L’Almanach international
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20 janvier : le Mali fête son armée dans une ambiance morose
La Journée de l’armée rappelle le discours du président Keita, le 20 janvier 1961, exigeant le départ des troupes françaises. Aujourd’hui au pouvoir au Mali et appuyée par les Russes, l’armée n’arrive pas à venir à bout de l’insécurité grandissante qui accable le Mali.
La Journée de l’armée célébrée aujourd’hui rappelle le discours du président Modibo Keita, le 20 janvier 1961, qui exigeait le départ du pays des troupes coloniales françaises, ce qu’il entendait comme une manifestation de solidarité avec le FLN en lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Ainsi, de juin au 5 septembre 1961, toutes les bases françaises au Mali (ancien Soudan français) seront évacuées.
Ce 20 janvier 2025, la 64e Journée de l’armée se déroule dans une ambiance un peu particulière. L’armée est de plus en plus hégémonique dans le pays. Le président Goïta, un général putschiste qui a pris le pouvoir en 2022, a annoncé en avril 2024, qu’il comptait demeurer en place encore trois, voire cinq ans, au lieu de rendre le pouvoir en mai 2024, comme, cela était prévu. En outre, il a congédié son premier ministre, un civil, pour le remplacer par le général Abdoulaye Maïga, un fidèle. Une dictature militaire est en train de s’enraciner au Mali.
Quant aux Forces armées maliennes, pourtant appuyées par les forces russes de Wagner, elles ont subi une lourde défaite fin juillet 2024. Les groupes djihadistes ont continué à progresser vers le sud. En septembre dernier, Bamako a même été le théâtre d’un attentat perpétré par un groupe affilé à Al-Qaida et visant à la fois l’École de gendarmerie et l’aéroport militaire… autant dire que, cette année, l’armée malienne n’aura pas grand-chose à célébrer lors de la journée qui lui est dédiée.
Le traditionnel dépôt de gerbes de fleurs sur le monument du soldat inconnu et le discours d’hommages aux dizaines de soldats tués en juillet et en septembre (y compris des mercenaires russes) s’imposent particulièrement ce 20 janvier.
L’an dernier, après un 20-Janvier, marqué par un défilé militaire grandiose et une belle parade des aéronefs de l’Armée de l’Air, la junte au pouvoir avait annoncé, le 25 janvier, la "fin, avec effet immédiat", de l'accord d'Alger signé en 2015 avec les groupes indépendantistes du nord du pays, longtemps considéré comme essentiel pour stabiliser le pays. Les combats qui avaient recommencé depuis quelques mois, ont repris de plus belle.
Le Mali fait face à une rébellion ancienne des Touaregs qui vivent dans la moitié nord du pays et qui estiment être marginalisés par un pouvoir dominé par les Sudistes. Ils se sont plusieurs fois révoltés sans obtenir l’indépendance ou au moins l’autonomie espérée du nord du Mali. Des groupes à dominante touareg avaient repris les armes en 2012. Le conflit s’enlisant, des groupes islamistes radicaux ont fini par supplanter les indépendantistes et par prendre le contrôle de l’essentiel du nord du Mali, le conflit débordant sur le Burkina Faso et le Niger. Le gouvernement malien de l’époque avait réclamé une intervention militaire de la France, laquelle n’a pas permis de mettre fin au conflit. Pas plus que la signature de l’accord de 2015 avec les groupes rebelles. Des djihadistes ont continué à combattre l’État malien sous la bannière d’Al-Qaida ou de Daech. L’état de guerre n’a jamais véritablement cessé au nord du Mali.
Récemment, deux coups d’État successifs, en 2021 puis en mai 2022, ont abouti à un renversement d’alliance. La junte au pouvoir à Bamako a rompu avec Paris pour se tourner vers Moscou. Des soldats russes combattent aujourd’hui aux côtés de l’armée malienne. En marge des combats, les deux forces se rendent aussi coupables de massacres de civils qui ne font qu’accroître l’insécurité. De fait, la violence au Sahel n’a fait que progresser. Pas de quoi faire la fête ce 20 janvier 2025.
Ce lundi, la commémoration débute par une cérémonie officielle au camp militaire de Kati, en présence des membres de la junte, dont le président Assimi Goïtale, élevé au grade de général en octobre dernier et qui porte le titre de « président de la Transition ». La journée sera marquée par des défilés militaires des Forces armées maliennes (FAMa), lesquelles se composent d'une armée de terre, d’une armée de l'air, d’une garde nationale ainsi que d'une gendarmerie, soit en tout 13 000 hommes. Un effectif somme toute assez modeste pour tenir un territoire deux fois plus grand que la France.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 19 janvier 2025
Soldats maliens (photo Samuel Bendet)