L’Almanach international
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25 octobre : la fête nationale kazakhe
Le Jour de la République commémore l'adoption de la Déclaration de souveraineté de la République socialiste soviétique kazakhe le 25 octobre 1990. 34 ans plus tard, le Kazakhstan est en train de prendre réellement et franchement ses distances avec la Russie.
Le Jour de la République (Республика күні) commémore l'adoption de la Déclaration de souveraineté de l'État de la République socialiste soviétique kazakhe, le 25 octobre 1990. Cette déclaration sera un premier pas vers l’indépendance du Kazakhstan, proclamée le 16 décembre 1991, soit dix jours avant la disparition de l’URSS. En effet, le Kazakhstan a été la toute dernière république soviétique à le faire.
Le Jour de la République a été officiellement déclaré fête nationale du Kazakhstan en 1995, puis rétrogradé en simple jour férié, au profit du 30 août (Jour de la Constitution), puis du 16 décembre (Jour de l’indépendance), et même supprimé, en 2009, de la liste des jours fériés par le président Nazarbaïev, puis, finalement, réinstauré en 2022 par le président Tokaïev, comme fête nationale (қазақстанның ұлттық күні).
Le Kazakhstan qui a déclaré son indépendance vis-à-vis de l’URSS, après la Russie elle-même, est resté longtemps très proche de Moscou. En décembre 2021, c’est encore l’armée russe, appelé par le nouveau président Tokaïev qui est intervenue pour le conforter au pouvoir face aux partisans de l’ancien président qui œuvraient en coulisse. Il faudra attendre l’invasion de l’Ukraine par Poutine pour que le Kazakhstan prenne ses distances, refusant d’envoyer la moindre troupe pour s’associer à cette folie.
Récemment, Astana déclinait la proposition de Moscou d’intégrer les BRICS, réunis non loin de là à Kazan, ce mois d’octobre 2024. En rétorsion, la Russie a aussitôt restreint ses importations de produits agricoles en provenance du Kazakhstan, notamment les légumes et les fleurs coupées. Le résultat, c’est que la Chine est devenue le premier partenaire commercial du Kazakhstan supplantant la Russie pour la première fois depuis que l'Empire russe a colonisé la région. Cette déclaration de souveraineté, commémorée chaque 25 octobre, est en train, 34 ans plus tard, de se concrétiser dans des faits.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 25 octobre 2024
31 mai : la Journée du souvenir des victimes de la répression politique au Kazakhstan
Comme l’Ukraine, le Kazakhstan commémore la grande famine des années 1932-33 (Acharchylyk ) et la répression de masse de l’époque soviétique. La décolonisation de l’empire russe est en marche, déjà dans les têtes. La libération de la mémoire est une première étape.
Les exactions commises dans l’empire colonial russe, en particulier à l’époque soviétique, resurgissent des mémoires. Au Kazakhstan, les premières lois mémorielles ont été adoptées peu après l’indépendance. En 1993, les victimes des répressions du stalinisme étaient réhabilitées. En 1997, Noursoultan Nazarbaïev instituait le 31 mai comme la Journée en souvenir des victimes de la répression politique (Қазақстандағы саяси қуғын-сүргін құрбандарын еске алу күні). En 2020, le nouveau président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev a mis en place une Commission d’État pour la réhabilitation des victimes de la répression politique qui fait re-émerger plusieurs décennies de crimes et de souffrance. Depuis quelques années, un nouveau terme est popularisé dans le discours mémoriel : Acharchylyk (Ашаршылық). C’est l’équivalent kazakh de l’Holodomor des Ukrainiens. La terrible famine a coûté la vie à un million et demi de Kazakhs entre 1932 et 1934 (2 millions de morts si ont y ajoute les autres nationalités vivant au Kazakhstan), soit 40% de la population du pays.
Nomades, les Kazakhs ont été privés de leur bétail, confisqué par les gouverneurs soviétiques. Afin de remplir les quotas pour le blé, les Kazakhs furent forcés de troquer leurs bêtes contre des quantités dérisoires de céréales, ce qui les condamnait à mort car il ne leur restait plus rien. Partout, le bétail mourait à cause des conditions inadaptées, notamment le manque de fourrage dû à la grande sécheresse de 1932-33 associée aux grands froids : en deux ans, la République a perdu plus de 90 % de son cheptel (sur 45 millions de têtes de bétail en 1929, il n’en restait que 3,5 millions en 1935). Beaucoup de Kazakhs n’ont eu la vie sauve qu’en se réfugiant dans les pays voisins. Certains se sont établis au Xinjiang, une région contrôlée par la Chine. Leurs descendants croupissent aujourd’hui dans des camps de concentration aux côtés des Ouïghours.
La date du 31 août fait aussi référence à la répression politique de masse qui a atteint son paroxysme en 1937. Au cours du XXe siècle Moscou a fait de ses colonies d’Asie centrale des lieux de relégation pour y déporter les peuples qui entravaient l’expansion russe, c’est le cas des Tatars de Crimée. Le territoire du Kazakhstan s'est ainsi transformé en une grande prison avec l'ouverture des plus grands camps de travail correctif, tels que Alzhir (camp d'Akmola pour les femmes des traîtres à la patrie), Steplag et Karlag. Plus de 5 millions de personnes ont été envoyées dans ces camps au cours des années de répression. Selon certains rapports, le nombre total de prisonniers dépasse de loin ces données. Ils étaient d’origines très diverses : Kazakhs, Polonais, Russes, Allemands, Coréens, Ouïghours, Ouzbeks… 25 000 ont été condamnées à la peine capitale, mais la plupart des victimes sont mortes des mauvaises conditions de vie.
Le Kazakhstan s’émancipe peu à peu en dépit d’une présence russe toujours pesante. On notera que le président Tokaïev, un dictateur sauvé l’an dernier d’une insurrection par une intervention militaire russe, ne s’est pas laissé entraîner par Poutine dans la désastreuse guerre d’Ukraine. La décolonisation, très tardive, de l’empire russe est en marche dans toute l’Asie centrale. La libération de la mémoire est une première étape.