L’Almanach international
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4 février : la mémoire de la guerre philippo-américaine
Les philippines célèbrent le 125e anniversaire du déclenchement d’une guerre qui opposa les forces américaines occupant l’archipel aux partisans de l’indépendance du pays. Une guerre qui fit 200 000 morts et une guerre perdue car les Américains vont s’imposer aux Philippines pendant encore un demi-siècle.
Ce jour férié est récent, il a été institué en 2019 par un président philippin Rodrigo Duterte en froid avec les États-Unis. Le Jour commémoratif de la guerre entre les Philippines et les États-Unis (Araw ng Paggunita sa Digmaang Pilipino-Amerikano) a été célébré pour la première fois le 4 février 2020. Son successeur, Ferdinand Maroc, qui est en bien meilleurs termes avec Washington, a mis un peu cette célébration en veilleuse mais le jour férié demeure car la mémoire de cette époque reste à vif et des cérémonie sont organisées.
Les Philippes ont vécu plus de trois siècles sous domination espagnole, d’où une profonde imprégnation du catholicisme. C’est une guerre hispano-américaine qui y a mis fin à cette tutelle coloniale. Par le traité de Paris de décembre 1898, l’Espagne cédait aux États-Unis les Philippines, Porto Rico et l’île de Guam.
Les Espagnols chassés, les Philippins ont cru à leur liberté alors que Washington entendait conserver la mainmise sur l’archipel. Très vite, un mouvement de résistance philippin au colonialisme américain s’est transformé en une véritable guerre américano-philippine, déclenchée le 4 février 1899, rue Silencio à Manille. C’est cet anniversaire qui est célébré aujourd’hui. Le conflit prendra fin (officiellement) en 1902 après avoir provoqué la mort de quelque 200 000 résistants philippins et le pays n’obtiendra son indépendance qu’en… 1946.
« Malgré la capitulation d'Emilio Aguinaldo face aux forces américaines en 1901, les Philippins dans tout le pays ont continué à se battre pour l'indépendance et ont organisé des mouvements de résistance même s'ils manquaient d'armements. La guerre a duré jusqu'au 15 juin 1913 avec la résistance musulmane à la bataille de Bud Bagsak à Sulu », peut-on lire sur le monument commémoratif de la rue Silencio.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 3 février 2024
25 février : les Philippines célèbrent la chute du père du président actuel, mais qui se souvient de ce dictateur ?
Aux Philippines, c’est Journée du pouvoir du peuple (People Power Revolution) qui célèbre le 36e anniversaire de la révolution de 1986. La révolte populaire qui a conduit à la chute du dictateur Ferdinand Marcos, le père du président actuel qui porte le même nom ! Mais que connaît la jeunesse de cette période sombre de l’histoire philippine hormis les récits enjolivés par la propagande numérique ?
Aux Philippines, c’est Journée du pouvoir du peuple (People Power Revolution) qui célèbre le 36e anniversaire de la révolution de 1986. La révolte populaire qui a conduit à la chute du dictateur Ferdinand Marcos, le père du président actuel qui porte le même nom !
Traditionnellement, le 25 février est un jour férié. Mais, c’est un événement spécial qui n'est pas codifié dans la loi philippine, ce qui signifie qu'il appartient à chaque président de décider s'il doit être déclaré jour chômé spécial ou non. On aurait pu imaginer que Marcos junior passe sous silence une célébration qui marque la chute de son père et son propre exil, en même temps que ses parents, le couple honni qui a trouvé refuge aux États-Unis après 20 ans de dictature. Il n’en a rien été et comme cette année le 25 février tombe un samedi, il a même décrété que le 24 février serait également un jour chômé, tout en déclarant que la célébration pourrait être déplacée « à condition que l'importance historique de l'anniversaire de la révolution du pouvoir populaire de l'EDSA soit maintenue ».
