L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
29 octobre : ne pas oublier Mehdi Ben Barka et Robert Boulin
Mehdi Ben Barka, a été enlevé devant la brasserie Lipp, 151 boulevard Saint-Germain, à Paris par des policiers français et conduit dans une villa appartenant à un truand. Il n’est plus réapparu. Le corps n'a jamais été retrouvé. Celui de Robert Boulin, autre disparu du 29 octobre, a été retrouvé, son assassinat maquillé en suicide.
En ce jour anniversaire de la disparition de Mehdi Ben Barka, un rassemblement se produit devant la brasserie Lipp, 151 boulevard Saint-Germain, à Paris, lieu de son enlèvement par des policiers français. Il fut conduit dans une villa de Fontenay-le-Vicomte, dans l’Essonne appartenant à un truand. Chaque année, il est d’usage de se retrouver sur le lieu même où il a été vu pour la dernière fois. Il n’est plus réapparu. Le corps n'a jamais été retrouvé (tout comme celui de Jamal Khashoggi disparu au consulat saoudien d’Istanbul en octobre 2018).
Dans le cas de Ben Barka, c’était il y a 59 ans, jour pour jour, le 29 octobre 1965. On sait aujourd’hui que l’opération a été menée avec la complicité des services marocains venus spécialement à Paris. L’affaire n’a pas été totalement élucidée. Le sera-t-elle jamais ? Mehdi Ben Barka était le principal opposant politique au roi Hassan II dont le régime virait nettement à l’autoritarisme. Leader tiers-mondiste et panafricaniste, il pouvait gêner les intérêts français en Afrique. Sa famille ne cesse de dénoncer une absence de volonté des deux pays pour faire éclater la vérité. Le sit-in de ce jour est organisé par l’Institut Mehdi Ben Barka-Mémoire Vivante, avec le soutien de nombreuses associations marocaines et européennes des droits de l’homme. Une nouvelle instruction a été lancée, à l’initiative d’un juge français, en 2005, quarante ans après les faits. Elle est toujours en cours !
Rhita Bennani, la veuve de Mehdi Ben Barka est décédé à Paris, le 26 juin 2024, à l’âge de 92 ans. Elle et ses enfants demandent depuis des décennies ce qui est arrivé à leur mari et père, et où se trouve sa sépulture. Ils espèrent qu’Emmanuel Macron reconnaisse enfin la responsabilité de la France, comme il l’a fait récemment dans le cas de Maurice Audin. « Le secret-défense ne doit pas servir à couvrir des erreurs ou des dérapages des services dans des cas où il y a eu mort d’homme. Les familles ont le droit de savoir et il faudrait s’interroger sur ce point » explique Bachir Ben Barka qui a lancé hier un nouvel appel au président français et au roi du Maroc.
D’autres familles sont concernées : celle de Robert Boulin, assassiné en 1979, également un 29 octobre. Initialement classée comme un suicide, l'affaire a été rouverte en 2015 pour « enlèvement » et « assassinat » suite aux nombreuses incohérences relevées. Il y a cinq ans, le 29 octobre 2019, 14 journalistes ayant enquêté sur la mort de Robert Boulin ont adressé une lettre ouverte au président Emmanuel Macron, demandant la déclassification des archives des services de renseignement français et américains concernant cette affaire. Ce 29 octobre 2024, Fabienne Boulin Burgeat, la veuve de l’homme politique assassiné, se rend une nouvelle fois au Tribunal de Versailles pour demander à la juge d'instruction en charge du dossier Boulin, "ce qu'elle compte faire" à la lumière des avancées récentes.
On peut aussi citer l’affaire du juge Bernard Borrel, tué à Djibouti en 1995 ; celle des journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Vernon, tués au Mali en 2013 ; celle des victimes du Bugaled Breiz (5 morts), ce chalutier breton qui a coulé subitement en 2004 ; celle des victimes du crash du vol Ajaccio-Nice (95 morts) en 1968 ou encore de celle de l’explosion de la Maison des Têtes (13 morts) à Toulon en 1989. Le classement d’un dossier en secret-défense empêche sa consultation avant cent ans !
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 29 octobre 2024
10 décembre : la Journée mondiale des droits humains
C’est la Journée mondiale des droits de l'homme, jour anniversaire de la déclaration universelle adoptée le décembre 1948, à Paris, au Palais de Chaillot. Un 74e anniversaire un peu morose, même si les progrès sont considérables depuis cette époque.
C’est la Journée mondiale des droits de l'homme, jour anniversaire de la déclaration universelle adoptée le 10 décembre 1948, à Paris, au Palais de Chaillot. Le texte rédigé par René Cassin est le plus traduit au monde : 512 langues de l'abkhaze au zoulou, symbole de son universalité.
Les 193 États membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) ont, au fil des décennies, adopté la Déclaration universelle. Mais aucun ne l’applique totalement. La Déclaration universelle n’est pas un traité. En l’adoptant, les États proclament des droits sans avoir à se conformer à des obligations juridiques.
Le succès du modèle chinois de développement, qui se construit contre les droits humains, gagne hélas du terrain dans les esprits, notamment dans les pays émergents. Dans les pays autoritaires, comme la Russie, la Turquie, la Chine, le Venezuela, Égypte…(la liste est longue), la violation des droits humain n’est plus sanctionnée. Israël refuse ses visas au personnel de l’ONU en charge des droits de l’homme… Un bien morose 74e anniversaire, même si les progrès sont considérables depuis 1948.
Critiquée sur le thème des droits de l’homme, la Chine riposte en organisant chaque année un forum des droits de l’homme Sud-Sud qui des officiels de plusieurs dizaines de pays afin d’imposer sa propre conception des droits de l’homme basée sur le développement économique et non sur les libertés individuelles. La 10e édition a eu leu à Pékin, le 26 juillet dernier.
Le thème de la Journée des droits de l’homme de cette année 2022 : “Dignité, liberté et justice pour tous” Le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme sera célébré le 10 décembre 2023. En préparation de cet événement phare sera lancée le 10 décembre 2022 une campagne d’une durée d’un an pour mettre à l’honneur la Déclaration en mettant l’accent sur son héritage, sa pertinence et le militantisme qu’elle inspire. Le 10 décembre est l’occasion de réaffirmer l’importance des droits de l’homme dans la reconstruction du monde auquel nous aspirons, d’insister sur la nécessité d’une solidarité mondiale et de rappeler notre interconnexion et l’humanité que nous partageons en tant qu’êtres humains.
En Tunisie, Attayar, Ettakatol, Al Jomhouri, Al Qotb et le parti des Travailleurs ont lancé un appel aux Tunisiens à participer à une marche ce 10 décembre 2022. La marche a pour thème « La défense de la démocratie, le refus de la mascarade électorale et la préservation des droits et des libertés publiques et individuelles ». La marche débute à 11h devant le jardin Habib Thameur, à côté de la station de métro "Le Passage" et se dirigera vers l'avenue Habib Bourguiba. La même source a indiqué que le slogan de la marche était « Libertés ! Libertés ! C'en est fini du régime tyrannique ».
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
24 mars : 46 ans après le coup d'État militaire, l'Argentine se souvient de la dictature
L’Argentine commémore le coup d’État de 1976 et les 30 000 victimes de l’État policier. Cette Journée nationale de la mémoire et pour la vérité est fériée, mais la fête n’est pas du goût de tout le monde, car elle rappelle le premier jour de la période la plus sombre de l’histoire de l’Argentine.
L’Argentine commémore le coup d’État de 1976 et les 30 000 victimes de l’État policier. Cette Journée nationale de la mémoire et pour la vérité (Día Nacional de la Verdad y la Justicia), instituée en 2002, est fériée depuis 2006, mais la célébration du 24 de marzo n’est pas du goût de tout le monde, car elle rappelle le premier jour de la période la plus sombre de l’histoire de l’Argentine marqué par des violations quotidiennes des droits humains, des assassinats politiques, des enlèvements d’enfants… Avec celle de Pinochet, au Chili à la même époque, la dictature instaurée par Jorge Rafael Videla à la suite du coup d’État militaire du 24 mars 1976, a été l’une des plus sanglante du continent.
Dès le retour de la démocratie, la première marche avait été organisée le 24 mars 1986 pour commémorer le coup d'État organisé par les Mères de la place de Mai, mais il a fallu attendre les années 2000 pour en faire un jour férié, d’abord non chômé, puis le président Kirchner en a fait une journée non travaillé (2006). Le président Macri a tenté en 2017 d’en faire une fête mobile, mais a dû y renoncer devant le tollé provoqué par l’abandon de la date symbole du 24 mars.
Après la chute du régime militaire (le 10 décembre 1983), une loi dite “point final” (1986) pardonnait aux responsables de crimes contre l'humanité, aucune poursuite ne pouvait être entreprise.Le 14 juin 2005, grâce au président Néstor Kirchner, la Cour suprême de justice de la nation a finalement déclaré l'inconstitutionnalité de cette loi, ce qui avait permis l'organisation de nombreux procès publics contre les auteurs des crimes de la dictature. À l'heure actuelle, on continue d'enquêter sur les événements survenus entre 1976 et 1983 dans les différents centres de détention clandestins.
Des Français ont été victimes de la répression. Une cérémonie a eu lieu à l'ambassade d'Argentine en France à Buenos Aires, devant la plaque "Plus jamais" en souvenir des victimes du terrorisme d'État. On ne peut célébrer cette journée sans faire référence à la Marche des mères de la Plaza de Mayo, aux grand-mères de la Plaza de Mayo , à Héctor Germán Oesterheld, à Adolfo Pérez Esquivel… sans oublier l’écrivain Rodolfo Walsh, le fondateur du journalisme d'investigation en Argentine, assassiné par la junte militaire le 25 mars 1977, le lendemain de l’anniversaire du coup d’État.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 23 mars 2022
Mise à jour 2024 : le nouveau président argentin, d’extrême droite, Javier Milei, s’applique à nier ou relativiser les crimes de la dictature : « il n’y a pas eu 30 000 disparus » s’obstine-t-il à affirmer. Ce 24 mars 2024, au moment même où avait lieu la traditionnelle marche mémorielle, le gouvernement mettait en ligne une vidéo de 12 mn remettant, pour la première fois depuis 1983, au goût du jour, la « théorie des deux démons » (Teoría de los dos demonios) qui consiste à justifier les crimes contre l’humanité commis pendant la dictature en les présentant comme une réponse à des attentats perpétrés, à l’époque, par des groupes d’extrême gauche. Milei a assorti la vidéo d’un mot-dièse : #nofueron3000 (ils n’ont pas été 30 000). Quant à la ministre de la sécurité, Patricia Bullrich, elle s’est apitoyée sur le sort des militaires et policier « injustement emprisonnés ». Le projet économique de Javier Miliei est totalement en phase avec celui de la dictature ; ses idées sur la société argentine également. Va-t-il faire basculer le pays à nouveau dans l’horreur ?
29 janvier : Thomas Paine, révolutionnaire et homme de bon sens
Chaque année, le 29 janvier les milieux libres penseurs américains célèbrent Thomas Paine, le jour de son anniversaire. Les Français ont bien oublié ce député du pas de Calais qui militait contre la peine de mort…
Chaque année, le 29 janvier les milieux libres penseurs américains célèbrent Thomas Paine, le jour de son anniversaire. Il est né en 1837 en Angleterre, mais Benjamin Franklin le fait venir en Amérique, où il arrive en 1774. Le 10 janvier 1776, il publie Common Sense (“Sens commun”) rien à voir avec le mouvement utra conservateur français , ce pamphlet républicain qui promeut l’indépendance de l’Amérique connaît un succès immédiat. D’éditions en éditions, il dépassera les 500 000 exemplaires. Il inspirera George Washington et participera à la création des État-Unis. Aujourd’hui, l’Amérique de Trump ne cultive guère l’héritage d’un penseur qui dès 1775 demandait l’abolition de l’esclavage, prenait position contre les religions, prônait l’éducation publique et gratuite et réfléchissait à un revenu minimum universel. Le personnage n’est pas en phase avec l’Amérique de son époque ni avec celle du moment, hormis dans quelques cercles intellectuels.
