L’Almanach international
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9 novembre : le Cambodge fête son indépendance
Il y a 70 ans aujourd'hui, le Cambodge proclamait son indépendance à l’égard de la France. C’était le 9 novembre 1953, la France qui dominait le pays depuis 1863, était empêtrée depuis 1946 dans une guerre coloniale en Indochine à laquelle elle souhaitait mettre fin. Le Cambodge fête son indépendance mais n’est-il pas, un quart de siècle plus tard, retombé sous la coupe d’une autre puissance ?
Le Jour de l'indépendance (ថ្ងៃបុណ្យឯករាជ្យជាតិ) est un jour férié qui marque l'anniversaire de la déclaration d'indépendance du Cambodge à l’égard de la France, le 9 novembre 1953. Cette fête est surtout célébrée dans la capitale, Phnom Penh. La veille au soir, une veillée aux chandelles rend hommage aux patriotes qui ont sacrifié leur vie pour l'indépendance des colonies françaises. La journée commence par la levée du drapeau national et l'allumage d'une torche commémorative au Monument de l'Indépendance. La cérémonie est présidée par le roi du Cambodge en sa qualité de commandant en chef des forces armées. La soirée, un défilé de gala a lieu devant le Palais Royal. Un grand feu d'artifice marque la fin des événements festifs. Chaque année, les étudiants et les travailleurs disposent de deux jours chômés pour l’occasion.
La tutelle française a duré 90 ans. Les Français aiment bien rappeler que c’est le roi de l’époque, Norodom Ier, qui a sollicité le protectorat de la France de peur de voir son royaume disparaître, absorbé par celui du Siam (aujourd’hui la Thaïlande) qui avait amputé le Cambodge de sa partie occidentale que la France permit de récupérer. Le traité de protectorat de la France sur le Cambodge a été signé le 11 août 1863. La France qui était déjà présente au Tonkin, en Annam et en Cochinchine, y trouvait son intérêt dans le fait de damer le pion aux Anglais que l’on savait manipulant le roi du Siam et de pouvoir contrôler le cours du Mékong, fleuve qui facilite l’accès à a Chine.
La France aurait sauvé le Cambodge d’une disparition, mais là où le souvenir devenir plus amer, c’est quand la France assiège le palais et menace le roi Norodom, l'obligeant à signer une convention qui le dépossède de tous ses pouvoirs. C’était le 17 juin 1864. La France faisait du Cambodge non plus un protectorat mais une colonie en l’intégrant dans l’Indochine française. Paris va par deux fois modifier la succession dynastique pour mettre sur le trône la personnalité lui semblant la plus docile. L’exploitation et l’oppression du pays ont provoqué plusieurs mouvements de révolte dès 1885. Comme dans le reste de l’Asie du Sud-est, la domination japonaise à la faveur de la Seconde guerre mondiale a permis de rompre temporairement de lien avec la France et faire naître des aspirations à l’indépendance. En 1949, le roi Norodom Sihanouk exige que la France mette fin aux traités de tutelle signés en 1863 et 1884. La guerre d’Indochine a débuté en 1946. Du côté du Cambodge, des bandes armées de khmers issarak (milices indépendantistes) opérant dans l’Ouest depuis la Thaïlande et à partir de 1947, coordonnera son action avec le Việt Minh. L’Armée populaire vietnamienne va très vite prendre l’initiative, même sur le sol cambodgien. Le roi dénonce l'attitude des Français et menace de s'entendre avec le Việt Minh. Le 8 novembre 1953, Norodom Sihanouk qui s’était réfugié en Thaïlande, puis dans l’est du pays, fait une rentrée triomphale dans Phnom Penh. Le lendemain, l’indépendance était proclamée. Il faudra de nouveaux transferts en matière diplomatique et économique, début 1954, pour consacrer la pleine indépendance du royaume, et surtout que les accords de Genève, en juillet 1954, pour que cette indépendance soit reconnue internationalement.
Le Cambodge qui fête, ce jour, son indépendance n’en a pas fini avec les tutelles extérieures. C’est une intervention vietnamienne, le 7 janvier 1979, qui faisait tomber le terrible régime khmer rouge et permettait l’occupation du pays par le Vietnam. Hun Sen qui est arrivé au pouvoir sous la tutelle de Hanoï est toujours à la tête du Cambodge, même si le dictateur a cédé à son fils, Hun Manet, le poste de Premier ministre, en juillet 2023. L’ombre du Vietnam sur le Cambodge est toujours là.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 8 novembre 2023
14 mai : les 70 ans de Norodom Sihamoni, roi du Cambodge
C’est un monarque un peu désenchanté qui célèbre aujourd’hui son anniversaire. Trois jours de festivités masquent la rigueur d’un régime autoritaire, réprimant toute opposition, mais sur lequel le roi Norodom Sihamoni n’a aucune prise.
Le jour est férié au Cambodge pour l’anniversaire du souverain (ព្រះរាជពិធីបុណ្យចម្រើនព្រះជន្ម ព្រះបាទនរោត្តមសីហមុនី). À cette occasion, de nombreux bâtiments gouvernementaux sont décorés des portraits du roi et du drapeau national. Ce soir du 14 mai, un impressionnant feu d'artifice a lieu devant le Palais Royal de Phnom Penh, la capitale du Cambodge. Les festivités durent trois jours, les Cambodgiens pour organiser des fêtes en famille ou entre amis.
Roi sans pouvoir, sous un régime de dictature, Norodom Sihamoni est né le 14 mai 1953. Il est le fils du roi Norodom Sihanouk et de sa deuxième épouse Norodom Monineath Sihanouk. Son nom de Sihamoni est issu de la contraction de Sihanouk et Monineath. Il a passé la majeure partie de sa vie hors du Cambodge, notamment en France, de 1988 à 2001, où il enseignait la danse classique.
Il est devenu roi le 14 octobre 2004 après l’abdication de son père. S’il a été choisi parmi les fils du roi Sihanouk, c’est en raison de son caractère discret pouvant s’accommoder du régime autoritaire de l’indéboulonnable Hun Sen. Le roi n'est pas marié et n'a pas d'enfant. Celui qui pourrait être le prince héritier du Cambodge est Norodom Ravichak, le fils du demi-frère aîné du roi, décédé en 2021.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
23 octobre : le Cambodge célèbre la paix, pas la démocratie
Le Cambodge célèbre le 30e anniversaire de l'Accord de paix de Paris (23 octobre 1991), qui mettait officiellement fin à 21 ans de guerre mais n’instaurait pas la démocratie promise.
Le Cambodge célèbre le 30e anniversaire de l'Accord de paix de Paris (23 octobre 1991), qui mettait officiellement fin à 21 ans de guerre. Pour l’occasion est émis un nouveau billet de 30 000 riels.
Le conflit avait débuté en décembre 1978 par l’invasion du pays par l’armée vietnamienne visant à faire tomber le régime génocidaire des Khmers rouges. Arrivé dans les fourgons des Vietnamiens, un ancien khmers rouge nommé Hun Sen est mis au pouvoir. Quatre décennies plus tard, le pays demeure un protectorat vietnamien.
Sur une face du billet de banque figure le roi Norodom Sihanouk (père du roi actuel, Sihamoni) et le premier ministre Hun Sen. L'illustration est tirée d'une photographie, prise en 1991 dans une rue de Phnom Penh. Le monument de l'Indépendance, le Palais royal et la tour Eiffel sont également représentés. L'autre face du billet présente le roi Norodom Sihanouk, qui est revenu au pays après 30 ans d’absence, entouré de nagas traditionnels.
L’opposition rappelle au gouvernement que respecter les accords de paix ne signifie pas seulement garantir l'absence de guerre ou de conflit armé interne. L’accord de Paris prévoyait des élections démocratiques qui n’ont jamais eu lieu. Au lieu de cela, Sun Sen s’est imposé au pouvoir depuis 42 ans. Les journalistes sont persécutés. Les leaders de l’opposition obligés de s’exiler pour échapper à la prison ou à la mort… L’état de droit n’a jamais été respecté au Cambodge, les accords de Paris que l’on célèbre aujourd’hui, non plus. D’ailleurs, la date du 23 octobre qui était fériée depuis 2012, ne l’est plus depuis 2020.
7 janvier : le Cambodge commémore la chute du régime khmer rouge
Le 7 janvier 1979, les troupes vietnamiennes entraient dans Phnom Penh, mettant fin à un régime qui, en trois années et demi, avait fait périr environ 20 % de la population du Cambodge. Cet anniversaire est célébré annuellement comme Jour de la victoire contre le génocide.
Le 7 janvier 1979, les troupes vietnamiennes entraient dans Phnom Penh, mettant fin à un régime qui, en trois années et demi, avait fait périr environ 20 % de la population du Cambodge. L’Occident découvrait avec horreur l’ampleur du génocide opéré par les khmers rouges, une réalité que beaucoup d’intellectuels de l’époque n’avaient pas voulu voir. Cet anniversaire est célébré annuellement comme Jour de la victoire contre le génocide (ទិវាជ័យជំនះប្រល័យពូជសាសន៍).
Les Cambodgiens commémoreraient donc la fin d’un cauchemar ? Pas vraiment, car ce jour férié est avant tout l’occasion d’affirmer l’amitié du pays avec le Vietnam. La condamnation du régime des khmers rouges n’est venue que très tardivement Les arrestations de dirigeants n’ont débutés qu’en…1999, soit 20 ans après la chute du régime. Et encore, les principaux responsables khmers rouges, ceux qui étaient encore en vie, ont échappé à toute poursuite jusqu’en 2007. Finalement, ce sont que quelques vieillards qui ont été condamnés à partir de 2010. Il faut dire que le Cambodge est toujours dirigé par les hommes qui ont pris le pouvoir le 7 janvier, d’anciens khmers rouges, comme Hun Sen, retournés par les Vietnamiens. D’ailleurs, si ces derniers sont intervenus en 1979, ce n’est pas sauver un peuple frère victime de génocide, mais pour faire cesser les incursions armées des khmers rouges dans le sud du Vietnam, notamment dans une province anciennement khmère que Phnom Penh tentait alors de reconquérir. En plaçant ses hommes à la tête du Cambodge, Hanoï s’assurait ainsi la paix sur sa frontière sud et la main mise sur la région. En 1989, l’armée vietnamienne a évacué le pays, mais celui-ci n’a cessé d’être infiltré par des milliers de paysans, au point que les Vietnamiens sont aujourd’hui majoritaires dans certaines provinces orientales du Cambodge. Alors que commémore-t-on vraiment le 7 janvier ? Une libération, certes, mais surtout la victoire définitive de l’expansionnisme vietnamien. D’où une journée dominée par les démonstrations d’amitié de la part des deux capitales.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde