L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
2 janvier : la Toma de Granada, la fête locale qui divise l’Espagne
Ce 2 janvier, pour la 530e fois, la municipalité de Grenade (Espagne) commémore la conquête de la cité andalouse par les souverains d’Aragon et de Castille. Chaque année, la gauche locale dénonce cette cérémonie aux relents racistes et appelle à manifester contre ce qui est devenu une célébration rassemblant toute l’extrême droite espagnole.
Ce jour est férié à Grenade, en Espagne, pour la 530e Fête de la prise de la ville (Festividad de la Toma de Granada). Chaque année, la municipalité de Grenade commémore la conquête de la cité andalouse par les souverains d’Aragon et de Castille. La reddition de la ville a abouti à l’expulsion d’une partie de ses habitants et à l’éradication de leur culture. Comme tous les ans, la gauche locale a appelé à manifester Plaza del Carmen où se déroule la cérémonie.
Cette cérémonie controversée commence, chaque année, par un dépôt de gerbes sur les tombes de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille qui reposent dans la Chapelle royale. La ville de Grenade, assiégée depuis le 9 juin 1491, n’a pas été prise par les armes, mais livrée aux Espagnols par le dernier émir de Grenade, Boabdil. Celui-ci, après négociations, a quitté la ville le 2 janvier 1492 contre l’engagement des futurs Rois catholiques de respecter les différents cultes. Cette promesse ne fut jamais tenue, puisque dans les semaines qui ont suivi les musulmans et les juifs n’ont eu d’autres choix que la conversion ou l’exil. S’en était fini de l’Espagne des trois religions évoquée jusque-là par Ferdinand II lui-même, l’Inquisition allait désormais avoir le champ libre. Le souvenir de cette trahison plane sur cette fête traditionnelle que l’extrême droite est en train de transformer en célébration identitaire. Vox, le parti néo-franquiste, a fait son entrée au parlement andalou en 2019, une première depuis le retour à la démocratie en 1976. Il milite aujourd’hui pour que le 2 janvier devienne la fête nationale de l’Andalousie en remplacement du 28 février, peu évocateur ; voire de la fête nationale de l’Espagne tout entière. Déjà, la date du 2 janvier se substitue progressivement au 18 juillet, la journée où les nostalgiques du dictateur Franco célèbrent sa conquête du pouvoir, par les armes, en 1936. Les slogans n’évoquent plus Franco, mais une « nueva reconquista».
La cérémonie commence Plaza del Carmen, vers 10h30. Les autorités municipale se rendent ensuite à La Chapelle royale à 11h30, puis assiste à une messe dans la cathédrale à 12h. Après la messe est prévu un défilé militaire de la Légion espagnole. La ville est quadrillée par 500 policiers anti-émeutes pour séparer les militants de l’extrême droite espagnole qui ont fait de cette date l’un de leurs rendez-vous annuels, du reste de la foule qui écoute le plus jeune conseiller municipal crier trois fois « Grenade ! », au son de l’hymne national, après avoir rendu hommage aux Rois très catholiques. En 2009, la municipalité (socialiste) avait invité des musulmans, habillés en costume d’époque, à se joindre au cortège, mais ce symbole n’a pas convaincu les associations espagnoles qui militent pour le rapprochement des trois cultures. Le nouveau maire centriste droit (cuidadanos), élu avec les voix des conservateurs (PP) et de l’extrême droite (Vox) se montre beaucoup moins audacieux. De fait, une manifestation alternative est organisée par la gauche (un défilé de Maures et de chrétiens en costume d’époque) à l’initiative des municipalités voisines de Zujan, Cullar et Benamaurel. La procession abouti à l’ermitage Saint-Sébastien, lieu de la dernière rencontre entre Baobdil et les Rois très catholiques.
Les détracteurs de cette fête régionale sont chaque année plus nombreux. Ils parlent d’un hommage rendu aux bourreaux et de l’oubli des victimes. Cette « Journée de la ville de Grenade » se termine néanmoins par un Festival des cultures où l’accent est mis sur la tolérance. À la suite du rétablissement de la liberté de culte, en… 1978, Grenade avait été, cette année-là, la première ville d’Espagne à inaugurer officiellement une mosquée.
S’il s’agit de trouver une autre date pour la Journée de l’Andalousie, la gauche et les libéraux proposent le 26 mai, en hommage à Mariana Pineda, native de Grenade, exécutée le 26 mai 1831 pour son militantisme en faveur des libertés. Cette célébration du 26 mai a été toutefois ravivée en 2022 après 86 ans d’interruption.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 1er janvier 2023
mise à jour 2024 : le PSOE (gauche) qui dirige la mairie a voté contre la célébration en tant que telle, mais est il est tout de même présent à la cérémonie prise en charge par le PP (droite) et Vox (extrême droite) qui dirigent le gouvernement andalou.
Pour faire contre-point à la commémoration de la conquête de Grenade, la plateforme Granada Abierta réunit des intellectuels et des artistes à la Fondation euro-arabe, à partir de 11 heures du matin, sous la devise « Pour la coexistence, pas pour la prise de pouvoir » afin de souligner une fois de plus leur rejet de cet événement. Cette réunion rend aussi un hommage au peintre Juan Antonio Díaz, promoteur de l’association Artistes pour la tolérance.
12 octobre : la fête de l'Espagne et du monde hispanique
Christophe Colomb ayant « découvert », sans le savoir, l’Amérique un 12 octobre, cette date a été choisie pour célébrer l’Hispanité. C’est un jour férié en Espagne, mais c’est aussi une célébration contestée par les descendants des populations autochtones qui, eux, célèbrent cette année 530 ans de résistance.
« L’orgueil d’être Espagnol » affirme un slogan, « Il n’y a rien à célébrer » répond un autre, les deux affiches, l’une espagnole, l’autre latino-américaine, font figurer la silhouette d’une caravelle, celle de Christophe Colomb « découvrant », sans le savoir, l’Amérique le 12 octobre 1492. Cette date a été choisie pour célébrer l’Hispanité, dès 1914 en Espagne (Día de la Fiesta Nacional de España y Día de la Hispanidad), en 1917 en Argentine, puis dans tous les pays de langue espagnole. En 1958, le régime de Franco en fait une célébration officielle : le Dia de la Raza (race). En 1987, le 12 octobre devient la fête nationale de l’Espagne, pays dont l’identité est indissociable de son rapport au monde hispanophone. Parlée dans de très nombreux États, la langue espagnole est la deuxième langue la plus influente au monde. Ainsi, cette fête est à la fois celle de l’Espagne et celle de sa culture exportée par-delà les mers. Au cours du XXe siècle, 12 octobre est même devenu un jour férié dans toute l’Amérique de langue espagnole. Un renversement de perspective a commencé à s’opérer en 1992, l’année du 5e centenaire de la découverte. La découverte de quoi ? et pour qui ? s’est interrogée une partie de la population du sous-continent qui commence, cinq siècles après le traumatisme de la conquête, à réémerger. Au Mexique, la date est marquée par des manifestations contradictoires qui se sont souvent terminées par des violences. En Argentine, le Dia de la Raza est devenu, prudemment, celui de « la diversité culturelle ». Au Venézuela, comme au Guatemala, c’est depuis 2002, celui de la « résistance indigène »…
Ce Jour de l’hispanité (Dia de la hispanidad) est donc férié en Espagne mais, du fait de l’ambiguïté de la date choisie, la gauche espagnole aurait préféré comme fête nationale de l’Espagne le 6 décembre, en référence à ce jour de 1978 où fut adoptée la constitution qui a mis définitivement fin à la dictature du général Franco.
En dépit des critiques, la date du 12 octobre est, depuis 1987, la fête nationale de l’Espagne sous l’appellation de Fiesta de España y la Hispanidad. Chaque année une région est invitée à Madrid (cette année, les villes autonomes de Ceuta et Melilla) ainsi qu’un pays marqué par la culture hispanique est invité, en 2022, c’est le Mexique. Bien que cela ait peu à voir avec la célébration, un défilé militaire est organisé ce jour-là, auquel participent le roi, les pouvoirs de l'État et de nombreux chefs régionaux, bien qu'il y ait aussi des absences notables parmi ces derniers.
Depuis 1980, le Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques (CSIA-Nitassinan) célèbre chaque année une Journée de solidarité avec des représentants autochtones des trois Amériques. Un hommage sera fait aux victimes de 530 ans de résistance dans les Amériques. À Paris, cette année 2022, elle sera célébrée le 16 octobre à 15h, salle Jean Dame, 17 Rue Léopold Bellan, Paris 2e. Elle se déroulera dans le cadre des célébrations des 15 ans de l’adoption de la Déclaration des droits des peuples autochtones par les Nations Unies et de la Première année de la Décennie internationale des langues autochtones de l’UNESCO (2022 - 2032).
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 11 octobre 2022
12 octobre : pour oublier Christophe Colomb, les Bahamas fêtent leurs héros
La Journée nationale des héros a été créée en 2013, pour remplacer la Journée de la découverte (également connue sous le nom de Columbus Day) qui célébrait la « découverte » de l’archipel
La Journée nationale des héros (National Heroes Day) est un jour férié créée en 2013, pour remplacer la Journée de la découverte (également connue sous le nom de Columbus Day) qui célébrait la « découverte » de l’archipel par Christophe Colomb, le 12 octobre 1492. Cette date, très européocentrisme-centrée, reste un élément majeur qui fête ce jour, la Journée du monde hispanique. Aux Bahamas, comme dans d’autres de pays de la région qui célébraient cette date, on a souhaité rompre avec cette mémoire coloniale.
La Journée nationale des héros des Bahamas honore les personnes qui ont contribué au développement du Commonwealth des Bahamas en tant qu'État souverain et indépendant. La liste des héros nationaux du pays comprend des combattants de la liberté, des politiciens, des chefs religieux, des éducateurs, des suffragettes, des artistes, des icônes culturelles, des icônes sportives et des artistes. La Journée nationale des héros étant un jour férié, tous les salariés bénéficient d'un jour de congé payé. Lorsqu'il tombe un week-end, le lundi qui suit est désigné comme jour chômé.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde