L’Almanach international

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1959, Guinée-Bissau, massacre, 3 août Bruno Teissier 1959, Guinée-Bissau, massacre, 3 août Bruno Teissier

3 août : quand la police du dictateur portugais tirait sur la foule en Guinée-Bissau

Les dockers du port de Pidjiguiti, à Bissau, manifestaient pour de meilleurs salaires. Le 3 août 1959, la police au service de la dictature portugaise, tire sur les grévistes faisant entre 25 et 50 morts selon les sources. Ce massacre qui, en réaction, a provoqué la lutte armée contre l’occupation portugaise, est commémoré chaque 3 août.

 

La Guinée, autour de Bissau, sa capitale, était alors une colonie portugaise. Les dockers du port de Pidjiguiti, à Bissau, manifestaient pour de meilleurs salaires. N’ayant pas obtenu gain de cause, ils ont entamé une grève dans l’après-midi du 3 août 1959. Le représentant de l’État portugais a fait aussitôt appel à la Police internationale et de défense de l'État, la sinistre PIDE au service de la dictature portugaise. Les policiers tirent sur les grévistes faisant une cinquantaine de morts et une centaine de blessés. La plupart était des marins, des débardeurs et des dockers, travaillaint pour Casa Gouveia, un monopole commercial intermédiaire du groupe CUF (Companhia União Fabril).

Un mouvement indépendantiste, le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert, mené par Amilcar Cabrar, manifestait depuis 1956 de manière non-violence pour l’indépendance. C’est le massacre de Pidjiguiti, suivi d’autres, qui a amené le PAICG à abandonner la résistance non violente pour une lutte armée. La guerre d’indépendance de la Guinée-Bissau a débuté en 1963, elle durera jusqu’en 1974 avec l’annonce de l’indépendance.

Après l'indépendance, la mémoire de Pindjiguiti sera mobilisée comme l'un des symboles et des fondements de l'État indépendant, inséparable du Parti, et, encore une fois, de l'exigence d'unité. L'indépendance est célébrée comme une restauration de la justice qui honore les martyrs du colonialisme, avec un accent énorme sur les victimes du massacre. C'est ainsi que le 3 août est déclaré fête nationale et que, entre 1975 et 1980, une série d'initiatives sont menées qui confortent la centralité de l'imagerie du massacre.

L’anniversaire du massacre du 3 août, la Journée des Martyrs de la colonisation (Dia dos mártires da colonização), est donc un jour férié national en Guinée-Bissau et une journée publique de commémoration qui se déroule avenida 3 de Agosto, la grande avenue de la capitale. Près des quais, un grand poing noir a été érigé, il est connu sous le nom de “Main de Timba “ et sert de monument commémoratif.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 3 août 2024

 

En 1979, le monument aux martyrs de Pindjiguiti a été inauguré à l'emplacement approximatif des événements.

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20 janvier : il y a 50 ans, Amilcar Cabral, héros des indépendances africaines, était assassiné

Ce leader de la lutte contre la colonisation portugaise a été exécuté avant que la Guinée-Bissau et le Cap-Vert, ses deux patries, obtiennent leur indépendance. Il fait figure de héros national pour ces deux pays comme pour l’ensemble du continent africain, l’extrême gauche lusophone et tous les mouvements anticoloniaux et décoloniaux.

 

Amílcar Cabral est né en 1924, à Bafatá Guinée portugaise (aujourd’hui Guinée Bissau) de parents originaires du Cap-Vert. C’est un héros africain des luttes pour l’indépendance, mais il est surtout célébré dans ces deux pays : le Cap-Vert et la Guinée-Bissau ont fait du 20 janvier (1973), anniversaire de son assassinat, la Journée des Héros (dia dos heróis). 

Après des études d’agronomie à Lisbonne, il est retour à son pays en 1952 pour s’engager dans la lutte contre la présence coloniale portugaise, en lien avec le Parti communiste portugais. En 1956, il fonde dans la clandestinité, avec Luís Cabral, son demi-frère (futur président de la République de Guinée-Bissau), Aristides Pereira (futur président de la République du Cap-Vert), Abilio Duarte (futur ministre et président de l’Assemblée nationale du Cap-Vert), le PAIGC (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap Vert).

