23 février : une date qui fait toujours frémir en Espagne
Chaque année la date du 23 février est toujours évoquée avec un certain frisson en Espagne où elle est connue sous l’appellation de 23-F. Chaque décennie, elle fait l’objet d’une commémoration plus importante. Dans un contexte de résurgence des idées franquistes, incarnées par le parti politique Vox (12% des voix en 2023 et 33 députés sur 350), son souvenir est toujours bien vivant.
C’est l’anniversaire de la tentative de coup d’État du 23 février 1981, marquée par une intrusion armée en pleine chambre des députés (Congreso de los Diputados) sous les caméras de la télévision espagnole. C’est le jour de l’investiture de Leopoldo Calvo-Sotelo qui succédait alors à Adolfo Suarez au poste de premier ministre. L’idée des putschistes était de profiter de l’intervalle politique pour mettre en place un autre régime, à tendance militariste et franquiste.
Ce n’est pas un hasard, si c’est un 23 février que la toute dernière statue du dictateur Francisco Franco encore présente dans l’espace public espagnol a été retirée de la ville de Melilla, une enclave située au nord du Maroc. C’était à l’occasion du 40e anniversaire du putsch manqué. Localement, Vox avait voté contre et le Parti populaire (conservateur) s’était abstenu. La statue avait été érigée en 1978, trois ans seulement avant la mort du dictateur en hommage au rôle du général Franco dans la guerre du Rif (les rebelles berbères à la colonisation espagnole avaient été matés à l’aide de gaz de combat !).
Une loi votée en 2007 sous le gouvernement du socialiste José Luis Rodríguez Zapatero oblige les mairies à retirer de l’espace public les symboles faisant l’apologie de la dictature ou du camp franquiste pendant la guerre civile. De nombreuses administrations locales de droite ont mis des années avant de l’appliquer.
Le 23-F avait rendu très populaire le jeune roi Juan Carlos, présenté en sauveur de la démocratie espagnole. On raconte qu’il avait appelé l’un après l’autre, les généraux de l’armée espagnole pour les convaincre de rester fidèles au régime. Les convaincre ou tester leur position face à l’événement ? Le doute persiste quant à l’implication du jeune monarque choisi par Franco pour lui succéder. Était-il au courant de ce qui se tramait et comptait-il en profiter, comme l’affirme le lieutenant-colonel Antonio Tejero, l’homme à la moustache et au tricorne qui est monté à la tribune de l’Assemblée nationale pour menacer les députés ? L’homme est toujours en vie et, après quelques années de prison, évolue dans les milieux franquistes. Il était là pour protester quand, en 2018, la dépouille de Franco a été déterrée de sa sépulture officielle pour être transférée dans le caveau privé de sa famille.
L’Espagne tourne laborieusement la page de la dictature. La monarchie n’est plus que le dernier héritage. La dernière commémoration d’envergure du F-23 a eu lieu en 2021, l’ancien roi Juan Carlos brillait par son absence.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 23 février 2025
Commémoration sur les marches du Congrès des députés (Congreso de los Diputados) du 30e anniversaire du coup d'État manqué. Au premier rang, au centre, le président des Cortes de l'époque, José Bono . À sa gauche, le président du gouvernement, également socialiste José Luis Rodríguez Zapatero. À sa droite, le leader du PP, Mariano Rajoy . À l'extrême gauche de la première rangée se trouvent Felipe González , Santiago Carrillo et Miquel Roca, députés de la législature pendant laquelle a eu lieu l'agression de Tejero. (photo du gouvernement espagnol, 23 février 2011)