L’Almanach international

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2010, Madagascar, constitution, 11 décembre Bruno Teissier 2010, Madagascar, constitution, 11 décembre Bruno Teissier

11 décembre : la Quatrième République des Malgaches malmenée par son créateur

À Madagascar, c’est aujourd’hui le Jour de la République. Qui s’en souvient, alors que le pays est en pleine crise politique. Le président Rajoelina vient se se faire réélire, l’opposition ne reconnaît pas la validité du scrutin. Le régime de la IVe république que le 11 décembre est censé célébré aurait-il du plomb dans l’aile ?

 

À Madagascar, c’est aujourd’hui le Jour de la République (Andron'ny Repoblika). Qui s’en souvient, alors que le pays est en pleine crise politique ? Le président Rajoelina vient se se faire réélire, l’opposition ne reconnaît pas la validité du scrutin. Le régime de la IVe république que le 11 décembre est censé célébré aurait-il du plomb dans l’aile ?

En 2009, le président malgache Marc Ravalomanana a été évincé du pouvoir par un coup d'État. Le leader du coup d'État Andry Rajoelina a affirmé que la Cour suprême était la plus haute instance administrative et a conduit le pays vers de nouvelles élections présidentielles en 2010 et l'adoption d'une nouvelle constitution. Un référendum constitutionnel, le 17 novembre 2010, a approuvé une nouvelle constitution. Celle-ci a été promulguée le 11 décembre 2010, instaurant la Quatrième République de Madagascar. Le 11 décembre avait été institué comme un nouveau jour férié et chômé, en 2011, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le 11 décembre n’est plus qu’une journée commémorative du nouveau régime. D’un régime semi-présidentiel, qui valait viré à l’autoritarisme, on est passé à un régime semi parlementaire, qui fonctionne en réalité comme un régime présidentiel.

La transition de la IIIe à la IVe République a été pilotée par Andry Rajoelina, alors maire d’Antananarovo, la capitale. Celui-ci s’est ensuite mis en retrait de la vie politique (jusqu’en 2013), puis s’est présenté en 2018 à la présidentielle. Arguant d’une carrière d’entrepreneur, il a été élu avec la promesse de sortir le pays de son extrême pauvreté et de rattraper en cinq ans tout ce que ses prédécesseurs avaient échoué à réaliser pendant les soixante années écoulées depuis l’indépendance. En 2019, les législative lui ont donné une majorité absolue. Mais à l’issue de son mandat, en 2023, son bilan est très critiqué. L’autosuffisance en riz, base de l’alimentation, n’est pas atteinte. Les secteurs de la vanille et du cloud de girofle sont déstabilisés. L’électricité manque, le tourisme n’a pas décollé et la compagnie nationale Air Madagascar, est au bord de la faillite.

Le 12 octobre 2023, à quelques jours de la fin de son mandat, le président Andry Rajoelina a été destitué par le Parlement à la suite d’une motion de censure déposée par l’opposition et adoptée par 151 voix contre 105. Il déploie alors d’importants moyens pour convaincre les Malgaches de lui accorder un deuxième mandat. De l’argent a été distribué aux électeurs en échange de leur vote en faveur de sa formation, la TGV (Tanora malaGasy Vonona – « Jeunes Malgaches déterminés »). En cours de campagne, il est révélé qu’Andry Rajoelina est détenteur de la nationalité française, ce qui aurait dû lui faire perdre la nationalité malgache et lui interdire de devenir président… Le scrutin du 16 novembre 2023, finalement boycotté par dix de ses douze adversaires, lesquels ne reconnaîtront pas sa victoire. Andry Rajoelina est élu avec 59% des voix  (et un taux de participation de 46 %). Très contestée par une bonne partie de la classe politique, son élection est finalement confirmée par la Haute Cour constitutionnelle de Madagascar, le 1er décembre, et la communauté internationale en prend acte. Son second mandat commencera le 16 décembre.  Ses nombreux détracteurs craignent que la IVe république, dont on fête aujourd’hui l’anniversaire, ne vire comme la précédente, à l’autoritarisme.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 10 décembre 2023

 

Andry Rajoelina en 2021

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2010, Tunisie, 17 décembre, révolution Bruno Teissier 2010, Tunisie, 17 décembre, révolution Bruno Teissier

17 décembre : vers la chute d’un dictateur tunisien et l’installation d’un nouveau

Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un jeune marchand de fruits, s’immolait sur la grande place de Sidi Bouzid. Ce geste de désespoir aboutira à la chute du dictateur… Le 17 décembre 2022, parait comme la dernière étape de la mise en place d’une nouvelle dictature. Au lendemain de l’élection législative de ce jour, une fois la presse muselée, le président Kaïs Saïed aura les coudées franches pour imposer sans limite son pouvoir personnel.

 

La date du 17 décembre est désormais celle de la Fête de la Révolution (عيد الثورة), ainsi en a décidé il y a un an le président Kaïs Saïed. Elle remplace le 14 janvier qui n’est plus un jour férié. Cette dernière date avait le désavantage aux yeux du chef de l’État de commémorer le renversement du président Ben Ali, en 2011. Kaïs Saïed dont le régime est de plus en plus autoritaire craint ce genre de référence. D’autant, qu’aujourd’hui des cadres du régime de Ben Ali ont refait surface au premier plan. Ne pouvant gommer la mémoire du Printemps arabe qui, en Tunisie, avait suscité tant d’espoir, le jour férié a été transférée au 17 décembre, une date commémorant l’étincelle qui déclenchât le renversement du régime honni.

Il y a douze ans, le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un jeune marchand de fruits à la sauvette, s’immolait sur la grande place de Sidi Bouzid, bourgade déshéritée de la Tunisie profonde. La police lui avait confisqué son chariot et sa balance sans lesquels il ne pouvait plus travailler et donc survivre. Il mourra 18 jours plus tard à l’hôpital. Ce geste désespéré face un système qui ne lui offrait aucune issue, avait provoqué un mouvement de colère qui allait très vite se muer en manifestation politique contre le régime du président Ben Ali, basé sur la corruption et la répression. Le dictateur, après 23 ans de règne, finira par quitter le pays le 14 janvier 2011. C’était la date qui était fêtée jusqu’en 2020.

L’émotion avait été forte dans le monde après l’annonce de cette immolation. En 2011, Mohamed Bouazizi a reçu le prix Sakharov à titre posthume, la ville de Paris lui a dédié une place dans le 14e arrondissement, Time magazine en a fait la personnalité de l’année, le Canada a même donné asile à sa famille… À l’image d’un Jan Palach, Mohamed Bouazizi est devenu le symbole d’une révolution à laquelle il n’a pas participé.  Toutefois, même s’il a eu droit à une statue dans sa ville natale, la Tunisie n’en avait pas fait un symbole. Le 19 décembre, jusqu’en 2021 n’était célébré que localement.

La Tunisie où tout avait démarré est aussi le seul pays où le Printemps arabe a donné des résultats. Des élections démocratiques ont permis le renouvellement de la classe politique, même si des tenants de l’ancien régime comme la très conservatrice Abir Moussi, sont revenus sur le devant de la scène. Le pluralisme politique  a commencé à s’imposer, dans un contexte  très chaotique où les islamistes ont joué les perturbateur mais sans chercher à confisquer le pouvoir. Cette marche vers la démocratie la démocratie est aujourd’hui stoppée net par l’austère président Kaïs Saïed, élu sur un programme anti corruption. La page du Printemps arabe s’est refermée le 25 juillet 2021 par le coup de force du Président contre le Parlement élu démocratiquement. La deuxième étape a été le changement de la constitution, le 25 juillet 2022, afin d’assurer son pouvoir personnel. Pour boucler le tout, des élections législatives ont été placées ce 17 décembre pour élire un nouveau parlement sans pouvoir réel, comme du temps du dictateur Ben Ali. Le scrutin est boycotté par l’opposition, laquelle n’a d’ailleurs plus guère l’occasion de s’exprimer tant la répression prend de l’ampleur.

Choix cynisme du président tunisien : ce 17-Décembre qui commémore le sursaut qui a permis de faire tomber une dictature, fera date comme celui où une nouvelle dictature se sera mise en place. Au lendemain de l’élection de ce 17 décembre 2022, une fois la presse muselée, le président Kaïs Saïed aura les coudées franches pour imposer son pouvoir personnel. Compte tenu de son âge, les Tunisiens peuvent espérer que sa dictature ne dure pas 38 ans comme celle de Ben Ali.

En mai 2020, l’Union européenne a créé un « Prix Lina Ben Mhenni pour la liberté d’expression ». La journaliste bloggeuse, aujourd’hui décédée, avait été la première à couvrir les événements de décembre 2010 et de janvier 2011 à Sidi Bouziz, à diffuser des photos, à dresser des listes de victimes de la répression policière… Cette année, en 2022, le prix est attribué à quatre journalistes tunisiennes : Issa Ziadia, Sana Adouni, Mabrouka Khedir et Bahira Ouji. Ce prix pourra-t-il continuer à être décerné dans un pays a fortement régressé surtout depuis le coup de force du 25 juillet et un décret présidentiel prévoyant une peine de prison de cinq ans et une amende de 50 000 dinars (plus de 15 000 euros) pour toute personne « qui utilise délibérément les réseaux de communication et les systèmes d’information pour produire, promouvoir, publier ou envoyer de fausses informations ou des rumeurs mensongères ». En novembre 2022, un chef de parti politique critique envers Saied est empêché de quitter la Tunisie. La police ouvre une enquête sur un journaliste pour un article critique envers le Premier ministre…

Mise à jour 18 décembre 2022 : Les élections législatives ont d’enregistré le plus faible taux de participation de l’histoire récente du pays : seulement 8,8 % du corps électoral s’est rendu aux urnes ! L’opposition estime que Kaïs Saïed a “perdu toute légitimité” et appelle la population à manifester pour exiger une nouvelle élection présidentielle.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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2010, Australie, LGBT Bruno Teissier 2010, Australie, LGBT Bruno Teissier

26 août : les Australiens s'habillent violet en soutien à la communauté LGBT

Des milliers d'Australiens portent du violet le dernier vendredi d'août pour soutenir la communauté LGBTQIA+, en particulier les jeunes homosexuels, et célébrer la diversité. Le Wear It Purple Day est observé chaque année depuis 2010.

 

Des milliers d'Australiens portent du violet le dernier vendredi d'août pour soutenir la communauté LGBTQIA+, en particulier les jeunes homosexuels, et célébrer la diversité. Le Wear It Purple Day est observé chaque année depuis 2010.

La campagne Wear It Purple a été co-fondée par Katherine Hudson et Scott Williams en 2010 en réponse au suicide de Tyler Clementi, un étudiant américain qui a été victime d'intimidation par son colocataire et a sauté du pont George Washington le 22 septembre 2010, ainsi comme des histoires d'autres adolescents homosexuels qui se sont suicidés après avoir été victimes d'intimidation et de harcèlement en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Leur objectif principal était de soutenir les jeunes homosexuels et de leur montrer qu'il y a de l'espoir et que ça s'améliore.

La première journée Wear It Purple a été célébrée le 15 octobre 2010. Il a reçu le soutien du ministre de la Santé, du ministre de l'Éducation, des députés de presque tous les partis, de la Fédération des enseignants, de RU OK ? (organisation à but non lucratif de prévention du suicide) et Coming Out Australia. En 2011 et 2012, le Wear It Purple Day a eu lieu début septembre. Sa date actuelle, le dernier vendredi d'août, a été adoptée en 2013.

Le site officiel : https://www.wearitpurple.org

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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2010, Pologne, 10 avril, drame national Bruno Teissier 2010, Pologne, 10 avril, drame national Bruno Teissier

10 avril : il y a dix ans, le crash qui décimait la classe politique polonaise

Journée douloureuse pour la Pologne qui commémore le crash du 10 avril 2010 qui a fait disparaitre son président, ainsi que 91 personnalités politiques éminentes. Journée de propagande exacerbée pour le gouvernement d'extrême droite qui exploite ad nauseam la catastrophe de Smolensk pour abolir progressivement la démocratie.

 

Journée douloureuse pour la Pologne où l’on commémore le crash du 10 avril 2010, survenu près de Smolensk, qui a fait disparaître son président, ainsi que 91 personnalités politiques éminentes (chefs d’état-major, ministres, cardinaux, etc.). Journée de propagande exacerbée pour le gouvernement d'extrême droite qui exploite ad nauseam la catastrophe de Smolensk pour abolir progressivement la démocratie.

L’accident s’est produit non loin de la forêt de Katyń, où, soixante-dix ans plus tôt, le NKVD a exécuté près de 22 000 officiers polonais, capturés dans la foulée de l’invasion de la Pologne par l’Armée rouge en 1939. L’accident se produit seulement trois jours après que Vladimir Poutine a invité les dirigeants de la Pologne à commémorer à ses côtés le massacre de Katyń, réalisant ainsi la promesse de Mikhail Gorbatchev de rompre avec un demi-siècle de déni de la part du régime soviétique.

Le drame de Smolensk a profondément divisé les Polonais et il a rebattu les cartes politiques, offrant une nouvelle chance aux ultra-conservateurs de PiS de fédérer les mécontentements sociaux. Cet accident, dû en réalité aux conditions météorologiques et à l’impatience du président Lech Kaczynski, fut immédiatement interprété par une partie de la population comme le résultat d’un attentat provoqué par Poutine. Jouant sur la fibre nationaliste, le parti Droit et Justice au pouvoir (PiS), dont le chef, Jaroslaw Kaczynski, est le frère jumeau du président disparu à Smolensk, a profité de la catastrophe pour s’imposer durablement au pouvoir. Aujourd’hui, dans un contexte de pandémie, le gouvernement tente un passage en force électoral au mois de mai prochain, visant à se maintenir au pouvoir.

D’ordinaire, des messes à l’intention des victimes du crash sont célébrées dans toute la Pologne ainsi qu’à l’étranger. Les sites de mémoire dédiés à tous ceux qui sont morts dans la catastrophe du 10 avril 2010 ont été décorés de fleurs et de flambeaux. Chaque année, à Cracovie, le Président participe à la prière sur la tombe Lech et Maria Kaczyński dans la crypte de la cathédrale au Wawel.  Un appel de la mémoire a eu lieu devant le Palais présidentiel – les noms de toutes les victimes de la catastrophe y ont été prononcés, une prière a été dite à leur intention. Dans la soirée les représentants des plus hautes autorités de l’État participent à une messe à l’intention des victimes de la catastrophe, concélébrée par le cardinal-métropolite de Varsovie. Une célébration a eu lieu aussi au cimetière militaire de Powązki où reposent 28 des victimes.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 9 avril 2020

 

Lech Kaczyński et Maria Kaczyńska, timbre poste-polonais émis à leur mémoire en 2017 (œuvre de Andrzej Gosik)

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