Tous les présidents après Marcos Senior ont commémoré la Révolution EDSA d'une manière ou d'une autre, en déclarant des jours spéciaux (jour chômé ou simple jour férié uniquement pour les écoles), en participant à des programmes commémoratifs ou en publiant simplement un message, comme ce fut le cas de Rodrigo Duterte, qui avait ouvertement exprimé son admiration pour feu le dictateur Marcos.
Comment expliquer alors ce zèle de Ferdinand Marcos Junior ? Aurait-il renié la dictature exercée par son père ? En vérité, l’histoire des Philippines a été largement réécrite par des campagnes de révision en sur les réseaux sociaux qui ont débuté dans le cadre des élections présidentielles de 2016, auxquelles, Marcos Junior était candidat au poste de vice-président. Il a été battu de peu par un peu moins de 300 000 voix. Mais les élections présidentielles de 2022 lui ont permis à d’accéder à la présidence. Sa victoire a été écrasante, près de 60% des voix, avec la fille de l'ancien président Rodrigo Duterte comme colistière. Ce succès est largement dû à une campagne de désinformation numérique à grand renfort de vidéos sur TikTok, de pseudo-documentaires sur Youtube, de memes sur Facebook… qui ont fait de l'ère de la loi martiale un « âge d'or » pour le pays sous la présidence Marcos. Cette propagande, qui n’a jamais cessé, dépeint Marcos Sr. comme un leader visionnaire qui voulait une « nouvelle société » où de « bons citoyens » travailleurs et respectueux des lois pourraient avoir une vie digne et épanouie. Toute une génération qui n’était pas encore née en 1986 a été abreuvée de ces messages sans aucune information alternative sur cette époque de dictature, autres que les discours de vieux militants démocrates dénonçant les les violations des droits de l'homme. Cette propagande était totalement en phase avec celle du président Duterte (2016-2022) qui se présentait comme le sauveur du « bon citoyen » tout en menant une « guerre contre la drogue » qui a fait des milliers de morts, en particulier dans les bidonvilles des grandes villes, éliminant ainsi à la fois petits délinquants et opposants politiques. La présidence Duterte, que l’on a comparé à celle de Trump, a cultivé le culte du leader fort et ouvert la voie à son successeur Ferdinand Marcos Jr. dont il admirait le père.
On comprend qu’ayant ainsi préparé l’opinion, le président Marcos junior ait pu sans aucun risque politique marquer de deux jours fériés une célébration vidée de son sens politique. Les militants qui vont profiter de cette journée pour rappeler que la dictature de Ferdinand Marcos Sr. fut une période d’abus en tout genre, des tortures, de disparitions d’opposants et des meurtres, n’aura guère d’écho dans l’opinion, en particulier auprès de la jeunesse qui ne l’a pas vécu. Qui se préoccupe aujourd’hui des milliards volés au budget de l’État par la famille Marcos durant son règne ni des extravagances de Imelda Marcos dont les 3000 paires de chaussures retrouvées dans le palais présidentiel après la fuite du couple ? Qui se souvient que c’est le meurtre de Ninoy Aquino, le leader de l’opposition qui avait déclenché un mouvement populaire qui a conduit à la révolution des 22 au 25 février 1986 ? La plupart des manifestations ont eu lieu sur une longue portion de l’avenue Epifanio de Los Santos, connue à Manille sous l’acronyme EDSA, d’où l’appellation de Révolution EDSA pour désigner les événements commémorés aujourd’hui qui ont mis fin au long règne de Ferdinand Marcos (1965-1986) et de son épouse.
Prudemment, le président Ferdinand R. Marcos Jr. ne participe pas aux commémorations de ce 25 février. Ce jour-là, il assiste au festival Tan-ok ni Ilocano, une manifestation locale organisée dans le fief électoral de la famille Marcos, à Iloco Norte et déplacé, cette année, au 25 février pour justifier l’absence à Manille du président des Philippines, celui que l’on désigne aussi sous le nom de Bongbong Marcos (BBM).
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde