L’Almanach international

Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde

Bruno Teissier Bruno Teissier

4 février : le souvenir de la toute première abolition de l’esclavage

Le 4 février aurait pu être la première commémoration mémorielle de la France moderne et avoir un écho international. En 1794, pour la première fois dans l'Histoire, la Convention nationale française proclamait l'abolition de l'esclavage… celui-ci sera rétabli huit ans plus tard. Un rassemblement est néanmoins prévu ce soir à Paris.

 

On célèbre aujourd’hui à Paris, le 231e anniversaire de l'abolition de l'esclavage. Pour la onzième fois, un rassemblement est organisé ce soir à 18h sur la place du Général-Catroux, Paris 17e.

Le 4-Février aurait pu être la première commémoration mémorielle de la France moderne et avoir un écho international. Le 4 février 1794, pour la première fois dans l'Histoire, la Convention nationale française proclamait l'abolition de l'esclavage, près de quatre ans après l'adoption par l'Assemblée de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le 4 février 1798, Pierre Thomany, un député de Saint-Domingue, descendant d’esclaves, proposait que ce 4 février devienne officiellement une journée de fête nationale dans les colonies. Il n’en sera rien.

En 1801, Toussaint Louverture, pris par son élan émancipateur, choisit le 4 février pour envahir la partie espagnole de Saint-Domingue et y proclamer la liberté générale. Cette audace allait sceller son destin. L’année suivante, le 4 février, une expédition chargée par Bonaparte de rétablir l’esclavage se présenta devant Port-au-Prince. Toussaint sera arrêté et déporté… Mais un premier État noir décolonisé naîtra tout de même le 1er janvier 1804, sous le nom d’Haïti. Cela restera une exception historique.

Le 20 mai 1802, Bonaparte qui avait pris le pouvoir le 9 novembre 1799 (coup d’État du 18 brumaire) décidait de maintenir de l’esclavage là où il n’avait pas été aboli : en Martinique, rendue par les Anglais, ainsi que dans l’océan Indien (Maurice et Réunion), où les colons avaient refusé le décret de 1794. Il agissait sous l’influence du milieu colonial entourant son épouse, Joséphine, elle-même issue d’une famille de planteur esclavagiste. En Guadeloupe, l’esclavage aboli en 1794 sera rétabli par les armes, suite à un arrêté du 16 juillet 1802, malgré la résistance des officiers antillais Ignace et Delgrès. La Guyane a connu le même sort.

Ainsi la République française, désormais conduite par le jeune et ambitieux général, effaçait la date du 4 février de la mémoire nationale. La France, pays des droits de l’homme et du citoyen, aurait pu rester dans l’Histoire comme le premier pays à avoir éradiqué l’esclavage, est en fait le seul à l’avoir rétabli. C’est Claude Ribbe et l'association des Amis du général Dumas, en 2014, qui ont ranimé le souvenir du 4 février. Le rassemblement de ce soir est le onzième.

On le sait, l'esclavage ne sera aboli définitivement dans les colonies françaises que par le décret du 27 avril 1848, adopté par le Gouvernement provisoire de la Deuxième République sous l'impulsion du député Victor Schœlcher. Chaque DOM ou TOM célèbre l’événement à des dates diverses, le 22 mai en Martinique ; le 27 mai en Guadeloupe, le 20 décembre à la Réunion, le 10 juin en Guyane... Et, arbitrairement, le 10 mai par la République française. Un floue mémoriel qui s’explique par les cafouillages de l’Histoire l’abolition dans l’espace colonial français.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 4 février 2025

Portrait de Jean-Baptiste Belley (1747-1805), représentant de Saint Domingue en 1797, Membre de la Convention et député aux Cinq-Cents. Ce portrait peint par Anne-Louis Girodet (1822) est la première représentation d'un homme noir dans la position d'un législateur occidental. Jean-Baptiste Belley s'appuie sur le piédestal du buste en marbre de l'abbé Guillaume Thomas François Raynal, sculpté par Espercieux.

 
Lire la suite
1848, Abolition de l'esclavage, 20 décembre Bruno Teissier 1848, Abolition de l'esclavage, 20 décembre Bruno Teissier

20 décembre : la fête cafre célèbre la liberté des Réunionnais

L’île de la Réunion résonne depuis hier soir des rythmes du maloya, cette musique créée par les esclaves et quasiment interdite jusqu’aux années 1960. La Fête de la liberté commémore l’abolition de l’esclavage, le 20 décembre 1848.

 

L’île de la Réunion résonne depuis hier soir des rythmes du maloya, cette musique créée par les esclaves et quasiment interdite jusqu’aux années 1960. La Fête de la liberté commémore l’abolition de l’esclavage, le 20 décembre 1848. Il était déjà aboli depuis 1834 dans les îles voisines de Maurice et des Seychelles. À la Réunion, cette loi a été attendue pendant des décennies. Ce jour-là, un 20 décembre (20 désanm) donc, 62 000 esclaves ont été libérés, soit plus de 60% de la population de la Réunion. Leur premier geste a été d’abattre le poteau où ils étaient fouettés en public sur la place du marché de Saint-Denis, la capitale de l’île. Cette date n’est fériée à la Réunion que depuis 1983 et la fête Cafre (fèt kaf) est récente.  

Ce soir, la Nuit de la liberté sera marquée par un grand défilé aux flambeaux descendant la rue de Paris, à Saint-Denis. Chaque localité de l’île a prévu un kabar, grands bals populaires où s’exprime le maloya, musique dont le Parti communiste réunionnais a fait depuis les années 1970, un chant identitaire et revendicatif. Depuis 2006, il est inscrit au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité. 

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 19 décembre 2022

 
Pour nous aider à faire vivre l’Almanach BiblioMonde, pensez à un petit don de temps en temps, vous pouvez le faire sur Tipeee
Lire la suite