15 janvier : Chilembwe, le héros du Malawi
Chaque 15 janvier, le Malawi rend hommage à l'un des premiers Africains à s'être battu contre les injustices coloniales. En janvier 1915, alors que son pays s’appelait de Nyasaland, le pasteur baptiste John Chilembwe avait lancé une révolte contre la colonisation anglaise, mais contrairement à ses attentes la population ne s’est pas levée en masse contre l’occupant, certains de ses lieutenants ont fait défection. La loi martiale est instaurée et la répression, féroce, menée notamment par une milice de colons, la Nyasaland Volunteer Reserve, contraint Chilembwe à fuir vers ce qui est aujourd’hui le Mozambique. La plupart des rebelles sont exécutés sans procès et Chilembwe est abattu le 3 février 1915.
Cette première révolte du futur Malawi a échoué car elle a été lancée à une époque où le discours anti-colonial était encore balbutiant, mais John Chilembwe n’a pas été sans héritier. Il a inspiré de nombreux militants de la cause des Noirs comme le jamaïcain Marcus Garvey, le penseur panafricain qui fera carrière aux États-Unis ou John Langalibalele Dube, lefondateur de ce qui est devenu l'African National Congress (ANC) en Afrique du Sud.
Lui-même, John Chilembwe que l’on honore aujourd’hui au Malawi, a été influencé par le missionnaire britannique Joseph Booth qui voulait rendre l’Afrique aux Africains. Chilembwe est devenu l'un des premiers protégés de Booth, et tous deux se sont rendus aux États-Unis, où Chliemwe a étudié la théologie en Virginie. Pendant son séjour aux États-Unis, il a été témoin des luttes des Afro-Américains dans les années qui ont suivi l'abolition de l'esclavage. De retour au Malawi, Chilembwe, devenu pasteur a travaillé à l'établissement d'une mission à Chiradzulu. Il a construit une église en briques, plusieurs écoles et planté des cultures de coton, de thé et de café, avec le soutien financier de la National Baptist Convention.
Mais, le pasteur Chilembwe s’est heurté à l’obscurantisme des grands propriétaires terrien anglais, en particulier, William Jervis Livingstone (un cousin de l’explorateur David Livingstone), qui détruisit les écoles construites par Chilembwe. Le Nyassaland était un protectorat britannique depuis 1907, les colons britanniques s’approprièrent massivement les terres communautaires, forçant les autochtones à travailler gratuitement pour eux. L’idée d’éduquer la population leur était insupportable. C’est dans ce contexte qu’est née la révolte de janvier 1915. Un soulèvement violent comme l’était le système mis en place par les Anglais. William Jervis Livingstone sera tué et décapité, plusieurs fermes de colons incendiées. Le 24 janvier, John Chilembwe dirige un service religieux dans l’église de sa mission, à l’extérieur de laquelle la tête de Livingstone est exhibée, empalée sur un poteau… mais la révolte échoua et le révérend sera tué par les autorités.
Le Malawi n’obtiendra son indépendance qu’un demi-siècle plus tard, 1964. Il a fait de John Chilembwe (1871-1915) un de ses héros et du 15 janvier un jour férié et chômé, le John Chilembwe Day. Au Malawi, des rues portent son nom, il figure sur des timbres et des billets de banque. Même les Britanniques ont fini par lui rendre hommage : sa statue, une œuvre de l’artiste malawien de Samson Kambalu, a été exposée de 2022 à 2024 sur le quatrième socle de Trafalgar Square, au cœur de Londres, qui accueille temporairement des œuvres d’art contemporaines depuis 1998.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 15 janvier 2025