L’Almanach international
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12 décembre : le Jour de la constitution russe
La Russie commémore aujourd’hui une constitution qui a été tellement remaniée pour offrir à Poutine un pouvoir absolu et sans limite qu’elle ne ressemble plus guère à celle qui avait été adoptée en 1993 et qui était destinée à faire de la Russie une démocratie inspirée d’un régime semi-présidentiel à la française.
La Russie commémore aujourd’hui une constitution qui a été tellement remaniée pour offrir à Poutine un pouvoir absolu et sans limite qu’elle ne ressemble plus guère à celle qui avait été adoptée en 1993 et qui était destinée à faire de la Russie une démocratie inspirée d’un régime semi-présidentiel à la française.
La Constitution est approuvée lors d'un référendum constitutionnel organisé le 12 décembre 1993. L’année suivante Boris Elstine avait fait du 12 décembre un jour férié et chômé en l’honneur du nouveau régime. La Russie indépendante de l’URSS moribonde en 1991, ne pouvait pas continuer à vivre avec la constitution soviétique de 1978. La Constitution de 1993 fait une large place au respect du droit international, y compris des droits de l’homme, et consacre les principes de la séparation des pouvoirs, de l’État de droit et du respect de la démocratie. Au moins sur le papier.
Depuis 2005, le Jour de la Constitution russe (День Конституции России) n’est plus qu’un jour commémoratif officiel. Il est généralement marqué par des discours publics et des cérémonies, notamment la remise de leur premier passeport aux jeunes citoyens ayant atteint l'âge de quatorze ans. Comme chaque année, les tours de télévision du réseau de télévision et de radio russe sont illuminées aux couleurs de la Russie de 17h à minuit, en l'honneur du Jour de la Constitution.
Lors de ses premiers mandats, Vladimir Poutine affirmait régulièrement que la Constitution était sacrée et qu’il n’y toucherait jamais. En 2012, il affirmait encore « J’ai toujours défendu et je défends la Constitution de la Fédération de Russie. Et il y est clairement inscrit : pas plus de deux mandats successifs. ». L’avenir prouvera le contraire. Sentant le soutien populaire lui échapper, son propre parti Russie Unie ayant fait une contre-performance aux municipales de 2019, notamment à Moscou, Poutine décide d’adapter la constitution à son projet politique. La révision constitutionnelle de 2020 inscrit dans le marbre le droit de Vladimir Poutine à briguer deux mandats supplémentaires de six ans, pour 2024-2030 et 2030-2036. C’est la présidence à vie, ou presque, car Poutine aura 84 ans en 2036. Le référendum s’étale sur sept jours, du 25 juin au 1er juillet, pour approuver le fait accompli : les urnes ont été aux mains des présidents de bureaux de vote pendant sept jours et sept nuits, sans observateurs indépendants.
Le dictateur russe en profite pour façonner la culture politique du pays dans un sens à la fois souverainiste et ultra conservateur. Cette révision de la constitution de 1993 introduit la référence à Dieu et à la religion alors que jusque-là, la Russie se présentait comme un État laïc. Le nouveau texte impose les valeurs dites « traditionnelles » au droit de la famille, à l’éducation des enfants, à la sexualité… Il place également la loi russe au-dessus du droit international. On ajoute également l’interdiction de contester l’intégrité territoriale de la Russie ainsi que des références à l’héritage de l’URSS.
La consultation populaire demandait une réponse par oui ou non à un paquet de quarante-six révisions. Et il n’y avait pas de seuil de participation pour valider le vote. Par ce plébiscite de 2020, Vladimir poutine impose un régime de dictature personnelle dont le caractère autoritaire s’aggravera avec l’état de guerre instauré en février 2022, au moment de l’agression de l’Ukraine décidée par lui-même. L’interdiction de toute opposition est désormais totale et le champ médiatique est totalement muselé. On est passé, en très peu d’années d’un régime autoritaire qui se voulait soucieux du respect des normes constitutionnelles, du moins en façade, à un régime totalitaire digne de celui que les Russes ont connu jadis. Le plus inquiétant est que le projet du dictateur Poutine consiste aujourd’hui à un anéantissement de la démocratie à l’échelle du continent.
Cette tradition de fêter la constitution, sans la respecter, est héritée de l’URSS. Jusqu’en 1977, on célébrait chaque 5 décembre, la constitution de 1936. De 1978 à 1993, le Jour de la constitution était marqué le 7 octobre, jour de l’adoption de la constitution dite « de Brejnev » en 1977 .
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 12 décembre 2024