L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
15 mars : Turcs et Arméniens, deux mémoires antagonistes
Chaque année, le 15 mars, resurgit le souvenir de l’assassinat, en 1921, dans une rue de Berlin, de Talat Pacha par un jeune Arménien nommé Soghomon Tehlirian…
Chaque année, le 15 mars, resurgit le souvenir de l’assassinat, en 1921, dans une rue de Berlin, de Mehmet Talaat Pacha par un jeune Arménien nommé Soghomon Tehlirian. Lors de son procès ce dernier a décrit comment une partie de sa famille a été massacrée en 1915 et a déclaré qu'il avait tué Talaat Pacha pour se venger. Sa victime n’était autre que le ministre de l’Intérieur du gouvernement ottoman, principal organisateur du génocide arménien à qui est attribué l'ordre de « tuer tous les hommes, femmes et enfants arméniens sans exception ». Le procès fut l’occasion, pour la communauté internationale, de se pencher sur l'impunité des responsables du génocide et Tehlirian fut finalement acquitté.
Soghomon Tehlirian qui a terminé sa vie en Californie est célébré comme un héros par les Arméniens qui lui ont dressé de nombreuses statues, dont une à Erevan où il est représenté un pied sur la tête de Talal Pacha, ce qui a beaucoup fâché les Turcs. L’une des dernières en date, a été inaugurée l’an dernier, le 15 mars 2024, à l’occasion du 103e anniversaire de l’exécution, à La Penne-sur-Huveaune, une banlieue de Marseille où la communauté arménienne est très active.
Quant à Mehmet Talaat Pacha, il avait été promu Grand Vizir en 1917. Mais après défaite de l’Empire ottoman, lui et quelques autres amis s'échappèrent du pays à bord d'un sous-marin allemand le 1er novembre 1918. Il a changé d'identité et s’est installé à Berlin où il a fini par être retrouvé et exécuté dans le cadre de l’opération Némésis. Sous Atatürk, il a été quelque peu oublié, mais en 1943, l’Allemagne nazie a autorisé le transfert de sa dépouille en Turquie. Son corps, retiré de sa sépulture, enveloppé d'un drapeau et entouré de fleurs, fut transporté à Istanbul dans un wagon spécial. Talaat Pacha a été réinhumé au cimetière des martyrs d' Abide-i Hürriyet, situé à Şişli (un ancien quartier arménien d’Istanbul). Erdogan fait fleurir sa tombe régulièrement et a largement contribué à sa promotion au statut de héros national. Talaat Pacha est perçu aujourd’hui par les nationalistes comme le précurseur de la Turquie moderne, éclipsant ainsi la figure de Mustapha Kemal. L’idéologie fondamentaliste du parti de la Justice et du développement (AKP) turc et son leader autoritaire, Recep Tayyip Erdoğan sont les véritables héritiers de l’œuvre politique de Talaat Pacha dont il convient aujourd’hui de lisser la mémoire.
C’est dans ce but qu’a été fondé en 2005, le Comité Talaat Pacha (Talat Paşa Komites), organisation nationaliste turque visant à s'opposer à la reconnaissance du génocide arménien, créée sous la direction de Rauf Denktaş, premier président de la République turque (non reconnue) de Chypre du Nord. Ce comité travaille à imposer la négation du génocide arménien, tout en rendant hommage à Talaat.
Un des principaux boulevards d'Ankara, un grand boulevard d’Izmir et une avenue d'Edirne, l'ex-Andrinople, portent le nom Talaat Pacha. C'est par cette dernière avenue que l'on entre en Turquie à partir de la Bulgarie et de l'Union européenne.
En 2017, le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin inaugurait un square Soghomon Tehlirian. Il existe des rues, boulevards et places honorant ce « héros de la résistance arménienne ».
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 15 mars 2025
15 mars : la fête nationale hongroise sur fond de guerre aux frontières
La fête nationale hongroise qui commémore le réveil démocratique du pays en 1848, est traditionnellement un rendez-vous politique important, d’autant plus cette année pour le 175e anniversaire de la révolution.
Budapest est pavoisée aux couleurs nationales, beaucoup de citoyens pour l’occasion portent la cocarde tricolore. La fête nationale hongroise (Nemzeti ünnep) débute à 9 heures par la levée du drapeau sur Kossuth Lajos tér. De là, un défilé militaire se rend au Musée national où la révolution a débuté il y a 175 ans. Profitant du réveil des peuples en cette année 1848, des démocrates hongrois s’étaient rendus au château de Buda porteur de 12 revendications à présenter au pouvoir des Habsbourg. Notamment l’exigence de la liberté de presse et l’abolition de la censure. Une commémoration bien paradoxale dans la Hongrie de Viktor Orbán qui depuis 2010 multiplie les mesures liberticides, notamment contre la presse d’opposition. Le 15-Mars est également connu sous le nom de Fête de la Révolution de 1848 (1848-as forradalom ünnepe).
Ainsi, ce jour de fête populaire est aussi traditionnellement l’occasion d’une grande manifestation de l’opposition pour dénoncer un régime inspiré par l’extrême droite. Des manifestants de gauche viennent de toute l’Europe pour dénoncer les dérives du régime hongrois.
Tandis que l’ultra droite, le Mouvement Notre Patrie, se rassemble à côté du Musée national hongrois. Il est chaque année épaulé par des militants de l’extrême droite venus de toute l’Europe, en particulier des Polonais et des Italiens... Le 15-Mars à Budapest est devenu, comme le 23-Octobre, l’un des grands rendez-vous politiques européens. Cette année, avec la proximité des élections législatives, dont la guerre en Ukraine est venue modifier la donne, la journée prend une dimension particulière.
Quant au parti au pouvoir, le Fidesz (extrême droite populiste), il profite des cérémonies officielles sur la place Kossuth Lajos devant le Parlement à 15 heures, où le Premier ministre Viktor Orbán prononce un discours. La Marche pour la Paix (organisée par le parti au pouvoir) se joint à la cérémonie. Le mardi 15 mars, conformément à la tradition, on peut venir voir gratuitement la couronne de Saint Étienne au Parlement. Le jour est férié et chômé, beaucoup de musées et de bâtiment officiel ouvrent leurs portes au public ce jour-là. C'est à l'occasion de cette fête que sont distribués les Prix Kossuth (culture et des arts) et Széchenyi (culture hongroise).
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 14 mars 2023
Mise à jour 2025 : dopé par l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, annonce ce samedi 15 mars son projet d’éliminer rivaux politiques, juges, médias et ONG, des « punaises » abreuvées selon lui de fonds étrangers « corrompus ». « Après notre grand rassemblement, viendra le grand nettoyage de Pâques car les punaises ont survécu à l’hiver », a-t-il lancé devant une foule de plusieurs milliers de partisans réunis devant le musée national à Budapest à l’occasion de la fête nationale.
Plus de 50 000 personnes ont bravé le froid et la pluie samedi à Budapest contre la politique répressive de Viktor Orban à l'encontre de la presse et des ONG, tandis que Peter Magyar, le chef du parti d'opposition Tisza, en plein essor, leur a promis de mettre fin aux 15 ans de règne du chef du gouvernement.
15 mars : il y a dix ans, le début du cauchemar syrien
Le 15 mars 2011 commençait que l’on croyait être le printemps syrien, ce sera le début d’une décennie d’enfer. Les habitants de Deraa manifestaient pour réclamer la libération de leurs enfants…
Qui aurait l’idée, en Syrie, de commémorer les dix ans du soulèvement du peuple syrien contre la dictature ? Le 15 mars 2011 commençait ce que l’on croyait être le « printemps syrien », ce sera le début d’une décennie d’enfer.
Ce 15 mars, les habitants de Deraa manifestaient pour réclamer la libération de leurs enfants, des adolescents arrêtés et torturés, certains tués, pour des graffitis hostiles au régime sur le mur de leur collège. Le même jour, des centaines de personnes manifestaient à Damas contre le pouvoir. Trois jours plus tard, ils seront des milliers, dans la lignée du «printemps arabe» initié en Tunisie et en Égypte. En Syrie s’exprimaient le ressentiment et les souffrances accumulés pendant quatre décennies de dictature, celle du père (Hafez el Assad), au pouvoir pendant trente ans, puis du fils (Bachar el Assad), en poste depuis 2000. Les deux dictateurs, père et fils occupent le pouvoir depuis plus d’un demi-siècle. Bachar et son clan ont préféré détruire le pays plutôt que de céder le pouvoir. Un demi-million de Syriens sont morts, plusieurs millions ont quitté le pays. Ceux qui restent vivent dans la misère, excepté les 10 % de privilégiés qui prétendent diriger un pays qui n’existe plus.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 15 mars 2021