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1801, Estonie, Langues, 14 mars Bruno Teissier 1801, Estonie, Langues, 14 mars Bruno Teissier

14 mars : la journée de la langue estonienne

L’Estonie célèbre sa langue maternelle et son grand poète Kristijan Jaak Peterson. Une occasion pour le pays de s’inquiéter qu’une partie de sa population accrochée à la langue russe soit ainsi exposée à la propagande du Kremlin.

 

Le 14 mars, en Estonie, est la Journée de la langue maternelle (emakeelepäev). Les Estoniens célèbrent en même temps leur grand poète Kristijan Jaak Peterson, né le 14 mars 1801.

Dans un pays où un tiers de la population est russophone, cette journée est très importante car une partie des descendants des populations installées à l’époque de l’occupation soviétique n’ont jamais fait l’effort d’apprendre l’estonien. La ville de Narva située sur la frontière avec la Russie, vit intégralement en langue russe, ses habitants abreuvés de propagande du Kremlin, a tendance, pour une bonne part d’entre eux, à adopter les points de vue de Moscou, en ce qui concerne la guerre que Poutine a lancé contre l’Ukraine. Jusque-là, l’Estonie déplorait un problème d’intégration des occupants soviétiques. Aujourd’hui, ce tropisme russe d’une partie de ses habitants fait craindre pour la sécurité de l’Estonie. Certains évoquent le risque de formation d’une cinquième colonne en cas d’agression russe de l’Estonie.

Sur les 1,3 million d’habitants de l’Estonie, les russophones représentent 31 % de la population. Cela englobe les ressortissants russes, biélorusses, ukrainiens, les Estoniens avec des racines russes, ainsi que les apatrides. Une partie d’entre eux ne parle que le russe. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, leur loyauté est mise en doute, et ils sont de plus en plus souvent considérés comme un risque pour la sécurité nationale.

Les autorités estoniennes n’ont pris que récemment conscience du danger, ont décidé d’imposer la scolarisation en langue estonienne d’ici 2030 en commençant par la maternelle, le CP et le CM1 à partir de la rentrée 2024. Cela concerne un quart des écoliers estoniens, ceux qui jusque-là ne parlaient que le russe à la maison comme à l’école.

Cette Journée de la langue maternelle a été célébrée officieusement dès 1995 et plus largement depuis 1996. Cependant, la reconnaissance officielle n’a pas été obtenue du Riigikogu (le Parlement) qu’en 1999 pour en faire une fête nationale.

Kristijan Jaak Peterson est considéré comme le fondateur de la poésie estonienne moderne bien qu’il soit mort de la tuberculose à l'âge de 21 ans. Aucun de ses poèmes ne fut publié de son vivant. Ce n’est qu’un siècle après sa mort que son œuvre poétique en estonien fut rassemblée en deux minces recueils et finalement publiée. Étudiant à l’université de Tartu où les cours étaient dispensés en allemand, il est le premier à revendiquer sa culture estonienne, contribuant ainsi au Réveil national estonien (Ärkamisaeg).

Depuis 2004, la finale du concours de chant préscolaire « Le beau son de la langue estonienne » se déroule chaque 14 mars au Jardin d'hiver d'Estonie à Tallinn.

Depuis 2006, le ministère estonien de l'Éducation et de la Recherche décerne, le 14 mars, le prix de l'acte linguistique de l'année à l'acte qui a apporté le plus de bénéfices à la langue estonienne au cours de l'année précédente.

Enfin, depuis 2008, Vikerraadio héberge des récitations électroniques. • Initialement prévu comme un projet unique, l'événement a lieu pour la 18e fois ce 14 mars 2025. La récitation électronique de Vikerraadio est devenue une tradition et l'un des événements les plus attendus de la Journée de la langue maternelle. Le texte de cette année s’inspire de l’Année du Livre.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 13 mars 2025

 
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