8 mars : le peuple Balkar se souvient de sa déportation par Staline
Les Balkars, peuple turcique, vivent dans le nord du Caucase, une région qui a été colonisée par la Russie au XIXe siècle. Avec la formation de l’URSS, ils se sont retrouvés dotés d’une région, soi-disant autonome, appelée Kabardino-Balkarie, puis en 1936 d’une république soviétique « autonome » du même nom.
Leurs malheurs se sont aggravés avec la Seconde Guerre mondiale. Leur république a été occupée par les Allemands en 1942. Certains y ont vu l’espoir d’une libération du joug russe. Après que l’Armée rouge a réoccupé la région, les Balkars, ainsi que d’autres peuples de la région, comme les Tatars de Crimée, ont été désignés comme traîtres par Staline et Lavrentiy Beria a ordonné leur déportation vers l’Asie centrale ou la Sibérie. Celle des Balkars a eu lieu brutalement le 8 mars 1944. Ils n’ont eu que deux heures pour faire leurs bagages. Leur territoire fut alors rebaptisé RSSA de Kabardie. Le 28 mars 1957, la population balkare fut autorisée à réintégrer sa région d'origine, dont le nom de Kabardino-Balkarie fut dès lors rétabli. Mais environ le quart d’entre eux, morts en déportation, ne sont pas revenus.
En 1989, l’URSS reconnaît enfin l’illégalité de leur déportation, leur collaboration avec les nazis n’ayant pas été établie. En 1991, une journée de commémoration est instaurée : la Journée à la mémoire des victimes du stalinisme et de la déportation des Balkars (Balkar Xalkının Sürgün Qurbanları Üçün Anı Günü). Le Conseil des anciens du peuple Balkars organise chaque 8 mars un programme de commémoration devant le monument de l'exil dans la capitale Naltchik. Dans les mosquées on prie pour les âmes des victimes décédées pendant l'exil. Cette commémoration s’est faite plus discrète ces dernières années car les Balkars vivent toujours sous la colonisation russe et Staline a été pleinement réhabilité par Poutine. Il n’est plus question en Russie, aujourd’hui, d’évoquer les déportations, persécutions et le goulag. Il est encore moins question de lutte anticoloniale depuis que Poutine a calmé les ardeurs indépendantiste tchétchène, peuple voisin, au prix de 300 000 morts.
En 1943 ou 1944, les Tchétchènes, les Ingouches, les Karatchaïs, les Tatars de Crimée, les Meskhètes et les Kalmouks ont subi le même sort que les Balkars, sous le même prétexte. Chacun cultive cette mémoire à une date différente.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 7 mars 2025