23 octobre : la Hongrie commémore 1956 tout en soutenant la Russie
Voilà une journée bien embarrassante pour le gouvernement hongrois de Viktor Orbán qui soutient l’agression russe de l’Ukraine alors que la Hongrie commémore, chaque année, l’insurrection du 23 octobre 1956 contre l’oppression communiste. Cette révolution démocratique déclenchée par un désir de liberté sera écrasée dans le sang par une intervention de l’armée soviétique, au prix de 200 000 morts. Viktor Orbán a toujours été très ambiguë sur le sujet. En 2022 et 2023, lors des célébrations du 23-Octobre, il a choisi faire profil bas, préférant s’exprimer depuis une ville de province alors que l’opposition manifeste, comme chaque année, dans la capitale contre sa dictature. En 2024, il fera un discours à Budapest à 10h30, prudemment , dans un parc fermé, le parc Millenáris, et non sur un espace ouvert comme la place Kossuth ou la place Hősök, comme jadis. Il cède la rue à la rue à Péter Magyar qui rassemble ses partisans sur la place Bem József.
Le 23 octobre est un double anniversaire. La Hongrie commémore les événements de 1956 en même temps que la journée de 1989 qui a mis fin au régime communiste. Un tiers de siècle plus tard, le 23 octobre 1989, ce régime prenait fin, laissant la place à une république de Hongrie qui a fonctionné démocratiquement jusqu’au 1er janvier 2012, date de l’entrée en vigueur d’une nouvelle constitution, inspirée des idées de l’extrême droite hongroise.
Cette journée du 23 octobre, dite Fête de la Révolution (Forradalom ünnepe), est devenue une fête nationale en 1990, marquée par des célébrations officielles de cette double célébration, est aussi l’occasion pour l’opposition de protester contre un État hongrois aux tendances de plus en plus autoritaires.
Victor Orbán n’était pas né en 1956, mais l’évènement lui doit beaucoup politiquement. En effet, il s’était fait connaître en 1989 lors des obsèques d’Imre Nagy, exécuté en 1958 pour avoir été le leader de l’insurrection de 1956 : le jeune Orbán, alors inconnu, avait pris la parole devant la foule pour réclamer le départ de Hongrie des forces soviétiques qui y stationnaient depuis 1956. Il fut ovationné par les 200 000 personnes qui assistaient à l’hommage à Nagy. En 2018, ce même Orbán fera enlever nuitamment, la statue d’Irme Nagy qui faisait face au Parlement pour la reléguer dans un obscur jardin de Budapest. Érigée en 1996, pour le 40e anniversaire de 56, c’était une des plus photographiée de Budapest. La trahison des idéaux de liberté de 1956, par le régime d’Orbán et sa réécriture de l’histoire était déjà pleinement en marche. Dans ses discours du 23-Octobre, Orban concentre ses attaques sur Bruxelles. L’UE (dont les fonds européens ont rempli les poches de sa famille) comparée à l’URSS est un leitmotiv de ses discours.
En septembre 2024, son directeur politique, Balázs Orbán (un homonyme) a été plus clair encore, affirmant qu’ « à partir de 1956, nous n'aurions probablement pas fait ce que le président Zelensky a fait il y a deux ans et demi, car c'est irresponsable.» Le tollé a été presque unanime, y compris au Fidesz, le parti au pouvoir. Car dans l’opinion, le souvenir de 1956 rime toujours avec un désir de liberté étouffée par les Russes.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 23 octobre 2024