L’Almanach international

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2014, Ukraine, Russie, Crimée, 18 mars Bruno Teissier 2014, Ukraine, Russie, Crimée, 18 mars Bruno Teissier

18 mars : les Russes de Crimée font la fête pendant que l’armée russe ravage l’Ukraine

Journée festive en Crimée : musique, rallye automobile, feu d’artifice… « L’opération militaire spéciale » qui se déroule à quelques dizaines de kilomètres de là, ne doit pas contrarier la célébration du rattachement de la Crimée à la Russie en 2014.

 

Alors que dans les villes voisines, l’on assassine froidement des civils par milliers, les Russes de Crimée font la fête toute cette journée du 18 mars. Ils célèbrent le Jour de la réunification de la Crimée avec la Russie (День воссоединения Крыма с Россией). Le jour est férié et chômé en Crimée et à Sébastopol, ville au statut spécial qui célèbre le Jour du retour de la ville de Sébastopol à la Russie (День возвращения города Севастополя в состав России).

La journée commémore le 18 mars 2014, date de la signature par Poutine du décret sur l’intégration de la Crimée à l’Ukraine. Quelques jours plus tôt, les points stratégiques de la péninsule avaient été investis par des soldats  sans insignes (les “petits hommes verts”, célébrés chaque 27 février). Cette technique bien rodée est appelée la maskirovka. Ces soldats russes camouflés avaient organisé un référendum illégal auquel les non Russes n’ont pas participé et sur la base de son résultat, massivement positif, le Vladimir Poutine entérinait l’annexion du territoire à la Russie a mépris du droit international. Tout s’est joué en trois semaines.

C’est cet événement que les Russes de Crimée fêtent avec enthousiasme chaque 18 mars, depuis 2015. Chaque année, on organise un rallye automobile, très populaire, qui quitte Simferopol, la capitale à 11 heures et arrive à Sébastopol vers 13h30 où il accueillit en grande pompe place Nakhimov. Il est suivi par des motards. La journée a commencé par la plantation d’arbre au mont Sapin. La soirée se terminera en musique, avec un feu d’artifice.

Ce "Printemps de Crimée" ("Крымская весна"), c’est ainsi qu’on nomme la journée, est célébré dans toute la Russie. À Smolensk, c’est un concours de dessin sur le thème « Crimée - une goutte de Russie », qui est organisé. Dans la région de Moscou, une flashmob de danse réunit chaque 18 mars, selon les autorités locales, jusqu’à 10 000 personnes qui danseront sur les airs de Valse de Sébastopol, une populaire chanson soviétique écrite en 1955 sur cette ville criméenne, port d’attache de la flotte de la mer Noire. La ville de Mourmansk propose un festival sur le thème de la Crimée les 18 et 19 mars. À Rostov-sur-le-Don, on organise un spectacle lumineux avec la lettre Z projetée sur les murs de la ville. Ce soir, les participants sont invités à s'aligner en forme de lettre Z et à allumer des lanternes… Même tue, la guerre est dans tous les esprits.

En dépit du contrôle total de l’information, l’écho des crimes de guerre parvient tout de même jusqu’en Crimée située très proche du théâtre des massacres. Des voies commencent à se faire entendre comme celle de la très nationaliste Natalia Poklonskaïa, une des figures du processus d’annexion de la Crimée.  : «Arrêtez-vous dans cette folie.» Vient-elle de lancer sans toutefois mentionner Vladimir Poutine.

La thématique de l’édition 2022 de la fête de la Crimée est : « Tout dépend de nous ». Prenons-les au mot !

Mise à jour du 19 mars 2022 : ce 18 mars, Vladimir Poutine a réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes au stade Loujniki, de Moscou, pour un véritable numéro de télévangeliste visant à légitimer l’agression de l’Ukraine du 24 février.

Mise à jour du 19 mars 2023 : Cette année, pas de grande fête à Moscou, mais les Criméens ont été gratifiés d’une visite surprise de Vladimir Poutine venus encourager ses partisans. L’heure n’est plus au triomphalisme. Le dictateur russe est juste venu inaugurer une école des arts pour enfants en compagnie du gouverneur local, Mikhaïl Razvojaïev. En Crimée, cette année, pas de grande manifestations publiques seuls quelques événements ciblés : flash mobs, conférences, concerts, rassemblements de voitures, etc sont organisés avec le soutien des représentants du parti au pouvoir et des organisations publiques. Les autorités annoncent des festivités plus importantes en 2024, pour célébrer le 10e anniversaire de l’annexion… Si toutefois, la Crimée n’est pas retournée sous souveraineté ukrainienne.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

image de 2021

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2014, Russie, armée, 27 février Bruno Teissier 2014, Russie, armée, 27 février Bruno Teissier

27 février : la Journée des forces d’opérations spéciales russes

Vladimir Poutine n'a pas expliqué son choix du 27 février comme date de la Journée des forces d'opérations spéciales mais elle coïncide avec le début du processus d’annexion de la péninsule de Crimée par la Russie, le 27 février 2014, précisément…

 

C’est une journée professionnelle créée par Poutine en 2015 pour rendre hommage aux forces spéciales créées discrètement en 2009 et officialisées par le décret n°103 du 26 février 2015. Ces troupes sont organisées, entraînées et équipées pour utiliser des méthodes de combat qui ne sont pas celles des forces conventionnelles : reconnaissance et sabotage, opérations de subversion, contre-terrorisme, contre-sabotage, contre-espionnage, actions partisanes ou anti-partisanes, cyber attaques… En ce moment même, les forces spéciales russes, pour certaines camouflées derrières des uniformes de l’armée ukrainienne, procèdent au sabotage de tous les points stratégique de la ville de Kiev afin de préparer l’entrée de l’armée régulière russe. Certaines unité ont probablement pour mission d’assassiner le président Zelensky…

Vladimir Poutine n'a pas expliqué son choix du 27 février comme date de la Journée des forces d'opérations spéciales (день сил специальных операций), mais cette date coïncide avec le début du processus d’annexion de la péninsule de Crimée par la Russie. Le 27 février 2014, précisément, des hommes armés en tenue de camouflage banalisée ont pris le contrôle du bâtiment du Conseil suprême et du gouvernement de la République autonome de Crimée, qui à l'époque faisait partie de l'Ukraine, et les jours suivants au-dessus de l'aéroport de Simferopol et autres installations stratégiques de la péninsule. Ils ont opéré en se comportant « très poliment » vis-à-vis de la population locale. Personne n’était dupe de leur provenance mais comme il convenait de ne pas en parler, on s’est contenté de les qualifier de « gens polis ». Si bien que le 27 février est aussi, autant par dérision que par autocensure (typique des régimes totalitaires), qualifiée de « Journée des gens polis » (« День вежливых людей »). Pas sûr que ceux qui ont pour mission de saboter les défenses de l’Ukraine aient le même sens de la politesse. Cette technique d’infiltration parfaitement rodée est appelée la maskirovka.

Ce sont les mêmes “hommes vert” (en tenu militaire mais sans aucun insigne distinctif) qui ont organisé quelques semaines plus tard, le référendum d’indépendance de la Crimée que les opposants à l’emprise russe sur le territoire, ont boycotté (d’où le score soviétique du résultat).

Les opérations spéciales ne sont pas que militaires, ces “gens polis” font aussi de l’entrisme dans les partis politiques occidentaux, surtout de droite ou d’extrême droite mais pas uniquement, ainsi que dans les milieux du journalisme notamment parmi les soit-disant experts en géopolitique qui nous servent le discours du Kremlin. La guerre de Poutine, comme aux plus beaux jours de l’URSS dont il se réclame, est aussi, et avant tout, une guerre des idées : il s’agit de saper tout esprit libéral et démocratique. À ses yeux, depuis 2014, l’Ukraine glissait franchement sur la mauvaise (celle de la démocratie) d’où son agression militaire. L’agitprop russe n’ayant pas suffi à anéantir la nation ukrainienne.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

La Journée des "gens polis" célébrée à Simferopol (Crimée) devant le monument qui leur est consacré

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26 février : Jour de la résistance des Tatars de Crimée à l'occupation russe

Instaurée en 2020 par le président ukrainien Zelenskiy, cette journée commémore le rassemblement des Tatars de Crimée à Simferopol, devant le parlement de la République autonome de Crimée, le 26 février 2014.

 

Cette journée de commémoration a été instaurée en 2020 par le président ukrainien Zelenskiy, sous le nom de Jour de la résistance à l'occupation de la Crimée et de la ville de Sébastopol (День опору окупації Криму та міста Севастополя) mais on parle aussi du Jour de la résistance des Tatars de Crimée à l'occupation russe.

La date du 26 février fait référence au rassemblement des Tatars de Crimée à Simferopol, devant le parlement (Verkhovna Rada) de la République autonome de Crimée, le 26 février 2014. Ce rassemblement pro-ukrainien d’environ 10 000 personnes avait été organisé par le Majlis du peuple tatar de Crimée, le mouvement Euromaidan Crimea (pro-européen) et d'autres organisations pro-ukrainiennes. Au même moment une manifestation pro-russe était organisée à l’appel du parti L’Unité russe (extrême droite nationaliste). En raison de mesures de sécurité insatisfaisantes de la part des forces de l'ordre, des affrontements ont éclaté entre manifestants pro-ukrainiens et pro-russes, causant la mort de deux personnes. Le rassemblement pro-russe a été repoussé dans la cour de la Verkhovna Rada de Crimée, et la session parlementaire a été annulée.

Cette journée est considérée comme l'apogée de la résistance à l'occupation de la Crimée, car dès le lendemain Poutine intervenait en Crimée (voir 27 février) et les manifestations devenaient beaucoup plus risquées. La Crimée vivant aujourd’hui sous dictature russe, toute expression politique y est interdite, comme dans l’ensemble de la Russie). Les Tatars voulaient montrer que avant d’être occupée par les Russes, administrée par les Ukrainiens, puis à nouveau par les Russes, la Crimée était une terre tarare.

Un khanat de Crimée avait été fondé par les Tatars en 1441. Il contrôlait tout le littoral l’actuelle Ukraine. Le peuple tatar, apparenté aux Turcs, a eu un temps une puissance considérable dans la région, au point de prendre Moscou en 1571. Ils n’ont jamais réussi à envahir toute la Russie, mais les Russes devront verser un tribut annuel aux Tatars jusqu’en 1680. Ainsi s’installe une rivalité qui va tourner en suite en faveur des Russes, lesquels prendront la Crimée aux Ottomans en 1783. 

Petit à petit, notamment à la faveur de la guerre de Crimée au milieu du XIXe siècle, les Russes s’installent et les Tatars sont, en proportion, de moins en moins nombreux dans la péninsule. En 1927, les Tatars sont victimes d’une purge de Staline et, le 18 mai 1944, accusés d’avoir collaboré avec les nazis, ils sont déportés en totalité en Ouzbékistan et en Sibérie. Près de la moitié d’entre eux seraient morts de faim ou de maladie au cours de l’opération. Ils seront finalement innocentés en 1967 par le pouvoir soviétique, mais sans pour autant être autorisés à revenir en Crimée. Ce n’est qu’à partir de 1989 qu’ils pourront le faire mais sans retrouver leurs maisons ni leurs terres. Depuis ils vivent dans une grande marginalité. En 2014, ils ne sont plus que 250 000, soit 12% de la population de Crimée contre 58 % de Russes et 24% d’Ukrainiens. 

Localement, les Tatars forment une minorité qui a pris fait et cause pour Kiev. Leur leader historique est Moustafa Djemiliev. Banni de Crimée en 2014, il est aujourd’hui député ukrainien. C’est l’une des principales personnalités à l’exprimer le 26 février, également qualifié de Jour de la résistance des Tatars de Crimée à l'occupation russe (День опору кримських татар російській окупації).

 

Le 26 février 2014, à Simferopol, devant le parlement. Le drapeau bleu clair est celui des Tatars de Crimée, le jaune et bleu, celui de l’Ukraine

Moustafa Djemiliev, né en Crimée en 1943, déporté avec sa famille en 1944

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20 février : l’Ukraine, harcelée par Moscou, commémore les victimes de l’Euromaïdan

Cette journée de commémoration rappelle la centaine de victimes civiles abattues par la police ukrainienne aux ordres d’un président pro-russes voulant faire cesser l’occupation de la place du Maïdan à Kiev par des manifestants pro-européens.

 

Cette journée de commémoration rappelle la centaine de victimes civiles abattues par la police ukrainienne aux ordres d’un gouvernement et d’un président prorusses, Viktor Ianoukovitch. Les manifestants occupaient depuis des semaines la place de l’indépendance à Kyiv, un lieu aussi appelé Maïdan. Le Berkut (force de police spéciale) a tiré à balle réelle sur les manifestants pro-européens, faisant 82 morts pour cette seule journée.

La révolution de l’Euromaïdan (Євромайда́н) avait commencé fin novembre 2013 par une série de manifestations, déclenchée par le refus du gouvernement prorusse et du président Viktor Ianoukovitch de signer l'accord d'association Ukraine-Union européenne. Les protestations ont atteint leur apogée du 18 au 23 février 2014.  La journée du 20 février fut la plus meurtrière, c’est la date que l’on commémore. Une partie de la classe politique s’est retournée contre le président. Lequel a été destitué le 22 février par la Rada (l’assemblée) et a fui en Russie.

Cette Révolution de la Dignité (Революція гідності), appelée aussi Euromaïdan, a été un tournant dans l’histoire de l’Ukraine. La très grande majorité de la population (sauf dans l’Est) va basculer vers des positions pro-occidentales et franchement antirusses. La réaction de Poutine sera immédiate. Voyant l’Ukraine lui échapper et se démocratiser, il provoque le rattachement de la Crimée à la Russie et enclenche le soulèvement du Donbass. C’est le début d’une période de tensions qui n’ont jamais cessé depuis. Au point aujourd’hui, de menacer le pays d’une invasion totale pour faire disparaitre un régime où le président est élu par la population et non par un petit clan comme en Russie. La motivation du président russe n’est pas territoriale, sa préoccupation est de faire cesser un régime où les manifestations populaires sont tolérées, où la critique du pouvoir est possible, où le président est élu contre de vrais concurrents… Tout ce que Poutine craint de voir se produire dans le pays qu’il dirige si par malheur, pour lui, le “mauvais exemple” ukrainien servait un jour de modèle en Russie. Pour le régime de Poutine, c’est une question de vie ou de mort, d’où la menace constante qu’il fait peser sur l’Ukraine.

Le jour du Souvenir des Cent Célestes (День пам'яті Небесної сотні), commémore les 107 victimes des journées de février 2014, les personnes qui ont donné leur vie pendant l'Euromaïdan, luttant pour la démocratie. Il est marqué par des cérémonies solennelles de dépôt de gerbes dans les monuments et les mémoriaux. La liste des 107 victimes

Mise à jour 2023 : La guerre a été déclenchée par Moscou quatre jours après la célébration de 2022, avec les conséquences que l’on connaît… Le 20 février 2023, Kyiv a reçu la visite du président Biden. Une première historique puisque c’est la première fois qu’un président des États-Unis se rend dans un pays en guerre où il n’y a pas de troupes américaines. La visite avait été préparée dans le plus grand secret pour des raisons de sécurité, la date du 20 février a été choisie pour le symbole qu’elle représente, il s’agissait de montrer à Moscou que Washington ne lâcherait pas Kyiv. Zelensky et Biden sont allés se recueillir devant le « mur du souvenir », près du monastère Saint-Michel-au-Dôme-d’Or, observant une minute de silence en hommage à ceux qui sont morts pour l’Ukraine.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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2014, Pakistan, enfants, massacre Bruno Teissier 2014, Pakistan, enfants, massacre Bruno Teissier

16 décembre : le Pakistan commémore un effroyable massacre d'enfants opéré par les talibans

La Journée à la mémoire des martyrs commémore le massacre du 16 décembre 2014 à Peshawar

 

Triste anniversaire que celui d’un massacre d’écolier, célébré chaque 16 décembre au Pakistan comme la Journée à la mémoire des martyrs. C’était, le 16 décembre  2014, six assaillants vêtus d’uniformes militaires ont pris d’assaut une école de Peshawar où 500 élèves étaient présents. Le bilan fut effroyable, au moins 141 personnes ont été tuées, dont une majorité d’enfants, et une centaine de blessées. L'assaut aura duré près de sept heures. Les assaillants sont passés de classe en classe pour abattre les enfants ou adolescents, et au moins un a fait exploser la bombe qu'il portait sur lui. Les élèves avaient entre 10 et 20 ans.

L'attaque a été revendiquée par les talibans du Tehreeh-e-Pakistan (TTP) en représailles à une offensive de l'armée pakistanaise dans le nord-ouest de l’Afghanistan. La ville de Peshawar est régulièrement martyrisée par les attaques de terroristes, qui y accèdent via les zones tribales pakistanaises (régions peuplées de Pachtounes, la même ethnie sur laquelle s’appuie le régime taliban de Kaboul). L'école est située dans les faubourgs de Peshawar, à la lisière des zones tribales que revendique l’Afghanistan.

En signe de deuil, tous les établissements scolaires du Pakistan sont fermés chaque 16 décembre pour ce Solidarity Day with the martyrs of the APS.

Aujourd’hui, le Tehreeh-e-Pakistan (TTP), avatar pakistanais des talibans, est de retour sur ses terres origines, le Waziristan, après avoir contribué à la prise du pouvoir des talibans à Kaboul. L’objectif est la destruction du Pakistan lui-même. Toute l’ambiguïté du régime d’Islamabad à l’égard des talibans depuis une vingtaine d’années s’avère aujourd’hui totalement mortifère. Le massacre du 16 décembre que l’on commémore aujourd’hui en est un des symboles. Malgré tout la prise de conscience est tardive et loin d’éteindre unanime.

#APSPeshawar #PeshawarAttack

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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2014, 2015, Burkina Faso, martyrs, 31 octobre Bruno Teissier 2014, 2015, Burkina Faso, martyrs, 31 octobre Bruno Teissier

31 octobre : la Journée des martyrs au Burkina Faso

Hommage aux centaines de victimes des l'insurrections populaires qui ont provoqué la chute de Blaise Compaoré en 2014 et fait échec au coup d’État de 2015. Cette journée, toutefois, ne concerne pas les 3700 morts des violences djihadistes ou intercommunautaires de ces dernières années.

 

Cette journée fériée et chômée a été instaurée en 2015, en hommage aux victimes de l'insurrection populaire, suite au coup d’État (manqué) du 16 septembre de la même année, mais la date qui a été choisie est celle de la chute de Blaise Compaoré, le 31 octobre 2014. Celui-ci a laissé le pouvoir après une présidence longue de 27 ans, appuyée sur un régime autoritaire, instauré après l’assassinat de Thomas Sankara. La démission de Compaoré avait été obtenue par deux jours de soulèvement populaire, les 30 et 31 octobre.

En 2014, Blaise Compaoré envisageait de modifier l’article 37 de la Constitution, lui interdisant de se représenter pour un cinquième mandat, les partis politiques d’opposition et les organisations de la société civile coordonnèrent des manifestations pour tenter de contrer ce projet qui devait être voté par des députés aux ordres, le 30 octobre. Les manifestations atteignirent leur apogée le 30 octobre 2014, causant une trentaine de morts et plus de six cents blessés. 

À la mi-novembre 2014, un gouvernement de transition fut donc instauré, avec à sa tête le diplomate Michel Kafando comme président de la transition. Mais, le 16 septembre 2015, le général Gilbert Diendéré, ancien chef d’état-major particulier de Compaoré durant vingt-sept ans, tente de prendre le pouvoir avec quelques fidèles. Les affrontements entre les putschistes et les manifestants, sortis massivement dans les rues pour demander la libération et la réinstallation du gouvernement de transition, causèrent quatorze morts et plus de deux cent cinquante blessés.

Ce sont toutes ces victimes des deux soulèvements qui sont honorées lors de la Journée des martyrs. Le cérémonial débute avec le retentissement de la sirène à 10 heures, symbolisant l'heure à laquelle est tombée la première victime lors de l'insurrection populaire de 2014, l'observation d'une minute de silence et le dépôt de gerbe de fleurs par le Président du Faso ce 31 octobre 2021 au Monuments des héros nationaux à Ouaga 2000, en mémoire de ces martyrs.

À 11h une messe est dite en l’église la Rotonde, pour les catholiques. À 9 h a eu lieu un office en l’église baptiste du Bon-Berger, à l’est de l’Université Joseph Ki-Zerbo, pour la communauté évangélique.  Quant aux musulmans, leur cérémonie religieuse de commémoration a eu lieu vendredi 29 octobre à 12 h à la Mosquée du Cheik Doukouré à Hamdalaye. Ce 31 octobre tombant un dimanche, suivi du jour de la Toussaint, c’est le mardi 2 novembre qui sera accordé un jour chômé aux travailleurs. Ce qui fait, cette année, un long week-end.

La stèle, conçue par l’architecte Sibiri Simon Kafando, a été inaugurée à Ouagadougou en 2015, elle est formée de deux poings qui s’élancent vers le ciel, symbolisant « l’union, la force et la révolte » ; une étoile au milieu des deux bras fait référence au drapeau national. 

Les cérémonies s'achèvent ce dimanche par un concert géant avec des artistes locaux sur la place de la Révolution, lieu emblématique des manifestations anti-Compaoré durant l'année 2014.

Ces cérémonies font suite au mois de la justice à l’égard de Thomas Sankara et de ses compagnons qui s’est déroulé du 2 au 23 octobre.

Cette Journée des martyrs ne fait pas allusion aux victimes des violences djihadistes. Par de-là les soubresauts politiques à Ouagadougou, c’est cette réalité qui est la plus préoccupante au Burkina Faso aujourd’hui. Les attaques djihadistes, les représailles intercommunautaires et les exactions imputées aux forces de sécurité ont fait plus de 3 700 morts depuis 2015. Aucun mémorial ne leur est consacré. Chaque nouvelle attaque sur le territoire burkinabé est censée entraîner l’ouverture d’une information judiciaire, mais les tribunaux sont totalement débordés.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 30 octobre 2021

 

La stèle ajoutée au Monument des héros nationaux

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