12 janvier : Zanzibar commémore une révolution politique et culturelle qui s’est déroulée dans le sang
C’est une révolution sanglante qui a rempli des fosses communes que l’on commémore chaque 12 janvier dans l’île paradisiaque de Zanzibar. Au final, les habitants ont chassé de l’îles toutes les populations allogènes, arabes, persanes, indiennes… qui s’étaient établis au cours des trois derniers siècles et qui y avaient pris le pouvoir. Cette île, jadis plaque tournante du commerce des esclaves, est redevenue pleinement africaine en s’associant politiquement au continent.
Le 12 janvier 1964, tôt le matin, quelques centaines d’hommes prennent les armes pour renverser le pouvoir et l’ordre social. Tous sont des villageois africains, ils sont dirigés par un Ougandais fantasque, John Okello. Les insurgés sont principalement des Africains, ils se révoltent contre les élites arabes qui dominent le pays depuis deux siècles et demi et les commerçants persan et indien établis dans l’île à la faveur de l’occupation anglaise. À parti du milieu du XIXe siècle le sultanat de Zanzibar est tombé sous le protectorat du Royaume-Uni, lequel a maintenu en place les sultans et les élites socio-économiques. L’indépendance et finalement obtenue en décembre 1963. Elles ont été précédées par des élections législatives qui ont permis aux élites arabes de maintenir leurs dominations. Le clivage ethnique est aussi social. Les grands propriétaires sont tous des descendants dans grandes familles arabes ou arabophones établies à l’époque où l’archipel était dominé par le sultanat d’Oman. Les ouvriers agricoles sont d’origine africaine et de langue swahilie. Ils ont eu la majorité des voix aux élections mais sont sous-représentés au Parlement. Le mécontentement est généralisé dans les villages de l’île.
La révolution est brève et violente : plusieurs milliers de morts. Des représailles sont exercées contre des civils arabes et persans ou indiens. Les Européens, peu nombreux, sont épargnés. La colère vise principalement les structures traditionnelles qui pèsent sur la population. Le sultan, Jamshid ben Abdallah, s’enfuit le jour même avec ses proches sur le yacht royal. Il réside aujourd’hui encore, en exil à Londres. Un Conseil révolutionnaire est créé par l'Afro-Shirazi Party (un parti africain) et l'Umma Party (formation de gauche). Abeid Karume est nommé président et le nom du pays est changé en République populaire de Zanzibar. Celle-ci ne dure que quelques semaines. Le 26 avril 1964, en associant le Tanganyika et Zanzibar, on crée un nouvel État, la Tanzanie.
Aujourd’hui, le Zanzibar revolution day est un jour férié en Tanzanie, même s’il est principalement commémoré à Zanzibar et à Pemba. On oublie les massacres et les exécutions sommaires, on préfère glorifier la prise du pouvoir par des représentants de la majorité opprimée. La démocratie sera-t-elle toujours respectée ? Ça, c’est une autre histoire dans un archipel où chaque élection provoque des violences comme ce fut le cas encore en novembre dernier.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde