28 mai : le Pakistan célèbre le jour où il est devenu une puissance nucléaire

 

C’était le 28 mai 1998, sur la base de Chagai, au Balouchistan, le gouvernement pakistanais dirigé par Nawaz Sharif, procédait à cinq essais nucléaires réussis. Le Pakistan répondait ainsi à une deuxième série d’explosions nucléaires opérée par l’Inde les 11 et 13 mai. Le Pakistan essuya quelques protestations, très formelles, de la par des Occidentaux. Étonnement, le pays n’a fait l’objet d’aucune sanction ni entraves depuis la mise en route de son programme nucléaire dans les années 1970. On ne peut pas dire que ce pays, qui a servi de refuge à Ben Laden, soit beaucoup plus rassurant pour les intérêts occidentaux que l’Iran. Ni que son opinion publique soient beaucoup plus tolérante à l’égard des modes de pensée autres qu’islamiste. Toujours est-il qu’il a été aidé techniquement par la Chine et financièrement par l’Arabie saoudite, autre protégé des États-Unis. Le but était de contrer l’Inde, qui était plutôt une cliente de l’URSS. Le Pakistan fut un outil des États-Unis dans sa lutte contre le communisme, d’où l’indulgence de Washington. Sauf qu’en 1998, l’URSS avait disparue depuis longtemps et que toute manière l’Inde n’a jamais été un satellite de Moscou et n’a jamais menacé l’Occident. Il a fallu le 11-Septembre pour que les Américains comprennent leur erreur. Un peu tard.

Le 28 mai 1998, le Pakistan est devenu la première puissance nucléaire du monde islamique et la septième au monde après les États-Unis, la Fédération de Russie (héritière de l’Union soviétique), la Grande-Bretagne, la France, la Chine et l'Inde. C’est cet événement majeur que les Pakistanais célèbrent chaque 28 mai par un cri de guerre : Youm-e-Takbir !  C’est aujourd’hui la Journée de la grandeur ou  Youm-e-Takbir ( یوم تکبیر‎ ) au Pakistan. Une occasion pour des discours patriotiques, des menaces à l’égard des voisins, des défilés militaires, remises de médailles… Chaque année, c’est l’occasion de rendre hommage à Abdul Qadeer Khan, le scientifique honoré du titre de « père de la bombe pakistanaise ». Quant au premier ministre de l’époque,  Nawaz Sharif, emprisonné un temps pour corruption, il est célébré par les membres de son parti, la Ligue musulmane, dans l’opposition depuis 2018. S’il est l’auteur des essais, il n’est n’est pas l’initiateur du programme nucléaire pakistanais. Celui-ci a été lancé par Zulfiqar Ali Bhutto après la défaite de 1971 face à son voisin et surtout en réaction au programme nucléaire de l’Inde dont le premier essai remonte à 1974. Au lendemain du 28 mai 1998, les responsables iraniens se sont tournés vers la France pour qu’elle poursuive son aide à un programme nucléaire qu’elle avait initiée. En vain, on sait avec quelle véhémence les États-Unis se sont opposés à une telle idée, à laquelle de toute manière la France n’aurait pas cédé tant que ce pays demeure une théocratie. Le programme nucléaire du Pakistan, pays dont la connivence avec le terrorisme islamiste n’est plus à démontrer, n’a jamais été l’objet d’un débat international si on le compare à celui qui hystérise le monde à propos de l’Iran. Depuis la région s’est dotée d’une autre puissance nucléaire, en toute discrétion et dans l’illégalité, celle d’Israël. Un autre non sujet de l’actualité internationale.

 
En vignette, apparaissent Abdul Qadeer Khan, le père de la bombe et Nawaz Sharif, l’auteur des essais

En vignette, apparaissent Abdul Qadeer Khan, le père de la bombe et Nawaz Sharif, l’auteur des essais

Des militantes de la Ligue musulmane rendant hommage à Nawaz Sharif, l’auteur des essais nucléaires

Des militantes de la Ligue musulmane rendant hommage à Nawaz Sharif, l’auteur des essais nucléaires

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