L’Almanach international
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16 mars : la mémoire de Rachel Corrie, un crime à Gaza vingt ans avant le 7-Octobre
Chaque 16 mars, les défenseurs de la cause palestinienne ont une pensée pour Rachel Corrie, militante américaine morte à 23 ans à Rafah écrasée par un engin de l’armée israélienne. Vingt-et-un ans après sa mort, sa mémoire a ressurgi sur les campus américains manifestant contre la politique pro-israélienne du président Biden.
Chaque 16 mars, les défenseurs de la cause palestinienne ont une pensée pour Rachel Corrie, militante américaine morte à 23 ans à Rafah écrasée par un engin de l’armée israélienne. Après le 7-Octobre, la mémoire de Rachel a ressurgi sur les campus américains manifestant contre la politique pro-israélienne du président Biden.
Cela s’est passé en 2003, alors que l'armée israélienne opérait dans la zone de Rafah pour y créer un no man's land destiné à faciliter la construction d'un mur de séparation. Des quartiers entiers de cette ville de la bande de Gaza ont alors été démolis. À l’époque le Hamas n’était pas encore au pouvoir dans le territoire (c’est 2006 qu’il remportera les élections).
Rachel Corrie, née en 1979 à Olympia dans l’État de Washington, était une militante pacifiste américaine membre de l'International Solidarity Movement. Arrivée dans la Bande de Gaza quelques jours plus tôt, elle essayait avec d'autres membres d'ISM d'arrêter la démolition de la maison d'un médecin palestinien. Le 16 mars 2003, elle est écrasée par un bulldozer Caterpillar D9 de l'armée israélienne à proximité duquel elle manifestait. L'armée affirme que sa mort est un accident, tandis que des militants pacifistes présents sur place et des témoins palestiniens accusent l'armée israélienne de l'avoir tué délibérément. Un documentaire de la BBC confirmera la version selon laquelle le conducteur a délibérément tué la jeune américaine.
Le territoire palestinien ne vivait pas encore l’enfer qu’il subit depuis octobre 2023, la militante découvrait la situation. Dans une lettre envoyée à sa famille depuis Gaza peu avant sa mort, Corrie décrivait les souffrances des Palestiniens dont elle a été témoin : « Aucune lecture, aucune participation à des conférences, aucun visionnage de documentaires, aucun bouche-à-oreille n'auraient pu me préparer à la réalité de la situation ici », a-t-elle écrit. « On ne peut l'imaginer sans l'avoir vue. »
En 2005, les parents de Corrie ont intenté une action civile contre l’État d’israël, affirmant qu'elle avait été tuée intentionnellement ou que l’armée (qui n’était pourtant pas en guerre) avait fait preuve de négligence criminelle. Un tribunal israélien a rejeté la plainte en 2012, statuant que l’État n'était pas responsable de sa mort. Le fait que les forces israéliennes œuvraient hors du territoire israélien en toute illégalité n’a pas été pris en compte.
Le même jour, un civil palestinien, Salim Nadja, fut tué dans des circonstances similaires. Il ne fit ni la Une des journaux ni l'objet d'un film.
22 ans se sont écoulés depuis la mort de Rachel Corrie et à ce jour, depuis le mois d’octobre 2023, ce sont près de 50 000 personnes qui ont été tuées dans la bande de Gaza par les bombardements de l’armée israélienne.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 15 mars 2025
Une image du documentaire de la réalisatrice franco-israélienne Simone Bitton, “Rachel” (2009)
La bande-annonce du film
16 mars : le génocide kurde d’Halabja, quand un dictateur se sent les mains libres
Comme Poutine en Tchétchénie, Saddam Hussein a eu tout loisir de massacrer des populations totalement à sa merci dans l’indifférence de l’Occident… Les Kurdes commémorent les quelque 5000 morts, hommes, femmes, enfants tués une seule journée par un bombardement de gaz chimique sur le village d’Halabja par l’armée irakienne.
Le 16 mars de chaque année, les Kurdes du monde entier commémorent les quelque 5000 morts, hommes, femmes, enfants tués une seule journée par un bombardement de gaz chimique sur le village d’Halabja (ههڵهبجه ou Helepçe).
