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3 janvier : l’Argentine ne se lasse pas de réclamer les Malouines
Inlassablement, chaque 3 janvier le gouvernement argentin demande de renégocier le statut de l'archipel des Malouines conformément aux recommandations de l’ONU. Les arguments sont géographiques, historiques et juridiques mais tous demeurent contestables.
Inlassablement, chaque 3 janvier le gouvernement argentin demande de renégocier le statut de l'archipel des Malouines conformément aux recommandations de l’ONU. Les arguments sont géographiques, historiques et juridiques mais tous demeurent contestables.
L'Argentine fonde sa revendication sur le principe de l'uti possidetis iuris (principe d'intégrité territoriale), puisque les îles sont situées à l'intérieur du plateau continental argentin. Avec un tel principe, la Turquie serait en mesure d’annexer une quinzaine d’îles grecques. En réalité, aucun élément du droit international ne permet de s’appuyer sur des considérations géologiques ni même géographique, car la proximité n’est pas non plus un argument. Car dans ce cas, le Maroc pourrait revendiquer les Canaries.
Le Royaume-Uni fait systématiquement appel au principe de l'autodétermination des peuples, qui est un des fondements des Nations unies. Mais, l’Argentine estime qu’il ne s'applique pas à la question des Malouines car il s'agit d'une population implantée par le même État qui a pris possession de l’archipel. Or, ici, aucun peuple autochtone n’a été dépossédé. Les premiers occupants sont des Français, originaires de Saint-Malo (d’où le nom de l’archipel), en 1764, installés par Louis-Antoine de Bougainville. Suivis de peu par des Anglais dans une autre partie de l’archipel. John Byron prend à son tour possession des îles au nom du roi d’Angleterre et des colons britanniques débarquent en 1766. Au bout de quelques années, ils quitteront l’archipel, lequel restera quasiment désert pendant plusieurs décennies. Les Français ont renoncé à leurs droits sur les îles pas les Anglais.
Le principal argument des Argentins est juridique. Bougainville avait pris possession des îles au nom du roi de France qui, dans le cadre d’une police de bon voisinage, avait cédé ses droits à l’Espagne et évacué les colons français, lesquels d’ailleurs, n’ont jamais été remplacés par des colons espagnols. L’Argentine ayant hérité de l’Espagne, le 6 novembre 1820, le colonel de la marine argentine David Jewett prend officiellement possession des îles Malvinas (Malouines) au nom des Provinces-Unies du Río de la Plata, hissant pour la première fois le drapeau argentin. Hormis une poignée de militaires, il n’y a pas eu de peuplement argentin. Le continent étant bien plus hospitalier que ces îles perdues.
En 1833, le 3 janvier précisément, des troupes britanniques débarquent et occupent les îles sans combat, la présence argentine n’étant que symbolique. L’archipel des Malouines (Falkland Islands) va commencer à se peupler de colons britanniques.
Mais, l’Argentine n’a jamais abandonné sa revendication. En 1982, la junte au pouvoir à Buenos Aires tente une conquête de l’archipel qui se termine en déroute avec plus de 900 morts surtout argentins. Ils sont honorés chaque 2 avril. Il y a un consensus national sur cette question, car la guerre des Malouines est un traumatisme argentin. « la souveraineté de l'Argentine sur les îles Malouines n'est pas négociable». Affirme le président Milei, en plein processus de réhabilitation de la dictature, sauf qu’il a d’emblée écarté l’option militaire.
L’objectif de Milei est d’obtenir un processus de rétrocession comme pour Hong Kong. La comparaison, toutefois n’est pas très pertinente, la majeure partie de la colonie britannique reposait sur un bail de 99 ans qui touchait à sa fin et la population de la ville est chinoise pour l’essentiel. D’ailleurs les Hongkongais n’ont pas été consultés ni par Pékin ni par Londres. En revanche, les Malouins l’ont été en 2013 : 99,8 % des 3000 habitats pour conserver leur statut de territoire britannique d'outre-mer.
Chaque 3 janvier, la Journée de confirmation de notre souveraineté sur les îles Falkland, les îles Géorgie du Sud, les îles Sandwich du Sud et les environs maritimes (el Día de la reafirmación de nuestra soberanía sobre las Islas Malvinas, Georgias del Sur, Sandwich del Sur y los espacios marítimos circundantes) est l’occasion d’adresser une réclamation au Royaume-Uni, en s’appuyant sur les institutions de l’ONU qui ont classé l’archipel des Malouines parmi les territoires à décoloniser.
On peut d’ailleurs s’interroger sur cette liste de territoires à décoloniser où ne figurent ni le Tibet ni la Tchétchénie ni le nord de Chypre ni la Yakoutie ni le Cachemire ni l’Irian Jaya ni l’Ostéite du Sud… et sur la composition du Comité spécial de la décolonisation chargé d’élaborer cette liste. Aucun pays européen n’y figure à l’exception de la Russie dont l’empire colonial reste encore considérable. Quant à l’Asie, elle est représentée par la Chine, l’Indonésie et l’Inde… on comprend mieux les oublis.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 4 janvier 2025