L’Almanach international
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1er décembre : le 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, la fin d’un déni français
Au Sénégal et dans plusieurs pays d’Afrique, on célèbre le 80e anniversaire du terrible massacre de Thiaroye opéré par l’armée française en 1944. Après 80 ans de déni, la France commémore enfin cette journée honteuse du 1er décembre.
Au Sénégal et dans plusieurs pays d’Afrique, on célèbre le 80e anniversaire du terrible massacre de Thiaroye opéré par l’armée française en 1944. Après plusieurs décennies de déni, la France et notamment plusieurs localités comme Morlaix, où ils avaient été cantonnés, commémorent cette journée honteuse du 1er décembre.
Fin novembre 1944, plus de 1 600 soldats africains (officiellement 1 280) issus de différents territoires de l'Afrique-Occidentale française sont regroupés dans le camp de Thiaroye, à une quinzaine de kilomètres du centre de Dakar. On les appelle les « tirailleurs sénégalais » mais ils sont aussi originaires Dahomey (actuel Bénin), du Soudan français (actuel Mali), de la Haute-Volta (actuel Burkina-Faso), de la Côte d'Ivoire, de l'Oubangui-Chari (actuels Tchad et Centrafrique), du Niger, du Gabon et du Togo. Ils ont aidé la France à vaincre l’occupant allemand, leur mission étant terminée, ils ont été rapatriés pour être démobilisés.
Ils n’ont été payés que très partiellement et la plupart refusent de quitter le camp tant que leur solde n’aura pas été versée intégralement, en outre ils réclament que leur pécule en francs français soit changé en franc de l’AOF au cours officiel de 500 pour 1000 FF au lieu de 250 comme on le leur propose. En réponse à ce mouvement de protestation, le camp est investi par les troupes du général Dagnan au matin du 1er décembre et les Français tirent sur les soldats africains rassemblés. L’armée française a d’abord reconnu 35 morts, puis 70… sans compter les très nombreux blessés. Les historiens parlent de plusieurs centaines de morts, probablement entre 300 et 400. 80 ans après, la majeure partie des archives françaises concernant ce crime de guerre ne sont toujours pas publiques.
Le président Hollande en 2014 est le premier à reconnaître une “répression sanglante”, mais en s’en tenant au bilan officiel de 1945 : 35 morts, sans les nommer ni révéler le lieu de leur sépulture ni reconnaître la spoliation du rappel de solde et la responsabilité de l’armée. Les 202 tombes du cimetière de Thiaroye où s'est déroulée une partie de la cérémonie sont anonymes et on ignore si elles recouvrent des victimes du massacre. Le 28 novembre 2024, le président Emmanuel Macron reconnaît officiellement le ‘massacre’ de Thiaroye dans une lettre adressée à son homologue sénégalais Bassirou Diomaye Faye, anticipant de trois jours ce 80e anniversaire. À l’assemblée nationale française, on annonce une commission d’enquête… En parallèle, côté sénégalais, un groupe d’historiens, de documentalistes et d’archivistes a été missionné pour tenter de faire la lumière sur les nombreuses zones d’ombre autour de ce massacre qui a profondément marqué les populations d’Afrique de l’Ouest. Son évocation auprès des plus jeunes est une illustration de l’époque terrible de la colonisation française et participe au discrédit de la France dans la région. Est-ce une coïncidence si deux jours avant ce 80e anniversaire le gouvernement sénégalais annonçait que l’armée française était invitée à quitter le Sénégal. Le Tchad venait de faire de même. Les nouvelles autorités du Sénégal veulent en faire un marqueur d'une mémoire africaine commune mais aussi de la relation avec la France, l'ancienne puissance coloniale. Le président sénégalais a annoncé dimanche que l'histoire du massacre serait désormais enseignée dans les écoles, malgré les zones d'ombre que la France doit participer à dissiper au nom d'une relation "réinventée".
