30 septembre : la Chine honore ses martyrs en renouvelant ses héros
À Pékin, en cette veille de fête nationale, une cérémonie grandiose est organisée place Tiananmen, autour du Monument aux héros du peuple, en présence du président Xi Jinping, accompagné des dirigeants du Parti et de l'État. Cette célébration est de création récente, elle participe à l’exaltation du nationalisme qui a très amplement remplacé l’idéal communiste. Xi Jinping a déclaré qu'« une nation prometteuse ne peut pas aller de l'avant sans héros » et que « ce n'est qu'en respectant les héros que d'autres héros émergeront ». En cette période de tension géopolitique régionale, il convient de mobiliser le peuple. Cette célébration semble aujourd’hui plus importante pour le régime que les 75 ans de la victoire de Mao qui seront fêtés demain.
Avant 2014, on se contentait d’un dépôt de la corbeille de fleurs au pied du monument, le 1er octobre pendant les festivités liées à l’anniversaire de la prise du pouvoir des communistes en Chine. Depuis une décennie, les Chinois qui sont morts pour la patrie, principalement au XXe siècle, soit quelque 20 millions de martyrs, mais aussi au cours des siècles antérieurs, ont droit à un jour férié spécifique : la Journée des martyrs (烈士纪念日), chaque 30 septembre. Les provinces et les villes de chine sont censées organiser à leur échelle de pareilles cérémonies.
On s’éloigne aujourd’hui de la célébration des héros rebelles communistes fondateurs du régime et on élargit la focale à d’autres époques, ainsi qu’aux Chinois morts à l’étranger. Ceux, par exemple qui sont morts pendant les bombardements de l'OTAN sur la Serbie menés par les États-Unis en 1999. Les médias font aussi émerger des figures anciennes offertes à la vénération tel Qu Yuan, un poète et ministre de l'ancien État de Chu qui fut banni pour avoir prôné la résistance contre l'État rival de Qin et qui se noya en apprenant la prise de la capitale de Chu par ce dernier État en 278 avant J.-C.
Depuis l’épisode du covid, beaucoup de célébrations se font désormais en ligne, ce qui simplifie la gestion des mémoriaux, évite le risque de politisation associé aux commémorations publiques et facilite ainsi le contrôle du parti et de l’État. Un site mémorial répertorie quelque deux millions de Chinois à honorer quitte à en réhabilité discrètement quelques uns comme le médecin Li Wenliang (李文亮), le lanceur d’alerte de Wuhan qui a alerté ses collègues de l'apparition d'un nouveau coronavirus en décembre 2019, mort à 34 ans dans des circonstances mal établies. Bien qu’il ait été, à l’époque, condamné par les autorités pour « trouble à l'ordre public », il dispose de son propre mémorial virtuel sur ce site.
La cérémonie commence à 10 heures du matin place Tiananmen. La fanfare militaire joue l'hymne national « La Marche des volontaires », repris par l’assistance. Puis après un moment de silence, un groupe d'enfants tenant des fleurs dans leurs mains chantent Nous sommes les successeurs du communisme et saluent le monument…
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 30 septembre 2024