15 mai : commémoration de la Nakba en pleine crise israélo-palestinienne

 

Depuis 1998, les Palestiniens commémorent chaque année la catastrophe (nakba) : la guerre consécutive à la création de ­l’État d’Israël en 1948, qui leur a fait massivement quitter leurs maisons, leurs villages sans n’avoir jamais pu y retourner. La Nakba, ce fut aussi la destruction entre 1947 et 1949, de plus de 500 villages palestiniens, dont le plus connu est Deir Yassine, avec ses 250 habitants massacrés par une milice d’extrême droite juive. Ou encore celui de Tantura, dont la population a été massacrée le 23 mai 1948… Cette mémoire s’ajoute à la colère déclenchée chaque fois que des familles palestiniennes sont menacées d’expulsion de leur maison par une organisation d’extrême droite israélienne dans un quartier de Jérusalem est (la partie de la ville sous statut d’occupation) ou chassé de leurs terres par des colons juifs dans la campagne des territoires occupés par l’armée israélienne.

Ce 75e anniversaire de la Nakba, se déroule cette année sous très haute tension. La population palestinienne est toujours tétanisée par les projets israéliens et américains, formulés en 2020, d'une annexion de l’ensemble des colonies de Cisjordanie, de la vallée du Jourdain et du nord de la mer Morte. Alors qu’en même temps Israël a modifié sa constitution en défaveur des non juifs. La discrimination qui existait dans les faits depuis 1948 est désormais inscrite dans la loi. Face à cette évolution vers un régime d’apartheid, sur laquelle ils n’ont d’autre prise que des manifestations, les Palestiniens sont bien seuls. Dans le reste du monde, l’indifférence prévaut. La cause palestinienne n’est plus vraiment mobilisatrice mais si la région s’enflamme totalement, les principales puissances ne se pourront pas détourner les yeux.

Les autorités israéliennes demeurent opposées à toute idée de retour des réfugiés palestiniens. Sur les 920 000 Arabes vivant en Palestine en 1948, 760 000 ont fui. Leurs descendants, au nombre de 5 millions vivent aujourd’hui en Jordanie, au Liban, en Syrie ou dans d’autres parties de la Palestine. Les 160 000 qui sont restés sur place forment aujourd’hui la communauté arabe d’Israël, soit 1,5 million de citoyens israéliens (plus de 20% des citoyens israéliens sont arabes). Cette Journée de la Nakba ( يوم النكبة), chaque 15 mai (c’est-à-dire l’anniversaire du lendemain de la création d’Israël en 1948), est chômée pour les Palestiniens. Quand ils le peuvent, c’est l’occasion de se rendre en famille sur le site des villages détruits. Quand elles existent encore, on emmène les enfants voir les ruines de la maison familiale, en bravant les autorités qui tentent, depuis 2011, d’interdire ce genre de pèlerinage. 

Dans les territoires occupés, c’est chaque année la journée de tous les dangers. En 2022, après le meurtre de la journaliste palestinienne, Shireen Abu Akleh et la perturbation de ses obsèques par la police israélienne, la colère était remontée d’un cran. En 2023, ce sont les projets du gouvernement israélien le plus extrémiste de l’histoire du pays qui suscite le plus d’inquiétudes. Dans les territoires occupés, les manifestants organisent des défilés ou des sit-in, le plus près possible des positions israéliennes. Les soldats ont reçu des ordres de vigilance et de retenue, mais chaque année des incidents graves éclatent faisant des morts et des blessés. Même chose en Jordanie, où la police anti émeute tente avec difficulté d’empêcher les manifestants d’approcher de la frontière.

Pour la première fois cette année, la Nakba sera célébrée par l’ONU à travers une journée officielle. À l’initiative l’Égypte, de la Jordanie, du Sénégal, de la Tunisie, du Yémen et des Palestiniens, une Journée de la Nakba est organisée au siège des Nations unies à New York pour marquer les 75 ans de la catastrophe. Seuls Israël, l’Australie, l’Autriche, le Canada, le Danemark, l’Allemagne, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les États-Unis ont voté contre et refusent d’y participer.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 14 mai 2023

 
Réfugiés palestiniens en 1948

Réfugiés palestiniens en 1948

Manifestation palestinienne à Berlin, Montecruz Foto, Flickr, Palestine Nakba Day 2015

Manifestation palestinienne à Berlin (Montecruz Foto, Flickr, Palestine Nakba Day 2015)

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