C’était le 16 mars 1988, l’Irak était en guerre contre l’Iran depuis huit ans, une guerre par procuration, soutenu par une bonne partie des pays occidentaux, en particulier les États-Unis, dans l’espoir de faire tomber le régime de Khomeiny à Téhéran. L’Iran a résisté au prix de centaine de millier de morts… Profitant du conflit, les Kurdes d’Irak, soutenus par l’Iran, sont entrés en rébellion contre le dictateur irakien Saddam Hussein. La localité kurde d’Halabja, située tout près de la frontière iranienne, en avait profité pour se libérer par les armes. La reconquête irakienne fut terrible, le 15 mars 1988, la ville était reprise par Bagdad. Le lendemain, des avions de combat irakiens ont survolé la zone pendant cinq heures, libérant des gaz toxiques, notamment du sarin et du gaz moutarde. L'attaque chimique a entraîné la mort d'environ 5 000 personnes, pour la plupart des civils. Le taux de mortalité était particulièrement élevé chez les enfants, car les gaz toxiques sont plus denses que l'air et ont donc tendance à couler au sol. Entre 7 000 et 10 000 personnes ont été blessées et/ou ont subi les conséquences à long terme de l'attaque.
L’émotion fut grande dans les opinions publiques occidentales, mais les réactions des partenaires occidentaux de l’Irak furent insignifiantes à l’époque. Saddam Hussein était vu comme un rempart contre l’Iran révolutionnaire. Dans un premier temps, l’US Defense Intelligence Agency avait même accusé l’Iran du massacre. Mais après enquête, la responsabilité du régime e Bagdad s’est avérée incontestable. Mais l’affaire classée sans suite.
En ce début d’année 1988, le massacre d’Halabja n’était qu’un épisode de la reconquête sanglante du Kurdistan, dite campagne d’Anna, qui fit plus de 180 000 morts en quelques semaines. Saddam Hussein ne sera renversé que 15 ans plus tard, par les Américains, et sous un prétexte fallacieux. L’épisode d’Halabja sera alors déclaré génocide. Ali Hassan Al Majid, un cousin de Saddam Hussein mieux connu sous le nom de "Chemical Ali", a été pendu en 2010 pour avoir ordonné l'attaque. Beaucoup regrettent que les Américains ne l’aient pas livré au tribunal international de La Haye, tout comme Saddam Hussein, le grand ordonnateur du massacre, avec lequel l’Occident a continué à coopérer pendant des années. Lui aussi a été exécuté après un semblant de procès.
La journée du 16 mars est un jour férié au Kurdistan autonome d’Irak. Des cérémonies ont lieu chaque année à Halabja où un mémorial a été construit. La ville a été désignée comme capitale de la paix par le Parlement du Kurdistan irakien en 2015. Aujourd’hui, les survivants réclament toujours réparation.
L’événement est aussi célébré à Erbil, la capitale kurde et dans la diaspora. En 2014, un mémorial dédié aux victimes de l'attaque chimique de 1988 a été édifié à La Haye, dans le jardin du siège de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques. Le monument a été inspiré par une photo intitulée "Silent Witness", prise par le journaliste turc Ramazan Ozturk.
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Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 15 mars 2024
Monument commémoratif inspirée d’une photo tragique qui a marquée l’opinion internationale
16 mars : mémoire d'un Oradour-sur-Glane au Vietnam
Le 16 mars 1968, 120 GI de la brigade d’infanterie légère anéantissent le village de My Lai, un remake américain d'Oradour-sur-Glane. Ce massacre est une page particulièrement sombre de la guerre du Vietnam et de l’Histoire des États-Unis.
Le 16 mars 1968, 120 GI de la brigade d’infanterie légère anéantissent le village de My Lai, un remake américain d'Oradour-sur-Glane.
La tuerie le 16 mars 1968 dans le hameau sud-vietnamien de My Lai a suscité une réprobation internationale. Le massacre, qui ne devait être connu que plus tard en novembre 1969, a commencé lorsque les hommes de la compagnie Charlie commandés par le lieutenant Calley ont ouvert le feu sur des civils au cours d'une mission dans le village de My Lai et les villages voisins. Les victimes étaient essentiellement des vieillards, des femmes et des enfants. Le lieutenant Calley dira qu'il avait reçu l'ordre de nettoyer le village, censé être un repère de la guérilla communiste Vietcong mais en réalité rempli de femmes, enfants et personnes âgées désarmées. Le bilan exact du massacre est toujours controversé mais les estimations américaines font état de 347 à 504 personnes tuées. Le lieutenant Calley, seul Américain à avoir été jugé coupable de ce massacre, a été condamné à la perpétuité par une cour martiale mais a été libéré au bout de trois ans, en 1974, sur intervention du président américain Richard Nixon.
S’il a marqué l’opinion mondiale, le massacre de Mỹ Lai (Thảm sát Mỹ Lai) est loin d’être le seul. Dans la même région, pendant sept mois de l’année 1967, les troupes américaines ont commis de nombreuses atrocités.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 15 mars 2020
Mémorial de Sơn Mỹ dédié au massacre de Mỹ Lai