23 janvier : Gandhi oublié, le nouveau héros de l’Inde porte l’uniforme
Pour son 125e anniversaire, Narendra Modi est spécialement rendu au Bengale pour rendre hommage au “grand homme”. En effet, chaque 23 janvier, on célèbre en Inde l’anniversaire de Netaji Subhas Chandra Bose, né en 1897. Ces dernières années, le culte a pris de l’ampleur au point, aujourd’hui, que dans l’Inde de Modi, la figure de Netaji est en train d’éclipser celles de Gandhi ou d’Amberkar. L’an dernier, le Jharkland, un État du nord de l’Inde, vient de déclarer le 23 janvier jour férié. C’est au Bengale dont Bose, alias Netaji (“chef respecté”), est originaire, que les cérémonies ont le plus d’importance. N. Modi vient d’annoncer que le 23 janvier serait désormais célébré au niveau de toute l’Union.
Vu d’Europe, le personnage Subhas Chandra Bose est très controversé. Ce militant nationaliste indien qui luttait contre la domination britannique de son pays avait réussi en 1940 à échapper à la surveillance des Anglais pour se rendre à Berlin, via Moscou, afin de réclamer l’aide de l’Allemagne nazie. Il fut accueilli chaleureusement par Himmler en avril 1941 et pu même rencontrer Hitler et envisager la création d’une Légion de SS indiens recrutée parmi les prisonniers de Rommel en Afrique. La politique du Führer lui importait peu, il était en quête d’une force militaire lui permettant de chasser les Anglais des Indes. Déçu que Hitler ait préféré attaquer l’URSS qui avait aussi les sympathies de Bose, lequel admirait tous les régimes autoritaires, il a demandé à rejoindre le Japon. Un sous-marin allemand va donc le conduire dans l’océan Indien où un sous-marin japonais l’attend. Il va participer à l’invasion de la Birmanie par l’armée japonaise. De là, avec quelques milliers d’hommes, il parvient à mettre un pied sur le sol indien et occupe pendant trois mois une petite ville du futur État de Manipur. Pour cela, les nationalistes indiens le célèbrent aujourd’hui comme le fondateur de l’armée indienne. La prise de la petite ville de Moirang a été la première (et unique) victoire d'Azad Hind Fauj, connue sous le nom d'Armée nationale indienne (INA) contre l'armée britannique en Inde. Le 14 avril 1943, pour la première fois le drapeau indien était hissé sur une terre indienne libérée des Anglais. En 1944, Subhas Chandra Bose forme un gouvernement provisoire établi dans les îles Andaman, sous occupation japonaise. Le 23 janvier 2018, Narendra Modi, le premier ministre de l’Inde, a renommé l’île de Ross, l’une des îles Andaman « Netaji Subhas Chandra Bose Dweep ». En 2019, le 23 janvier, Modi a inauguré à Delhi, un musée dédié exclusivement au légendaire combattant de la liberté et à son armée nationale indienne. On y expose notamment la chaise de Netaji lorsqu’il siégeait aux Andaman. Au Bengale, les enfants des écoles sont chaque année mobilisés pour des levés de drapeau. La maison natale de l’homme illustre est devenue un musée que Shinzo Abe, le très nationaliste premier ministre japonais, était venu visiter. C’est d’ailleurs à Tokyo, dans le temple Renkoji, que reposent les cendres de Netaji. En effet, le gouvernement provisoire indien n’a pas survécu à la débâcle japonaise et Subhas Chandra Bose est mort dans un accident d’avion en 1945, à Formose (Taiwan), encore sous occupation japonaise.
Au Bengale, on milite depuis longtemps pour que le Netaji’s Birthday soit déclaré Patriot’s Day à l’échelle de l’union indienne. Cette démarche est relayée par les courants nationalistes qui ont le vent en poupe depuis la victoire électorale de BJP. Au Maharastra, l’anniversaire de Bose coïncide avec celui de Bal Thackeray (1926-2012), un auteur de BD, admirateur déclaré d’Hitler, et fondateur d’un parti fascisant, le Shiv Senna. Ce puissant parti politique à l’échelle locale organise chaque 23 janvier une grande parade, couleur safran, dans les rues de Bombay. Cette année en raison de l’épidémie de covid, la parade sera virtuelle.
le tweet de Narendra Modi, ce 23 janvier
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 22 janvier 2021