Démonstration de force algérienne à la frontière marocaine
Au début de cette semaine l’Algérie a opéré de spectaculaires manœuvres militaires dans la région de Tindouf. Un territoire revendiqué par le Maroc et qui abrite d’importantes populations sahraouies auxquelles Alger a donné refuge après l’occupation du Sahara occidental par l’armée marocaine en 1975. L’Algérie qui dispose, de loin, de l’armée la plus importante de la région, entend maintenir la pression sur un conflit vieux de 45 ans.
Les autorités algériennes sont à cran depuis le deal opéré par le Maroc à la fin de l’année dernière : le roi du Maroc, sans consulter son peuple, a réussi un coup de maître diplomatique. Le rétablissement des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, lui a valu en retour, la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté du Maroc sur la portion du Sahara qu’il occupe dans reconnaissance internationale. Ce qui a été qualifié de « deal du siècle pour le Maroc » a bien sûr été parrainé par le président Trump. Une volte face risquée politiquement car l’opinion publique marocaine a du mal à admettre cet abandon de la cause palestinienne contre un soutien américain dans le dossier du Sahara.
Une opération dangereuse également car elle a provoqué les foudres de la principale puissance militaire de la région, le voisin algérien. D’autant, qu’une évolution politique majeure s’est opérée discrètement le 1er novembre dernier en Algérie. Le fameux référendum sur une nouvelle constitution, organisée par le gouvernement algérien pour conforter son pouvoir n’a été analysée qu’en matière de politique intérieure. Ce fut en effet un demi échec pour Alger tant la participation a été faible. Cette constitution n’offrait pas les réforme politiques attendues par le peuple algérien, mais elle contenait néanmoins une évolution majeure : pour la première fois depuis 1962, la loi fondamentale autorise « l’envoi d’unités de l’armée nationale populaire à l’étranger » (article 91 de la nouvelle constitution). Jusque-là, la constitution n’autorisait pas l’armée algérienne à opérer hors de ses frontières. Sans la moindre médiatisation, l’Algérie abandonne sa tradition non-interventionniste qui était la marque de fabrique de la diplomatie algérienne depuis l’indépendance du pays.
Certes, cette inflexion doctrinale est surtout motivée par ce qui se passe depuis quelques années à sa frontière orientale, en Libye et sur son flanc méridional, au Sahel, et des dangers que cela représente pour l’Algérie à qui on a reproché de ne pas s’impliquer plus dans la stabilisation de la région. Mais cette nouvelle donne géostratégique va inévitablement peser dans le conflit latent qui l’oppose au Maroc à sa frontière occidentale. Les manœuvres aéroterrestres, assorties d’exercices tactiques à tirs réels de missiles, dont les images ont été complaisamment diffusées par la télévision publique algérienne depuis dimanche, sont là pour en convaincre les observateurs de tous bords.
Pour un point sur la situation de l’Algérie, lire : Géopolitique de l’Algérie de Kader A. Abderrahim
La Maroc célèbre sa Marche verte, l'acte de conquête de son Sahara
Pour la 44e fois, comme à chaque 6 novembre, le roi prononce un discours à l’occasion de l’anniversaire de la Marche verte, célébrée comme une étape marquante de l'histoire du royaume. Pour s’imposer sur le Sahara occidental dont le colonisateur espagnol était en train de se retirer, le roi Hassan II avait organisé un coup de force pacifiste : le déferlement sur ce territoire de quelque 350 000 civils, sans armes, le 6 novembre 1975. Le territoire demeure contesté au regarde du droit international, mais peu à peu la stratégie marocaine s’avère gagnante. Ce 6 novembre, son fils et successeur, le roi Mohammed VI s’est félicité que 163 États ne reconnaissent pas la RASD et que les accords d’associations du royaume avec ses partenaires consacrent pleinement la présence du Maroc au Sahara. La teneur de la résolution 2492, adoptée le 30 octobre 2019 par le Conseil de sécurité par 13 voix pour et les abstentions de l’Afrique du sud et de la Russie. Un texte accueilli avec une grande déception en Algérie et dans les rangs du Polisario.
En effet, le coup de bluff a formidablement réussi : le territoire est aujourd’hui intégré au royaume du Maroc, au moins officieusement, et plus le temps passe plus s’amenuise le risque que cette annexion unilatérale soit remise en question. Mais, quel coût ! Depuis plusieurs décennies l’économie du Maroc entretient à grand frais des forces d’occupation et des transferts massifs d’argents destinés à acheter la paix sociale sur le territoire. Quel coût politique aussi ! Puisque que cet argument patriotique a permis à la monarchie d’établir un régime autoritaire qui n’a connu que de récents aménagements à la faveur du printemps arabe.
Pour en savoir plus sur ce pays, lire : Géopolitique du Maroc de Kader Abderrahim
Nouvel accord de pêche Maroc-UE incluant le Sahara occidental
Cet accord de pêche UE-Maroc signé le 12 février 2019 permet aux navires de 11 États de l'UE d'accéder à la « zone de pêche marocaine » en échange d'une contribution économique. Cette zone comprend les eaux adjacentes du Sahara occidental où se font plus de 90% des captures de la flotte européenne.
L’accord précédent avait été invalidé par la justice européenne en avril 2018, sous prétexte qu’il ne prenait pas en compte le Sahara occidental. Selon la diplomatie marocaine, cet accord confirme que le Maroc est « le seul habilité juridiquement, dans le cadre de l’exercice de sa souveraineté, à négocier et signer des accords incluant le Sahara Marocain ».
Le Front Polisario « considéré comme le représentant du peuple du Sahara occidental par les Nations unies et partie au processus de paix, n'a pas souhaité participer à la consultation », a fait part de son « opposition de principe » au cours de discussions techniques. Les Européens optant pour une position pragmatique, plus que juridique, n’en ont pas tenu compte.
Lire la Géopolitique du Maroc par Kader A. Abderrrahim
Le premier TGV d'Afrique est inauguré au Maroc
Cette ligne à grande vitesse présentée comme la plus rapide d'Afrique, reliera Casablanca à Tanger en 2h10 au lieu de 4h45 actuellement. Emblème d’une coopération franco-marocain, ce TGV est inauguré le 15 novembre en présence du roi du Maroc et du président Macron. Gageons qu’il ne sera pas aussi le symbole d’un Maroc à deux vitesses.
Pour en savoir plus lire notre : Géopolitique du Maroc par Kader Abderrahim
Le Maroc propose un dialogue direct et franc à Alger
Cette proposition va-t-elle avoir un écho ? Sachant que la frontière entre l'Algérie et le Maroc est totalement fermée depuis 1994, et que la dernière rencontre entre les chefs d'État algérien et marocain remonte à 2005.
L’allocution royale du 6 novembre 2018 coïncide avec le 60e anniversaire de la conférence de Tanger – qui avait vu les mouvements de libération du Maroc, d’Algérie et de Tunisie se prononcer pour l’unité du Maghreb – et avec les 43 ans de la « Marche verte » : le 6 novembre 1975, 350 000 Marocains entreprenaient à l’appel de leur roi de marcher de sur le Sahara occidental, à l’époque sous occupation espagnole, au nom de l’appartenance de ce territoire au Maroc.
à lire dans la Géopolitique du Maroc de Kader A. Abderrahim