L’Almanach international
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11 décembre : la Quatrième République des Malgaches malmenée par son créateur
À Madagascar, c’est aujourd’hui le Jour de la République. Qui s’en souvient, alors que le pays est en pleine crise politique. Le président Rajoelina vient se se faire réélire, l’opposition ne reconnaît pas la validité du scrutin. Le régime de la IVe république que le 11 décembre est censé célébré aurait-il du plomb dans l’aile ?
À Madagascar, c’est aujourd’hui le Jour de la République (Andron'ny Repoblika). Qui s’en souvient, alors que le pays est en pleine crise politique ? Le président Rajoelina vient se se faire réélire, l’opposition ne reconnaît pas la validité du scrutin. Le régime de la IVe république que le 11 décembre est censé célébré aurait-il du plomb dans l’aile ?
En 2009, le président malgache Marc Ravalomanana a été évincé du pouvoir par un coup d'État. Le leader du coup d'État Andry Rajoelina a affirmé que la Cour suprême était la plus haute instance administrative et a conduit le pays vers de nouvelles élections présidentielles en 2010 et l'adoption d'une nouvelle constitution. Un référendum constitutionnel, le 17 novembre 2010, a approuvé une nouvelle constitution. Celle-ci a été promulguée le 11 décembre 2010, instaurant la Quatrième République de Madagascar. Le 11 décembre avait été institué comme un nouveau jour férié et chômé, en 2011, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le 11 décembre n’est plus qu’une journée commémorative du nouveau régime. D’un régime semi-présidentiel, qui valait viré à l’autoritarisme, on est passé à un régime semi parlementaire, qui fonctionne en réalité comme un régime présidentiel.
La transition de la IIIe à la IVe République a été pilotée par Andry Rajoelina, alors maire d’Antananarovo, la capitale. Celui-ci s’est ensuite mis en retrait de la vie politique (jusqu’en 2013), puis s’est présenté en 2018 à la présidentielle. Arguant d’une carrière d’entrepreneur, il a été élu avec la promesse de sortir le pays de son extrême pauvreté et de rattraper en cinq ans tout ce que ses prédécesseurs avaient échoué à réaliser pendant les soixante années écoulées depuis l’indépendance. En 2019, les législative lui ont donné une majorité absolue. Mais à l’issue de son mandat, en 2023, son bilan est très critiqué. L’autosuffisance en riz, base de l’alimentation, n’est pas atteinte. Les secteurs de la vanille et du cloud de girofle sont déstabilisés. L’électricité manque, le tourisme n’a pas décollé et la compagnie nationale Air Madagascar, est au bord de la faillite.
Le 12 octobre 2023, à quelques jours de la fin de son mandat, le président Andry Rajoelina a été destitué par le Parlement à la suite d’une motion de censure déposée par l’opposition et adoptée par 151 voix contre 105. Il déploie alors d’importants moyens pour convaincre les Malgaches de lui accorder un deuxième mandat. De l’argent a été distribué aux électeurs en échange de leur vote en faveur de sa formation, la TGV (Tanora malaGasy Vonona – « Jeunes Malgaches déterminés »). En cours de campagne, il est révélé qu’Andry Rajoelina est détenteur de la nationalité française, ce qui aurait dû lui faire perdre la nationalité malgache et lui interdire de devenir président… Le scrutin du 16 novembre 2023, finalement boycotté par dix de ses douze adversaires, lesquels ne reconnaîtront pas sa victoire. Andry Rajoelina est élu avec 59% des voix (et un taux de participation de 46 %). Très contestée par une bonne partie de la classe politique, son élection est finalement confirmée par la Haute Cour constitutionnelle de Madagascar, le 1er décembre, et la communauté internationale en prend acte. Son second mandat commencera le 16 décembre. Ses nombreux détracteurs craignent que la IVe république, dont on fête aujourd’hui l’anniversaire, ne vire comme la précédente, à l’autoritarisme.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 10 décembre 2023
29 mars : il y a 75 ans, les massacres oubliés de Madagascar
Cette journée dédiée aux victimes est fériée à Madagascar où l'on commémore les massacres opérés en 1947 par l'armée française envoyée mater toute tentation indépendantiste de la Grande île…
Cette journée dédiée aux victimes est fériée à Madagascar où l'on commémore les massacres opérés en 1947 par l'armée française envoyée mater toute tentation indépendantiste de la Grande île : plusieurs dizaines de milliers de morts (ou centaines de milliers) dans la plus grande indifférence à l'époque (et encore aujourd'hui).
Pendant la nuit du 29 mars 1947, à Madagascar, quasi simultanément, à Moramanga, dans le centre-est et à Manakara, sur la côte sud-est, des groupes d’insurgés qui ne croient plus en l’indépendance de leur pays par la voie pacifique, prennent les armes et commettent de premières attaques. C'était le début d'un an et demi d’insurrection contre l’administration coloniale française, en place depuis un demi siècle, notamment au prix de massacre, comme en 1897.
Lors du sommet de la Francophonie de 2016, François Hollande a rendu visite à la stèle des anciens combattants de la Grande guerre, à Anosy, en « hommage », aux victimes des événements de 1947 qu’il avait qualifiés de « répression brutale ». Mais, lors des journées de Commémoration de la Rébellion de 1947 (Martiora Ny tolona tamin'ny), aucun membre du gouvernement français n'est jamais venu en visite à Madagascar. Les massacres de l’année 1947 dans la Grande Ile font partie des trous noirs de l’histoire de France : 90 000 morts selon le commandant des troupes françaises de l'époque ; entre 200 000 et 700 000 morts selon d’autres sources.
Ce mardi 29 mars, une cérémonie de dépôt de gerbes sous la houlette du Président de la République, Andry Rajoelina, se déroule dans plusieurs endroits emblématiques : au Mausolée sis à Avaratr’Ankatso, Antananarivo, où reposent les dépouilles des combattants nationalistes ainsi qu’à Moramanga et Manakara, lieux de l’insurrection. La chanson Madagasikara Tanindrazanay qui a marqué la lutte nationale à cette époque est chantée ce jour-là. Cette commémoration qui a commencé vendredi 25 mars au camp militaire du Ier RM1 à Analakely, à Antananarivo, semble toutefois rencontrer une certaine indifférence de la part des citoyens. Il faut dire qu’en moins de deux mois, la Grande île a été frappée par quatre cyclones : Ana, Batsirai, Dumako et Emnati, qui ont fait des dizaines de milliers de sinistrés.
Ce jour férié et cette commémoration officielle ont été décidés en 1967, à l’occasion du 20e anniversaire du massacre. La célébration de 1947 a été discrète sous la Première république (1960-1975), puis beaucoup plus marqué sous la Deuxième république (1975-92) le régime « révolutionnariste », autoritaire et corrompu, l’avait instrumentalisé pour se construire une légitimité… la commémoration varie selon les périodes, mais le traumatisme demeure ancré dans la mémoire collective, même si seuls les plus anciens s’en souviennent vraiment.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 28 mars 2022