L’Almanach international
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8 janvier : Bredouxia, une fête des femmes sans les hommes en Grèce
Loin d’être une manifestation féministe, cette fête païenne est dédiée à la maternité
Dans certains villages de Grèce du nord subsiste une fête aux racines très anciennes, organisée par les femmes entre elles, sans les hommes. Ce jour-là, les femmes quittent la maison laissant aux hommes les tâches ménagères et elles vont faire la fête. Elles se rendent chez la plus vieille femme du village pour lui rendre hommage, au son de la cornemuse ou d’autres instruments de musique. On boit du vin, on chante des chansons lestes, voire obscènes… qu’importe, on est entre femmes. Les hommes, par tradition, sont consignés chez eux ce jour-là.
Cette journée qui tombe le 8 janvier, a été perçue comme un jeu d’inversion des rôles au sein du couple et a été réactivé à partir des années 1970 par des mouvements féministes grecs. En réalité, cette fête de la Yinekokratia (Γυναικοκρατίας) n’a rien d’une manifestation féministe, elle est plutôt la subsistance d’un cérémonial lié à la fertilité venant tout droit de l’Antiquité. Il a traversé les siècles dans des communautés villageoises de Thrace orientale qui, en 1923, à la faveur de l’expulsion des Grecs de Turquie, l’ont importé en Grèce du nord. Certains villages du département de Serres, comme Sapes, Nea Petra, Monokklisia, Charopos… l’ont conservé et cultivé jusqu’à nos jours. Mais, cette coutume a aussi essaimé dans toute la Grèce avec l’arrivée des réfugiés d’Asie mineure, il y a un siècle. De nombreuses localités, un peu partout en Grèce, la réactivent aujourd’hui sous le nom de Bredouxia (Βρεξούδια) ou de fête des Babos .
Elle a lieu chaque 8 janvier, jour en Grèce de la Sainte-Dominique (αγίας Δομνίκης), dédiée à une religieuse très pieuse qui n’a jamais eu d’enfant et n’a rien à voir avec le cérémonial. Simplement la fête tombait jadis le 25 du mois de Poséïdon, un jour qui se situe au début du mois de janvier de notre calendrier actuel. Les festivités étaient connues dans l’Antiquité sous le nom de Thesmophories (Θεσμοφόρια). C’était un hommage à la déesse Déméter qui aurait enseigné aux hommes l’agriculture et donc permis leur sédentarisation. Mais celle-ci aurait aussi institué le mariage et donc donné un statut social aux femmes. Les festivités, à l’époque, duraient trois jours et comprenaient un cérémonial pour encourager la fertilité. De nos jours, dans les villages du nord-est de la Grèce, les femmes enceintes sont mises à l’honneur ce jour-là. La coutume veut qu’elles apportent serviette et savon (symbole de naissance) chez les babos (Μπάμπως), les femmes les plus âgées du village. Jusqu’à une époque récente, c’étaient les vieilles femmes qui avaient le rôle d’accoucheuses, d’où le cérémonial de l’eau, des serviettes et du savon. Mais cette journée s’adresse aussi aux femmes en attente de maternité, d’où les chansons paillardes lors de ses fêtes arrosées de vin, où on s’échange des symboles phalliques et des propos volontiers obscènes.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 7 janvier 2022