L’Almanach international
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9 novembre : le jour du destin des Allemands
Il y a 35 ans, le mur de Berlin tombait mettant fin à 50 années d’antagonisme entre les deux Allemagnes et amorçant la fin de la Guerre froide. Mais, l’Allemagne n’a pu faire du le 9 novembre sa fête nationale car il est bien trop chargé d’histoire, notamment de ses pages les plus sombres comme la Nuit de cristal, en 1938.
Il y a 35 ans, le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait mettant fin à 50 années d’antagonisme entre les deux Allemagnes et amorçant la fin de la Guerre froide. L’évènement s’est produit vers 19 heures, à quelques heures près, l’Allemagne aurait pu célébrer chaque 10 novembre son unité retrouvée, mais l’histoire en a voulu autrement. La voilà assignée au 9 novembre, date qui n’est pas devenue la fête nationale que certains auraient souhaitée car elle est bien trop chargée d’histoire.
En 1938, le 9 novembre, c’était la « Nuit de cristal », le pogrom contre les juifs organisé par Goebbels. Le prétexte était l’agression d’un fonctionnaire de l’ambassade d’Allemagne à Paris par un jeune juif allemand. Mais la date de cette nuit d’enfer qui marque le début de la Shoah, n’avait pas été choisie au hasard. C’était le jour anniversaire de la tentative de putsch par Adolf Hitler, en 1923, à Munich. Et, si ce dernier avait tenté un coup de force précisément un 9 novembre, c’était parce que la république dite de Weimar, fondée le 9 novembre 1918 et honnie par l’extrême droite, fêtait ce jour-là ses 5 ans.
Le même 9 novembre 1918, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg proclamaient en parallèle une République socialiste allemande qui ne dura que quelques mois… Une date symbolique donc, tout au long du XXe siècle.
Si on remonte un peu le temps, le 9 novembre est aussi la date de l’exécution du parlementaire allemand libéral, Robert Blum, par les contre-révolutionnaires, après l’insurrection viennoise d’octobre 1848… C’est un peu comme si une seule date racontait l’histoire récente de l’Allemagne. Cette date a été baptisée Schicksalstag, le jour du Destin ! Le gouvernement lui préféra donc le 3 octobre, date officielle de la réunification en 1990.
Finalement, la fête nationale de l’Allemagne a été fixée le 3 octobre, en référence une journée de 1990 qui n’évoque rien de fort, si ce n’est l’officialisation d’une réunification déjà en cours et réalisée à marche forcée, qui laisse un goût amer. Aujourd’hui, une partie de l’opinion est persuadée qu’une troisième voie était possible, que la RDA , dégagée de la tutelle de Moscou, si on lui en avait laissé le temps aurait pu concilier démocratie et socialisme.
Le 9 novembre n’est pas totalement occulté. La date a été choisie par le Conseil de l’Europe pour célébrer l'anniversaire du début des pogroms de masse en Europe, connus sous le nom de Kristallnacht (Nuit de cristal) ou de Novemberpogrome. C’est aujourd’hui la Journée internationale contre le fascisme et l'antisémitisme. À ne pas confondre avec la Journée internationale contre le racisme et le fascisme, marquée chaque 23 mars.
Aux États-Unis, dans les milieux conservateurs, on célèbre l’anniversaire de la chute du mur de Berlin comme une victoire sur le communisme. Dans, ce but, une Journée mondiale de la liberté (World Freedom Day) a été instaurée en 2001, mais son écho demeure limité car elle fait référence à une histoire déjà ancienne. Les mêmes se réjouissent aujourd’hui de la victoire de Trump.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 8 novembre 2024
9 novembre : le Cambodge fête son indépendance
Il y a 70 ans aujourd'hui, le Cambodge proclamait son indépendance à l’égard de la France. C’était le 9 novembre 1953, la France qui dominait le pays depuis 1863, était empêtrée depuis 1946 dans une guerre coloniale en Indochine à laquelle elle souhaitait mettre fin. Le Cambodge fête son indépendance mais n’est-il pas, un quart de siècle plus tard, retombé sous la coupe d’une autre puissance ?
Le Jour de l'indépendance (ថ្ងៃបុណ្យឯករាជ្យជាតិ) est un jour férié qui marque l'anniversaire de la déclaration d'indépendance du Cambodge à l’égard de la France, le 9 novembre 1953. Cette fête est surtout célébrée dans la capitale, Phnom Penh. La veille au soir, une veillée aux chandelles rend hommage aux patriotes qui ont sacrifié leur vie pour l'indépendance des colonies françaises. La journée commence par la levée du drapeau national et l'allumage d'une torche commémorative au Monument de l'Indépendance. La cérémonie est présidée par le roi du Cambodge en sa qualité de commandant en chef des forces armées. La soirée, un défilé de gala a lieu devant le Palais Royal. Un grand feu d'artifice marque la fin des événements festifs. Chaque année, les étudiants et les travailleurs disposent de deux jours chômés pour l’occasion.
