression policière… Cette année, en 2022, le prix est attribué à quatre journalistes tunisiennes : Issa Ziadia, Sana Adouni, Mabrouka Khedir et Bahira Ouji. Ce prix pourra-t-il continuer à être décerné dans un pays a fortement régressé surtout depuis le coup de force du 25 juillet et un décret présidentiel prévoyant une peine de prison de cinq ans et une amende de 50 000 dinars (plus de 15 000 euros) pour toute personne « qui utilise délibérément les réseaux de communication et les systèmes d’information pour produire, promouvoir, publier ou envoyer de fausses informations ou des rumeurs mensongères ». En novembre 2022, un chef de parti politique critique envers Saied est empêché de quitter la Tunisie. La police ouvre une enquête sur un journaliste pour un article critique envers le Premier ministre…

Mise à jour 18 décembre 2022 : Les élections législatives ont d’enregistré le plus faible taux de participation de l’histoire récente du pays : seulement 8,8 % du corps électoral s’est rendu aux urnes ! L’opposition estime que Kaïs Saïed a “perdu toute légitimité” et appelle la population à manifester pour exiger une nouvelle élection présidentielle.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1956, Tunisie, 20 mars, indépendance Bruno Teissier 1956, Tunisie, 20 mars, indépendance Bruno Teissier

20 mars : manifestations politiques en Tunisie pour la Fête de l’indépendance

La Tunisie célèbre son indépendance obtenue le 20 mars 1956. Cette journée est aussi l’occasion pour l’opposition de manifester contre la dérive autoritaire du président Kaïs Saïed depuis son coup d’État du 25 juillet dernier.

 

La Tunisie célèbre son indépendance obtenue le 20 mars 1956. La signature du Protocole de l’indépendance du pays, ce jour-là, mettait fin à la fin de la colonisation française. Celle-ci avait commencé le 12 mai 1881, sous la forme d'un protectorat de la France sur la Tunisie, imposé par le traité du Bardo. Quelques jours plus tôt, les troupes françaises avaient pénétré dans le pays sans rencontrer grande résistance. L’Empire ottoman, tutelle théorique de la Tunisie, n’avait pas réagi. La France a régi le pays pendant trois quarts de siècle, réprimant les émeutes et les tentatives d’émancipation.

La Tunisie n’a pas connu de guerre d’indépendance comme l’Algérie, même si la lutte armée a débuté le 18 janvier 1952 et la répression militaire française en réponse. Les années de lutte sous la conduite de son leader historique, Habib Bourguiba, ont été difficiles (guérilla, attentats, représailles). La situation est apaisée par la reconnaissance de l'autonomie interne de la Tunisie, en 1954. La France finit par reconnaître « solennellement l'indépendance de la Tunisie » le 20 mars 1956, tout en conservant la base militaire de Bizerte (jusqu’au 15 octobre 1963).

Habib Bourguiba sera son premier président de la République après l’abolition de la monarchie husseinite le 25 juillet 1957. La république s’est imposée mais pas vraiment la démocratie : son parti le Parti socialiste destourien (ex Néo-Destour) s’est imposé au pouvoir et Habib Bourguiba a fini par être désigné président à vie en 1975. Il sera renversé en 1987 par un premier ministre qui imposera une véritable dictature et un régime reposant sur la corruption. Il a été renversé le 14 janvier 2011. S’ensuit un régime établi sur des bases démocratiques qui a vécu de manière chaotique jusqu’à ce que le président en place, Kaïs Saïed, ne suspende le Parlement le 25 juillet 2021 et fasse disparaître la démocratie représentative pour imposer sa dictature. 

C’est contre ce coup de force qui a mis un terme à une transition démocratique, unique dans le monde arabe, que l’opposition a appelé à manifester ce 20 mars pour dénoncer la dérive autoritaire du président qui cumule tous les pouvoirs entre ses mains. En prévision, le gouverneur de Tunis, Kamel Fekki, a interdit les manifestations politiques sur l’avenue Habib Bourguiba (avenue de la Révolution). En 2021, le président avait brillé par son absence à la Fête de l’Indépendance (عيد الإستقلال). En 2022, un discours est annoncé.

L’opposition a appelé à célébrer la fête de l’Indépendance, tout en dénonçant la violation flagrante des libertés et en demandant un retour au processus démocratique. Le référendum promis par le président n’a jamais eu lieu. Les Tunisiens ont boudé la consultation lancée par le président sur le sujet (à peine 10% de participation) et qui se termine ce 20 mars.

Demain, 21 mars, ce devait être la Fête de la jeunesse (supprimée en 2011).

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 19 mars 2022

 
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1952, Tunisie, lutte pour l'indépendance, 18 janvier Bruno Teissier 1952, Tunisie, lutte pour l'indépendance, 18 janvier Bruno Teissier

18 janvier : il y a 70 ans la Tunisie se soulevait contre l’occupation française

C’est la Fête de la Révolution en Tunisie, qui commémore le début du soulèvement contre l’administration coloniale française, le 18 janvier 1952. La date est peu connue des Tunisiens les plus jeunes, bien que ce fût un jour férié pendant trente ans…

 

Aujourd’hui, théoriquement, c’est la Fête de la Révolution ( عيد الثورة ) en Tunisie, elle commémore le début du soulèvement contre l’administration coloniale française, le 18 janvier 1952. Bien que ce fût un jour férié pendant trente ans (de 1957 à 1987), la date du 18 janvier est peu connue des Tunisiens les plus jeunes car, depuis, elle a été occultée par d’autres révolutions. En 1988, le président Ben Ali l’a remplacé par sa propre révolution, celle du 7 novembre 1987 qui avait destitué le président Bourguiba, le père de l’indépendance. Puis, c’est la révolution du 14 janvier 2011 qui a renversé le dictateur Ben Ali et qui a été commémorée de 2012 à 2021. Mais, récemment, le président Kaïs Saïed a annoncé que la chute du dictateur serait désormais célébrée chaque 17 décembre, en hommage à l’élément déclencheur de la Révolution de Jasmin. Quant à la Révolution de 1952, il est toujours peu question d’en faire grand cas.…

Cela dit, la date du 18 janvier n’a jamais été totalement effacée du calendrier officiel des célébrations, même si ce n’est plus un jour férié et qu’elle est toujours célébrée dans une grande discrétion, voire indifférence. Mais cette année, c’est le 70e anniversaire de l’événement qui a conduit la Tunisie à l’indépendance. Le 18 janvier 1952, Habib Bourguiba était arrêté  ainsi que 20 de ses compagnons par les forces françaises. Bourguiba était le leader  du Néo-Destour (PND), le mouvement qui lutte pour l’indépendance du pays).  Aussitôt, le pays s’est embrasé et l’UGTT, dirigée par Farhat Hached, a décrété la grève générale. Des rassemblements populaires se sont produits dans plusieurs villes du pays. Une guérilla s'est même organisée dans les montagnes. La grève générale, déclenchée le 22 janvier, a tourné à l'affrontement avec l'armée française. Il y a eu des dizaines de morts et des milliers de personnes détenues dans les régions.

La France finit par reconnaître en 1954 l’autonomie interne de la Tunisie. Le 20 mars 1956,  Pierre Mendès-France signera les accords d’indépendance totale, mettant fin à 75 ans d’occupation française de la Tunisie.

La date du 18 janvier a aussi une dimension politique dans la Tunisie actuelle. En 2018, la présidente du Parti destourien libre (héritier du PND), Abir Moussi qui faisait allusion à ces événements historiques en déclarant dans un meeting populaire organisé le 14 janvier dernier que son parti « ne reconnaissait qu’une seule révolution, celle du 18 janvier 1952 ». À la veille de cette commémoration du 18 janvier 2022, la présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, menace de poursuivre en justice la Télévision nationale si elle ne diffuse pas, ce 18 janvier, un documentaire sur les événements du 18 janvier 1952. Soulignant que l’État est tenu de préserver la mémoire nationale. La commémoration de 2022 s’avère être un élément du combat politique contre la dérive autoritaire du président Kais Saied.

Si les autorités algériennes cultivent à l’excès la mémoire de la lutte pour l’indépendance, le pouvoir tunisien semble au contraire, particulièrement oublieux.

Mise à jour janvier 2023 : le 14 janvier 2023, plus de 10 000 manifestants ont défilé à Tunis, avenue Bourguiba, à l’appel des différents partis d’opposition. Ils sont vent debout contre le régime autoritaire que Kaïs Saïed est en train de mettre en place depuis le coup d’État du 21 juillet 2021. Mais, ils protestent aussi contre les pénuries alimentaires qui ont obligé la Tunisie à faire appel à l’aide de la Libye.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Bourguiba pendant une manifestation en 1951

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2011, Tunisie, 14 janvier, révolution Bruno Teissier 2011, Tunisie, 14 janvier, révolution Bruno Teissier

14 janvier : en Tunisie, une révolution peut en cacher une autre

En Tunisie, c’est jour férié, pour se réjouir de la chute du dictateur, le président Zine el-Abdine Ben Ali, le 14 janvier 2011. Au pouvoir depuis 1987, Ben Ali a été emporté par la révolution de Jasmin

 

En Tunisie, c’est un jour férié, un jour pour se réjouir de la chute du dictateur, le président Zine el-Abdine Ben Ali, le 14 janvier 2011. Au pouvoir depuis 1987, Ben Ali a été emporté par la révolution de Jasmin, un soulèvement populaire non violent qui a débuté le 17 décembre 2010. Débordé par la foule, il s’est piteusement enfui en Arabie saoudite avec sa femme et ses enfants. Il y est mort en septembre 2019. Depuis 2012, le 14 janvier est un jour de fête nationale en Tunisie connu sous le nom de Fête de la Révolution et de la Jeunesse (عيد الثورة و الشباب). À ne pas confondre avec la Fête de la révolution qui était jadis célébrée chaque 18 janvier.

Le 18 janvier, sous le président Habib Bourguiba, on fêtait la « révolution de 1952 ». Cette Fête de la Révolution (عيد الثورة ) commémorait le lancement de la guérilla contre les autorités françaises en 1952. Laquelle aboutira à l'indépendance du pays en 1956 et à l’arrivée au pouvoir par le Parti destourien qui dirigera le pays pendant plusieurs décennies. Cette date, a été ensuite occultée par le 7 novembre, date à laquelle le président Ben Ali avait destitué Bourguiba et dont il avait fait une fête nationale (elle le fut de 1988 à 2010). Aujourd’hui, avec la Révolution du 14 janvier qui a renversé ce même Ben Ali, la date du 18 janvier est bien oubliée sauf par quelques anciens ainsi que par le Parti destourien libre (PLD), un parti moderniste et anti islamiste, l’un des rares à cultiver la mémoire de cette date qui a été une fête nationale de 1956 à 1987 et du régime, celui de Bourguiba qu'elle symbolisait. Mais là où tout se brouille, c’est que ce parti (d’opposition) est aujourd’hui dirigé par Abir Moussi, une avocate très conservatrice qui a été une ancienne dirigeante du Rassemblement constitutionnel démocratique, le parti aujourd’hui dissous du dictateur Ben Ali, celui-là même qui avait renversé Bourguiba…

Beaucoup de Tunisiens ne savent plus vraiment, aujourd’hui, à quelle révolution se vouer. Cela dit, même si elle est peu lisible, au moins le pays connaît une vraie vie politique, avec des débats d'idées et des enjeux de pouvoir. Quel autre pays arabe peut en dire autant ? Voilà au moins un acquit de la révolution que l'on commémore aujourd'hui.

Mise à jour décembre 2021 : le 2 décembre 2021, le président Kaïs Saïed annonce que la révolution de 2011 qui avait déposé le régime de Ben Ali, sera désormais célébrée le 17 décembre de chaque année, au lieu du 14 janvier.

Mise à jour janvier 2022 : le 14 janvier 2022, alors qu’ils couvraient une manifestation dans le centre-ville de la capitale, Tunis, des journalistes ont été “passés à tabac” par des agents de police. Alors que cette date est un symbole de liberté. Des élections législatives controversées et boudés par les principaux partis politiques doivent se tenir le 17 décembre prochain.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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Tunisie, 2005 Bruno Teissier Tunisie, 2005 Bruno Teissier

13 mars : la Tunisie célèbre la liberté de la Toile

Il y a 14 ans décédait d’une crise cardiaque à l’âge de 36 ans, Zouhair Yahyaoui, le plus célèbre des cyber-dissidents au régime du président Ben Ali…

 

Il y a 14 ans décédait d’une crise cardiaque, à l’âge de 36 ans, Zouhair Yahyaoui, le plus célèbre des cyber-dissidents au régime du président Ben Ali. Fondateur du journal en ligne Tunezine, il a sans relâche dénoncé la corruption et la répression du pouvoir tunisien de l’époque, jusqu’au jour de son arrestation par des hommes en civil dans un cyber café de la capitale. C’était en 2002, après un procès expéditif, il est condamné pour « propagation de fausses nouvelles ». Emprisonné pendant un an et demi, il est régulièrement torturé. Sa famille tout entière est persécutée et son journal fermé peu après sa mort. Usé par sa détention, il est mort le 13 mars 2005.

En 2012, sept ans après son décès, un an après la chute du dictateur, le président Moncef Marzouki, accompagne ses proches sur sa tombe. Zouhair Yahyaoui est décoré à titre posthume par l’État tunisien et le jour anniversaire de sa mort est décrété Journée nationale de la cyber-liberté. Au niveau international, une Journée mondiale contre la cyber-censure a été marquée hier, 12 mars. Elle a été créée en 2008 à l’initiative d’Amnesty International et de Reporters sans frontières. Elle vise plus particulièrement l'Arabie saoudite, la Birmanie, la Chine, la Corée du Nord, Cuba, l'Égypte, l'Iran, l'Ouzbékistan, la Syrie, la Turquie, le Turkménistan, le Vietnam. 

Le 13 mars 3017, la poste tunisienne a émis un timbre à l’effigie de Zouhair Yahyaoui.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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