L’Almanach international
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10 octobre : la fête chinoise du Double dix, à Taipei et Pékin
Tout naturellement Taïwan a fait du 10 octobre sa fête nationale, mais sa célébration peine à mobiliser la jeunesse taïwanaise car cette fête fait référence à des événements qui n’ont pas concerné l'île. Sur le continent, Pékin s’en tient à un simple discours du président retransmis dans tous les médias, rien qui n’émeuve ni ne puisse provoquer de troubles dans la population.
Tout naturellement Taïwan a fait du 10 octobre sa fête nationale, mais sa célébration peine, chaque année un peu plus, à mobiliser la jeunesse taïwanaise car cette fête fait référence à des événements qui n’ont pas concerné l’île.
Le « Double Dix » (雙十節), dixième jour du dixième mois de l’année en mémoire du 10 janvier 1911, jour du soulèvement de Wuchang (武昌起義). Celui-ci provoque le renversement de la dynastie Qing, mettant fin à 22 siècles d’Empire chinois, et entraînera la fondation de la République chinoise, le 1er janvier suivant. En 1911, l’île de Formose (Taïwan) appartient à l’Empire japonais, une situation qui durera jusqu’en 1945. Si bien que la population taïwanaise n’a pas la mémoire des premières décennies de la république de Chine. Au XXe siècle, elle n’a été rattachée au continent que de 1945 à 1949.
La république de Chine a été fondée à Nankin, le 1er janvier 1912 par Sun Yat-sen et le Double-Dix était la fête nationale de la Chine jusqu’en 1948. Ce sont ses héritiers politiques qui se sont réfugiés à Taïwan en 1949 après avoir perdu le contrôle de la Chine où Mao a pris le pouvoir le 1er octobre. Seuls Taïwan et Hong-Kong (pour quelques décennies) ont échappé au régime communiste.
Sun Yat-sen (孫逸仙), dont se recommandent les deux pays, est considéré comme le père de la République de Chine, mais il est aussi le fondateur du Kuomindang, le Parti nationaliste chinois, qui, plus tard, tentera d’empêcher Mao Zedong de prendre le pouvoir en Chine, d’où la sobriété de Pékin dans la commémoration de cette date et de ce personnage dont le portrait est mis à l’honneur à Taïwan chaque 10 octobre.
Le régime de Taïwan qui continue de porter le nom de « République de Chine » (le continent étant la « République populaire de Chine ») organise chaque 10 octobre une grande parade militaire (qui depuis quelques années comprend aussi des civils) devant le Palais présidentiel à Taipei. Le drapeau national est solennellement hissé en ce jour de fête nationale, des représentations de danses populaires et d’arts martiaux sont proposées à la foule. La culture aborigène est aussi depuis quelques années mise à l’honneur. Le président William Lai (賴清德) prononce un discours, son premier discours à l'occasion de la fête nationale depuis son entrée en fonction en mai 2024. Un événement qui inquiète toujours Pékin, car le président taïwanais est élu démocratiquement. À Taipeh, un feu d’artifice géant tiré au-dessus du fleuve Tamshui clôt cette journée de célébration.
La fiction politique continue de présenter le régime taïwanais comme le seul légitime pour l’ensemble de la Chine). Toutefois, les réfugiés politiques de 1949 qui ont pris le pouvoir dans l’île ne représentent aujourd’hui, avec leurs descendants, que 15% de la population. Cela explique pourquoi, une majorité de Taïwanais, en particulier les jeunes générations, ne ne sentent pas très concerné et souhaiteraient tourner la page de cette situation absurde. Sans la lourde menace de Pékin, il y a longtemps que cette histoire officielle aurait été jetée aux orties. En effet, la Chine revendique Taïwan comme faisant partie de son territoire souverain et n’exclut pas de recourir à la force pour prendre l’île sous son contrôle. En ce jour de fête nationale, Taïwan est en état d'alerte en raison d’exercices militaires chinois en mer, à proximité de l'île.
Pékin, discret face à cette célébration, ne veut toutefois pas être en reste et commémore chaque Double-Dix (双十节), la révolution Xinhai dont le point culminant est le soulèvement de Wuchang (une révolte militaire contre le représentant de l’empereur dans la province de Hubei) qui provoqua ensuite le soulèvement de plusieurs provinces et abouti à la chute du régime impérial. La Chine « communiste » ne pouvait pas ne pas faire référence à cette première révolution, prélude à la suivante. Toutefois, Pékin s’en tient à un simple discours du Président retransmis dans tous les médias, rien qui n’émeuve ni ne puisse provoquer de troubles dans la population.
Quant aux Chinois d’outre-mer qui s’identifient à la République de Chine, ils organisent également des célébrations chaque 10 octobre. En particulier, les quartiers chinois de Chicago et de San Francisco aux États-Unis où le motif rouge du Double Ten fait figure de logo.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 10 octobre 2024
Mise à jour du 11 octobre 2024 : « Ici, la démocratie et la liberté progressent et prospèrent. La République populaire de Chine n'a aucun droit de représenter Taiwan », a dit Lai Ching-te dans son discours prononcé à l’occasion de la fête nationale. «Je maintiendrai aussi l'engagement de résister à l'annexion ou l'empiètement de notre souveraineté», a ajouté le président Lai. Ce qui a provoqué une vive réaction de Pékin et une mise en garde des États-Unis à l’égard de la Chine. La fête nationale de Taiwan n’est jamais de tout repos.