L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
19 février : l'anniversaire de l’armée mexicaine
Une armée bien peu menaçante pour le voisinage puisque la constitution lui interdit d’aller combattre hors des frontières. Sa déroute face aux zapatistes dans les années 1990 avait contribué à la discréditer. Elle fête pourtant dignement son 107e anniversaire.
C’est une armée bien peu menaçante pour le voisinage puisque la constitution lui interdit d’aller combattre hors des frontières. Sa déroute face aux zapatistes dans les années 1990 avait contribué à la discréditer. D’ailleurs l’expression “une armée mexicaine “ n’évoque pas l’efficacité mais plutôt une organisation où les décisionnaires sont plus nombreux que les exécutants. En 1910, les troupes qui ont renversé le régime de Porfirio Diaz étaient en effet composées d’un trop grand nombre d’officiers par rapport à celui des hommes à commander et ne brillaient pas par leur discipline. Les ordres contradictoires créaient une véritable confusion. Les Américains qui avaient battu les Mexicains quelques décennies plus tôt pour amputer leur territoire d’un bon tiers, se gaussaient. Mexican army est devenue une expression péjorative adoptée par plusieurs langues. On pourra noter que le Mexique n’a effectivement jamais utilisé son armée pour attaquer l’un de ses voisins, cela mériterait plutôt le respect.
Cela dit, dans les années 2000, une nouvelle mission a été confiée à l’armée mexicaine, celle de combattre les narcotrafiquants, plutôt que d’en charger la police. Mais, au fil des années, la violence meurtrière quasi-quotidienne des groupes criminels de trafiquants de drogue mexicains, entre eux mais aussi contre les forces de l’ordre, a pris des proportions alarmantes. Le président de gauche, Andres Manuel Lopez Obrador dit AMLO, arrivé au pouvoir en 2018, a fait le choix de miser sur la prévention des crimes plutôt que sur la confrontation violente armée/cartels qui avait les faveurs de ses prédécesseurs et qui selon AMLO n’ont fait qu’aggraver les violences. Sans doute manque-t-on de recul mais pour le moment, la stratégie d’AMLO n’a pas encore porté ses fruits, la violence n’a pas baissé. Face aux assauts des cartels qui tentent de s’approprier les exploitations agricoles du centre du Mexique, des milices d’autodéfense se substituent aux forces armées, avec les dérives que cela peut engendrer.
Quant à la date du 19 février, retenue par les autorités pour célébrer une armée en manque de gloire militaire, elle correspond seulement à un décret du 19 février 1913 de l'État de Coahuila donnant mission à Venustiano Carranza de créer une armée digne de ce nom pour remplacer les diverses troupes qui combattaient depuis 1910.
On s’en doute, ce 107e anniversaire de l’armée mexicaine (aniversario del ejercito mexicano) sera comme chaque année, l’occasion de défilés militaires et de discours patriotiques.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 18 février 2020
10 avril : viva Zapata ! Le Mexique rend hommage à son héros
Il y a 100 ans, l’un des héros de la révolution mexicaine était assassiné : Emiliano Zapata. Il s’est juste battu toute sa vie pour que les terres confisquées par les grands propriétaires soient restituées aux petits paysans, de sa région d’origine, le Morelos. S’il est toujours un héros révolutionnaire, le Mexique en a fait un mythe.
Il y a 100 ans, l’un des héros de la révolution mexicaine était assassiné : Emiliano Zapata. Le 10 avril 1919, celui-ci tombait dans un piège tendu par un tueur à gages mandaté par le président Carrenza. Il fut abattu à bout portant et son cadavre exhibé à Cuautla petite localité de l’État du Morelos. On raconte que son cheval blanc a réussi à s'échapper, qu’il court encore dans les montagnes où les paysans l'aperçoivent parfois.
Zapata n’a pas lutté pour de grands idéaux révolutionnaires, mais il s’est battu toute sa vie pour que les terres confisquées par les grands propriétaires soient restituées aux petits paysans, les péones, de sa région d’origine, le Morelos. Lui-même était fils de petits propriétaires d’origine indienne. Aujourd’hui, il continue de symboliser la lutte des paysans mexicains.
Bien après sa mort, les gouvernements ont construit un mythe, un Zapata dont l’image a été totalement lissée effaçant les différences qu'il avait avec Madero et même Carranza, le commanditaire de son assassinat. Chaque 10 avril le Mexique officiel mets tous les drapeaux en berne en hommage au grand homme. En 1979, le président José López Portillo avait même tenté d'exhumer ses restes et de les faire déposer au monument à la Révolution à Mexico. Mais, il en a été empêché par la famille.
Le combat d’Emiliano Zapata n’a pas été vain, la constitution mexicaine de 1917 porte sa marque dans l'article 27 relatif à la réforme agraire. Même si, en 1993, le gouvernement de Carlos Salinas de Gortari a vidé de son sens cet article fondamental en matière agraire. Pas étonnant alors que le 1er janvier 1994, au cri de « ¡Ya Basta ! », surgisse dans le Chiapas, un nouveau mouvement, l’EZLN (Ejército Zapatista de Liberación Nacional), se référant au Zapata des origines. Ce mouvement néo zapatiste, personnalisé par la figure, devenue elle aussi mythique, du sous-comandant Marcos, le révolutionnaire au passe-montagne, a montré que le problème de la répartitions des terres et des richesses au Mexique demeurait un sujet brûlant et que le combat de Zapata restait d’actualité. Aujourd’hui, les Zapatistes du Chiapas sont toujours actifs même si la presse internationale les a un peu oubliés.
Depuis le 1er décembre 2018, le Mexique a, pour la première fois, un président de gauche, Andrés Manuel López Obrador, dit AMLO, qui entend bien honorer, lui aussi, la figure de Zapata.
L’année 2019 a été placée par l’assemblée des députés sous le patronage de saint Zapata. Il y aura des médailles commémoratives émises par la Banque du Mexique, une expo de photo dans le métro de Mexico à la station « Zapata », une billet de la loterie nationale à son nom, une série télévise raconte sa vie au grand public… Un colloque réunira des experts les 8 et 9 avril à Cuautla, la ville où il repose. Le mythe n’a pas fini d’être exploité.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 9 avril 2019