Zemmour en visite en Arménie : commentaire de T. Yégavian
La réaction de Tigrane Yégavian sur France Info TV à la visite d’Éric Zemmour en Arménie, le 11 décembre 2021, à visionner sur Youtube : https://youtu.be/wQ611EGfQwU
Pour en savoir plus sur la situation en Arménie, lire : Géopolitique de l’Arménie, de Tigrane Yégavian
La guerre entre l'Algérie et le Maroc ?
Hier Alger affirmait que trois Algériens ont été tués par des tirs de l’armée marocaine sur une route du Sahara occidental proche de la frontière mauritanienne. Le convoi de camions se trouvait à l’arrêt entre les localités d’Ain Ben Tili et de Bir Lahlou, un segment contrôlé par le Front Polisario. Venant de Tindouf, en Algérie, ils roulaient donc à l’est du « mur de sable » qui sépare la partie du Sahara occidental occupé par le Maroc de celle que contrôle le Front Polisario, une force militaire sahraouie, soutenue par l’Algérie.
La Maroc dément, la Mauritanie n’a rien vu et l’Algérie se déchaîne contre Rabat. L’affaire pourrait dégénérer. Les relations diplomatiques sont déjà rompues depuis le 24 août dernier. L’Algérie a coupé le contact avec son voisin après que l’ambassadeur du Maroc à l’ONU eut déclaré que “le vaillant peuple kabyle mérite, plus que tout autre, de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination”. La sortie était une réponse à l’activisme d’Alger en faveur du droit des Saharouis. Va-t-on s’en tenir à une guerre d’invectives ?
Depuis les indépendances, la tension n’est jamais descendue entre les deux capitales. Cas figure rarissime dans le monde : leur frontière commune est fermée depuis 1994. Algérie et Maroc se sont affrontés militairement en 1963, lors de la « guerre des sables ». C’est le contrôle du Sahara qui est la cause de cet éternel conflit qui ruine les deux pays. Le Maroc s’est senti lésé lors de l’indépendance de l’Algérie, la France ayant cédé à ce pays la totalité du Sahara qu’elle contrôlait. En contrepartie, le Maroc s’est dédommagé en occupant le Sahara espagnol (la Marche verte en 1975), avant même que Madrid ne se retire de ce territoire. Le droit international n’a pas été respecté et Alger n’a jamais accepté cette occupation. Depuis, l’Algérie arme une partie des populations sahraouie, réfugiée à Tindouf, pour qu’elle résiste aux forces marocaines. Le Mur de sable et la présence de casques bleus ont permis un cessez-le-feu en 1991.
Depuis 30 ans, le conflit territorial est gelé et le Maroc occupe l’essentiel du territoire contesté et engrange des succès diplomatiques. Le dernier en date est le « deal » de Donald Trump scellé le 10 décembre 2020 entre le Maroc et les États-Unis, aux termes duquel Washington a reconnu la « marocanité » du Sahara occidental, en échange de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël. Aux yeux d’Alger, une ligne rouge avait été franchie. Depuis la tension a monté d’un cran… Les deux régimes autoritaires, politiquement contestés, pourraient bien s’offrir un conflit armé pour activer la fibre patriotique et faire taire toute contestation démocratique.
BT
Pour un point sur les relations entre ces deux États, lire : Géopolitique de l’Algérie ainsi que Géopolitique du Maroc deux ouvrages de Kader Abderrahim
La tour Eiffel porte un nom allemand !
La tour qui fait figure de symbole de la capitale française porte le nom d’une région allemande. Eiffel est en effet une région de collines située à l’est de la Belgique et du Luxembourg, dans le Lander de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Aujourd’hui, le nom de la région est orthographié Eifel. C’est de là que vient la famille Bönickhausen (avec un tréma à l’époque), celle de l'ingénieur qui a construit la tour.
La tour Eiffel aurait-elle pu s’appeler Bonickhaussen ? Probablement pas. À cette période l’hostilité des Français envers leurs voisins qui occupaient l’Alsace et la Moselle, était telle que les Parisiens auraient donné un autre nom à ce monument qui deviendra un symbole national. Bonickhaussen était pourtant le patronyme de naissance de l’ingénieur qui l’a construite. Eiffel était un nom d’usage, adopté par sa famille et qui permit à Gustave dit Eiffel de nommer sa société d’ingénierie : Eiffel & Cie, fondée en 1866. Il demanda ensuite à en faire son nom de famille, ce qui lui fut accordé en 1879, soit tout juste dix ans avant l’inauguration de la tour métallique. Le problème ne s’est donc pas posé.
Léo Heinrich Bönickhausen, le plus lointain ancêtre connu de Gustave Eiffel était en même temps maître d’école et sacristain. Il vivait dans la localité de Marmagen. C’est son fils aîné, Wilhelm Heinrich qui débarqué à Paris à une époque où l’immigration allemande vers la France était importante. Son fils s’établira comme tapissier rue Vieille-du-Temple et s’intégrera parmi les bourgeois de la capitale française. Mais, Bönickhausen est vraiment un nom vraiment difficile à prononcer pour la clientèle. La famille prendra l’habitude de se faire appeler du nom de sa région d’origine : Eiffel. Mais, sans toutefois avoir fait modifier son état civil.
Ainsi, quand Gustave naît en 1832, il est inscrit à l’état civil sous le nom de Bonickhausen, comme son aïeul, arrivé en France au siècle précédent. Et, à l’instar de ses ancêtres, il utilisera Eiffel comme nom d’usage. L’Allemagne, qui n’existe toujours pas en tant qu’État, n’était pas encore l’ennemi récurrent de la France. Elle le devient en 1870, avec la défaite de Sedan et la perte de l’Alsace-Lorraine. À partir de cette époque, un nom à consonance germanique est susceptible d’éveiller tous les soupçons. Vous vous fâchez avec quelqu’un et vous voilà qualifié de « boche ». En 1876, un employé licencié de la société Eiffel & Cie veut se venger de son patron. Il le dénonce comme un espion à la solde de Bismark qui se dissimulerait sous un faux nom. Un procès est engagé, il lave bien sûr Gustave Eiffel de tout soupçon, mais le persuade d’engager une procédure de changement de son patronyme. La « consonance allemande inspire des doutes sur ma nationalité française, et ce simple doute est de nature à me causer soit individuellement, soit commercialement, le plus grand préjudice », écrit-il pour justifier sa demande, laquelle aboutira en 1879 (décret du 1er avril 1879).
Cela dit, si on avait vraiment baptisé la tour du nom de son inventeur, il aurait fallu l’appeler tour Koechlin ! Un autre nom germanique, mais celui d’une famille suisse, originaire du canton de Schaffhouse et établie ensuite en Alsace. C’est en effet l’ingénieur Maurice Koechlin qui a inventé la structure de la fameuse tour. Gustave Eiffel lui a, par la suite, racheté le brevet.
Extrait de Ces Allemands qui font la France, par Bruno Teissier et Christine Ramel
Le 11-Septembre sans fin du Chili : bientôt un mauvais souvenir ?
Comme chaque année le 11 septembre des rassemblements à la mémoire d’Allende sont organisés dans différentes villes du Chili . À Santiago, le traditionnel pèlerinage débutera à 10h30, Plaza Los Héroes et se dirigera vers le cimetière général de la Recoleta.
Cela fait presque un demi-siècle que l’on commémore le coup d’État d’extrême droite déclenché le 11 septembre 1973 pour renverser un gouvernement de gauche dirigé par Salvador Allende. La dictature du général Pinochet s’est achevée en 1990 mais le Chili a conservé sa constitution en héritage. La possibilité de modifier cette constitution qui impose un système ultralibéral d’inspiration nord-américaine, n’a été possible qu’à l’automne 2020, à l’issue d’un référendum acquis de haute lutte après des manifestations sociales qui ont secoué le pays. Une constituante a été élue en juin 2021, elle a commencé à travailler, mais dans des conditions difficiles tant le gouvernement actuel lui met des bâtons dans les roues. Faudra-t-il attendre le 50e anniversaire du putsch, en 2023, pour que ce triste épisode de l’histoire du Chili soit enfin renvoyé à l’histoire ?
Pour en savoir plus sur l’évolution du 11-Septembre chilien selon les époques, lire les analyses d’Eduardo Olivares Palma et le témoignage de Maria Claudia Poblete dans Les 11-Septembre, celui des Américains, des Chiliens, des Catalans et tous les autres
Le 11 septembre, future date de l'indépendance de l'Écosse ?
Le SNP, le parti national écossais, tient actuellement son congrès annuel. Le choix du week-end du 11 septembre n’est pas du tout un hasard. Comme pour les Catalans, c’est une date symbolique du nationalisme écossais. En 1997, c’est un 11 septembre que les Écossais décidaient du rétablissement de leur parlement disparu depuis trois siècles. Peut-être qu’un jour prochain, ce sera un 11 septembre qu’ils décideront de leur indépendance. L’hypothèse peut être prise au sérieux, lors du dernier référendum sur l’indépendance de l’Écossais, le oui a atteint 45%. C’est en 2014, avant le Brexit que les Écossais ont majoritairement refusé. Aujourd’hui, la proportion des indépendantistes dans la population semble, selon les sondages, s’être totalement inversé. Reste juste le feu vert de Londres pour une nouvelle consultation… Le prochain nouvel État sur la carte de l’Europe a plus de chance d’être l’Écosse que la Catalogne.
Pour connaître l’origine du 11-Septembre écossais, lire le texte de Cyril Trépier dans : Les 11-Septembre, celui des Américains, des Chiliens, des Catalans et tous les autres
Catalogne : une Diada 2021 moins indépendantiste ce 11 septembre
Pour la Diada 2021, Pere Aragonès (centre gauche), jeune président de la Catalogne veut rompre avec le militantisme indépendantiste de Carles Puigdemont (centre droit). Cette année la Diada, la fête nationale de la Catalogne, s’adressera à tous les Catalans, pas seulement au peuple indépendantiste. Une manière de montrer la rupture est de s’ouvrir aux cultures du monde, très présente dans une métropole comme Barcelone : la fête sera rythmée par la rappeuse marocaine Miss Raisa, le chanteur nigérian Kelly Isaah et du flamenco avec l’Andalouse Alba Carmona. La culture catalane n’est pas oubliée, un hommage également sera rendu au violoniste Pau Casals, un virtuose catalan connu également pour avoir prononcé un discours pacifiste devant l’ONU.
En juin, neuf indépendantistes catalans, condamnés en 2019 pour tentative de sédition, ont été graciés par le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez. Leur libération a provoqué l'espoir d'un apaisement de la crise catalane : les séparatistes catalans et le gouvernement espagnol devraient reprendront le dialogue prochainement…
La traditionnelle manifestation du 11-Septembre, débutera à 17h14, en référence à la date de la bataille du 11 septembre 1714 qui a mis fin à l’indépendance de la Catalogne. Elle ira de la place Urquinaona au parc de la Ciutadella à Barcelone.
Pour comprendre l’évolution de la Diada de l’Onze de Setembre, depuis sa création en 1886, lire les textes de Cyril Trépier dans Les 11-Septembre, celui des Américains, des Chiliens, des Catalans et tous les autres
Maroc, la séquence du 20 février se referme avec les législatives de septembre
Dix ans après, la séquence ouverte avec le Mouvement du 20 février se referme sur une totalement reprise en main du Maroc par le roi, ou de moins son entourage plus ou moins occulte, le Palais. Finalement, plus de ma moitié des Marocains se sont déplacés pour les législatives du 8 septembre 2021, soit une nette baisse de l’abstention mais c’est pour chasser le parti islamiste du pouvoir. Le Parti de la justice et du développement avait été appelé au pouvoir il y a dix ans pour mettre un terme à la version marocaine des printemps arabe, le Mouvement du 20 février (2011) dénonçant la corruption et le despotisme régnant au Maroc. Ni l’un ni l’autre n’ont disparu, les électeurs se sont juste résignés à entériner le pouvoir total du Palais. Les deux partis arrivés en tête en sont les émanations : le Rassemblement national des indépendants (RNI), dirigé par Aziz Akhannouch, première fortune privée du Maroc (l’héritier des stations d’essence Afriquia) et le Parti authenticité et modernité. Les deux partis proches du roi ont été créés pour mettre en pièces les islamistes du parti de la justice et du développement, PJD, avec le dernier scrutin, c’est mission accomplie.
Le PJD a dirigé plusieurs gouvernements successifs sans avoir la main aucunement sur les grandes orientations socio-économiques ni diplomatiques. La normalisation des relations entre le Maroc et Israël, voulu par le Palais, n’a pas du tout été comprise par son électorat. Le Maroc n’est pas une démocratie, les électeurs en se résignant à voter pour le Palais viennent d’en entériner le fait. Cela dit, les islamistes conservent un important maillage associatif dans la société, ils pourraient resurgir d’une autre manière, beaucoup plus déstabilisante pour le Royaume, d’autant que le taux de pauvreté n’a pas diminué, le chômage des jeunes progresse, les inégalités sont toujours criantes et la corruption systémique. Les islamistes chassés du gouvernement, toute opposition démocratique bâillonnée, en particulier celle de la presse, une séquence très incertaine s’ouvre au Maroc…
Sur la place du Maroc dans le monde, lire la Géopolitique du Maroc par Kader A. Abderrrahim
juillet : Imbroglio diplomatique entre Maroc et Algérie
Alger vient de rappeler son ambassadeur à Rabat tout en dénonçant une « dangereuse dérive de la diplomatie marocaine ». L’Algérie répond à une initiative marocaine récente auprès des Nations unies, exprimant le soutien de Rabat à un « mouvement pour l'indépendance des tribus de Kabylie ». Algérie a condamné fermement cette démarche tout en faisant référence à la présence de Berbères à l'intérieur même du Maroc.
Depuis plusieurs décennies, l’Algérie apporte un soutien appuyé à un nationalisme sahraoui dénonçant l’occupation du Maroc. On le sait Rabat insiste depuis 35 ans sur son droit historique sur région du Sahara occidental et propose une autonomie étendue sous sa souveraineté, tandis que le "Polisario" demande un référendum pour déterminer le sort de la région, proposition soutenue par l'Algérie, qui accueille des réfugiés de la région contestée…
Pour un point sur les relations entre ces deux États, lire : Géopolitique de l’Algérie ainsi que Géopolitique du Maroc deux ouvrages de Kader Abderrahim
juillet : Bombay, très fortement touchée par la mousson
Bombay est également touchée par d’intenses précipitations qui ont causé la mort de plusieurs dizaines de personnes, en particulier dans les quartiers de Chembur et Vikhroli en raison de glissements de terrain. Plusieurs quartiers de la ville sont inondés et le trafic ferroviaire est fortement perturbé. De juin à septembre, c’est l’époque de la mousson qui chaque année fait de nombreuses victimes dans cette métropole de plus 20 millions d’habitants.
Faute de pouvoir y aller pour le moment, on peut découvrir la ville avec notre guide Bombay, quartier par quartier.
avril 2021 : face à une nouvelle vague, Bombay se reconfine
À Bombay, c’est confinement complet le week-end et restriction et couvre-feu en semaine.
L’Etat du Maharashtra, le plus touché par la deuxième vague de coronavirus, se confine le 10 avril 2021, une mesure qui affecte 125 millions de personnes et sera répétée chaque fin de semaine pendant tout le mois d'avril. Les 72 centres de vaccination privés de Bombay sont fermés jusqu'à mardi tandis que les horaires d'ouverture sont restreints dans les centres publics, menacés de fermeture s'ils ne sont pas approvisionnés.
Les autorités locales avait déjà annoncé la fermeture des centres commerciaux, des cinémas, des bars, des restaurants et des lieux de culte à compter de lundi soir et l'instauration d'un confinement strict durant les week-ends. Un couvre-feu nocturne sera également en vigueur de 20h00 à 07h00 locales.
Le pays est confronté à une deuxième vague épidémique bien plus violente que la première en août et septembre 2020. L'Inde est désormais le deuxième pays le plus touché dans le monde derrière le Brésil.
Faute de pouvoir y aller pour le moment, on peut découvrir la ville avec notre guide Bombay, quartier par quartier.
avril 2021 : la Visite de Jean Castex à Alger annulée
Officiellement, la visite du Premier ministre français à Alger a été annulée, ce 9 avril 2021, en raison de « l’épidémie de Covid-19 ne permettant pas à ces délégations de se retrouver dans des conditions pleinement satisfaisantes ». En réalité, Alger était déçue du format de la visite : quatre ministres et seulement une journée… Le président Macron avait pourtant opté pour un soutien ouvert au président Tebboune, mal élu fin 2019. Lors de cette rencontre, plusieurs sujets économiques, sécuritaires ou culturels étaient sur la table et des accords devaient être signés. Ce sera pour une autre occasion.