Au Sénégal, le massacre est aussi commémoré chaque 23 août , mais une autre Journée du tirailleur est désormais instituée le 1er décembre. Ce 1er décembre 2024, une cérémonie officielle se déroule au cimetière en présence de six chefs d’État (Sénégal, Mauritanie, Guinée-Bissau, Gambie, Gabon, Comores) ainsi que le Président de l’Union africaine. Les putschistes au pouvoir en Guinée, au Mali et au Burkina Faso, trois pays dont beaucoup de « tirailleurs » étaient pourtant originaire, ne sont pas venus. Côté français, Emmanuel Macron s’est fait représenter par son ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot.
À lire :
Le massacre de Thiaroye - 1er décembre 1944. Histoire d’un mensonge d'État, Armelle Mabon, Le Passager clandestin, novembre 2024.
Thiaroye 1944. Histoire et mémoire d’un massacre colonial, Martin Mourre, PUR, mars 2017.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 1er décembre 2024
Mise à jour fin 2024 : le 1er décembre, lors des célébrations du 80e anniversaire, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, déclarait « Si la France reconnaît ce massacre, elle le fait aussi pour elle-même car elle n’accepte pas qu’une telle injustice entache son histoire », estimant que l’épisode est une « plaie béante dans notre histoire commune ».
Cela dit, la figure des tirailleurs est aussi l’objet de polémiques. « Les tirailleurs sont des traîtres. Ils se sont battus contre leurs frères », a déclaré le 31 décembre 2024, le ministre Cheikh Oumar Diagne, sur une chaîne de télévision, ce qui lui a tout de même valu un limogeage.
Fresque murale à Dakar commémorant le massacre de Thiaroye en 1944. (photo Erica Kowal)
1er décembre : la fête nationale roumaine, une célébration de la Grande Roumanie
Le 1er décembre est aussi connu en Roumanie comme le Jour de l’Union. Cette date rappelle que le 1er décembre 1918 les représentants des Roumains et des Saxons de Transylvanie adoptent la proclamation d'Alba Iulia d'union avec le Royaume de Roumanie. C’est une exaltation de la Grande Roumanie.
Avec la chute du régime communiste de Ceauçescu, en 1989, il n’était plus possible de célébrer le 23 août comme l’avait fait le pouvoir communiste pendant un demi-siècle. Il n’était pas question non plus de revenir à la fête antérieure, celle du 10 mai qui rappelait une monarchie qui s’est avérée trop complaisante à l’égard du fascisme. Certains avaient proposé le 22 décembre, date du renversement du dictateur communiste, mais l’exécution sommaire du couple Ceauçescu, trois jours plus tard, avait rendu la date peu glorieuse et l’option ne fut pas retenue.
On le sait, le choix s’est donc porté sur le 1er décembre, connu comme le Jour de l’Union (Ziua Unirii). Cette date rappelle que le 1er décembre 1918 les représentants des Roumains et des Saxons de Transylvanie adoptent la proclamation d'Alba Iulia d'union avec le Royaume de Roumanie. On parle alors de la Grande Union (Marea Unire) venue compléter celle du 24 janvier 1859, dite Petite Union quand la réunion des principautés médiévales de Valachie et Moldavie avait permis de créer la Roumanie. En 1990, la Grande Journée de l'Union a été déclarée Fête nationale avec le statut de jour férié et chômé. Sans que ce soit dit à l’époque, le changement de date avait aussi pour objet de couper l’herbe sous le pied de la minorité hongroise en Roumanie et de Budapest où l’on recommençait à évoquer une remise en question du rattachement de la Transylvanie à la Roumanie dans sa totalité. À l’inverse, cette date du 1er décembre qui se réfère à une Roumanie plus grande qu’elle ne l’est aujourd’hui, a aussi pour but d’évoquer le sort du nord de la Moldavie, la Bessarabie détachée du reste du pays par Moscou en 1940, et qui n’a pas été restitué à la Roumanie.
Bucarest s’est donc préparée pour le traditionnel défilé de l'armée sous l'Arc de Triomphe, qui réunit cette année la plus ample participation des militaires des pays alliés. « Après deux ans de pandémie, cette fois-ci il n'y a pas de restrictions pour le public. Qui plus est, le défilé présente, en première, les nouvelles acquisitions en matière de technique militaire moderne dont l'Armée Roumaine vient d'être dotée. Somme toute, des militaires roumains, 150 militaires étrangers - belges, français, macédoniens, moldaves, portugais, américains et néerlandais et autres soldats représentants les pays alliés, présents dans les structures de l'OTAN établies sur le territoire de la Roumanie, auxquels s'ajouteront 25 moyens techniques, y compris des aéronefs de combat venus du Canada, d'Italie, d'Espagne et des États-Unis » (Radio Romania)
D’autres célébrations importantes ont également lieu à Alba Iulia, la ville où a été forgée la Grande Union : cérémonies militaires et des dépôts de couronnes auront lieu aux statues des personnalités ayant marqué la Grande Union. Ici, la célébration a commencé dès le 30 novembre, jour de la Saint-André, jour férié où l’on fête le patron de la Roumanie avec un festival consacré aux traditions roumaines.
Alba Iulia célèbre également le centenaire du couronnement du roi Ferdinand Ier, en 1922, à l'endroit même où en l'an 1600, le prince valaque Michel le Brave réalisait la toute première et très éphémère, union des trois principautés roumaines.
La guerre en Ukraine oblige, le défilé militaire d’Alba Iulia réunit cette année quelque 850 soldats et de la technique militaire terrestre, ainsi que des hélicoptères et des avions F-16. C'est ici que défilent des militaires français faisant partie du Groupement tactique de l'OTAN déployé à Cincu, au département de Brasov (centre).
Dans les rues de la capitale comme dans celle des autres villes, le public peut profiter des feux d’artifice et des illuminations, des concerts et de plats traditionnels, tels que les saucisses aux haricots, servis chaud sur les trottoirs pour se réchauffer en ce premier jour de décembre. Pour les frileux un programme spécial est prévu à la télé.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 30 novembre 2022
Mise à jour 2024 : cette année, les élections législatives ont lieu le jour de la fête nationale. L’engagement de la Roumanie dans l’OTAN fait partie des enjeux de ce scrutin, alors que le premier tour de la présidentielle, dimanche dernier, a mis en tête un candidat prorusse hostile à l’alliance avec l’Occident.
1er décembre : le Portugal fête son indépendance
Le Portugal fête la restauration de son indépendance après quatre décennies d’occupation espagnole au XVIIe siècle et célèbre son drapeau.
Le Portugal a bien failli disparaître comme État indépendant de la péninsule ibérique quand, à la mort du jeune roi Sébastien sans héritier, en 1581, il est tombé sous la coupe des Habsbourg d’Espagne. C’est ce qui est arrivé un jour à la Catalogne... Le Portugal n’était plus qu’une simple province du royaume d’Espagne et le serait resté sans le soulèvement de la petite noblesse, le 1er décembre 1640, contre les Espagnols qui occupent leur pays depuis quatre décennies. Miguel de Vasconcelos, le représentant de l'Espagne à Lisbonne est tué. En portant sur le trône l'un des siens, le duc Jean de Bragance, cette révolte a rendu son indépendance au Portugal. Cette Restauration de l’indépendance valait bien un jour férié : le Dia da Restauração da Independência.
Le 1er décembre est un jour férié depuis la seconde moitié du XIXe siècle. C’est même le plus ancien jour férié en vigueur. En 2012, dans le cadre d'un ensemble de mesures visant à augmenter la productivité, un gouvernement de droite avait décidé de supprimer le jour férié du 1er décembre. Ce qui suscita maintes protestations et pétition, si bien que cette fête patriotique a été rétablie comme jour férié en 2016 à la faveur du retour de la gauche au pouvoir.
Il est de coutume de célébrer cette fête sur la Praça dos Restauradores, à Lisbonne, où est également célébrée la Journée du drapeau. Celui-ci ayant été présenté pour la première fois le 1er décembre 1910, à l’occasion du 270e anniversaire du rétablissement de l’indépendance.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 30 novembre 2021
1er décembre : le Costa Rica, un pays sans armée depuis 72 ans
Beaucoup de pays célèbrent leur armée, le Costa Rica fête chaque année son abolition. Elle a été dissoute il y a 72 ans, jour pour jour, le 1er décembre 1948, et le budget largement orienté vers le système éducatif et la santé…
Beaucoup de pays célèbrent leur armée, le Costa Rica fête chaque année son abolition (Día del abolición del ejército). Ce jour est même férié pour la première fois en 2020, il remplacera le 12 octobre (El Día de las Culturas, jour férié hérité des Espagnols). Certes, un congé payé non obligatoire mais tout de même cela marque la fierté des Costaricains pour cette particularité de leur pays.
L’armée a été dissoute il y a 72 ans, jour pour jour, le 1er décembre 1948, et le budget largement orienté vers le système éducatif et la santé, deux secteurs particulièrement performants aujourd’hui. Le siège de la police militaire est devenu un lycée, le Musée national est installé dans une ancienne caserne… Premier pays du monde a avoir sauté le pas, ce petit pays d’Amérique centrale promeut chaque année une Journée internationale pour l’abolition de l'armée qui n'a pas eu jusqu'à présent beaucoup d'échos. Seul son voisin du sud à répondu. Le Panama a supprimé la sienne en 1991, deux ans après une invasion militaire américaine. Armée ou pas, ces petits États de font pas le poids quand une grande puissance intervient, alors à quoi bon ?
Le Costa Rica a fait très peu d’émules sur le thème de l’abandon de l’armée (hormis le Panama, Andorre, le Liechtenstein, les Samoa…). Certains en Suisse y avaient songé, mais lors du référendum de 1989 seul Jura et Genève ont voté oui. Les autres avaient voté non comme 64% des Suisses. Le sujet vient régulièrement sur la table dans d’autres pays, y compris la France, mais sans beaucoup d’écho…
Aujourd’hui, le Costa Rica veut montrer la voie dans un autre domaine. Il produit déjà près de 98% de son électricité avec des énergies renouvelables. Son président, Carlos Alvarado, veut présenter son pays comme le laboratoire de la décarbonisation de l’économie. Il espère faire très prochainement du Costa Rica la première économie entièrement décarbonisée.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 30 novembre 2020
Par un acte symbolique, le 1 décembre 1948, le président José Figueres Ferrer démolit à coups de masse la caserne Bellavista
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1er décembre : la journée de Rosa Parks
Le 1er décembre de 1955, Rosa Parks ne se doutait pas qu’en refusant de laisser sa place assise dans un bus à un passager blanc, comme la loi le lui imposait, elle allait contribuer à faire évoluer la situation de ses compatriotes noirs…
Le 1er décembre de 1955, Rosa Parks ne se doutait pas qu’en refusant de laisser sa place assise dans un bus à un passager blanc, comme la loi le lui imposait, elle allait contribuer à faire évoluer la situation de ses compatriotes noirs.
Le chauffeur a appelé la police et Rosa Parks a passé la nuit en prison. Elle n’était pas le premier Afro-Américain à être arrêté pour un tel « crime », mais il se trouve qu’elle était la secrétaire du président local de la NAACP (Association nationale pour l’avancement des gens de couleur). Son arrestation provoqua aussitôt un boycott de la compagnie de bus par la communauté noire de Montgomery, en Alabama. Les Noirs ont tenu plus d’une année, jusqu’à ce que la Cour suprême déclare inconstitutionnelle cette règle ségrégationniste. Ce boycott, très bien suivi, a mis la compagnie de bus en difficulté et démontré l’efficacité des actions de désobéissance civique. Mais, les Noirs attendront encore plus de 10 ans avant d’être reconnus pleinement comme citoyens dans leur propre pays.
Cette Journée de Rosa Parks (Rosa Parks Day) est récente et n’est pas nationale. Elle a été célébrée pour la première fois par l’Ohio en 2000, suivi par l’Oregon en 2014. La Californie et le Missouri, quant à eux, préfèrent fêter l’anniversaire de Rosa Parks chaque 4 février. L’Alabama où se sont déroulés les faits, a fini par s’y obliger le 1er décembre 2018 seulement. La ville de Montgomery a consacré un musée à sa célébrité locale, où le fameux bus est conservé.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 30 novembre 2019