L’Almanach international
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19 novembre : la Russie célèbre son artillerie
L’artillerie russe a fonctionné à plein régime ces derniers jours pour piloter l’Ukraine. Est-ce pour préparer la Journée des forces de missiles et de l'artillerie, une manifestation héritée de l’URSS dont la Russie a récupéré tous les symboles ?
L’artillerie russe a fonctionné à plein régime ces derniers jours pour piloter l’Ukraine. Mais, c’est un hasard du calendrier si cette journée officielle coïncide avec le 1000e jour de la violente offensive de Moscou contre Kiev. C’est sans doute aussi un hasard du calendrier si le président américain vient finalement de céder à une demande faite par Kiev depuis des mois : pouvoir utiliser les missiles ATACMS, qui peuvent atteindre une cible à près de 300 kilomètres. L’objectif est de repousser la contre-attaque russe, appuyée par des soldats nord-coréens, dans la région russe de Koursk, conquise en août. Missiles et artillerie jouent toujours un rôle déterminant dans les conflits anachroniques tels que celui que Moscou a engagé contre Kiev en 2022.
Cette Journée des forces de missiles et de l'artillerie (День ракетных войск и артиллерии) a été héritée de l’URSS dont la Russie a récupéré tous les symboles. La date de cette fête très martiale a été choisie en référence au 19 novembre 1942, jour où l'Armée rouge avait lancé sa contre-attaque (l’opération Uranus) lors de la bataille de Stalingrad contre les Allemands. L'artillerie de soviétique avait été décisive dans sa réussite. Cette fête instaurée en 1944, porte son nom actuel depuis 1964.
Chaque année, le 19 novembre, à Moscou, se déroule une cérémonie solennelle de dépôt de fleurs et de couronnes sur la Tombe du Soldat inconnu. La veille de la fête, il est également de coutume que les vétérans et les chefs militaires des forces de missiles et de l'artillerie viennent déposer des fleurs et des couronnes devant les urnes funéraires des maréchaux en chef de l'artillerie Nikolaï Voronov et Mitrofan Nedelin près du mur du Kremlin.
La Biélorussie, le Kirghizistan et l’Ouzbékistan ont conservé la date du 19 novembre. En revanche le Kazakhstan, pour marquer sa distance avec Moscou, l’a déplacé au 4 octobre et l’Ukraine au 4 décembre.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 18 novembre 2024
23 février : en Russie, la fête des pères couleur kaki, selon Poutine
Rétrospectivement, on aurait pu se douter que cette journée russe glorifiant l’homme en arme serait le prélude à une agression de l’Ukraine, laquelle a débuté l’an dernier dans la nuit du 23 au 24 février. Officiellement, ce jour férié russe est la Fête des défenseurs de la patrie. Mais, en réalité, la date du 23 février tient plus du combat des femmes que de celui des hommes… Mais ça la propagande de Moscou ne le dit pas.
Chaque 23 février, en Russie, les enfants offrent à leur père un dessin, réalisé à l’école, où le papa est représenté en tenue militaire, armes à la main. C’est le Jour des défenseurs de la patrie, un jour férié.
Les femmes se doivent aussi d’offrir un cadeau aux hommes de leur entourage (mari, père, cousins, collègues, patrons…). Certaines se ruinent pour cette occasion. Mais d’où vient cette coutume, en réalité très récente ?
En arrivant au pouvoir, Poutine s’est avisé qu’il n’y avait pas de fête pour les hommes, même pas une fête des pères, comme dans beaucoup de pays. Il est donc allé repêcher l’une de ces nombreuses fêtes soviétiques abandonnées : celle de l’Armée soviétique (День Красной Армии). Selon l’idéal poutinien, un homme, un vrai, se doit de porter l’uniforme. En 2002, on a donc créé un nouveau jour férié : la Journée des défenseurs de la patrie (День защитника Отечества). La Russie étant continuellement en danger (selon le discours officiel), on en profite en même temps pour entretenir la fibre nationale et militaire. Il est toujours bon de préparer une guerre… Dans le pays, le 23 février est une journée de plus pour des défilés militaires, dont les occasions ne manquent pas. Dans les familles, c’est une sorte de fête des pères, l’épouse prépare un bon dîner, les enfants ont confectionné un petit cadeau à l’école ou une carte avec le papa habillé en militaire.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde
Car le kaki est la couleur de la journée à en juger par la décoration des magasins ou par les cartes de vœux envoyées pour l’occasion, le caractère militaire de cette fête reste très appuyé. Le service militaire concernant tous les hommes, cette fête est bien celle des hommes russes, puisque tous, un jour, ont porté l’uniforme. Les autres couleurs de la journée sont celles du ruban de Saint-Georges, orange et noir, qui sont celles du militarisme russe (et de fait, elles sont interdites en Ukraine). Sans oublier le rouge des œillets, symbole de la victoire, et le drapeau blanc bleu rouge de la Russie.
Mais, pourquoi le 23 février ? On vous dira que c’est l’anniversaire de la fondation de l’Armée rouge, en 1918, ce qui n’est pas tout à fait vrai, car les premiers enrôlement date du 22 février 1918 et le décret de fondation du 28 février. On cite aussi les victoires décisives de Pskov et de Narva sur l’armée allemande mais les dates ne correspondent pas vraiment (28 février et 4 mars 1918). Alors pourquoi, en 1923, aurait-on instauré le 23 février une fête de l’Armée rouge (День Красной Армии) qui donnait lieu chaque année à un grand défilé sur la place Rouge ?
En fait, c’est par souci de commémorer une date sacrée de la révolution russe : le 23 février 1917, jour des premières manifestations qui allaient mettre par terre le régime tsariste. En somme, le 23 février est le tout premier jour de la Révolution russe. Mais, comme les bolcheviques n’ont été pour rien dans cette première révolution spontanée, ce qui contredisait totalement les théories marxistes (la révolution ne pouvait pas avoir été spontanée), il fallut bien trouver une autre raison de fêter le 23 février, quitte à tordre un peu l’histoire.
L’Empire russe était resté fidèle au calendrier julien que l’Europe occidentale a abandonné au XVIe siècle. Ce 23 février correspondait, en fait, au 8 mars du calendrier grégorien (celui qui a cours en Occident) et c’était la Journée internationale de la femme. Une date encore peu connue à l’époque mais l’écho était tout de même parvenu jusqu’à Pétrograd. Ce jour-là, en 1917, des marches de protestations féminines avaient été organisées dans le seul but de dénoncer la condition faite aux femmes. Spontanément, les ouvrières du textile ont quitté leur travail en masse pour rejoindre des bourgeoises réclamant le droit de vote et elles se sont mises à dénoncer leur condition sociale d’ouvrières. Dans les heures puis les jours qui suivent, elles ont été imitées par d’autres ouvriers hommes et femmes confondus… la Révolution russe était lancée. Le 23 février/8 mars selon le calendrier est donc une date majeure de la révolution russe mais la révolution bolchevique, celle que vénèrent les communistes, n’aura lieu que sept mois plus tard, le 7 octobre, c’est la fameuse révolution d’Octobre.
Sans le savoir, en offrant un cadeau à leurs compagnons, les femmes russes commémorent la première phase de la révolution russe dont elles ont été les premières actrices. Mais ça le récit national russe ne le précise pas.
L’histoire retiendra que c’est dans la nuit du 23 au 24 février 2022 que Vladimir Poutine a lancé son armée sur l’Ukraine. La date n’avait pas été choisie au hasard.