Le pouvoir algérien de moins en moins légitime face à un Hirak reparti de plus belle le 22 janvier dernier et qui marquait ce vendredi, sa 112e manifestation. Faute d’avoir laissé émerger le moindre leader, il a été impossible d’acculer le pouvoir à négocier comme cela s’est fait au Soudan. Du coup, le pouvoir renvoie aux manifestants leur manque de légitimité, l’éparpillement de leurs revendications et même leur infiltration par les islamistes.
Le gouvernement algérien attend des jours meilleurs pour négocier avec le gouvernement français sur des sujets importants comme les séquelles des essais nucléaires de l’ère De Gaulle en Algérie.
Des gestes maladroits de part et d’autre sont à déplorer : le 8 avril, El Hachemi Djaaboub, ministre algérien du travail, qualifiait la France d’« ennemi traditionnel et éternel » de son pays. On peut aussi noter l’annonce par La République en Marche, le parti d’Emmanuel Macron, de l’ouverture d’une antenne politique à Dakhla, au Sahara occidental, un territoire occupé par le Maroc, ce que lui conteste l’Algérie. Cette annonce a eu lieu la veille de l’annulation de la visite. S’il fallait chercher un prétexte à cette annulation, il était offert sur un plateau.
Pour un point sur la situation de l’Algérie, lire : Géopolitique de l’Algérie de Kader A. Abderrahim
Démonstration de force algérienne à la frontière marocaine
Au début de cette semaine l’Algérie a opéré de spectaculaires manœuvres militaires dans la région de Tindouf. Un territoire revendiqué par le Maroc et qui abrite d’importantes populations sahraouies auxquelles Alger a donné refuge après l’occupation du Sahara occidental par l’armée marocaine en 1975. L’Algérie qui dispose, de loin, de l’armée la plus importante de la région, entend maintenir la pression sur un conflit vieux de 45 ans.
Les autorités algériennes sont à cran depuis le deal opéré par le Maroc à la fin de l’année dernière : le roi du Maroc, sans consulter son peuple, a réussi un coup de maître diplomatique. Le rétablissement des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, lui a valu en retour, la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté du Maroc sur la portion du Sahara qu’il occupe dans reconnaissance internationale. Ce qui a été qualifié de « deal du siècle pour le Maroc » a bien sûr été parrainé par le président Trump. Une volte face risquée politiquement car l’opinion publique marocaine a du mal à admettre cet abandon de la cause palestinienne contre un soutien américain dans le dossier du Sahara.
Une opération dangereuse également car elle a provoqué les foudres de la principale puissance militaire de la région, le voisin algérien. D’autant, qu’une évolution politique majeure s’est opérée discrètement le 1er novembre dernier en Algérie. Le fameux référendum sur une nouvelle constitution, organisée par le gouvernement algérien pour conforter son pouvoir n’a été analysée qu’en matière de politique intérieure. Ce fut en effet un demi échec pour Alger tant la participation a été faible. Cette constitution n’offrait pas les réforme politiques attendues par le peuple algérien, mais elle contenait néanmoins une évolution majeure : pour la première fois depuis 1962, la loi fondamentale autorise « l’envoi d’unités de l’armée nationale populaire à l’étranger » (article 91 de la nouvelle constitution). Jusque-là, la constitution n’autorisait pas l’armée algérienne à opérer hors de ses frontières. Sans la moindre médiatisation, l’Algérie abandonne sa tradition non-interventionniste qui était la marque de fabrique de la diplomatie algérienne depuis l’indépendance du pays.
Certes, cette inflexion doctrinale est surtout motivée par ce qui se passe depuis quelques années à sa frontière orientale, en Libye et sur son flanc méridional, au Sahel, et des dangers que cela représente pour l’Algérie à qui on a reproché de ne pas s’impliquer plus dans la stabilisation de la région. Mais cette nouvelle donne géostratégique va inévitablement peser dans le conflit latent qui l’oppose au Maroc à sa frontière occidentale. Les manœuvres aéroterrestres, assorties d’exercices tactiques à tirs réels de missiles, dont les images ont été complaisamment diffusées par la télévision publique algérienne depuis dimanche, sont là pour en convaincre les observateurs de tous bords.
Pour un point sur la situation de l’Algérie, lire : Géopolitique de l’Algérie de Kader A. Abderrahim
Rupture du cessez-le-feu au Sahara occidental
Des échanges de tirs entre les forces du front Polisario et les Forces armées royales marocaines marquent la rupture d’un cessez-le-feu qui date de 1991. Le 13 novembre 2020, l’armée marocaine est intervenue pour rétablir le trafic routier entre le Sahara occidental et la Mauritanie.
Avant d’arriver au poste frontière de Guerguerat, à la frontière de la Mauritanie, la route traverse sur quelques kilomètres une zone tampon, contrôlée de fait par le Front Polisario. C’est le seul lieu de passage vers la Mauritanie, il est essentiel pour l'économie du royaume chérifien qui exporte notamment des fruits et légume vers son voisin du sud.
La semaine dernière, il y avait 108 routiers bloqués côté mauritanien et 78 de l'autre côté de la frontière, affirme-t-on de source marocaine. Les Sahraouis, pour leur part, parlent d’une simple manifestation pacifique contre laquelle le Maroc a mobilisé un milliers d’hommes et 200 véhicules. Leur objectif était purement symbolique, ils ont réussit à remettre leurs revendications au devant de l’actualité.
Le long des 2 700 km de mur de sable qui séparent la zone du Sahara occidental contrôlée par le Maroc (80%) et ses marches méridionales et orientales où s’exerce de facto la tutelle de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), des tirs ont été entendus à plusieurs endroits.
La période est particulière : le président algérien est hospitalisé ; le nouveau président américain n’est pas encore en fonction, la plupart des capitales sont mobilisés par la covid-19… Comme dans le Caucase, le calendrier offrait une fenêtre d’opportunité pour réveiller un conflit vieux de 45 ans.
Pour en savoir plus sur le dossier du Sahara occidental, lire la Géopolitique du Maroc par Kader A. Abderrrahim
Le référendum algérien marque une victoire des hirakistes
Les partisans du Hirak – la révolte populaire engagée en février 2019 contre le pouvoir algérien – avaient appelé au boycott du scrutin. Ils ont été largement entendus car le taux de participation (23,7%) n’a pas atteint le quart du corps électoral. Un minimum historique depuis 1962.
Les hirakistes militent pour un changement radical de régime, le gouvernement répond en proposant une constitution renforçant certaines libertés mais en confirmant un régime ultra présidentialiste, sans aucune indépendance de la justice.
Le président Abdelmadjid Tebboune, actuellement hospitalisé en Allemagne (la France étant boycottée), avait espoir que ce rendez-vous électoral lui apporte une légitimité que son investiture contestée ne lui avait pas donné. La date choisie, le 1er novembre 2020, celle de l’anniversaire de la Révolution de novembre, n’avait pas été choisie par hasard. Le pari est raté.
Le oui l’a emporté avec 66% – les islamistes avaient appelé à voter non –. Juridiquement, rien n’empêche le pouvoir de promulguer une constitution avec un si faible taux d’approbation (15 % des inscrits). Le pouvoir algérien peut-il, toutefois, en prendre le risque politique ?
Pour un point sur la situation de l’Algérie, lire : Géopolitique de l’Algérie de Kader A. Abderrahim
Le Musée d’art moderne de Paris consacre une rétrospective à un artiste roumain devenu français
La vie de Victor Brauner (1903-1966) est marqué par des exils successifs. Il est né à Piatra Neamţ, en Moldavie. Sa famille doit fuir en Allemagne en 1907 pour échapper aux violences antisémites. Dans les années 1920, ce jeune roumain participe néanmoins à la vie artistique de Bucarest, avant de venir à Paris, une première fois en 1925, puis à nouveau, en 1930. Il y fréquente les milieux surréalistes, source d’inspiration de son œuvre. Les difficultés financières le contraigne à regagner la Roumanie en 1935 où il est en bute à nouveau avec l’antisémitisme d’un régime qui vire au fascisme. En 1938, il regagne la France. La guerre l’oblige à se cacher dans un village des Hautes-Alpes, faute d’avoir pu émigrer aux États-Unis, par manque d’argent. En avril 1945, il retrouve Paris et le monde de l’art. Seule la dernière décennie de sa vie, le succès venant, lui permettra de vivre un peu plus à l’aise. Il repose au cimetière Montmartre.
Cet artiste singulier est très peu connu en Roumanie et n’est pas près de l’être car la grande rétrospective de son œuvre qui devait avoir lieu cette année à Bucarest est annulée en raison de la Covid-19. Les Parisiens ont eu le temps de le découvrir en septembre, espérons que l’exposition rouvrira.
Le Musée d'art moderne de Paris lui consacre une exposition du 18 septembre 2020 au 10 janvier 2021 : Victor Brauner, Je suis le rêve. Je suis l'inspiration
Pour en savoir plus lire Ces Roumains qui font la France, par Bruno Teissier
La France restitue à l'Algérie 24 crânes de combattants anticoloniaux du XIXe siècle
Signe d’un dégel entre Paris et Alger, à l’occasion du 58e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, La France restitue 24 crânes de ces combattants tués au début de la colonisation française au XIXe siècle. Parmi les têtes des rebelles les plus illustres des débuts de la colonisation, figurent celles de cheikh Bouziane, le chef de l'insurrection des Zibans, dans l'est de l'Algérie, en 1849, et de ses compagnons d'armes. Capturés par les Français, ils avaient été fusillés puis décapités. Les crânes étaient considérés comme des « trophées de guerre » par les militaires français. Ils étaient depuis des décennies entreposés au Musée de l’Homme où ils avait été oubliés parmi des milliers d’autres de toutes provenances. C’est l’historien algérien Ali-Farid Belkadi qui a alerté sur la présence de ces crânes en 2011. En 2017, le président Macron s’était engager à les restituer. La demande officielle de l’Algérie a été formulée en 2018.
Une cérémonie d’accueil très solennelle leur a été réservée. Les 24 cercueils, recouverts du drapeau national, ont été lentement portés par des soldats, au son de 21 coups de canon. Ils ont ensuite été transférés au Palais de la Culture où ils ont été exposés toute la journée du 4 juillet 2020, avant d’être enterrés dimanche 5 juillet à Alger dans le carré des martyrs du cimetière d’El Alia, aux côtés des combattants tombés dans la lutte pour l’indépendance et de résistants à la conquête coloniale, comme l’Émir Abdelkader.
La mémoire est un enjeux diplomatique majeur entre les deux capitales. Alger veut aussi remettre sur la table le dossier des « disparus » pendant la guerre d'indépendance (1954-1962) – plus de 2.200 selon Alger – et celui des essais nucléaires français dans le Sahara algérien qui « ont fait et continuent à faire des victimes ». En outre les autorités algériennes continuent à réclamer à Paris de véritables excuses pour 132 ans de colonisation de leur pays.
Le coronavirus fauche une figure du PCF, ancien réfugié allemand en France
L’ancien maire de Choisy-le-Roi, Daniel Davisse est décédé le 29 mars 2020 à Créteil (Val-de-Marne). Il était né à Hambourg, en Allemagne, le 7 juillet 1938 sous le nom de Daniel Herz dans une famille d’origine juive. Celle-ci a fuit le nazisme en se réfugiant au Luxembourg, puis en la France. Mais, en fait de refuge, les Herz ont été internés au camp de Gurs, puis au camp des Milles (Bouches-du-Rhône). Livrés aux nazis, les parents du jeune Daniel ont ensuite été déportés à Auschwitz d’où ils ne revinrent pas. Par chance l’enfant échappa à la déportation car il fut accueilli à Marseille par la famille Weill qui le cacha et le protégea ; il devint leur enfant et sera officiellement adopté en 1959. Installée à Paris, la famille Weill ayant pris le nom de Davisse après la guerre, Daniel Herz devient Daniel Davisse.
Il a fait une carrière d’ instituteur puis de permanent au Parti communiste ; secrétaire de la section communiste de Vitry-sur-Seine ; chef de cabinet de Charles Fiterman au ministère des Transports ; secrétaire de la section communiste de Vitry-Plateau. Daniel Davisse a été élu maire de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) en 1996, puis conseiller général en 2004, mandat qu’il a exercé jusqu’à son décès en mars 2020, victime du coronavirus.
Lire : CES ALLEMANDS QUI FONT LA FRANCE, Trois siècles d’immigration allemande en France, par Christine Ramel et Bruno Teissier-ci
Un an de Hirak en Algérie
Le 22 février marque un an de protestations populaires en Algérie, tous les vendredis (les mardis pour les étudiants), toutes générations confondues, une lame de fond qui a pris le nom de Hirak. Un an de manifestations, depuis le 22 février 2019, qui ont impressionné par leur civisme et leur pacifisme face à un pouvoir qui, de son côté, n’a pas osé faire couler le sang comme cela avait été le cas lors des émeutes d’octobre 1988.
La vague de protestations, d’abord dirigée contre l’ancien président Abdelaziz Bouteflika qui a, finalement, démissionné et contre le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire Gaïd Salah, décédé avant la fin de l’année, continue de demander un changement de régime. Car la nouvelle version du régime, avec en tête un président de 74 ans, Abdelmajid Tebboune, et un chef d’état-major du même âge, Saïd Chengriha, ne représente en réalité qu’un changement dans la continuité. Les arrestations et les condamnations de manifestants du Hirak se multiplient, le régime tente de reprendre la main.
Cela-dit, si rejeter le régime est une chose, avoir une vision claire sur la meilleure manière de le renverser en est une autre. Le Hirak est aujourd’hui victime de sa nature décentralisée et apolitique. On voit mal sur quoi il peut déboucher à court terme alors que l’Algérie voit son environnement régional chanboulé. Le danger d’une déstabilisation totale de Sahel, la guerre civile en Libye et un conflit au Sahara occidental qui sans être chaud, s’éternise.
Pour un point sur la situation de l’Algérie, lire : Géopolitique de l’Algérie de Kader A. Abderrahim
Bombay perd ses Padminis, les petits taxis emblématiques de la ville
Dans le cadre de sa lutte contre la pollution, le gouvernement de l’État du Maharashtra interdisait en 2013 à toute voiture de plus de 20 ans d’âge de rouler dans Bombay. Depuis, cela a entrainé la disparition de dizaines milliers de voitures, en particulier parmi les taxis jaunes et noirs de la marque Padmini. Cette voiture a été extrêmement populaire. La Premier Padmini était le taxi le plus courant. On estime qu'environ 60 000 Padminis roulaient à Bombay à la grande époque. Fin 2019, elles n’étaient plus qu’une cinquantaine. Leur disparition totale est programmée pour 2020.
La Premier Padmini - une version indienne du modèle italien Fiat 1100 - a fait ses débuts dans les rues de l'Inde dans les années 1960. Elle a été fabriquée en Inde par une entreprise locale, Premier Automobiles Ltd. La voiture a été nommée Padmini, du nom d'un roi indien légendaire.
Pour visiter la ville, lire : Bombay, d’un quartier à l’autre par Olivier Da Lage
Il ya dix ans disparaissait le Journal hebdomadaire, fleuron de la presse indépendante au Maroc
Mercredi 27 janvier 2010, en fin de journée, des éléments de la police judiciaire de Casablanca se rendaient au siège du titre de presse, sis boulevard des FAR à Casablanca et ont demandé expressément aux membres du personnel, présents sur les lieux, de quitter les locaux. Ceux-ci étaient mis sous scellés par les policiers. Ainsi s’achevait l’activité du Journal hebdomadaire, fleuron de la presse indépendante au Maroc entre 1997 et 2010. Sa liberté de ton avait fini par incommoder le Palais qui a procédé à son asphyxie financière. Aujourd’hui, les pressions économiques et la menace judiciaire continuent de peser sur ce qui reste de la presse privée. La justice, totalement inféodée au Palais et à l’entourage royal, joue un rôle crucial au Maroc dans la disparition de la liberté de presse qui avait prévalue à la toute fin du règne de Hassan II et au début de celui de son successeur. Aujourd’hui, le roi Mohamed VI a perdu l’essentiel de sa popularité mais, là, on touche le plus tabou des sujets…
Le rapport annuel publié en 2019 par Reporters Sans Frontières (RSF), attribue une place défavorable au Maroc. En effet, comme l’année précédente, le royaume qui n’a semblé faire aucun effort en matière de liberté de presse, se positionne à la 135e place du classement. Selon l’ONG Reporters Sans Frontières, cette zone dite « rouge » où la situation est qualifiée de « difficile » qu’occupe le Maroc, se justifie par « les procès fleuves intentés contre les journalistes ».
Pour en savoir plus sur ce pays, lire la Géopolitique du Maroc par Kader A. Abderrrahim