La tutelle française a duré 90 ans. Les Français aiment bien rappeler que c’est le roi de l’époque, Norodom Ier, qui a sollicité le protectorat de la France de peur de voir son royaume disparaître, absorbé par celui du Siam (aujourd’hui la Thaïlande) qui avait amputé le Cambodge de sa partie occidentale que la France permit de récupérer. Le traité de protectorat de la France sur le Cambodge a été signé le 11 août 1863. La France qui était déjà présente au Tonkin, en Annam et en Cochinchine, y trouvait son intérêt dans le fait de damer le pion aux Anglais que l’on savait manipulant le roi du Siam et de pouvoir contrôler le cours du Mékong, fleuve qui facilite l’accès à a Chine.
La France aurait sauvé le Cambodge d’une disparition, mais là où le souvenir devenir plus amer, c’est quand la France assiège le palais et menace le roi Norodom, l'obligeant à signer une convention qui le dépossède de tous ses pouvoirs. C’était le 17 juin 1864. La France faisait du Cambodge non plus un protectorat mais une colonie en l’intégrant dans l’Indochine française. Paris va par deux fois modifier la succession dynastique pour mettre sur le trône la personnalité lui semblant la plus docile. L’exploitation et l’oppression du pays ont provoqué plusieurs mouvements de révolte dès 1885. Comme dans le reste de l’Asie du Sud-est, la domination japonaise à la faveur de la Seconde guerre mondiale a permis de rompre temporairement de lien avec la France et faire naître des aspirations à l’indépendance. En 1949, le roi Norodom Sihanouk exige que la France mette fin aux traités de tutelle signés en 1863 et 1884. La guerre d’Indochine a débuté en 1946. Du côté du Cambodge, des bandes armées de khmers issarak (milices indépendantistes) opérant dans l’Ouest depuis la Thaïlande et à partir de 1947, coordonnera son action avec le Việt Minh. L’Armée populaire vietnamienne va très vite prendre l’initiative, même sur le sol cambodgien. Le roi dénonce l'attitude des Français et menace de s'entendre avec le Việt Minh. Le 8 novembre 1953, Norodom Sihanouk qui s’était réfugié en Thaïlande, puis dans l’est du pays, fait une rentrée triomphale dans Phnom Penh. Le lendemain, l’indépendance était proclamée. Il faudra de nouveaux transferts en matière diplomatique et économique, début 1954, pour consacrer la pleine indépendance du royaume, et surtout que les accords de Genève, en juillet 1954, pour que cette indépendance soit reconnue internationalement.
Le Cambodge qui fête, ce jour, son indépendance n’en a pas fini avec les tutelles extérieures. C’est une intervention vietnamienne, le 7 janvier 1979, qui faisait tomber le terrible régime khmer rouge et permettait l’occupation du pays par le Vietnam. Hun Sen qui est arrivé au pouvoir sous la tutelle de Hanoï est toujours à la tête du Cambodge, même si le dictateur a cédé à son fils, Hun Manet, le poste de Premier ministre, en juillet 2023. L’ombre du Vietnam sur le Cambodge est toujours là.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 8 novembre 2023
9 novembre : il y a 90 ans, l'armée suisse tirait sur la foule des manifestants
Le 9 novembre 1932, à Genève, l’armée tirait sur une foule tentant d’empêcher un meeting d’une organisation fasciste. Les 13 morts de cette fusillade sont commémorés chaque année par la gauche genevoise.
Le 9 novembre 1932, l’extrême droite fasciste genevoise organisait un meeting à la salle communale de Plainpalais pour une mise en accusation publique de deux leaders de la gauche genevoise : Léon Nicole et Jacques Dicker. Pour empêcher ce meeting, une manifestation ouvrière réunit plusieurs milliers de personnes. Craignant des troubles, le Conseil d’État fait appel à l’armée qui envoie de jeunes recrues inexpérimentées encadrées par des officiers qui leur font croire qu’une révolution de type bolchevique a éclaté à Genève. Pressée par les manifestants devant l’ancien Palais des expositions (actuellement Uni-mail), l’armée tire dans la foule à 21 h 34 sans sommation, assassinant en quelques secondes 13 personnes et en blessant des dizaines d’autres… Les victimes sont surtout des passants et des curieux plus que des militants socialistes.
Aucun soldat ne sera poursuivi, en revanche, le lendemain, Nicole et six autres socialistes sont arrêtés, rendus responsables de ces événements puis écroués à Saint-Antoine. En mai 1933, à l'indignation générale de l'opinion publique, Léon Nicole sera condamné par une cour d'assises fédérale à 6 mois de prison. Une fois relâché, Léon Nicole a repris la direction du parti socialiste genevois et est devenu président du Conseil d'Etat le 1er décembre 1933. Genève a connu le premier gouvernement à majorité de gauche en Suisse. Celui durera jusqu’en 1936.
En 2016, le gouvernement genevois demande la réhabilitation nationale des sept condamnés : Léon Nicole, Auguste Millasson, Francis-Auguste Lebet, Jules Daviet, Albert Wütrich, Francis Baeriswyl et Edmond Isaak par une cour d'assises fédérale le 3 juin 1933 à 6 mois de prison. Ces personnes avaient été défendues par Jacques Dicker, l'arrière grand-père de l'écrivain Joël Dicker. Cette réhabilitation sera refusée par Berne en 2019. Un refus qui n'empêche pas une partie des Genevois de perpétuer leur devoir de mémoire, à chaque date anniversaire.
Cette année, pour les 90 ans du drame, e comité intersyndical et des organisations politiques organisent une cérémonie en leur hommage en réitérant le mot d’ordre « Plus jamais ça ! » La cérémonie commence à 18h devant la Pierre du 9 novembre, en face d’Uni-Mail. Une exposition et une conférence marquent aussi l’événement.
La pierre commémorative a été installée en 1982, pour le cinquantenaire de l’évènement. Elle est régulièrement vandalisée, preuve que les tensions qui ont divisé Genève dans les années 1930, en très le Parti socialiste et l’Union nationale de Georges Oltramare, ne sont pas totalement éteintes.
Aux lendemains de la fusillade du 9 novembre, craignant une remise en cause de l’ordre établi, les autorités procèderont en Suisse à plus de 200 arrestations dans les milieux ouvriers. Des troupes seront mobilisées dans les cantons de Genève, Vaud, Berne et Zürich. Les distributions de tracts et manifestations seront interdites dans la plupart des villes du pays. Les journaux ouvriers seront empêchés de publication, d’autres soumis à relecture. Le drame reste une date charnière de le l’histoire politique de la Suisse.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 8 novembre 2022
9 novembre : l'incontournable pèlerinage à Colombey-les-Deux-Églises
Le jour anniversaire de la mort du général De Gaulle est chaque année une journée importante de la scène politique nationale
La France est une république laïque mais cela n’interdit pas les pèlerinages et le culte des saints. Parmi les cérémoniaux les plus incontournables, en particulier en période préélectorale, celui de se rendre à Colombey-les-Deux-Églises en Haute-Marne où est enterré Charles De Gaulle. Ce petit village de la Haute-Marne est si médiatisé qu’il reçoit chaque année quelque 150 000 touristes. Le jour anniversaire de la mort du général De Gaulle, le 9 novembre 1970, est une de ces journées importantes de la scène politique nationale et de l’année gaullienne. L’an dernier, le président Macron y avait marqué la fin des célébrations de l’année De Gaulle, organisée pour le 130e anniversaire de sa naissance, les 80 ans de l’appel du 18 juin et le cinquantenaire de sa mort.
Cette année pas d’anniversaire particulier, mais une présidentielle en vue. Ce qui rend obligatoire la visite à la figure tutélaire, célébrée de l’extrême droite à la gauche, chacun revendiquant une partie de son héritage. Sont notamment attendus le Premier ministre, Jean Castex, Anne Hidalgo, Arnaud Montebourg et les cinq candidats au congrès des Républicains, ainsi que Christian Jacob, le président de LR. Depuis 2012, le RN envoie un représentant. Nicolas Dupont-Aignan sera présent aussi, ainsi que Florian Philippot, sauf si son refus de montrer un pass sanitaire lui fait renoncer. Le pétainiste Éric Zemmour aura, lui, la décence de s’abstenir de venir. On notera que le 9 novembre (anniversaire de la Nuit de cristal) est aussi à l’échelle mondiale, la Journée internationale contre le fascisme et l'antisémitisme.
Depuis la mort du général-président, Colombey-les-Deux-Églises, le village de 700 habitants où De Gaulle a terminé sa vie, est devenu un lieu de commémoration, avec l’édification en 1972 d’une croix de Lorraine, haute de 43,50 mètres, et l’inauguration, en 2008 par Jacques Chirac, d’un mémorial de 1 600 mètres carrés. La maison du grand homme, La Boisserie, achetée en 1934 comme résidence secondaire, est aujourd’hui un autre lieu de mémoire.
À 9 h 30, débute le traditionnel accueil républicain au sein de la Mairie de Colombey-les-Deux-Églises. À 11 h 10, un accueil républicain est prévu à la Croix de Lorraine, à la suite de cela une cérémonie se déroulera aux abords du monument.
Certains politiques, comme Anne Hidalgo, profiteront du voyage pour faire une visite au Mémorial de Verdun, à deux jours des célébrations du 11 novembre, à ainsi qu’à la nécropole nationale de Douaumont.
En ce 9 novembre, Marine Le Pen candidate à la Présidentielle 2022 a choisi de faire une visite à Bayeux (Calvados), ville d’un discours fameux du général De Gaulle en 1944. Elle déposera ensuite une gerbe de fleurs devant la Croix de Lorraine à Courseulles-sur-Mer.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 8 novembre 2021
Mise à jour 9 novembre 2024 : Cette année, pas d’élections en vue. La seule personnalité à avoir fait le voyage pour son adoubement dans ce lieu symbolique est, bien sûr, Michel Barnier, le nouveau premier ministre.
Dans l’opposition, le mythe est aujourd’hui cultivé par Jordan Bardella, qui a choisi précisément ce 9 novembre pour faire paraître son livre promotionnel, Ce que je cherche (Fayard). On n’a pas dû lui dire que les origines du parti qu’il préside sont justement l’antigaullisme.