L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
17 septembre : souvenir des révoltés croates de Villefranche-de-Rouergue
Villefranche-de-Rouergue (France) commémore, chaque année, la révolte, en 1943, de quelque 500 Croates enrôlés de force dans les unités SS de l’armée allemande. Cette année les autorités municipales célèbrent le 80e anniversaire de ce drame local.
Villefranche-de-Rouergue (France) commémore, chaque année, la révolte, en 1943, de quelque 500 Croates enrôlés de force dans les unités SS de l’armée allemande.
Il s’agissait précisément de soldats musulmans de Bosnie-Herzégovine, région alors intégrée à l'État croate indépendant, incorporés de force au sein de la 13e division Waffen-SS, qui portera plus tard le nom de division SS-Handschar. La plupart avaient à peine 20 ans.
Les insurgés ont réussi à échapper à leur commandement allemand, et à libérer la petite ville française. Mais la liberté ne fut que de très courte durée. Les autorités allemandes ont vite repris le dessus et condamné à mort les soldats survivants des combats. Ils sont inhumés au lieu-dit du Champ des martyrs croates où se déroulent les cérémonies de ce 80e anniversaire de la tragédie, en présence de hautes autorités de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, en général les ambassadeurs. Une cérémonie se déroule en présence de vétérans locaux au mémorial de l'avenue des Croates, ponctuée par le dépôt de cinq gerbes et les différents hymnes (Bosnie-Herzégovine, Croatie, Marseillaise, hymne européen et le Chant des partisans.
Pour ce 81e anniversaire, la cérémonie commémorative qui a lieu ce dimanche 17 septembre à 10 h 30 au Parc-Mémorial des martyrs croates et bosniens.
Une exposition : la Révolte des soldats croates et bosniens jusqu’au samedi 23 septembre à la médiathèque la Manufacture. Une visite-randonnée "Mémoire d’une révolte" ce samedi 16 septembre à 9 h 30 (rdv devant la mairie) dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine – Circuit de 5 km sur les sites qui ont été le théâtre des événements (environ 2h30).
Si la population locale a été épargnée par la répression sanglante qui s’est abattue sur les insurgés croates et bosniens enrôlés (pour la plupart de force) dans l’armée allemande, c’est grandement grâce à l’acte héroïque du maire de l’époque, Louis Fontanges, ancien combattant ayant perdu un bras pendant la guerre de 14/18 et qui parlait allemand. Se portant garant de la population Villefranchoise en engageant sa propre personne physique, il a permis d’éviter un bain de sang.
Le mémorial a été construit en 2006, sur un terrain du quartier Sainte-Marguerite, nommé depuis Champ des Martyrs croates, et qui s’ouvre d’ailleurs sur un axe rebaptisé « avenue des Croates ».
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 16 septembre 2024
5 août : le thanksgiving des Croates
Voilà une fête très controversée et pourtant très populaire en Croatie, dont c'est devenu quasiment la principale fête nationale. Le 5 août 1995, le pays reprenait enfin le contrôle des régions, les krajine, où les milices serbes régnaient en maître depuis 1991.
Voilà une fête très controversée et pourtant très populaire en Croatie, dont c'est devenu quasiment la principale fête nationale.
Le 5 août 1995, le pays reprenait enfin le contrôle des régions, les krajine, où les milices serbes régnaient en maître depuis 1991. La guerre serbo-croate prenait fin à Knin, une cette petite ville enserrée dans les montagnes du sud de la Croatie, où se déroule aujourd'hui l’essentiel des commémorations. C’est le début de trois jours de fête, en présence du président de la République et des plus hautes autorités de l’État.
Cette Journée du souvenir national, également Journée des anciens combattants, se déroule dans une ambiance hautement patriotique, l’épicentre des cérémonies est le monument en forme de V qui symbolise la victoire. Quoi de plus naturel que de commémorer la fin d’une guerre ? Le problème, c’est que la réalité des faits est beaucoup moins glorieuse que les discours ne le laissent entendre. Si la reconquête a été si rapide, c’est que les forces serbes, lâchées par Belgrade, se sont repliées sur la Bosnie, avant même l’arrivée des Croates. Craignant les exactions de l’armée croate, les habitants de cette ville de 40 000 habitants (à l’époque), presque tous serbes ont fui massivement vers Banja Luka, en Bosnie. C’est dans une ville fantôme que sont entrées les forces de Zagreb. Dans les villages alentour, la population civile abandonnée à son sort a subi, expulsions arbitraires, exécutions, destructions de villages… sans aucune justification stratégique si ce n’est une volonté farouche de nettoyage ethnique.
Plusieurs responsables, dont les généraux Gotovina et Markac ont été condamnés en 2011 à respectivement 24 ans et 18 ans de prison par le TPI de La Haye, pour les meurtres de masse commis dans les jours qui ont suivi ce fameux 5 août. Pour les Croates, ces deux généraux sont des héros injustement emprisonnés à l’étranger. De leur côté, les Serbes dénoncent quelque 2000 morts. C’est à leur mémoire que sont organisés des offices religieux à Banja Luka et à Belgrade.
25 juin : il y a 30 ans, les indépendances slovène et croate
Pourquoi le même jour ? Parce que les deux républiques fêtent le même évènement : la proclamation, le 25 juin 1991, de leur indépendance respective, entrainant de fait la disparition de la Yougoslavie…
Slovénie et Croatie célèbrent toutes deux leur fête nationale le 25 juin. Pourquoi le même jour ? Parce que les deux républiques fêtent le même évènement : la proclamation, le 25 juin 1991, de leur indépendance respective, entraînant de fait la disparition de la Yougoslavie, un État né en 1918, et surtout un événement qui a engendré une décennie de guerre. D’où un certain malaise existant en arrière-fond de ces deux fêtes nationales.
En Slovénie, c’est chaque année la même histoire. Doit-on inviter les anciens partisans (les résistants communistes au nazisme) aux cérémonies ? Pour certains, il n’est pas question d’associer à l’indépendance du pays d’anciens combattants qui se réfèrent toujours au drapeau d’une armée (yougoslave) qui a attaqué la Slovénie deux jours après sa déclaration d’indépendance. La guerre n’a duré que 10 jours, fait quelques dizaines de morts néanmoins et s’est soldée par un retrait de l’armée yougoslave. L’opinion adverse fait valoir que les anciens partisans, même nostalgiques de la Yougoslavie de Tito, ont risqué leur vie pour libérer le pays de l’occupation nazie et par là même ont contribué à la liberté dont jouit la Slovénie aujourd’hui.
En Croatie, la décision du 25 juin n’a pas entraîné 10 jours de guerre, mais 10 ans d’un conflit bien plus meurtrier.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 24 juin 2021