L'Association historique nationale Thomas Paine, à New Rochelle, dans l'État de New York, lui rend hommage en déposant une gerbe sur son monument au Thomas Paine Memorial Museum, qui abrite certaines de ses lettres et effets personnels. Le musée est situé sur les anciennes terres agricoles où il s’était un temps retiré. Dimanche prochain des conférences seront données pour cultiver sa mémoire et essayer de promouvoir une Journée du bon sens (Common Sense Day) qui a encore peu d’échos.
Les Français seraient également bien inspirés de se souvenir de ce personnage qui fut une figure de la Révolution française. Réfugié en France car les Anglais le considéraient comme un traitre, il a été naturalisé français et fut élu député du Pas de Calais en 1792. Il habitait à Paris, au 10 rue de l’Odéon. On lui doit un traité sur les droits de l’homme et un plaidoyer en faveur de l’abolition de la peine de mort. Plutôt que d’exécuter Louis XVI, il avait proposé d’exiler le roi déchu en Amérique. Ses positions lui valurent la prison sous la terreur. S’il échappa à la guillotine, c’est grâce à l’intervention de l’ambassadeur des États-Unis à Paris. Il est ensuite un des rares députés à critiquer le caractère autoritaire du Directoire. L’arrivée de Napoléon au pouvoir le convaincra de quitter la France pour se retirer en Amérique où ses positions de libre penseur vont le marginaliser. Il est mort en 1809 à 1809, à Greenwich Village, New York. Il habitait au 59 Grove street.
Les Anglais ne l’ont pas totalement oublié, la ville de ses origines, Lewes, dans le Sussex, lui consacre une semaine de festivités chaque début juillet.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
1er décembre : la journée de Rosa Parks
Le 1er décembre de 1955, Rosa Parks ne se doutait pas qu’en refusant de laisser sa place assise dans un bus à un passager blanc, comme la loi le lui imposait, elle allait contribuer à faire évoluer la situation de ses compatriotes noirs…
Le 1er décembre de 1955, Rosa Parks ne se doutait pas qu’en refusant de laisser sa place assise dans un bus à un passager blanc, comme la loi le lui imposait, elle allait contribuer à faire évoluer la situation de ses compatriotes noirs.
Le chauffeur a appelé la police et Rosa Parks a passé la nuit en prison. Elle n’était pas le premier Afro-Américain à être arrêté pour un tel « crime », mais il se trouve qu’elle était la secrétaire du président local de la NAACP (Association nationale pour l’avancement des gens de couleur). Son arrestation provoqua aussitôt un boycott de la compagnie de bus par la communauté noire de Montgomery, en Alabama. Les Noirs ont tenu plus d’une année, jusqu’à ce que la Cour suprême déclare inconstitutionnelle cette règle ségrégationniste. Ce boycott, très bien suivi, a mis la compagnie de bus en difficulté et démontré l’efficacité des actions de désobéissance civique. Mais, les Noirs attendront encore plus de 10 ans avant d’être reconnus pleinement comme citoyens dans leur propre pays.
Cette journée de Rosa Parks (Rosa Parks Day) est récente et n’est pas nationale. Elle a été célébrée pour la première fois par l’Ohio en 2000, suivi par l’Oregon en 2014. La Californie et le Missouri, quant à eux, préfèrent fêter l’anniversaire de Rosa Parks chaque 4 février. L’Alabama où se sont déroulés les faits, a fini par s’y obliger le 1er décembre 2018 seulement. La ville de Montgomery a consacré un musée à sa célébrité locale, où le fameux bus est conservé.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde