L’Almanach international
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20 janvier : Les Ukrainiens n’oublient pas la Crimée
Alors que l’URSS était moribonde. Les Criméens organisaient un référendum visant à proclamer la souveraineté retrouvée d’une République socialiste soviétique autonome de Crimée. 94% ont voté oui, c’était le 20 janvier 1991. C’est cet anniversaire qui est célébré aujourd’hui afin de contester l’occupation et l’annexion de la péninsule par la Russie depuis presque 10 ans.
Cette Journée de la République autonome de Crimée (День Автономної Республіки Крим) a été célébrée pour la première fois le 20 janvier 2015. Quelques mois auparavant, la Russie envahissait et annexait la péninsule de Crimée.
Une République socialiste soviétique autonome de Crimée avait été créée en 1921 au sein de la République socialiste fédérative soviétique de Russie, sur ce qui était jadis le Khanat de Crimée. Mais Staline avait aboli cette république autonome pour rétrograder ce territoire au rang de simple oblast (région). Après la mort de Staline en 1953, le nouveau dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev a transféré cet oblast de Crimée à la République socialiste soviétique d'Ukraine. Le transfert fut officialisé en février 1954.
Alors que l’URSS était moribonde. Les Criméens organisaient un référendum visant à proclamer la souveraineté retrouvée d’une République socialiste soviétique autonome de Crimée. 94% ont voté oui, c’était le 20 janvier 1991. C’est cet anniversaire qui est célébré aujourd’hui.
Le statut autonome de la Crimée a été officiellement rétabli le 12 février 1991. Le 24 août, l'Ukraine a déclaré son indépendance de l'Union soviétique, laquelle disparaissait en décembre 1991. En février 1992, la RSSA de Crimée était rebaptisée simplement République de Crimée. En juin, elle obtenait le statut de république autonome au sein de l'Ukraine. Tou ce processus institutionnel et démocratique n’apporte aucun argument à Moscou pour réclamer de rattacher la Crimée à la Russie, c’est pourtant ce qui a été fait pas la force en mars 2014.
Selon les traités internationaux en vigueur, la Crimée fait toujours partie intégrante de l'Ukraine. Cela a également été reconnu par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution de 2014. Et aujourd’hui, la Crimée continue d’être soutenu de toutes les manières au niveau international, comme le prouve le forum de la Plateforme de Crimée. En 2023, des délégations gouvernementales de 45 pays ont participé à la conférence : les États-Unis, tous les membres de l'UE, la Géorgie, la Moldavie, la Turquie, la Macédoine du Nord, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, le Canada et l'Islande. Parmi eux figurent neuf présidents, quatre premiers ministres, 14 chefs des affaires étrangères, ainsi que d'autres hommes politiques et ambassadeurs. C’est-à-dire tous les pays de l’UE et de l’OTAN, les pays du G7 au complet et les pays du format Normandie, à l’exception de la Fédération de Russie.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 18 janvier 2024
26 juin : le jour du drapeau tatar de Crimée
Le drapeau des Tatars de Crimée a été adopté par l'Assemblée nationale des Tatars de Crimée en 1917, puis rétabli le 26 juin 1991, peu avant la chute de l’URSS. À nouveau sous occupation russe, la Crimée n’est actuellement pas en mesure de célébrer son drapeau national, celui du peuple qui y vivait avant l’arrivée des Russes.
Le drapeau des Tatars de Crimée a été adopté par l'Assemblée nationale des Tatars de Crimée (kurultai ou qurultay) en 1917, peu après la Révolution de février dans l'Empire russe. Leur pays était occupé depuis un peu plus d’un siècle par les Russes. La Révolution russe de février 1917 leur donna pour la première fois l’occasion d’exprimer leur identité nationale et leur aspiration à s’autogouverner.
Toute expression nationale des Tatars sera ensuite interdite pendant l’époque soviétique, il faudra attendre le 26 juin 1991, pour qu’un deuxième kurultai se réunisse. Deux ans auparavant, les Tatars de Crimée avaient commencé à revenir en Crimée après leur expulsion de 1944. Ce 26 juin 1991, le kurultai a officiellement rétabli le drapeau tatar de Crimée comme comme leur drapeau national. C’est cet anniversaire qui est célébrée chaque 26 juin, Jour du drapeau tatar de Crimée (Sinda qirimtatar bayraginiñ künü). La célébration, toutefois, se limite à la diaspora (en Turquie, au Canada…) car l’expression de l’identité tatare est aujourd’hui à nouveau brimée dans la Crimée occupée par l’armée russe.
