L’Almanach international
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2 juin : la Bulgarie célèbre son poète et héros national, Hristo Botev
On célèbre chaque année la mort d’un héros national bulgare : c’est le Jour de Botev et de tous ceux qui sont morts pour la liberté de la Bulgarie.
Aujourd’hui, à midi comme chaque 2 juin, les sirènes retentissent dans tout le pays pendant 3 minutes pour honorer le poète Hristo Botev, un héros national bulgare. L’usage est de s’immobiliser pendant le temps de la sirène.
Le poète Hristo Botev était aussi un révolutionnaire patriote et le 2 juin, on célèbre en même temps tous ceux qui sont morts pour la liberté de la Bulgarie. Il s’est fait connaître en 1867, un 24 mai, lors de la fête dédiée à Cyrille et Méthode, en prononçant un discours contre les autorités ottomanes (qui dirigent le pays) et les riches bulgares qui collaboraient avec les Turcs. Cela l’obligera à fuir le pays et à s’installer en Roumanie. En 1876, il prend la tête d’une insurrection dont le seul fait d’armes est la prise d’un navire sur la Danube. Faute de renforts, lui et ses camarades se sont retrouvés seuls face à des milliers de soldats ottomans et à une escouade d'artillerie. L’opération tourne au massacre, Hristo Botev est tué d’une balle.
On était le 20 mai 1876 (dans le calendrier julien qui avait cours à l’époque) soit le 1er juin en Occident. Mais, quand la Bulgarie a adopté le calendrier grégorien, en 1916, le décalage entre les deux calendriers était passé de 12 à 13 jours. Ainsi, c’est le 2 juin qu’on célèbre chaque année la mort du héros national bulgare. En Bulgarie, c’est officiellement le Jour de Botev et de tous ceux qui sont morts pour la liberté de la Bulgarie (Ден на Ботев и загиналите за свободата на България). Cette année marque le 148e anniversaire de la mort héroïque de Christo Botev (1848 - 1876).
Très vite on a fait du poète, un héros national, oubliant ses idées anarchistes et socialistes. Mais, plus tard, dans la seconde moitié du XXe siècle, la propagande communiste va le dépeindre comme le pionnier du socialisme bulgare et ainsi perpétuer son culte. Aujourd'hui, il est commémoré comme l'un des deux plus grands révolutionnaires bulgares, aux côtés de Vasil Levski. La plupart des villes bulgares ont leur rue ou leur boulevard Hristo Botev, on en trouve aussi en Macédoine et en Roumanie. Des écoles et lycées portent son nom, ainsi que des clubs de foot et des stades, une radio nationale…
Sa poésie a été influencée par les démocrates révolutionnaires russes et les figures de la Commune de Paris dont il avait eu les échos dans son exil roumain. Il était proche d’un autre poète qui lui survivra et sera même premier ministre d’une Bulgarie indépendante, Stefan Nikolov Stambolov.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 1er juin 2024
On rejoue chaque année la scène de la prise d’un navire sur le Danube
9 mars : les Ukrainiens célèbrent leur poète national
Chaque 9 mars, les Ukrainiens célèbrent Taras Chevtchenko (Тарас Шевченко), le grand poète romantique de langue ukrainienne né le 9 mars 1814. dont l’œuvre est l’un des témoignages les plus marquants du réveil de l'esprit national au XIXe siècle.
Chaque 9 mars, les Ukrainiens célèbrent Taras Chevtchenko (Тарас Шевченко), le grand poète romantique de langue ukrainienne né le 9 mars 1814 et dont l’œuvre est l’un des symboles les plus marquants du réveil de l'esprit national au XIXe siècle. Son Kobzar fut le livre de référence de l'enseignement de la langue ukrainienne. Dans l’un de ses poèmes les plus connus Le Testament, Taras Chevtchenko faisait allusion à la Révolution française et à La Marseillaise.
Taras Chevtchenko est né dans une famille de serfs. Sa chance fut que son maître l’ait envoyé à Saint-Petersbourg étudier la peinture décorative. Celui-ci finit par signer sa lettre d’affranchissement en 1838, contre la somme de 2 500 roubles, payée par Karl Pavlovitch Brioullov, le premier peintre russe de stature internationale et le mentor du futur poète. Peintre de formation, Taras Chevtchenko s’est très vite tourné vers l’écriture. Une fois sa notoriété établie, il est devenu membre de la Commission d'archéologie de Kiev et il a voyagé partout en Ukraine pour esquisser les monuments historiques, architecturaux et recueillir les traditions folkloriques. C’est à cette époque qu’il a écrit certains de ses poèmes historiques les plus satiriques et politiquement subversifs. Ce qui lui vaudra la prison.
Il est mort le 10 mars 1861. Le peuple ukrainien lui a organisé de grandes funérailles. Il a été inhumé sur Chernecha Hora (la Montagne du Moine) près de Kaniv, une ville proche de son lieu de naissance. Depuis, sa tombe est considérée comme un lieu de pèlerinage par des millions d'Ukrainiens.
À Kiev, la principale université ukrainienne porte son nom, le grand parc de la ville également. De nombreux monuments au poète furent érigés en Ukraine et à travers le monde. À Paris, au niveau du 186 boulevard Saint-Germain, il existe un un square Taras-Chevtchenko (où est érigé un buste du poète) qui sera aujourd’hui le théâtre d’une cérémonie d’hommage à l’écrivain national ukrainien.
« Notre âme ne peut pas mourir, la liberté ne meurt jamais » Taras Chevtchenko
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 8 mars 2022
“Hommage au poète Taras Hryhorovytch Chevtchenko”, œuvre d’Ivan Tikhy
À Paris, sur le boulevard Saint-Germain
15 janvier : la Roumanie célèbre son poète national
C’est l’anniversaire de la naissance d’Mihail Eminescu, poète national. Depuis 2010, celle date est aussi celle de la Journée de la Culture nationale roumaine.
Chaque 15 janvier, une foule se presse dans le cimetière Bellu de Bucarest, le plus fameux du pays, autour d'une tombe chargée de fleurs, celle d'un poète. Cette année, en raison de l’épidémie, elle sera bien moins nombreuse. Un haut dignitaire de l'église orthodoxe dirige la célébration, comme si une personnalité devait y être inhumée, Mihail Eminescu (1850-1889) est pourtant mort il y a bien plus d'un siècle. Ce soir, sera décerné le Prix national de la poésie qui porte son nom.
Pourtant, aujourd’hui, c’est l’anniversaire de sa naissance et non de son décès. Depuis 2010, cette date est aussi celle de la Journée de la Culture nationale roumaine. Toutes les institutions culturelles roumaines ont organisé des programmes dédiés à cette double fête.
Mihail Eminescu est partout en Roumanie, timbres, billets de banque, statues dans chaque ville, noms d’école… C’est le poète national, célèbre de son vivant et vénéré après sa mort, précoce, par toute la droite conservatrice roumaine qui dominait le pays à l’époque. Aujourd’hui que la statue est en place, on fait mine d’oublier les positions franchement antisémites, les vers xénophobes et les propos réactionnaires, déjà pour l’époque. Certains proposent de revisiter le personnage, mais le 15 janvier, c’est peine perdu. Chaque année, c’est un hommage unanime qui lui est rendu.
L’historien roumain Lucian Boia analyse ainsi le mythe : « Jouer la carte d'une seule personnalité, cela tient de la précarité sociale. Jamais une grande culture ne ferait pareil. On ne verra jamais les Français, les Britanniques ou les Allemands miser sur une seule personnalité qui incarne l'essentiel dans tous les domaines, pas seulement littéraire. C'est ça qui est extraordinaire dans le cas d'Eminescu : plus qu'un poète, il est considéré véritable symbole de la spiritualité roumaine et du sentiment d'appartenance au peuple roumain. Or, c'était déjà une exagération d'élever un poète au rang de poète national, en invoquant non seulement la valeur littéraire de son œuvre, mais aussi son identification à la nation roumaine. Tout cela est né d'un sentiment de frustration, du fait que les Roumains ont le complexe de vivre dans un pays petit et insignifiant. »
« Ce mythe est né vers la fin de la vie du poète quand son existence tragique se superpose à ses poèmes magnifiques. Ces deux dimensions ont finalement fusionné: le destin tragique et les vers surprenants. Le mythe a commencé à se manifester timidement juste après 1900, sur la toile de fond de plusieurs courants nationalistes qui ont donné la réplique aux influences pro-occidentales fortement manifestées jusqu'alors. On assiste alors à une phase d'équilibre qui réinstalle sur le devant de la scène la figure du paysan roumain. C'est à ce moment-là qu'Eminescu devient un grand idéologue de ce courant censé encourager l'appartenance aux valeurs culturelles roumaines. A partir de ce moment là, le mythe d'Eminescu ne cessera de se voir alimenter. C'est un mythe que tout le monde peut invoquer, à tous les niveaux politiques. » Lucian Boia, dans son dernier ouvrage, intitulé “Mihai Eminescu, le Roumain absolu. Construction et déconstruction d'un mythe ".
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 14 janvier 2021