29 novembre : le jour de la libération de l’Albanie, une date controversée
Ce 29 novembre 2024, le lendemain de sa fête nationale, l’Albanie célèbre le 80e anniversaire de sa libération. Un événement mémorable puisque les partisans albanais sont parvenus à libérer seul le pays sans l’aide ni des Soviétiques ni des Anglo-Américains. Si la date fait controverse en Albanie, c’est qu’elle est fausse. C’est le 28 novembre 1944, en réalité, qu’a eu lieu le grand défilé de la victoire dans les rues de Tirana, alors que Shkodër, la deuxième ville du pays, venait à son tour d’être libérée. Et c'était une occasion particulière, car ce jour coïncidait aussi avec la fête de l'indépendance.
D’où sort alors la date du 29 novembre qui a été adoptée dès l’année suivante pour célébrer la victoire ? C’est celle de la proclamation de la République populaire de Yougoslavie, en 1945, qui elle-même faisait référence au congrès des partisans communistes de Jajce, en 1943, lequel établissait les fondements d’une Yougoslavie nouvelle, communiste et fédérale. Enver Hoxha, en grand admirateur de Tito, avait un instant rêvé d’une intégration de l’Albanie à ce nouvel État où d’ailleurs vivent beaucoup d’Albanais. Le choix de cette date était une manière d’allégeance. La rupture viendra vite entre les deux pays frères, mais la date du 29 novembre est restée.
Ses détracteurs proposent soit de la déplacer au 28 novembre, mais c’est déjà la fête de l’indépendance et la libération du pays risquerait d’être occultée ; soit de la déplacer au 17 novembre qui est la date de la libération de Tirana que les Allemands ont abandonné pour ne pas s’y retrouver piégés. C’est le jour où le drapeau national a été hissé dans la capitale en remplacement de celui des nazis. La date est symbolique, mais elle mettrait trop en avant Mehmet Shehu, commandant de la première brigade des partisans, le grand vainqueur de la bataille pour la libération de la capitale. C’est sans doute ce que pensa Enver Hoxha craignant que ce pilier du régime ne lui fasse de l’ombre jusqu’à que ce dernier finalement ne se « suicide » en 1981. Mais Mehmet Shehu est aussi un criminel de guerre au palmarès que le pays n’a guère envie d’étaler. Autant d’épisodes que les Albanais préfèrent oublier. Certains suggèrent alors d’adopter le 8 mai, une date célébrée par une vingtaine des membres de l’OTAN. Un autre option symbolique. Passé ce 80e anniversaire, le débat reste ouvert.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 28 novembre 2024