L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
6 mars : la Journée européenne des Justes
La Journée européenne des Justes a été instituée par le Parlement européen pour rendre hommage à tous ceux qui ont sauvé des vies lors de la Shoah mais aussi lors de tous les génocides et crimes contre l'humanité (en Arménie, en Bosnie, au Cambodge, au Rwanda, en Tchétchénie, au Soudan, à Gaza… la liste n’est pas exhaustive), perpétrés au cours des XXe et XXIe siècles.
Le concept de Juste parmi les Nations a été introduit par Yad Vashem, le mémorial officiel d'Israël en mémoire des victimes de la Shoah. À l'origine, il faisait référence aux non-juifs qui sauvèrent des juifs de la Shoah, au péril de leur vie.
Moshe Bejski (1921-2007) un rescapé de la Shoah grâce à Oskar Schindler, qui fut juge de la Cour suprême d'Israël et président de la Commission des Justes, a élargi ce concept à tous les cas de génocide et à toutes les formes de totalitarisme. C’est aussi pour lui rendre hommage que la Journée européenne des Justes (European Day of the Righteous), instituée par le Parlement européen en 2012 a été placée le 6 mars, date anniversaire de sa mort en 2007.
Rappelant l'importance morale que revêt le Jardin des Justes du mémorial de Yad Vashem à Jérusalem, fondé par Moshe Beisky afin de rendre hommage aux personnes qui avaient apporté leur aide à des juifs pendant la Shoah, cette journée du 6 mars a été instituée à la mémoire de tous ceux qui ont sauvé des vies lors de tous les génocides et crimes contre l'humanité (en Arménie, en Bosnie, au Cambodge, au Rwanda, en Tchétchénie, au Soudan, à Gaza… la liste n’est pas exhaustive), perpétrés au cours des XXe et XXIe siècles.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 5 mars 2025
Comme élément graphique des initiatives du 6 mars, un arbre a été créé, formé des mots-clés (en anglais) de la journée européenne des Justes.
27 janvier : il y a 80 ans, on “découvrait” l'horreur d'Auschwitz
Il y a 80 ans le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau était libéré par l’Armée Rouge. Les soldats russes découvraient 7650 survivants à la limite de leurs forces. Des cérémonies ont lieu un peu partout dans le monde, ainsi que dans ce qui reste du camp. Cette année, elles se dérouleront avec des délégations de 151 pays mais sans les officiels russes.
Cette commémoration est récente : la date du 27 janvier a été choisie par le Conseil de l’Europe, en 2002, puis adoptée par la France, en 2003, comme Journée de la mémoire de la Shoah et de prévention des crimes contre l’humanité dans les établissements scolaires. Plus récemment encore, en 2006, l’ONU en a fait la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste.
Il y a 80 ans le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau était libéré par l’Armée Rouge. Les soldats russes découvraient 7650 survivants à la limite de leurs forces. Dix jours plus tôt les SS de l’armée allemande, reculant devant les Soviétiques, avaient emmené 58 000 personnes dans une marche de la mort qui fut fatale à la plupart de ces prisonniers faméliques. Le camp a été construit par les autorités nazies à Oświęcim (Auschwitz en allemand) à 60 km de Cracovie dans la Pologne occupée. Lors de son agrandissement, ce camp englobera celui de Birkenau. Le bilan de son activité ne sera établi qu’après la guerre : 1 100 000 personnes y sont mortes, exterminées par le gaz dans leur grande majorité, dont 960 000 juifs.
Pour ce 80e anniversaire, 51 délégations de 51 pays différents, soit environ 3 000 personnes, sont rassemblées sous une immense tente à l’entrée de Birkenau. Deux absents importants : Vladimir Poutine comme Benyamin Nétanyahou font l’objet d’un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI), justifié par des accusations reposant sur l’implication respective du premier dans des rapts d’enfants ukrainiens depuis l’invasion russe de l’Ukraine, et du second dans des “crimes de guerre et crimes contre l’humanité” commis dans la bande de Gaza. Signataire du traité de Rome, la Pologne est tenue d’appliquer les mandats d’arrêts de la CPI. Elle avait pourtant annoncé ne pas l’appliquer pour Netanyahou. Ce dernier a néanmoins préféré se faire représenter par son ministre de l’Éducation, Yoav Kisch.
Lors des cérémonies du 70e anniversaire, il y a 10 ans, les Polonais avaient «oublié» d’inviter les officiels russes. Le Kremlin ayant accusé, à plusieurs reprises, mais à tort, l’État polonais d’avoir collaboré avec Hitler… La mémoire, fut-elle aussi douloureuse, n’échappe pas à la géopolitique.
En France outre, la cérémonie annuelle du Mémorial de la Shoah (inauguré le 27 janvier 2005), une autre est organisée ce lundi à partir de 14 heures à Drancy (Seine-Saint-Denis) où se trouvent les vestiges du camp d'internement et de transit vers Auschwitz et d'autres camps d'extermination nazis.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 27 janvier 2025
10 mars : la Journée du sauvetage des juifs bulgares
Une commémoration qui n’est pas sans ombres : les autorités bulgares ont permis en 1943 aux 48 000 juifs bulgares d’échapper à la Shoah, mais elles ont aussi livré aux camps nazis 11 000 juifs des territoires occupés par la Bulgarie.
Cette Journée du souvenir de l’Holocauste (Ден на възпоменание на Холокоста) a été instaurée en 2003. La célébration est aussi appelée Jour du Salut des juifs bulgares (Деня на спасяването на българските евреи) car elle fait référence au sauvetage des juifs de Bulgarie par l’action des hauts dignitaires de l’Église orthodoxe. Il est un fait remarquable que les quelque 48 000 juifs de nationalité bulgare ont survécu à la Shoah. Si bien que le 12 mars 2002, lors d’une cérémonie officielle à Jérusalem, les métropolites bulgares Stéphane (1878-1957) et Cyrille (1901-1971) ont été déclarés Justes du monde par Yad Vashem – l’institution créée en 1953 par la Knesset d’Israël pour perpétuer la mémoire des martyrs et des héros de la Shoah en Europe.
La belle histoire est toutefois un peu à nuancer. En 1940, la Bulgarie vit sous la dictature du roi Boris III, mise en place en 1935. Dès 1940, le pays adopte une législation anti-juive prévoyant l'identification et la marginalisation sociale et économique des citoyens juifs.
Début 1941, la Bulgarie choisit le camp de l’Allemagne nazie dans l’espoir de récupérer les territoires de la Macédoine et la Thrace grecque ainsi que la Macédoine yougoslave dont elle s’estime injustement privée (non-application du traité de San Stefano). En avril 1941, avec ce choix diplomatique et stratégique la Bulgarie assouvit en partie ses ambitions territoriales. Les nouveaux territoires ainsi conquis permettent à la Bulgarie de s’ouvrir sur la mer Égée et de s’étendre jusqu’aux frontières de l’Albanie. Elle devra évidemment rendre ces territoires en 1945, mais Sofia les gère pendant quatre ans.
À l’automne 1942, l’Allemagne qui s’est lancée dans la Solution finale (l’extermination des juifs d’Europe) se fait pressante dans ses demandes adressées à la Bulgarie de livraison de juifs. Le 22 février 1943, un accord prévoyant la déportation de 20 000 juifs des « nouveaux territoires » est conclu. Mais, le nombre des juifs des régions de Yougoslavie et de Grèce occupées par les Bulgares n'excédant pas les 12 000, le gouvernement de Sofia prévoit alors la déportation de 8 000 juifs bulgares dits « indésirables ».
Ainsi, début mars 1943, les autorités bulgares organisent des rafles de juifs dans le nord de la Grèce et dans la Macédoine yougoslave occupée. Regroupés à Skopje, ils sont déportés par le train, puis par bateau sur le Danube. Livrés aux Allemands, quelque 11 343 juifs seront exterminés à Treblinka.
Mais, s’agissant du sort des juifs de la Bulgarie proprement dite, la population bulgare, apprenant ce qui se tramait, s’est mobilisée dans plusieurs villes pour protester contre le sort qui est promis à leur compatriotes juifs. Une telle réaction s’est rarement vue en Europe à cette époque. Pressées par leurs fidèles, les autorités orthodoxes bulgares se sont adressées au roi Boris III pour le convaincre de ne pas participer à des persécutions contre ses propres sujets fussent-ils juifs. Finalement, le souverain fait savoir aux Allemands qu’on avait besoin d’eux pour des travaux des champs. 25 000 juifs de Sofia ont ainsi été déplacés dans la campagne bulgare, ce qui leur a sauvé la vie.
On notera que contrairement aux l’Églises catholiques ou luthériennes, l’Église orthodoxe bulgare n’a jamais eu dans son histoire de discours anti juifs. Au XIXe siècle, la communauté juive a participé à la lutte nationale contre les ottomans. Si bien que les Bulgares ont toujours considérés les juifs comme des concitoyens comme les autres. Les rancœurs de l’époque ottomanes étaient oubliées.
Les autorités bulgares de l’époque sont responsables de la disparition de quelque 11000 juifs (un fait que le gouvernement bulgare actuel a encore du mal à admettre) mais, en même temps, elles ont contribué au sauvetage des 48 000 qui vivaient en Bulgarie en ne les livrant pas aux nazis. Ce pays refuge peut même affirmer être le seul dans l’Europe en guerre dont la population juive a augmenté pendant le conflit. La décision du roi Boris III d’assigner les juifs bulgares à des à des travaux agricoles ou de voirie dans tout le pays a été prise le 10 mars 1943. C’est cette date qui est commémorée aujourd’hui.
L’abrogation partielle de la législation anti-juive aura lieu le 31 août 1944, une mesure étendue par le gouvernement Muraviev (2-9 septembre 1944) avant la déclaration de guerre de l’Union soviétique à la Bulgarie (5 septembre), l’invasion de l’Armée rouge (8 septembre) et l’accession au pouvoir d’un Front de la patrie à dominante communiste (9 septembre). Il faudra toutefois attendre mars 1945 pour qu’un décret prévoie la restitution des biens juifs spoliés ou l’indemnisation des propriétaires dont les possessions nationalisées ne seront pas restituées, soit adopté.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 9 mars 2022
Chaque 10 mars, un hommage est rendu à Dimitar Pechev, vice-président du Parlement et ministre de la Justice de la Bulgarie pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a grandement participé au sauvetage de ses concitoyens juifs. Il est aussi citoyen d'honneur de l'État d’Israël.