Le drapeau tatar de Crimée est une bannière bleu clair avec un emblème jaune (doré) dans le coin supérieur gauche. La couleur bleue est traditionnellement associée aux peuples turcs, alors que l'emblème est un tamga, un sceau abstrait utilisé par les peuples nomades eurasiens. Ce tamga particulier était autrefois le symbole officiel de la maison de Giray, la dynastie qui a régné sur le khanat de Crimée du début du XVe siècle jusqu'à son annexion par l'Empire russe en 1783. Au XXe siècle, les Tatars de Crimée ont adopté le tamga de Giray comme symbole national.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 26 juin 2023
18 mai : la déportation des Tatars de Crimée
Cette journée commémore la déportation des Tatars de Crimée, le 18 mai 1944 sur ordre de Staline. Aujourd’hui, des Tatars de Crimée militent pour que ce drame, connu sous le nom de Sürgünlik, soit reconnu comme un génocide.
Cette journée commémore la déportation des Tatars de Crimée, le 18 mai 1944, sur ordre de Staline. Le transfert de population et leur accueil furent tellement mal organisés que la moitié des déportés sont morts pendant le trajet ou au cours des mois qui suivirent. Aujourd’hui, des Tatars de Crimée militent pour que ce drame, dénommé Sürgünlik, soit reconnu comme un génocide. Aujourd’hui, toute commémoration est interdite. Leur menace sur l’avenir de la Crimée demeure pourtant très limitée. En fait, très peu ont eu la possibilité de revenir dans cette péninsule aujourd'hui totalement dominée par les Russes. Les Tatars ne représentent plus aujourd'hui que 12% de la population de la Crimée.
Occupant la région pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands ont tenté d’embrigader les Tatars contre les troupes soviétiques. Une petite minorité s’est laissé convaincre. Au début du mois d’avril 1944, l’entrée en Crimée de l’Armée rouge est aussitôt suivie une chasse aux « traîtres à la patrie ». C’est ainsi que les Tatars ont été frappés par une punition collective qui a consisté en une déportation massive vers l’Asie Centrale (principalement l’Ouzbékistan) ou la Sibérie. En deux jours du 18 au 20 mai 1944 environ 180 000 Tatars ont été déportés. La république soviétique de Crimée, créée en 1921, a été supprimée en 1945. Neuf ans plus tard, la péninsule est rattachée à l’Ukraine. Khrouchtchev, un Ukrainien, est alors à la tête de l’URSS. Les traces de l'ancienne présence tatare ont alors quasiment disparu. En 1967, un décret annule les accusations de collaboration avec les nazis, portées contre les Tatars de Crimée, mais seule une toute petite minorité d’en eux sera autorisée à revenir. La majorité devra attendre la perestroïka et surtout le démantèlement de l'Union soviétique en 1991. Quelque 250 000 Tatars sont retournés en Crimée, luttant pour rétablir leurs vies et leurs droits culturels dans une Ukraine qui elle-même devient indépendante et se soucie peu de leur sort. En 2014, la Russie confisque la région à l’Ukraine en s’appuyant sur un référendum truqué dans la plus pure tradition soviétique. Vladimir Poutine tente d’amadouer les Tatars avec des mesures valorisant leurs langues et leurs coutumes. Ceux-ci demeurent des citoyens de seconde zone dans un territoire sous contrôle russe où la démocratie est absente. En 2017, la Cour internationale de justice condamne la Russie pour avoir violé les droits politiques et culturels de Tatars.
En 1944, les déportations soviétiques ont aussi touché les Allemands, les Karatchaïs, les Kalmouks, les Tchétchènes et les Ingouches, les Balkars et d’autres minorités criméennes (Bulgares, Grecs et Arméniens) ou caucasiennes (Meskhètes, Kurde et Khemchine), tous déplacés de force en Sibérie ou en Asie centrale. Les Tatars de Crimée ont aussi été victimes des visées géopolitiques russes sur la péninsule de Crimée. Celles-ci aboutiront à l’annexion de la Crimée par Poutine en 2014 presque 70 ans jour pour jour après le nettoyage ethnique opéré par Staline.
À l'occasion du 79e anniversaire de l'exil et du génocide des Tatars de Crimée, le siège de l'Association de Crimée en Turquie a organisé un programme de commémoration et une cérémonie de prière à la mosquée Hacı Bayram-ı Veli, à Ankara, après la prière du soir du 17 mai 2023. Le programme de prière a été diffusé en direct sur la page Facebook de Crimea News Agency. Le 18 mai, les cérémonies commencent à 15h.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
18 mars : les Russes de Crimée font la fête pendant que l’armée russe ravage l’Ukraine
Journée festive en Crimée : musique, rallye automobile, feu d’artifice… « L’opération militaire spéciale » qui se déroule à quelques dizaines de kilomètres de là, ne doit pas contrarier la célébration du rattachement de la Crimée à la Russie en 2014.
Alors que dans les villes voisines, l’on assassine froidement des civils par milliers, les Russes de Crimée font la fête toute cette journée du 18 mars. Ils célèbrent le Jour de la réunification de la Crimée avec la Russie (День воссоединения Крыма с Россией). Le jour est férié et chômé en Crimée et à Sébastopol, ville au statut spécial qui célèbre le Jour du retour de la ville de Sébastopol à la Russie (День возвращения города Севастополя в состав России).
La journée commémore le 18 mars 2014, date de la signature par Poutine du décret sur l’intégration de la Crimée à l’Ukraine. Quelques jours plus tôt, les points stratégiques de la péninsule avaient été investis par des soldats sans insignes (les “petits hommes verts”, célébrés chaque 27 février). Cette technique bien rodée est appelée la maskirovka. Ces soldats russes camouflés avaient organisé un référendum illégal auquel les non Russes n’ont pas participé et sur la base de son résultat, massivement positif, le Vladimir Poutine entérinait l’annexion du territoire à la Russie a mépris du droit international. Tout s’est joué en trois semaines.
C’est cet événement que les Russes de Crimée fêtent avec enthousiasme chaque 18 mars, depuis 2015. Chaque année, on organise un rallye automobile, très populaire, qui quitte Simferopol, la capitale à 11 heures et arrive à Sébastopol vers 13h30 où il accueillit en grande pompe place Nakhimov. Il est suivi par des motards. La journée a commencé par la plantation d’arbre au mont Sapin. La soirée se terminera en musique, avec un feu d’artifice.
Ce "Printemps de Crimée" ("Крымская весна"), c’est ainsi qu’on nomme la journée, est célébré dans toute la Russie. À Smolensk, c’est un concours de dessin sur le thème « Crimée - une goutte de Russie », qui est organisé. Dans la région de Moscou, une flashmob de danse réunit chaque 18 mars, selon les autorités locales, jusqu’à 10 000 personnes qui danseront sur les airs de Valse de Sébastopol, une populaire chanson soviétique écrite en 1955 sur cette ville criméenne, port d’attache de la flotte de la mer Noire. La ville de Mourmansk propose un festival sur le thème de la Crimée les 18 et 19 mars. À Rostov-sur-le-Don, on organise un spectacle lumineux avec la lettre Z projetée sur les murs de la ville. Ce soir, les participants sont invités à s'aligner en forme de lettre Z et à allumer des lanternes… Même tue, la guerre est dans tous les esprits.
En dépit du contrôle total de l’information, l’écho des crimes de guerre parvient tout de même jusqu’en Crimée située très proche du théâtre des massacres. Des voies commencent à se faire entendre comme celle de la très nationaliste Natalia Poklonskaïa, une des figures du processus d’annexion de la Crimée. : «Arrêtez-vous dans cette folie.» Vient-elle de lancer sans toutefois mentionner Vladimir Poutine.
La thématique de l’édition 2022 de la fête de la Crimée est : « Tout dépend de nous ». Prenons-les au mot !
Mise à jour du 19 mars 2022 : ce 18 mars, Vladimir Poutine a réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes au stade Loujniki, de Moscou, pour un véritable numéro de télévangeliste visant à légitimer l’agression de l’Ukraine du 24 février.
Mise à jour du 19 mars 2023 : Cette année, pas de grande fête à Moscou, mais les Criméens ont été gratifiés d’une visite surprise de Vladimir Poutine venus encourager ses partisans. L’heure n’est plus au triomphalisme. Le dictateur russe est juste venu inaugurer une école des arts pour enfants en compagnie du gouverneur local, Mikhaïl Razvojaïev. En Crimée, cette année, pas de grande manifestations publiques seuls quelques événements ciblés : flash mobs, conférences, concerts, rassemblements de voitures, etc sont organisés avec le soutien des représentants du parti au pouvoir et des organisations publiques. Les autorités annoncent des festivités plus importantes en 2024, pour célébrer le 10e anniversaire de l’annexion… Si toutefois, la Crimée n’est pas retournée sous souveraineté ukrainienne.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
13 mai : les Russes célèbrent leur flotte de la mer Noire et leur présence en Crimée
Cette célébration annuelle a pris une dimension particulière depuis que, en 2014, la Crimée a été annexée par la Russie. Elle rappelle la date du 13 mai 1783. Ce jour où l’impératrice russe, Catherine II, signait un décret impérial qui autorisait la création d’une base navale et d’une flotte sur une mer où la Russie n’avait pas encore ses repères.
Cette célébration annuelle a pris une dimension particulière depuis que, en 2014, la Crimée a été annexée par la Russie. Elle rappelle la date du 13 mai 1783. Ce jour où l’impératrice russe, Catherine II, signait un décret impérial qui autorisait la création d’une base navale et d’une flotte sur une mer où la Russie n’avait pas encore ses repères. Peu de temps auparavant, l’escadre de l’amiral Klokatchev pénétrait dans la baie d’Akhtiarskaïa. Un mois plus tard, au fond de cette baie commencera la construction de la ville de Sébastopol, le futur siège de la flotte russe dans le sud de la péninsule de Crimée, prise aux Ottomans.
La flotte de la mer Noire a été créée le 13 mai 1783 par le prince Grigory Potemkine. C’est lui également qui fondera la future base navale. Laquelle au fil des siècles n’a rien d’un décor à la Potemkine. Quant à la flotte, ce n’est pas elle qui va mettre en difficulté le tsar Poutine, comme le cuirassé Potemkine avait ébranlé le trône de Nicolas II. Au contraire, au moment de l’annexion de la Crimée, plusieurs dizaines de navires ukrainiens ont fait le choix de rejoindre la flotte de la mer Noire (celle de la Russie), avec leur équipage au complet.
Sébastopol, au moment de la disparition de l’URSS, s’était retrouvé en Ukraine, avec un droit d’usage de la Russie, mais le bail se terminait en 2017. Poutine ne pouvant accepter cela, a préféré prendre les devants en mettant la main sur la Crimée avant le terme. Ensuite, l’objectif des Russes est l’exclusion complète des Ukrainiens de la mer Noire. Il y a pour cela deux étapes. La première est en train de se dérouler : c’est le blocage du détroit de Kertch menant à la mer d’Azov, un passage essentiel pour le commerce maritime de l’Ukraine. Le 24 avril dernier Moscou annoncé que la traversée des eaux de la Fédération de Russie serait suspendu pour tous les navires étrangers, militaires comme civils, jusqu’au 31 octobre. La procédure d’étouffement est en cours. La seconde étape sera de provoquer des soulèvements dans la ville d’Odessa, le seul grand port libre qu’il reste à l’Ukraine. La manœuvre consistera ensuite à venir en aide aux insurgés et à occuper Odessa, avant de l’annexer, comme Sébastopol. Ainsi étouffée, l’Ukraine tombera comme un fruit mûr dans l’escarcelle de la Russie. Avec l’espoir, du côté des Russes, que l’OTAN sur lequel comptent l’Ukraine et la Géorgie, ne réagira pas… Qui veut mourir pour Kiev ou Odessa ?
Sébastopol où se déroulent aujourd’hui les traditionnelles festivités militaires, a été assiégée en 1854 lors de la guerre de Crimée (un fait d’armes français qui valut de baptiser un boulevard parisien à son nom) puis à nouveau par l’Allemagne nazie, en 1941 (l’un des plus longs sièges de la guerre, la ville fut déclarée martyre comme Stalingrad et Leningrad).
On est ici sur un carrefour multiethnique, ces terres ont été grecques, turques, russes, soviétique et ukrainiennes. On est au cœur des mers chaudes tant convoitées par la Russie, née à plusieurs milliers de kilomètres de là. La Crimée est une dérisoire consolation pour un empire et une puissance perdue. Néanmoins, dangereuse pour son environnement immédiat. Quand cette fête a été instaurée en 1996, Moscou était encore loin des positions géostratégiques que la Russie a pu reconquérir en 25 ans. C’est cette réussite qui est célébrée aujourd’hui avec ce Jour de la flotte de la mer Noire (День Черноморского флота), célébré chaque 13 mai à Sébastopol et à Novorossiysk. Ne pas confondre avec le Jour de la marine (День Военно-Морского Флота), observé fin juillet.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde