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1881, Turkménistan, Bataille célèbre, 12 janvier Bruno Teissier 1881, Turkménistan, Bataille célèbre, 12 janvier Bruno Teissier

12 janvier : le deuil interdit des Turkmènes, la mémoire effacée de la colonisation russe

C’est la mémoire d’une bataille perdue face aux Russes, un véritable désastre et car elle permit la colonisation du pays par la Russie, qu’il est aujourd’hui interdit de commémorer.

 

Au Tukménistan, on se remémore une bataille perdue face aux Russes qui fut un véritable désastre et permit la colonisation du pays par la Russie. Il s’agit de la chute de la ville fortifiée de Geok-Tépé le 12 janvier 1881 après 23 jours de siège. Mais sa commémoration est aujourd’hui interdite.

Les Russes avaient tenté une première fois, en 1879, de prendre la ville de Geok-Tépé (Gökdepe). Laquelle avait résisté face aux 4000 soldats du Tsar. La seconde tentative, avec 7000 hommes mieux préparés, sera la bonne mais après un long siège. L’événement décisif a eu lieu le 12 janvier 1881 lorsque les Russes ont creusé un tunnel sous le mur de la forteresse pour y placer des explosifs qui ont fait exploser une énorme partie de la structure défensive. Les troupes russes se sont précipitées à traverser la brèche, tuant quelque 6 500 personnes dans la ville, puis pourchassant et tuant environ 8 000 autres pendant leur fuite. Ce qui représente au total 14 500 victimes sur 40 000 habitants.

Hormis l’horreur du massacre, la perte de cette ville-forteresse turkmène fut une véritable catastrophe pour les Turkmènes car elle a ouvert la route aux Russes, leur permettant la prise de la ville d’Achgabat quelques jours plus tard. La Russie achevait ainsi la conquête coloniale de l’Asie centrale. Leur présence durera plus d’un siècle : jusqu’à la disparition de l’URSS en décembre 1991.

La première commémoration a eu lieu manière spontanée en janvier 1990. Selon un rapport secret du KGB, quelque 10 000 personnes avaient répondu à l’appel des organisateurs. L'imam Ishan, petit-fils de Gurbanmyrat Ishan, l'un des dirigeants turkmènes de la guerre de Geokdepe était présent. Sous la pression populaire, les autorités turkmènes ont ensuite fait du 12 janvier un Jour de mémoire officiel (ýatlama güni), célébré par un jour férié au titre du deuil national permettant de dénoncer un siècle d’occupation russe. La dernière commémoration a eu lieu le 12 janvier 2014.

Cette mise en cause du colonialisme russe était intolérable pour Poutine lequel a fait pression sur le Turkménistan pour que la date ne soit plus commémorée. En effet, en 2014, la Journée de deuil national a été déplacée au 6 octobre, une date qui fait référence à une catastrophe naturelle. Ainsi, en mêlant victimes de séisme, de guerre et de massacres, on efface la mémoire. Pour ne pas déplaire à Moscou, le 12 janvier n’est plus un jour férié au Turkménistan depuis 8 ans. Les Turkmènes sont privés de leur mémoire, comme le sont aujourd’hui les Russes sous le régime autoritaire de Poutine. Réécrire l’histoire dans un sens plus avantageux pour la Russie éternelle est le chantier actuel du Kremlin qui vient justement de dissoudre l’association Mémorial. La Russie est, par ailleurs, en pleine reconquête de son ex-empire colonial, en témoigne son intervention au Kazakhstan, ces derniers jours, dans la droite ligne de sa politique à l’égard de la Crimée, de l’Ukraine orientale ou du Caucase…

La prise de la ville est datée du 24 janvier 1881 selon le calendrier julien en vigueur à l’époque en Russie, soit le 12 janvier dans le calendrier grégorien. C’est la date qui avait été retenue entre 1990 et 2014 pour commémorer cette bataille. Aujourd’hui, il n’y a plus de cérémonie officielle mais une prière est dite dans la mosquée construite sur le lieu même de la bataille.

 

Une partie de la forteresse de Geok-Tépé, restaurée après 1991

La toute première commémoration, en janvier 1990, sur la colline de Geok-Tépé

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