Le PAIGC se bat contre l'armée portugaise sur plusieurs fronts à partir des pays voisins devenus indépendants bien plus tôt, la Guinée Conakry et le Sénégal, depuis sa province de Casamance. Avec le soutien politique et matériel du bloc soviétique, Amílcar Cabral parvient peu à peu à contrôler le sud du pays, mettant en place de nouvelles structures politico-administratives dans les zones libérées.

Dans la nuit du 19 au 20 janvier 1973, Amilcar Cabral, de retour d’une réception à l’ambassade de Roumanie, succombe à des rafales de balles d’un commando devant son domicile à Conakry, en Guinée, alors qu’il rentrait seul, en compagnie de son épouse, Ana Maria Cabral. Il ne verra pas l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert qui n’interviendront que le 10 septembre 1974, soit quelques mois après le 25 avril portugais.

Amílcar Cabral appartenait, comme beaucoup de dirigeants nationalistes de sa génération, à la petite bourgeoisie métis qui selon le régime instauré par le Portugal, était juridiquement des indigènes assimilés, c’est-à-dire disposant des mêmes droits que les Portugais. C’est en jouant sur les rivalités entre Noirs et Métis que les commanditaires de son assassinat qu’il ont inspiré l’exécution de Cabral par des membres du PAIGC. Un demi-siècle est passé et on ne connaît pas véritablement les commanditaires. On soupçonne la PIDE, la police politique de la dictature portugaise de l’époque avec sans doute des complicités en Guinée. Ce qui n’empêche pas ce pays de commémorer, lui aussi, le cinquantenaire de la mort d’Amilcar Cabral.

Aujourd’hui, Amílcar Cabral demeure un personnage mythique, tel un véritable Che Guevara africain, de nombreuses rues portent sont noms, ainsi que des lycées, partout en Afrique. Une compétition de football, la Coupe Amílcar Cabral, regroupe des pays de la sous-région (de la Mauritanie à la Sierra Leone en passant par le Mali).

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Détail d’un timbre poste de la république du Cap-Vert émis en 1976

Plaque de l'avenue Amilcar-Cabral, Saint-Denis en Seine-Saint-Denis

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5 mai : la journée internationale de la langue portugaise

Le portugais est la langue officielle de neuf pays (Brésil, du Portugal, de l'Angola, du Cap-Vert, de la Guinée-Bissau, du Mozambique, de São Tomé et Príncipe et du Timor-Leste) soit quelque 260 millions de personnes.

 

Le portugais est la langue officielle de neuf pays (Brésil, du Portugal, de l'Angola, du Cap-Vert, de la Guinée-Bissau, du Mozambique, de São Tomé et Príncipe et du Timor-Leste) soit quelque 260 millions de personnes. C’est la cinquième plus utilisée dans l'espace Internet et c’est aussi la plus parlée dans l'hémisphère sud.

Cette date du 5 mai a été choisie en 2009 par les neuf pays membres de la CPLP (Communauté des pays de langue portugaise) réunis au Cap-Vert. La date du 5 mai a été officialisée par l’Unesco en 2019, sous le nom de  Dia da Língua Portuguesa e da Cultura. Sa célébration par les Nations-Unies, pour la première fois en 2020, est très perturbée par la pandémie du Covid-19.

Le portugais est une langue très célébrée car elle fait aussi l’objet d’une journée nationale au Brésil, chaque 5 novembre, en hommage à Rui Barbosa, écrivain et homme politique brésilien, né le 5 novembre 1849, qui l’a particulièrement étudié. Quant au Portugal, sa fête nationale, le 10 juin, est aussi l’occasion de célébrer la langue portugaise. C'est ce jour-là que, en 1580, que mourut l'un des plus grands poètes lusophones, Luis Camões.

Língua portuguesa

Última flor do Lácio, inculta e bela,
És, a um tempo, esplendor e sepultura:
Ouro nativo, que na ganga impura
A bruta mina entre os cascalhos vela...

Amo-te assim, desconhecida e obscura.
Tuba de alto clangor, lira singela,
Que tens o trom e o silvo da procela,
E o arrolo da saudade e da ternura!

Amo o teu viço agreste e o teu aroma
De virgens selvas e de oceano largo!
Amo-te, ó rude e doloroso idioma,

em que da voz materna ouvi: "meu filho!",
E em que Camões chorou, no exílio amargo,
O gênio sem ventura e o amor sem brilho!

(Olavo BilacPoesias, 1964)

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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