L’Almanach international

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1886, Ouganda, 3 juin, chrétiens Bruno Teissier 1886, Ouganda, 3 juin, chrétiens Bruno Teissier

3 juin : la journée des martyrs en Ouganda

La date fait référence à l’exécution sur un bûcher, le 3 juin 1886, de 31 jeunes gens, des pages du roi Mwanga furieux qu’ils se refusent à lui depuis qu’ils ont été convertis par des missionnaires chrétiens. Chaque 3 juin, se déroulent un pèlerinage et une commémoration très ambiguë, dans un pays où la situation des homosexuels est l’une des pires du monde. Une nouvelle loi promulguée en 2023 aggrave encore les peines encourues.

 

Voilà un jour férié très ambigu, à la fois une cérémonie catholique et une fête civile de l’Ouganda qui participe à la propagande anti-gay de ce pays particulièrement sévère en la matière.

La date fait référence à l’exécution, le 3 juin 1886, de 31 jeunes gens, principalement des pages du roi Mwanga furieux qu’ils se refusent à lui depuis qu’ils ont été convertis par des missionnaires. Ce jour-là, ont été sacrifiés sur un bûcher 13 catholiques, 13 protestants et 5 non chrétiens. Ce roi homosexuel voyait ses sujets lui échapper après être passé dans les mains des missionnaires européens auxquels son prédécesseur avait ouvert les portes du puissant royaume du Buganda (futur Ouganda). Pendant sept mois, il va ordonner une série d’exécutions qui se déroulaient sur le site de Namungongo, à 15 km de Kampala. C’est là que les catholiques ont construit une basilique qui chaque 3 juin, attire plusieurs centaines de milliers de personnes venues de toute l’Afrique orientale. Elle a même été visitée par le pape Jean Paul II en 1984. Les martyrs avaient été canonisés en 1964 par Paul VI, au cours du concile Vatican II. Le plus jeune avait treize ans, il est aujourd’hui honoré comme saint Kizibo, le patron des jeunesses d’Afrique selon le Vatican. Le pape François est également venu en 2014. À Namungongo existe aussi des sanctuaires anglican et musulman (seul un gros tiers de la population ougandaise est catholique). D’ailleurs, parmi les martyrs de l’époque figure aussi quelques musulmans. C’est à Munyonyo, que les pages chrétiens du roi ont été capturés et condamnés à mort (un monument figurant quatre d’entre eux leur rend hommage) avant d’être exécuté à Namugongo. 

Le grand pèlerinage de Namungongo attire chaque 3 juin plus d’un demi-million de personnes qui viennent du Kenya, du Rwanda, de Tanzanie et de tout l'Ouganda pour participer à la fête des martyrs ougandais. Beaucoup d'autres suivent la célébration à la télévision nationale.

La journée demeure un jour férié civil, exploité de manière ambiguë par un pouvoir qui, par ailleurs, réserve une des pires conditions aux homosexuels dans le monde. Comme ailleurs en Afrique, les lois qui s’appliquent en Ouganda sont directement héritées de celles de l’Angleterre du XIXe. En mars 2023, une nouvelle loi avait été votée, faisant de l’homosexualité un crime. Devant le tollé international, une nouvelle mouture de la loi a été promulguée le 29 mai 2023, précisant que le « fait d’être homosexuel » n’était pas un crime, mais que seules les relations sexuelles l’étaient. Dans la nouvelle version du texte, les parlementaires ont maintenu, contre une disposition faisant de « l’homosexualité aggravée » un crime capital, ce qui signifie que les récidivistes pourraient être condamnés à mort. En Ouganda, la peine capitale n’est plus appliquée mais n’a jamais été abrogée. Ce qui inquiète particulièrement les organisations de défense des droits des homosexuels, c’est que selon cette nouvelle loi, quiconque « promeut sciemment l’homosexualité » encourt jusqu’à vingt ans de prison.

« Les sources montrent que l’homosexualité est courante au Buganda à la fin du XIXe siècle. La plupart des sources datent la diffusion de l’homosexualité de l’arrivée des Arabes au Buganda. (…) Les rois sur lesquels nous avons suffisamment d’informations (Mwanga, 1884-1897, Mutesa, 1856-1884 et peut-être Suna, c. 1830-1856 et Kamanya, c. 1812-c. 1830) sont bisexuels. (…) Les pages sont généralement des adolescents qui sont envoyés par leurs parents, leurs maîtres ou leurs patrons pour servir le roi. Le parrain espère que le page saura attirer la faveur du roi et en fera bénéficier son entourage. Des fils de chefs se mêlent à de jeunes esclaves dans un univers très concurrentiel et violent. Les pages n’ont pas accès aux épouses de leur maître. L’augmentation du nombre d’épouses rend le contrôle de leur fidélité problématique, malgré le recours à une violence extrême. L’homosexualité est encouragée délibérément parmi les pages pour qu’ils soient moins tentés de trahir leur maître. Ces pages royaux occupent une place fondamentale dans l’organisation politique du royaume du Buganda. C’est parmi les anciens pages que sont choisis les futurs chefs qui gouverneront le pays. » extrait d’un article de Henri Médard (auteur de Croissance et crises de la royauté du Buganda au XIXe siècle, Karthala, 2007).

La Journée des martyrs (Uganda Martyrs Day) est aussi l’occasion de commémorer le refus de la soumission à un tyran. Et l’Ouganda en a connu d’autres, hormis Mwanga dont le renversement par les Anglais a été le prétexte à la colonisation du royaume du Burganda. On se souvient de Milton Obote mais surtout du fantasque et sanguinaire Idi Amin Dada. Lequel avait aussi fait exécuter un archevêque anglican. Quant au président actuel, Yoweri Museveni…

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 3 juin 2023

 
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1990, 17 mai Bruno Teissier 1990, 17 mai Bruno Teissier

17 mai : la Journée internationale contre l'homophobie

La Journée mondiale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie n’est célébrée que dans une soixantaine de pays à travers le monde. La date choisie est celle de l’anniversaire de la décision de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de retirer l’homosexualité de la liste des maladies mentales, le 17 mai 1990.

 

C’est au Québec, en 2003, qu’une première journée nationale contre l’homophobie a été instaurée. L’année suivant une indicative semblable a eu lieu en France, mais c’est seulement en 2005 que cette journée a pris une dimension internationale et qu’elle a été fixée le 17 mai à l’initiative de l’activiste et universitaire français, Louis-Georges Tin.

La date choisie est celle de l’anniversaire de la décision de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de retirer l’homosexualité de la liste des maladies mentales, le 17 mai 1990.

À Paris, se déroule chaque année, le 17 mai ou la veille, une discrète cérémonie à la mémoire de Bruno Lenoir et Jean Diot, les deux derniers condamnés à mort en France en raison de leur homosexualité. Surpris dans une "position indécente" rue Montorgueil dans le deuxième arrondissement de Paris selon l'expression utilisée sur le procès-verbal, ils ont été brûlés en place publique pour crime d'homosexualité, le 6 juillet 1750. Une plaque leur a été dédiée en 2015, sur le pavé du marché Montorgueil.

En France, c’est la Révolution qui a dépénalisé les relations homosexuelles en 1791. En 1982, la gauche mitterrandienne met fin à la discrimination qui donnait la majorité sexuelle dès 15 ans aux hétérosexuels et à 21 ans pour les homosexuels. 1985 : une protection contre les discriminations en raison de l'orientation sexuelle est introduite dans la loi. En 1999 : les couples de même sexe sont reconnus par le concubinage et l'adoption du pacte civil de solidarité. En 2004 : les insultes homophobes sont pénalisées. En 2010 : la transidentité n'est plus considérée comme une maladie mentale. En 2013 : le mariage des couples de même sexe et l'adoption par ces couples reconnus par la loi du 17 mai 2013, dont la date n’avait pas été choisie par hasard.

La Journée mondiale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie est célébrée de fait dans plus de 60 pays à travers le monde, mais elle n’est officiellement reconnue que par l'Union européenne, la Belgique, le Royaume-Uni, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Mexique, le Costa Rica.

Aujourd’hui, il reste onze pays (Arabie saoudite, Brunei, Iran, Mauritanie, Nigéria, Yémen, Afghanistan, Émirats arabes unis, Qatar, Pakistan et Somalie) où les relations homosexuelles sont encore passibles de la peine de mor ! Et 69 États dans le monde répriment, de diverses manières, l’homosexualité (Nigeria, Éthiopie, Égypte, Tanzanie, Algérie, Maroc, l’Indonésie, le Bangladesh, le Pakistan, la Birmanie, l’Iran, l’Irak et Singapour, République dominicaine, Jamaïque…).

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

La plaque commémorative située à l’angle des rues Montorgueil et Bachaumont, dans le deuxième arrondissement de Paris.

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